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14/11/2007 | FRANCE | N°06/00740

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre civile 2, 14 novembre 2007, 06/00740


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le : 14 Novembre 2007

DEUXIÈME CHAMBRE

No de rôle : 06 / 00740

Maître Laurence X...

c /

S. A. SOFIM

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Le 14 Novembre 2007

Par Mons

ieur Philippe LEGRAS, Conseiller,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, DEUXIÈME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :

Maître Laurence X..., agissant ès-...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

Le : 14 Novembre 2007

DEUXIÈME CHAMBRE

No de rôle : 06 / 00740

Maître Laurence X...

c /

S. A. SOFIM

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Le 14 Novembre 2007

Par Monsieur Philippe LEGRAS, Conseiller,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, DEUXIÈME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :

Maître Laurence X..., agissant ès-qualités de liquidateur à la Liquidation Judiciaire de la SA EPARGNE CONSTRUCTION LOISIRS, demeurant ...-92000 NANTERRE

représenté par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL et JAUBERT, avoués à la Cour et assisté de Maître BEAULIEU, avocat au barreau des HAUTS-DE SEINE

appelant d'un jugement (R. G. 1992F0095) rendu le 16 janvier 2006 par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 10 février 2006,

à :

S. A. SOFIM, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis C / O TRIMEDIA NETWORKS-166 boulevard du Montparnasse-75014 PARIS

représentée par la SCP BOYREAU ET MONROUX, avoués à la Cour et assistée de Maître Emmanuel GRAVELLIER de la SCP GRAVELLIER et LIEF, avocat au barreau de BORDEAUX

intimée,

rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue le 03 octobre 2007 devant :

Monsieur Jean-François BOUGON, Président,
Monsieur Bernard ORS, Conseiller,
Monsieur Philippe LEGRAS, Conseiller,
Madame Véronique SAIGE, Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.

Aux termes d'un protocole d'accord du 5 novembre 1990 la SA EPARGNE CONSTRUCTION LOISIRS, exploitant un fonds de commerce de construction de maisons individuelles en kit à NANTERRE (92), s'engageait à faire l'acquisition auprès de la SA SOFIM, holding ayant son siège à MERIGNAC, de la totalité ou de la majorité des parts sociales des sociétés de son groupe, ayant un objet identique au sien, soit la SA MKSO, la SA BATIKIT, la SA MIDIKIT, la SARL BATIKIT PYRENEES et la SARL BATIKIT BAYONNE, ce pour le prix de 12. 000. 000 francs convenu à partie des éléments communiqués par le cédant soit les comptes des sociétés au 31 décembre 1989 et les prévisions de résultat de l'année 1990, annexés au protocole.

Les parties ayant par la suite constaté que les objectifs atteints en 1990 ou susceptibles d'être atteints en 1991 se révélaient inférieurs à ceux fixés, et la situation comptable et financière au 31 décembre 1990 des sociétés cédées étant inférieure à celle résultant de la situation intercalaire au 30 septembre 1990 et aux projections ou estimations lors de la cession, décidaient de ramener le prix d'achat des parts sociales à 10. 000. 000 francs, ce aux termes d'un accord de révision du 13 février 1991.

Sur la base de travaux d'audit ayant révélé des discordances avec les chiffres figurant au bilan de l'exercice 1989 et aux comptes prévisionnels pour 1990 la SA EPARGNE CONSTRUCTION LOISIRS devait engager diverses procédures civiles et pénales destinées à faire prononcer la nullité du protocole du 5 novembre 1990 et à obtenir condamnation du Président du conseil d'administration de la SA SOFIM ainsi que de l'expert-comptable et du commissaire aux comptes.

C'est ainsi que par actes des 13 décembre 1991 et 25 novembre 1994 elle faisait assigner la SA SOFIM devant le tribunal de commerce de BORDEAUX aux fins de voir prononcer la nullité de l'acte du 5 novembre 1990 et de son avenant du 13 février 1991 et de voir condamner la SA SOFIM à lui payer la somme de 1. 524. 490,10 € (10. 000. 000 francs) outre intérêts de droit à compter du 13 décembre 1991 et celle de 457. 000 € de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la recherche et du contrôle de pièces financières et comptables et occasionnés par la gestion de sociétés qui se sont toutes révélées en difficulté. Subsidiairement elle concluait à l'organisation d'une expertise portant sur le caractère fictif ou non de la vente partielle de fonds de commerce intervenue entre les sociétés BATIKIT et BATIKIT BAYONNE.

La SA EPARGNE CONSTRUCTION LOISIRS était, par jugement du tribunal de commerce de NANTERRE du 29 novembre 1998, déclarée en liquidation judiciaire, Maître Laurence X... étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement contradictoire du 16 janvier 2006 le tribunal a dit irrecevable l'action de la SA EPARGNE CONSTRUCTION LOISIRS et l'a déboutée de toutes ses demandes, a condamné Maître X... es qualités à 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a débouté la SA SOFIM de sa demande en dommages-intérêts.

Maître Laurence X... a, es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA EPARGNE CONSTRUCTION LOISIRS, interjeté appel de ce jugement le 10 février 2006. Par uniques écritures du 9 juin 2006 elle conclut à l'infirmation du jugement en reprenant à l'identique ses demandes de première instance tant principale que subsidiaire. Elle demande d'autre part 10. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA SOFIM, intimée et appelante incidente, a conclu le 11 octobre 2006 à l'irrecevabilité de l'appel, subsidiairement à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu l'irrecevabilité de la SA EPARGNE CONSTRUCTION LOISIRS en son action et à sa réformation en ce qu'il soit fait droit à sa demande de condamnation de celle-ci à lui payer 15. 000 € de dommages-intérêts. Elle demande enfin 8. 000 € au titre des frais irrépétibles.

M O T I F S E T D E C I S I O N

Attendu que l'intimée, concluant à titre principal à l'irrecevabilité de l'appel de Maître X... es qualités, n'explicite pas en quoi cet appel serait irrecevable ;

attendu, au fond, que le protocole d'accord du 5 novembre 1990 a été suivi le 13 février 1991 d'un acte qualifié par l'appelante d'avenant et intitulé accord de révision conventionnelle mais s'analysant comme une transaction au sens de l'article 2044 du Code civil dès lors que les parties y ont expressément déclaré " se désister définitivement de toute contestation, revendication, recours ou instance de quelque nature que ce soit se rapportant aux protocoles, conventions, actes, pièces et documents divers signés par elle relatifs aux cessions et au mode de calcul et aux bases retenues pour déterminer le montant de la révision intervenue " ;

que la réciprocité des concessions résultait, en ce qui concerne la SA EPARGNE CONSTRUCTION LOISIRS, d'une diminution du prix d'acquisition de 2. 000. 000 francs, contrepartie non négligeable à une renonciation à tout recours, l'acquéreur s'estimant, dans l'acte, " pleinement rempli de ses droits et compensé, par la révision du prix intervenue, du préjudice résultant de la non conformité des estimations initialement communiquées avec la situation des sociétés à la date des présentes " ;

que se rapportant au protocole d'accord du 5 novembre 1990 cette transaction, ici destinée à prévenir une contestation à naître, a conformément à l'article 2052 du Code civil autorité de chose jugée entre les parties, ce qui justifierait la décision des premiers juges disant l'action de la SA EPARGNE CONSTRUCTION LOISIRS, en fait celle de Maître X... es qualités, irrecevable ;

attendu cependant qu'une transaction peut toujours être rescindée pour dol (article 2053 du Code civil), les éléments dolosifs à examiner devant en avoir déterminé la signature ;

attendu qu'en l'espèce l'appelante vise des manoeuvres dolosives ayant consisté de la part de la SA SOFIM pour les sociétés de son groupe en l'utilisation pour la tenue des comptes annuels d'une méthode comptable irrégulière, la comptabilisation des ventes de maisons étant effectuée avec une anticipation de plusieurs semaines voire de plusieurs mois par rapport à la date de réception des constructions ;

que l'appelante fait valoir que cette méthode, contraire au plan comptable, contribuait à donner une image infidèle aux comptes sociaux et, en l'espèce, se traduisait par le gonflement artificiel des résultats de l'exercice 1989 des sociétés achetées, l'intimée répliquant qu'il s'agissait d'une méthode comptable largement tolérée dans le secteur de la maison individuelle et que cette comptabilisation correspondait aux dépenses engagées ;

mais attendu qu'en toute hypothèse il sera retenu que ce mode de comptabilisation était pratiqué depuis plusieurs années (ainsi que cela se trouve confirmé par les observations du commissaire aux comptes de la SA BATIKIT relatives aux comptes des exercices 1983 et 1984 citées par l'appelante), que la notion de présentation de comptes annuels inexacts pour dissimuler la situation de la société a été écartée en ce qui concerne la SA BATIKIT, la SARL BATIKIT BAYONNE et l'exercice 1989 du fait de la relaxe de Régis A..., président du conseil d'administration des sociétés anonymes du groupe, par l'arrêt de cette cour chambre correctionnelle du 16 janvier 2004 et que le responsable de la SA EPARGNE CONSTRUCTION LOISIRS, Monsieur B..., Président du conseil d'administration des sociétés du groupe SOFIM depuis le 30 novembre 1990, qui déclarait dans l'acte du 13 février 1991 " avoir une parfaite connaissance de la situation commerciale et financière des sociétés cédées à la date de ce jour " et à l'égard de qui il a été jugé par la cour de céans dans son arrêt du 16 janvier 2004 qu'il n'était pas établi qu'il avait été empêché de prendre connaissance de la comptabilité des sociétés cédées entre novembre 1990 et février 1991, ne pouvait qu'en être informé par la consultation des comptes sociaux ;

attendu que l'appelante vise une autre manoeuvre dolosive ayant consisté dans l'existence d'une vente fictive ayant fait l'objet d'une comptabilisation anticipée dans les comptes de l'exercice 1989 ;

qu'il s'agit de la vente pour 1. 080. 832 francs du fonds de commerce de la SA BATIKIT à la SARL BATIKIT BAYONNE selon compromis du 1er septembre 1989 conclu sous la condition suspensive de son approbation par l'assemblée générale des actionnaires de la SA BATIKIT, l'appelante faisant valoir :

-d'une part que cette vente était purement fictive dès lors que la cession intervenait à hauteur d'1. 000. 000 francs pour les éléments incorporels et de 80. 832 francs pour les éléments corporels et que les éléments incorporels soit la clientèle, l'achalandage et le nom commercial ne pouvaient être valorisés à cette hauteur dans une activité où la clientèle, élément essentiel, n'est pas répétitive ;

-d'autre part que cette vente a été comptabilisée dans les comptes de l'exercice 1989 pour la somme d'1. 080. 832 francs alors que l'assemblée générale des actionnaires de la SA BATIKIT ne s'est tenue que le 31 août 1990 et qu'elle n'a été effectivement conclue que le 13 décembre 1990 en sorte qu'elle n'aurait du être comptabilisée que dans les comptes de l'exercice 1990, le résultat ayant été là encore le gonflement artificiel des résultats de la SA BATIKIT ;

mais attendu qu'il sera ici retenu :

-que dans son arrêt précité du 16 janvier 2004 la cour de céans a jugé qu'il n'était pas établi que le fonds de commerce cédé le 1er septembre 1989 ait été dépourvu d'une valeur proche de celle à laquelle il avait été estimé par l'expert-comptable C..., soit 1. 683. 000 francs, ce qui clôt le débat relatif à la fictivité de la vente, la critique du rapport d'expertise C... n'étant plus d'actualité ;

-que le fait du non paiement du prix ou d'un transfert de charges de 150. 000 francs du fait d'un événement survenu en 1992 (dépôt de bilan de la SARL BATIKIT BAYONNE) soit un an après la transaction ne peut être pris en compte ;

-que l'observation de l'intimée selon laquelle, du fait qu'elle acquérait à la fois la SA BATIKIT à hauteur de 100 % du capital et la SARL BATIKIT BAYONNE à hauteur de 90 %, la SA EPARGNE CONSTRUCTION LOISIRS ne devait subir aucun préjudice conserve son intérêt ;

-qu'en admettant que le représentant de cette société n'ait pas été à même par la consultation des comptes d'appréhender l'anticipation de cette vente l'intention dolosive ne peut avoir résulté d'une décision arrêtée en 1989 et destinée, selon l'appelante elle-même, à équilibrer les comptes de cet exercice ;

-qu'au demeurant l'expert C... confirmait (courrier du 16-septembre 2002 au conseil de l'intimée) que " tous les renseignements relatifs à la cession anticipée figuraient dans l'annexe aux comptes 1989 " ;

attendu que l'appelante entend voir dans les circonstances générales dans lesquels les accords ont été conclus (pressions de la SA SOFIM pour une signature rapide et sans audit préalable, concrétisée notamment par un courrier de A... à B... du 19 octobre 1990) un contexte favorable au dol, cependant celui-ci n'est pas constitué et par ailleurs l'absence d'un audit qui aurait retardé la conclusion des accords est expliquée par l'intimée par un contexte particulièrement concurrentiel dont le principe n'est pas contesté ;

attendu en conséquence que l'appelante sera déboutée ;

attendu que l'intimée réitère de première instance sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive, cependant aucun abus n'est démontré qui ne peut avoir consisté pour une partie à tenter de faire établir des droits qu'elle pense légitimes ni à exercer une voie de recours légale et il n'est pas davantage justifié d'un préjudice ;

attendu par suite que le jugement déféré sera confirmé ;

que l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile accordée par les premiers juges paraît suffisante à couvrir les débours exposés par l'intimée à l'occasion des deux instances.

P A R C E S M O T I F S

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

– DECLARE l'appel principal recevable,

– CONFIRME le jugement,

– DEBOUTE Maître X... es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA EPARGNE CONSTRUCTION LOISIRS de ses demandes,

– DEBOUTE la SA SOFIM de sa demande en dommages-intérêts et de sa demande d'indemnité supplémentaire sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

– CONDAMNE Maître X... es qualités aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP d'avoués BOYREAU et MONROUX.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-François BOUGON, Président, et par Madame Véronique SAIGE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 06/00740
Date de la décision : 14/11/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Bordeaux, 16 janvier 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2007-11-14;06.00740 ?
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