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31/10/2007 | FRANCE | N°06/002721

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0044, 31 octobre 2007, 06/002721


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le : 31 Octobre 2007

DEUXIÈME CHAMBRE

No de rôle : 06 / 02721

Monsieur Joseph X...

c /

Maître Serge Y...

Nature de la décision : AU FOND

Notifié le :

Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Le 31 Octobre 2007

Par Monsieur Philippe LEGRAS, Con

seiller,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, DEUXIÈME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :

Monsieur Joseph X..., né le 03 Février 1955 à TRICA...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

Le : 31 Octobre 2007

DEUXIÈME CHAMBRE

No de rôle : 06 / 02721

Monsieur Joseph X...

c /

Maître Serge Y...

Nature de la décision : AU FOND

Notifié le :

Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Le 31 Octobre 2007

Par Monsieur Philippe LEGRAS, Conseiller,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, DEUXIÈME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :

Monsieur Joseph X..., né le 03 Février 1955 à TRICARICO (ITALIE), demeurant...-98000 MONACO

représenté par Maître Patrick LE BARAZER, avoué à la Cour
et assisté de Maître Michel DUBLANCHE, avocat au barreau de TOULOUSE

appelant d'un jugement (R.G. 2005 F 190) rendu le 19 avril 2006 par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 24 mai 2006,

à :

Maître Serge Y..., ès-qualités d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire de la S.A.R.L. TECHNIQUE CONSTRUCTION BOIS, demeurant ...

représenté par la SCP LABORY-MOUSSIE et ANDOUARD, avoués à la Cour et assisté de Maître TRASSARD de la SCP GUIGNARD, GARCIA, TRASSARD, avocat au barreau de BORDEAUX

intimé,

rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue le 19 septembre 2007 devant :

Monsieur Jean-François BOUGON, Président,
Monsieur Bernard ORS, Conseiller,
Monsieur Philippe LEGRAS, Conseiller,
Madame Véronique SAIGE, Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.

Vu le visa de Monsieur le Substitut Général qui a été régulièrement avisé de la date d'audience.

Par acte du 14 janvier 2005 Maître Y... es qualités d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL TECHNIQUE CONSTRUCTION BOIS (T.C.B.) faisait assigner devant le Tribunal de commerce de BORDEAUX Monsieur Joseph X... aux fins, sur le fondement de l'article L 624-3 du Code de commerce, de voir constater que celui-ci a, en sa qualité de gérant de la société sus désignée, décidé dans le cadre d'une assemblée générale du 18 juin 2001 de la distribution de dividendes à hauteur de 1. 700. 000F après avoir fait adopter par une assemblée générale du 20 décembre 1999 une convention de trésorerie alors que la société ne pouvait faire face à ses dettes courantes et notamment au paiement des fournisseurs et des salariés, ces faits étant constitutifs de faute de gestion, et de le voir condamner à payer la somme de 698. 330,30 € ainsi que 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 19 avril 2006 le tribunal a débouté Monsieur Joseph X... de ses prétentions relatives à la nullité de la procédure et à la prescription et l'a condamné à payer à Maître Y... es qualités la somme de 698. 330,30 € ainsi que 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur Joseph X... a interjeté appel le 24 mai 2006 de ce jugement. Par uniques écritures du 22 septembre 2006 il conclut à la nullité de l'assignation délivrée le 14 janvier 2005 pour non respect du délai de l'article 643 du nouveau code de procédure civile et à la nullité de la procédure instaurée par l'article L 624-3 du Code de commerce à défaut d'avoir été convoqué pour audition en chambre du conseil dans le délai de prescription de trois ans de l'action. Subsidiairement au fond il conclut à l'irrecevabilité et au mal fondé de Maître Y... es qualités en son action, à son débouté et à sa condamnation es qualités à lui payer une indemnité de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Maître Y..., intimé es qualités d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL TECHNIQUE CONSTRUCTION BOIS, a conclu le 29 janvier 2007 à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelant à lui payer 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le Ministère Public a eu communication de la procédure en dernier lieu le 2 mai 2007.

M O T I F S E T D E C I S I O N

– Sur la procédure :

Attendu que résidant à MONACO Monsieur Joseph X... devait bénéficier des dispositions de l'article 643 du nouveau code de procédure civile qui porte le délai de comparution devant la juridiction ayant son siège en France métropolitaine à deux mois et il est constant que, l'assignation à comparaître devant le Tribunal de commerce d'ANGOULEME lui ayant, par l'intermédiaire des parquets, été délivrée le 14 janvier 2005 pour une audience fixée au 1er mars 2005, il n'a pas bénéficié de ce délai ;

mais attendu qu'il s'agit d'une nullité de forme qui relève du régime des articles 112 et suivants du nouveau code de procédure civile avec l'exigence de la preuve d'un grief et ce grief n'est en l'espèce ni invoqué ni constitué alors que Monsieur Joseph X... a, dès la première audience du 1er mars 2005, été représenté par son conseil et que l'affaire a fait l'objet de plusieurs renvois, lui laissant largement le temps d'organiser et de préparer sa défense ;

attendu par ailleurs que l'article L 624-3 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, applicable à l'espèce, précise que l'action qu'il prévoit se prescrit par trois ans à compter du jugement qui arrête le plan de redressement ou de celui qui prononce la liquidation judiciaire ;

qu'en l'espèce la SARL T.C.B. a fait l'objet d'un plan de redressement par cession arrêté par un jugement du 6 février 2002 et l'assignation délivrée le 14 janvier 2005 à MONACO se situe dans ce délai ;

attendu d'autre part que l'action de l'article L 624-3 du Code de commerce exige que le dirigeant visé soit convoqué pour être entendu en chambre du conseil, ceci constituant une formalité substantielle dont l'omission entache de nullité la saisine du tribunal sans qu'il soit exigé la preuve d'un grief ;

que l'article 164 du décret du 27 décembre 1985 prévoit dans son alinéa 2 que le dirigeant mis en cause est convoqué huit jours au moins avant son audition en chambre du conseil par voie d'huissier de justice ou dans les formes prévues aux articles 8 et 9 de ladite loi ;

qu'il s'agit d'une condition de forme pour laquelle il est là encore exigé un grief, or Monsieur Joseph X... s'est vu adresser par le greffe du Tribunal de commerce de BORDEAUX un courrier de convocation à l'audience en chambre du conseil du 5 octobre 2005, ce courrier en date du 9 septembre 2005 lui ayant été délivré par voie d'huissier ;

qu'il ne prétend pas ne pas avoir reçu cette convocation à laquelle il n'a au demeurant pas déféré ;

attendu ainsi qu'il n'existe aucun grief, que la phase de la procédure en chambre du conseil, dont il ne ressort d'aucun texte qu'elle doive intervenir dans le délai de prescription de l'action alors qu'elle est en particulier destinée à permettre au dirigeant de prendre connaissance du rapport établi par le juge désigné en application de l'article L 624-7 par le tribunal à priori préalablement saisi, n'a nullement été occultée et que Monsieur Joseph X... a été mis en mesure de comparaître ;

attendu ainsi que l'appelant sera débouté de ses moyens tendant à voir dire nulle la procédure suivie devant les premiers juges ;

– Sur le fond :

Attendu que l'action de Maître Y... es qualités est fondée sur les dispositions de l'article L 623-4 précité du Code commerce aux termes duquel, lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées en tout ou en partie par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux ;

attendu que la SARL T.C.B., constructeur de maisons individuelles à ossature bois ayant son siège à ARTIGUES a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de BORDEAUX du 5 décembre 2001, Maître Y... étant désigné administrateur, et un plan de cession des actifs à la SA MI a été adopté par jugement du 6 février 2002, Maître Y... étant commissaire à l'exécution du plan ;

que le passif non contesté se montant à 873. 330 € et le prix de cession des actifs à la SA MI se montant à 175. 000 € il existe une insuffisance d'actif de 698. 330 €, ce chiffre ne faisant pas l'objet de contestation ;

que la date de cessation des paiements a été fixée au 5 décembre 2001 par le jugement d'ouverture de la procédure et ne peut plus être contestée ;

attendu que Monsieur Joseph X... était gérant de cette société depuis le 17 mai 1999, la notion de " dirigeant opérationnel " qu'il invoque pour tenter de se défausser étant sans signification juridique et l'existence d'une rémunération n'ayant pas à être considérée ;

qu'alors que des assemblées générales du 15 mai 1999 et du 19 juin 2000 avaient décidé d'affecter les bénéfices des exercices, soit respectivement 195. 289 € et 284. 800 €, à la réserve ordinaire une assemblée mixte du 18 juin 2001 décidait l'affectation de la quasi-totalité du bénéfice de l'exercice clos le 31 décembre 2000 soit la somme de 260. 687 € aux dividendes à distribuer aux associés ;

attendu que les premiers juges ont estimé que la distribution de dividendes est une décision de l'assemblée générale des actionnaires sur proposition des dirigeants sociaux, prise souverainement par celle-ci notamment quant au montant des sommes à distribuer et que cela ne pouvait pas être assimilé à une faute de gestion du dirigeant, cette analyse n'encourant pas la censure ;

mais attendu que cette décision doit néanmoins être prise en considération comme faisant partie du contexte ;

attendu que le 25 mai 1999 Monsieur Joseph X... signait en qualité de gérant de la SARL T.C.B. une convention de trésorerie avec la SA CAAPACTION dont il était le Président du conseil d'administration et trois autres filiales dont la SA DEMEURES DE LA COTE D'ARGENT (D.C.A.), prévoyant la gestion et la centralisation par CAAPACTION, et donc la remontée à celle-ci, des excédents de trésorerie des filiales ;

que cette convention ne prévoyait ni retour de la trésorerie ainsi ponctionnée sauf sous forme d'" avances possibles " ni garanties particulières au bénéfice des sociétés ponctionnées ;

que si cette convention n'a pu s'appliquer qu'après son approbation par assemblée générale du 20 décembre 1999 c'est bien Monsieur Joseph X... qui en est l'auteur et qui la lui a soumise, étant rappelé que l'associé unique appelé à se prononcer était la SA D.C.A. ;

qu'il est argué de la licéité de cette convention telle qu'elle a été admise par la Cour d'appel de TOULOUSE dans un arrêt du 27 novembre 2005 de même que de l'absence de flux financiers anormaux entre les sociétés du " groupe COCOON ", cependant la licéité de la convention n'enlève rien à sa nocivité et la notion de flux financiers anormaux, utilisée pour déterminer une confusion de patrimoine, est étrangère au présent litige ;

qu'il en de même de la décision rendue le 13 janvier 2005 par la Commission des Sanctions de l'Autorité des Marchés Financiers qui portait sur l'observation par la société COCOON des règles en matière d'information du public ;

attendu qu'il a pu à juste titre être retenu par les premiers juges que le caractère fautif de la décision d'application de la convention de trésorerie était renforcé par la connaissance qu'en raison de sa qualité d'actionnaire de toutes les sociétés impliquées dans la convention X... avait de la situation financière de ces sociétés et de la solvabilité de la société CAAPACTION, et il sera rappelé qu'il était Président du Conseil d'administration de la SA D.C.A., associé unique de T.C.B. ;

que la SA CAAPACTION devenue COCOON était déclarée en redressement judiciaire par un jugement du Tribunal de commerce de TOULOUSE du 9 novembre 2001 après avoir reçu de la SARL T.C.B. un montant cité par l'intimé non contredit sur ce point de 6. 000. 000 € ;

attendu que l'application de la convention de trésorerie a eu pour effet l'assèchement de la trésorerie de la SARL T.C.B. déjà affectée par la distribution sous forme de dividendes de la totalité du bénéfice de l'exercice au 30 décembre 2001 ;

attendu qu'il apparaît par la consultation des résultats de la SARL T.C.B. au cours des exercices 1998,1999,2000 et 2001 et la reconnaissance par le conseil de la société, lors de la convocation du dirigeant social par le président du tribunal de commerce s'étant saisi dans le cadre des dispositions de l'article L 611-2 du Code de commerce en novembre 2001, du blocage des chantiers en cours du fait du l'absence de fonds disponibles pour payer les fournisseurs, que la situation ainsi crée est à l'origine de l'état de cessation des paiements et que la faute de gestion précédemment caractérisée a contribué à l'insuffisance d'actif en ayant résulté ;

que le dirigeant d'une personne morale peut être déclaré responsable sur le fondement de l'article L 624-3 du Code de commerce même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif, et il peut être condamné à supporter la totalité des dettes sociales même si cette défaillance n'est à l'origine que d'une partie d'entre elles ;

qu'il appartient au juge d'apprécier la gravité des fautes de gestion commises par le dirigeant et la proportion dans laquelle ces fautes ont contribué à l'insuffisance d'actif et il peut d'autre part tenir compte de la situation personnelle du dirigeant et de ses facultés contributives ;

qu'à l'issue de son analyse la cour estime justifié le montant de la condamnation prononcée par les premiers juges et le jugement déféré sera confirmé ;

qu'il sera fait droit à hauteur de 950 € à la demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile de l'intimé es qualités.

P A R C E S M O T I F S

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

– CONFIRME le jugement ;

– DEBOUTE Monsieur Joseph X... de toutes ses demandes ;

– Le CONDAMNE à payer et porter à Maître Y... es qualités la somme de 950 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

– CONDAMNE Monsieur Joseph X... aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-François BOUGON, Président, et par Madame Véronique SAIGE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0044
Numéro d'arrêt : 06/002721
Date de la décision : 31/10/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Bordeaux, 19 avril 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2007-10-31;06.002721 ?
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