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10/10/2007 | FRANCE | N°05/000173

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 10 octobre 2007, 05/000173


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le : 10 OCTOBRE 2007

CINQUIEME CHAMBRE

No de rôle : 05/00173

CT

S.A. ITM ENTREPRISES agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

c/

S.A. JUPILOU agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Rendu le 10 OCTOBRE 2007

Par mise à disposition au Greffe

P

ar Monsieur Patrick GABORIAU, Conseiller,

en présence de Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, CINQUIEME CHAMBRE, a, dans l'...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

Le : 10 OCTOBRE 2007

CINQUIEME CHAMBRE

No de rôle : 05/00173

CT

S.A. ITM ENTREPRISES agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

c/

S.A. JUPILOU agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Rendu le 10 OCTOBRE 2007

Par mise à disposition au Greffe

Par Monsieur Patrick GABORIAU, Conseiller,

en présence de Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, CINQUIEME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :

S.A. ITM ENTREPRISES agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, 24 rue Auguste Chabrières, 75015 PARIS

représentée par la SCP ARSENE-HENRY ET LANCON, avoués à la Cour assistée de Maître Sylvain BEAUMONT loco Maître UTZSCHNEIDER avocats au barreau de PARIS

Appelante d'une ordonnance de référé rendu le 16 décembre 2004 par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 10 Janvier 2005,

à :

S.A. JUPILOU agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Route de Sauveterre, Centre Commercial La Ferrière, 33670 CREON

représentée par la SCP ANNIE TAILLARD et VALERIE JANOUEIX, avoués à la Cour et assistée par SCP DUFFOUR et associés avocats au barreau de PARIS

Intimée,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue en audience publique, le 14 Juin 2007 devant :

Monsieur Patrick GABORIAU, Conseiller magistrat chargé du rapport tenant seul l'audience pour entendre les plaidoiries, les Avocats ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, assisté de Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier,

Que Monsieur le Conseiller en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, celle-ci étant composée de :

Monsieur Patrick GABORIAU, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Josiane COLL, Conseiller,

Madame Edith O'YL, Conseiller,

Et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.

Monsieur Hervé Z... exploite un commerce grande surface à CREON (33) dans le cadre d'une SA JUPILOU dont il est le Président Directeur Général.

Il a signé le 8 janvier 1991 un contrat d'adhésion, renouvelé par tacite reconduction et valable jusqu'en 2011comportant un droit de préemption sur les titres de la société JUPILOU au profit de la société ITME (INTERMARCHE).

La SA JUPILOU, quant à elle a signé le 8 avril 1995 un contrat d'enseigne avec la société ITME venant a expiration le 7 avril 2005.

Par lettre du 17 avril 2003, la SA JUPILOU a notifié à la société ITME sa volonté de rompre de manière anticipée le contrat d'enseigne avec effet à l'expiration d'un délai de 10 jours à compter de la date d'envoi, soit le 27 avril 2003.

Un contrat ou accord de franchise avec la société CSF (CHAMPION) a été conclu entre celle-ci et la SA JUPILOU le 22 avril 2003 à effet du 27 avril 2003 et le 30 avril 2003, l'enseigne CHAMPION a été apposée sur le point de vente exploité par les époux Z... à CREON.

S'estimant victime d'une rupture abusive des relations contractuelles s'inscrivant dans un contexte plus large de manoeuvres déloyales et frauduleuses permettant au groupe CARREFOUR et à ses sociétés affiliées de procéder à l'acquisition de sociétés d'exploitation (38 points de vente INTERMARCHE passés sous les enseignes CARREFOUR ou CHAMPION depuis 2000) à l'insu d'INTERMARCHE et en violation de ses droits de préemption, la SA ITM Entreprises a :

- d'une part, engagé une procédure d'arbitrage contractuellement prévue, qui a abouti à la sentence arbitrale rendue entre la société ITME, la société Direction d'Enseigne INTERMARCHE, le société ITME Sud-Ouest et entre la SA JUPILOU et les époux Hervé et Hélène Z... le 14 octobre 2005 par le Tribunal arbitral,

- d'autre part, saisi le Président du Tribunal de Commerce de BORDEAUX par voie de requête du 13 octobre 2004 sur le fondement des dispositions de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure civile en vue d'obtenir la désignation d'un huissier de justice chargé de se rendre au siège social de la SA JUPILOU et se faire remettre copie de tout document relatif à "l'action organisée" par les sociétés du groupe CARREFOUR.

Par ordonnance en date du 19 octobre 2004, le Président du Tribunal de Commerce de BORDEAUX a fait droit à cette requête et a désigné Maître A... pour procéder aux mesures notamment :

"1/ se rendre à l'adresse du siège social de la société JUPILOU situé ZA la Sauve, Route de Sauveterre, Centre Commercial la Ferrière, 33670 CREON,

2/ se faire remettre copie de tout document relatif à "l'action organisée" par les sociétés du groupe CARREFOUR, et plus particulièrement :

ao) tout échange de correspondances, y compris électroniques, intervenu entre toute société du groupe CARREFOUR, d'une part, et la société JUPILOU et/ou ses actionnaires, d'autre part, concernant le changement d'enseigne du point de vente et /ou la cession des titres de la société JUPILOU,

bo) tout projet de contrat et tout contrat de franchise/d'enseigne conclus entre la société du groupe CARREFOUR ou l'une des sociétés qui lui sont affiliées, d'une part, et la société JUPILOU, d'autre part,

co) tout projet et tout contrat portant sur la cession des actions de la société JUPILOU conclu entre toute société du groupe CARREFOUR et l'une des sociétés qui lui sont affiliées, d'une part, et les actionnaires de la société JUPILOU, d'autre part,

3/ consigner toute déclaration que souhaiteraient faire Monsieur et Madame Z... au sujet des faits visés dans la présente requête, et plus particulièrement toute déclaration de ces derniers concernant "l'action organisée vis-à-vis d'INTERMARCHE" par le groupe CARREFOUR, et notamment les conditions de reprise du point de vente visé par la sus-visée requête,..."

Sur saisine de la SA JUPILOU qui n'a pas déféré aux demandes de l'officier public missionné, le Président du Tribunal de Commerce de BORDEAUX a rétracté son ordonnance sur requête, par ordonnance de référé du 16 décembre 2004 au motif principal que le Tribunal arbitral était saisi lors du dépôt de la requête et avait pour base le même contrat et les obligations qui peuvent en découler.

* *

*

Vu l'appel régulièrement formé contre cette décision par la SA ITME le 10 janvier 2005,

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées au greffe de la Cour :

- le 25 mai 2007 par l'Appelante,

- le 13 juin 2007 par la SA JUPILOU.

Vu l'ordonnance de clôture du 14 juin 2007,

La Cour demeure saisie du litige dans les termes suivants :

* sur les mérites de l'appel

L'Appelante, en cela, combattue par la SA JUPILOU sur tous les points fait valoir :

- que l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile est applicable,

- qu'en effet, la requête a été déposée avant tout procès au fond,

- que la procédure arbitrale non encore engagée n'avait ni le même fondement, ni le même objet et concernait d'autres parties,

- que la procédure au fond engagée par la SA ITME devant le Tribunal de Commerce de PARIS par assignation du 19 janvier 2005 ne peut avoir d'effet sur la validité de l'ordonnance entreprise, l'absence d'instance au fond devant s'apprécier à la date de la saisine du Juge et de plus, la SA JUPILOU n'étant pas attraite devant la juridiction parisienne,

- qu'elle avait un motif légitime pour solliciter des investigations par voie de requête,

- que la mesure d'instruction ordonnée à l'issue d'une procédure non contradictoire était parfaitement légale tant par sa mise en oeuvre que par son objet.

Il convient, en réponse et au vu de l'argumentation développée par la SA JUPILOU d'aborder les différentes questions soulevées au regard des dispositions de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile qui précise :

"S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait déprendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé".

* sur l'absence de procès au fond à la date du dépôt de la requête (13 octobre 2004)

Quelque soit la date à laquelle le Tribunal arbitral a été saisi de sa mission, il y a lieu d'observer : qu'il était saisi du litige opposant la SA ITME et la SA JUPILOU et les époux Z... portant sur l'inexécution de leurs obligations contractuelles reprochées à ces derniers,

- que ce litige très précisément défini et examiné par ledit Tribunal n'avait ni le même fondement juridique ni le même objet que la requête qui avait été déposée en vue, pour la SA ITME, de disposer d'éléments qui permettrait d'établir non une inexécution fautive de son contrat par la SA JUPILOU mais des faits de concurrence déloyale et frauduleuse dont le groupe CARREFOUR et ses sociétés affiliées avaient pu se rendre coupables à son égard, donc sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code Civil.

- que les mesures d'instruction sollicitées n'avaient pas pour objet d'établir une rupture fautive des obligations contractuelles de la SA JUPILOU mais de rechercher les correspondances, les projets de contrats voire de contrats établis et conclus entre le groupe CARREFOUR ou l'une de ses sociétés affiliées d'une part et la société JUPILOU d'autre part,

-qu'enfin même si l'assignation au fond délivrée par la société ITME à CARREFOUR et CHAMPION en saisine du Tribunal de Commerce de PARIS, est antérieure à la date de l'ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce de BORDEAUX , cette antériorité est inopérante puisque l'absence d'instance au fond doit s'apprécier à la date de saisine du Juge donc en octobre 2004, l'assignation au fond étant de janvier 2005 et la SA JUPILOU n'étant pas attraite à l'instance devant la juridiction parisienne.

* sur le motif légitime de la SA ITME

La SA ITME comme elle l'a exposé dans sa requête, avait des motifs de croire qu'elle était victime de la part du groupe CARREFOUR-CHAMPION de faits de concurrence déloyale lorsqu'elle a demandé les mesures d'instructions contestées :

- les déclarations du Président de la société CSF CHAMPION dans la presse,

- les cessions non contestées de 16 sociétés d'exploitation de magasins anciennement sous l'enseigne INTERMARCHE passés à l'enseigne CHAMPION ou CARREFOUR sans que la SA ITME n'en ait été informée dans des conditions lui permettant d'exercer sont droit de préemption,

- le refus du groupe CARREFOUR, nouvel actionnaire majoritaire de ces société de répondre aux demandes d'informations d'ITME présentées en assemblées générales.

- le mécanisme de séquestre des contrats de cession tenus secrets jusqu'à l'exportation des droits de préemption de la SA ITME,

- la cession intervenue et la prise de contrôle de la société JUPILOU par le groupe CARREFOUR dans des conditions de rupture contractuelle qu'elle estimait abusive.

Le fait de suspecter une concurrence déloyale en considération de certains éléments constitue un motif légitime qui entre dans le champ d'application de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile.

* sur le recours à une procédure non contradictoire

Il résulte des mesures d'investigations sollicitées que la dérogation au principe du contradictoire était, en l'espèce, une condition nécessaire et indispensable à l'efficacité des recherches et éléments de nature à établir des actes de concurrence déloyale.

L'effet de surprise pouvait seul permettre à la SA ITME de mettre à jour les manoeuvres déloyales et la collusion de la SA JUPILOU avec le groupe CARREFOUR ou l'une de ses sociétés affiliées si tant est que des manoeuvres aient existé et qu'elles aient été menées en fraude des droits de la SA ITME ce qu'il appartiendra au juge de fond d'établir.

En conséquence, il convient d'infirmer la décision déférée, de dire qu'il n'y a pas lieu de rétracter l'ordonnance sur requête du 13 octobre 2004, non suivi d'effet à ce jour.

La SA JUPILOU qui succombe sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à la SA ITME une somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Vu l'ordonnance sur requête du 14 octobre 2004,

Vu l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Infirme le décision déférée en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute la SA JUPILOU de ses demandes,

La condamne à payer à la SA ITME une somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

La condamne aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code Procédure Civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick GABORIAU, Président et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

Hervé GOUDOT Patrick GABORIAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : 05/000173
Date de la décision : 10/10/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Bordeaux, 16 décembre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2007-10-10;05.000173 ?
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