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04/10/2007 | FRANCE | N°07/002979

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0274, 04 octobre 2007, 07/002979


ARRET RENDU PAR LA
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
--------------------------
Le : 04 Octobre 2007
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
PRUD'HOMMES
No de rôle : 07/2979
S.A. GAN PATRIMOINEprise en la personne de son représentant légal,

c/
Madame Colette X...

Nature de la décision : CONTREDIT- RENVOI DEVANT UNE AUTRE JURIDICTION

Notifié par L.R.A.R. le :
L.R.A.R. non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en

Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties...

ARRET RENDU PAR LA
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
--------------------------
Le : 04 Octobre 2007
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
PRUD'HOMMES
No de rôle : 07/2979
S.A. GAN PATRIMOINEprise en la personne de son représentant légal,

c/
Madame Colette X...

Nature de la décision : CONTREDIT- RENVOI DEVANT UNE AUTRE JURIDICTION

Notifié par L.R.A.R. le :
L.R.A.R. non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
Le 04 Octobre 2007
Par Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,en présence de Madame Chantal TAMISIER, greffier,

La COUR D'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE SOCIALE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :

S.A. GAN PATRIMOINE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, 150 rue d'Athènes - 59882 LILLE CEDEX 9
Représentée par la SCP FROIN - GUILLEMOTEAU - BERNADOU et RAFFY, avocats au barreau de BORDEAUX,

Demanderesse au contredit à l'encontre d'un jugement (R.G. F 04/00482) rendu le 23 mai 2007 par le Conseil de Prud'hommes de BORDEAUX, Section Commerce, selon saisine en date du 30 mai 2007,
à :
Madame Colette X..., demeurant ...,
Représentée par Maître Sandra CATHELOT-CEBOLLERO, avocat au barreau de BORDEAUX
Défenderesse,
Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique le 30 Août 2007, devant :
Monsieur Benoit FRIZON DE LAMOTTE, Président,Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,Monsieur Claude BERTHOMME, Conseiller,Madame Chantal TAMISIER, Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.

***

FAITS ET PROCÉDURE
Suivant contrat signé le 1er juillet 1993, Mme Colette X... a souscrit avec la société Gan Capitalisation (le Gan) un contrat, qualifié "contrat de mandat dans les termes des articles 1984 et suivants du Code civil", en exécution duquel elle s'engageait à développer les opérations du Gan et de ses filiales dans sa clientèle et dans le public. Le 26 juin 2002, elle a été victime d'un accident du travail qui l'a empêchée de reprendre son emploi. Par lettre du 25 juillet 2003, le Gan lui a reproché diverses graves anomalies qu'il a considérées comme une faute grave justifiant la révocation immédiate et sans préavis de son mandat.
Mme X... a saisi le Conseil de prud'hommes de Bordeaux d'une demande en paiement de salaires, indemnités de rupture de contrat de travail, indemnité de la clause de non-concurrence, diverses primes et remise de bulletins de paie. Par jugement du 23 mai 2007, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande.

Le 30 mai 2007, le Gan a régulièrement formé contredit à ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, le Gan sollicite de la Cour qu'elle réforme le jugement déféré, se déclare incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Bordeaux et condamne Mme X... à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Rappelant les termes du contrat souscrit, il affirme que Mme X... exerçait une profession libérale de façon indépendante et qu'elle ne démontre aucune subordination, critère du contrat de travail, ni dépendance économique.

Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, Mme X... sollicite de la Cour qu'elle confirme le jugement déféré, rejette le contredit du Gan et le condamne à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Relevant que, dans le contrat souscrit, la clientèle restait la propriété exclusive du Gan, qu'il s'agissait d'un contrat d'exclusivité, qu'elle ne pouvait utiliser aucun autre matériel informatique que celui proposé ou agréé par le Gan et qu'elle était rémunérée par des commissions que la compagnie d'assurance pouvait modifier unilatéralement, elle fait valoir, en invoquant la jurisprudence de la Cour de cassation, qu'ont la qualité de salariés les mandataires d'une société d'assurance qui travaillent habituellement dans un secteur géographique déterminé selon un mode opératoire précis et impératif et selon les directives de la société, qui reçoivent une rémunération forfaitaire à l'acte selon un barème imposé, qui rendent compte des affaires traitées et qui sont soumis à des délais.

MOTIFS

Selon l'article L. 511-1, alinéa 1er, du Code du travail, les conseils de prud'hommes... règlent... les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du Code du travail entre les employeurs... et les salariés qu'ils emploient. Un Conseil de prud'hommes ne peut être valablement saisi que si le contrat passé entre les parties est un contrat de travail.

Le contrat signé par les parties est expressément qualifié contrat de mandat. Dans un tel cadre, selon l'article 1993 du Code civil, Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant.Mme X... soutient que ce contrat comportait des éléments lui permettant de se prévaloir des règles du contrat de travail. Caractérise l'existence d'un contrat de travail la situation de la personne qui accomplit une prestation de travail moyennant rémunération pour le compte et sous la subordination juridique d'un employeur qui a le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, de contrôler l'exécution de sa prestation et de sanctionner les manquements à cette exécution. C'est l'examen des éléments de fait qui permet de déterminer la nature du contrat. Le lien de subordination, caractéristique du contrat de travail, ne peut se déduire d'une dépendance seulement économique mais doit résulter de l'autorité de fait de celui qui est susceptible d'être considéré comme l'employeur, selon les critères exposés ci-dessus.

Pour soutenir qu'elle était salariée, Mme X... fait valoir qu'elle était soumise à des contraintes matérielles, tenant à la propriété exclusive de la clientèle, aux modalités de son travail organisé selon les directives du Gan et à l'obligation de rendre compte de son activité. Le contrat souscrit prévoyait que le rôle de Mme X... consistait essentiellement (article 2 et 3) à développer les opérations du Gan par le placement de contrats de cette compagnie dans la clientèle de celle-ci et dans le public à l'intérieur d'une circonscription géographique précise (en l'occurrence celle de M. Y...), qu'elle ne pouvait prétendre à aucune exclusivité (article 4) et que la clientèle qu'elle visitait demeurait, dans tous les cas, la propriété exclusive du Gan (article 5). Il prévoyait également (article 9) que sa comptabilité personnelle devait être tenue régulièrement et pouvait être contrôlée à tout moment par les représentants du Gan. De même (article 10), il lui fixait des modalités précises d'encaissement des primes et de transfert des fonds recueillis, et il l'obligeait à une présentation mensuelle d'un compte de ses encaissements. Il prévoyait encore (article 11) qu'elle ne devait utiliser que les imprimés remis par le Gan, qui pouvait éventuellement mettre à sa disposition un matériel informatique, connecté ou non à l'ordinateur central, en lui interdisant l'utilisation d'aucun autre matériel informatique que le matériel proposé ou agréé par le Gan.Le contrat de mandat soumet l'activité du mandataire au contrôle de son mandant ; en application de l'article 1993 du Code civil, le mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion et de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration. Ainsi, s'il était demandé à Mme X... de tenir une comptabilité personnelle et d'établir un compte mensuel des encaissements qu'elle était autorisés à effectuer, encaissant directement des sommes d'argent sur un compte bancaire personnel, ces contrôles effectués par le Gan sur sa comptabilité et les modalités d'encaissement des fonds étaient justifiés par la nécessité d'une bonne tenue des comptes et pour la fixation des commissions susceptibles de lui être versées en retour. De même, la mise à disposition des imprimés et du matériel informatique était une mesure d'ordre technique permettant une harmonisation du travail des divers mandataires du Gan, nécessaire puisque les documents proposés à la clientèle étaient destinés à engager contractuellement le Gan.En revanche, Mme X... était libre de prospecter la clientèle de son choix, puisqu'elle pouvait intervenir tant dans la clientèle de la compagnie que "dans le public". Si sa prospection était limitée à sa circonscription, cette limitation géographique avait seulement pour objet de permettre une répartition des activités des mandataires du Gan. En application de l'article 7 du contrat, elle bénéficiait d'une liberté entière et complète d'organisation de son activité, n'étant astreinte à aucun horaire ni itinéraire et organisant ses journées comme elle le voulait ; elle ne justifie pas d'obligation lui imposant des convocations régulières et des contrôles fréquents et contraignants. Elle bénéficiait en outre de la liberté de travailler pour toute autre entreprise de son choix et d'exercer toute autre profession à sa convenance à la condition de ne pas se livrer à des activités concurrentes de celles du Gan.Au cours de l'exécution du mandat, le Gan ne disposait d'aucun pouvoir disciplinaire sur son mandataire qui pouvait, selon l'article 15 du contrat, mettre fin à ce contrat à tout moment et sans préavis. Et, à l'expiration du contrat, puisque le mandataire doit faire raison de tout ce qu'il a reçu, Mme X... ne pouvait revendiquer la propriété de la clientèle visitée.Ainsi, les contraintes matérielles relevées par Mme X... étaient inhérentes au contrat de mandat.

A l'appui de sa demande, Mme X... fait également valoir qu'elle était soumise à des contraintes de nature financière. Le contrat stipulait (article 14) qu'en rémunération de son mandat et pour le couvrir de ses frais, le mandataire recevait des commissions fixées selon des tableaux établis par le Gan qui pouvait proposer à toute époque la modification des conditions de cette rémunération , le désaccord sur ce point entraînant la résolution du contrat.Le fait que Mme X... ait perçu une rémunération forfaitaire à l'acte sous forme de commissions selon un barème imposé caractérise au plus une

dépendance économique. Et les objectifs de chiffres d'affaires qui ont pu être fixés à échéances régulières par le Gan attestaient de cette dépendance économique exercée sur les mandataires, pour réguler les frais de fonctionnement et l'équilibre de l'activité, fixer le montant des commissions allouées aux mandataires, mais ne caractérisait pas pour autant l'existence d'ordres et de directives contraignantes dans l'organisation de l'activité de Mme X....
En définitive, le fait, par le mandataire d'une société d'assurances, d'être soumis à certaines obligations déterminées par le mandant, secteur géographique précis, utilisation du matériel du mandant, obligation de rendre compte de la gestion, absence de clientèle personnelle, rémunération par des commissions fixées par le mandant, ne constitue pas l'indice d'un lien de subordination juridique, en l'absence d'ordres et de directives imposant un mode opératoire précis et impératif, et répond seulement à la nécessité d'harmoniser l'activité des mandataires, de permettre à la compagnie d'assurances de suivre l'évolution de leur activité professionnelle, de maîtriser ses frais de fonctionnement et de fixer les commissions à leur verser. De telles contraintes, fondées sur le contrat de mandat, sont insuffisantes à démontrer une quelconque subordination juridique, caractéristique d'un contrat de travail.
Dès lors, Mme X... ne démontre pas que le contrat qu'elle avait passé avec le Gan lui donnait le statut de salariée. Ainsi que l'indique le Gan, elle relevait des dispositions de l'article R. 511-2, 4o du Code des assurances.
En conséquence, la Cour décide que le Conseil de prud'hommes était incompétent pour statuer sur la demande de Mme X... et, estimant qu'il n'y a pas lieu d'évoquer le fond, renvoie l'affaire devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux, seul compétent pour statuer sur cette demande.

Mme X... qui succombe doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge du Gan les frais exposés par elles devant la Cour d'appel et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS,LA COUR

Infirme le jugement du Conseil de prud'hommes de Bordeaux du 23 mai 2007,
Et, statuant à nouveau,

Déclare incompétent le Conseil de prud'hommes de Bordeaux,

Renvoie l'affaire devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux,
Rejette la demande de la société Gan Patrimoine en condamnation de Mme X... à lui verser une somme au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
Condamne Mme X... aux dépens de première instance et d'appel.
Signé par Benoît Frizon de Lamotte, Président, et par Chantal Tamisier, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0274
Numéro d'arrêt : 07/002979
Date de la décision : 04/10/2007

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2007-10-04;07.002979 ?
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