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04/09/2007 | FRANCE | N°06/05824

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0003, 04 septembre 2007, 06/05824


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

SIXIÈME CHAMBRE CIVILE

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cp

ARRÊT DU : 04 SEPTEMBRE 2007

(Rédacteur : Franck LAFOSSAS, Président)

No de rôle : 06 / 05824

Yahya X...

c /

Fathia Y... épouse X...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 001037 du 02 / 02 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 octobre 2

005 par le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (RG : 03 / 10821) suivant déclaration d'appel du 28 novembre ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

SIXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

cp

ARRÊT DU : 04 SEPTEMBRE 2007

(Rédacteur : Franck LAFOSSAS, Président)

No de rôle : 06 / 05824

Yahya X...

c /

Fathia Y... épouse X...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 001037 du 02 / 02 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 octobre 2005 par le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (RG : 03 / 10821) suivant déclaration d'appel du 28 novembre 2005

APPELANT :

Yahya X...
né le 01 Janvier 1954 à 1954 A ANGAD OUJDA MAROC
de nationalité Marocaine
demeurant ...
...
33112 SAINT-LAURENT-DU-MEDOC

représenté par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL et JAUBERT, avoué à la Cour et assisté de Maître Sylvie ROBERT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Fathia Y... épouse X...
née le 08 Juillet 1963 à OUJDA (MAROC)
de nationalité Marocaine
Ouvrière agricole
demeurant ...
33320 EYSINES

représentée par la SCP FOURNIER, avoué à la Cour et assistée de la SCP STEPHANE AMBRY-ROSINE BARAKE, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 mai 2007 hors la présence du public, devant la Cour composée de :

Franck LAFOSSAS, Président,
Philippe GUENARD, Conseiller,
Bruno CHOLLET, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Josette DELLA GIUSTINA

ARRÊT :

-contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du ncpc.

faits et procédures antérieures :

Yahya X... et Fathia née Y... se sont mariés le 20 août 1981, à OUJDA (Maroc).

Ils ont eu 4 enfants : Saïd né le 30 mars 1986, Mounia née le 2 décembre 1987, Amal née le 28 janvier 1991 et Ouafae née le 12 juin 1995.

Après ordonnance de non conciliation du 30 mars 2004 (pension alimentaire de 150 € X 4) et par assignation du 17 août 2004, la femme a formé une demande en divorce pour faute. Le mari a formé une demande reconventionnelle pour faute.

Par ordonnance du 14 octobre 2004, la pension alimentaire due pour Saïd a été réduite à la somme mensuelle de 50 € et celle due pour Mounia a été suspendue.

Par jugement du 4 octobre 2005, le juge aux affaires familiales de Bordeaux a notamment, après avoir prononcé le divorce aux torts exclusifs du mari, fixé le montant de la prestation compensatoire due par le mari à la somme de 25. 000 €, dit qu'il devra payer à sa femme 2. 000 € à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article 1382 cc mais rejeté la demande de la femme fondée sur l'article 266 cc, fixé la résidence habituelle de Mounia chez le père (pas de pension alimentaire) avec un droit de visite et d'hébergement de la mère s'exerçant au gré des parties, et la résidence de Amal et Ouafae chez la mère avec un droit de visite et d'hébergement du père s'exerçant au gré des parties et à défaut un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires, le père devant contribuer à l'entretien de ces derniers à hauteur de 150 € X 2 par mois avec indexation.

Procédure d'appel :

Par acte remis au greffe de la Cour le 28 novembre 2005, Yahya X... a déclaré relever appel contre Fathia Y... épouse X... du jugement ainsi rendu.

L'affaire a été radiée par ordonnance du 17 août 2006, faute pour l'appelant d'avoir conclu dans les temps. Elle a été réinscrite au rôle à la demande de l'intimée le 16 novembre 2006.

L'appelant précise dans ses dernières conclusions signifiées le 7 février 2007 que la décision déférée est critiquable parce que :
-le divorce a été prononcé à ses torts sur la seule base d'un certificat médical avec dépôt de plainte, alors qu'aucun témoin n'a assisté aux circonstances dans lesquelles sa femme se serait blessée,
-en revanche, celle-ci a développé à la suite d'un grave accident du travail un comportement très agressif à son égard et s'est désintéressée de son foyer. C'est dans ce cadre qu'il a été amené à se défendre le 21 août 2003 et aucune poursuite n'a d'ailleurs été engagé à son encontre,
-par ailleurs, son épouse a quitté sans autorisation du juge le domicile conjugal en décembre 2003, après avoir détourné régulièrement des fonds de la communauté pour les transférer sur le compte d'un tiers.

Il est en conséquence demandé de :
-par infirmation partielle, prononcer le divorce aux torts exclusifs de la femme déboutée de l'intégralité de ses demandes,
-confirmer les mesures relatives à l'exercice de l'autorité parentale, sauf à préciser que la pension alimentaire sera due à compter du 1er juillet 2006,
-outre 1. 500 € au titre de l'article 700 ncpc.

L'intimée, par ses dernières conclusions signifiées le 14 mars 2007, sollicite la confirmation de la décision déférée, outre 1. 000 € sur le fondement de l'article 1383 cc pour abus de droit et 2. 000 € au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

À cet effet elle fait valoir que :
-elle a été victime de violences répétées de son mari, liées à un problème d'alcoolisme. Il a fait l'objet d'un rappel à la loi le 28 octobre 2003 et elle produit un certificat médical daté du 21 août 2003 suffisant à justifier qu'elle ait dû, dans sa détresse tant physique que psychologique, mettre ses enfants et elle-même à l'abri en quittant le domicile conjugal. Les dénégations actuelles de son mari sont ainsi bien tardives et vaines,
-elle prouve par ailleurs que son mari a transféré sur un compte personnel au Maroc des fonds provenant de la communauté (7. 700 + 58. 480 €), ce qui constitue un manquement grave à la loyauté due entre époux indépendamment de la question de savoir s'il s'agit d'un recel de communauté. Son mari est donc mal venu de prétendre qu'elle aurait retiré de l'argent d'un compte commun au Maroc, lors d'un séjour effectué avec les enfants. Quant au virement de 500 € qu'il invoque, et qu'il prouve grâce à une pièce qu'il a obtenue on se sait comment puisqu'il s'agit d'un relevé de compte d'un tiers, il s'agit du règlement de travaux qui ont été effectués à la demande de la concluante,
-les attestations produites par l'appelant sont approximatives, malveillantes et sans intérêt,
-le contexte de la vie conjugale et l'agression du 21 août 2003 ont provoqué une grande détresse morale de la concluante (comme il est attesté par certificat médical),
-si le montant de la prestation compensatoire devait être modifié, il lui sera alloué 5. 000 € au titre de l'article 266 cc eu égard à ses conditions de vie particulièrement difficiles,
-il est ouvrier agricole à temps complet depuis 1972, a perçu un revenu mensuel de 1. 895,06 € en 2004, de 1. 885,50 € en 2005 et de 2. 247,82 € en 2006. Il bénéficie d'un logement de fonction. Elle est ouvrière agricole au régime saisonnier, a été victime d'un accident du travail en 2000 et est actuellement indemnisée au régime longue maladie avec un revenu mensuel de 580 € (CSG et RDS déduits). Il lui a été réclamé le 21 novembre 2005 par la MSA un trop perçu de 16. 897,14 € (sur lequel elle a obtenu une remise de 50 %) alors que les sommes avaient été déjà utilisées par le couple. Elle est âgée de 44 ans, ne peut envisager une activité professionnelle en raison de sa santé et ne peut espérer une situation matérielle confortable à la retraite alors que son mari conserve seul le bénéfice de la pension constituée du temps de la vie commune,
-elle n'a jamais fait obstruction aux relations des enfants avec leur père,
-son mari retarde les opérations de liquidation de la communauté et maintient ainsi sa femme dans des conditions de vie très précaires. Elle subit un préjudice lié à l'appel non régularisé de son mari la poussant à reprendre l'instance pour que sa situation matrimoniale soit juridiquement réglée. Par ailleurs, elle vient de recevoir une convocation devant le juge aux affaires familiales de OUDJA pour le 4 avril 2007 à la suite d'une demande en divorce formée par son mari.

Sur quoi, la Cour :

les griefs :

Dans ses écritures le mari reconnaît expressément avoir été conduit à se défendre le 21 août 2003, ayant repoussé la chaise que brandissait son épouse qui se serait alors blessée avec.

Mais la cour, analysant l'importances des blessures subies par sa femme, décrites par médecin et vérifiées par radiologie : traumatisme facial avec plaie de l'arête nasale et fracture des os propres du nez, déplacement du fragment distal par rapport au fragment proximal (ITT 7 jours), en déduit que le mari a appliqué dans ce geste, à le supposer défensif, une force particulièrement importante et disproportionnée, constituant une grave violence.

Le médecin a constaté la détresse psychologique de la femme ainsi blessée et qualifiée par lui de dépressive avec idées suicidaires.

Elle a déposé plainte, un rappel à la loi a été fait au mari, qui ne peut donc affirmer qu'aucune suite n'a été donnée, et elle a été hébergée par une association caritative (Saint Vincent de Paul) lorsqu'une place s'est dégagée en foyer d'accueil (maison familiale Louise de B...).

La cour, comme le premier juge, considère que ce départ de la femme pour se protéger, à la suite de telles circonstances, ne peut être analysé comme une faute au sens de l'article 242 cc.

Les diverses attestations fournies par le mari ne rapportent aucun fait auquel les témoins auraient personnellement assisté mais relatent des considérations personnelles " tout ça c'est pas juste " (att. C...) et des propos rapportés " selon les dires de Mr X... " (att. D...) " j'ai entendu dire " (att. E...) " j'ai beaucoup entendu parler de Mme X... (att. C...).

Elles ne valent pas preuve d'une faute de la femme, au demeurant non explicitée, sans même que soient relevées leurs nombreuses irrégularités de forme dont, par exemple, la dactylographie.

Le témoin D... qui rapporte les propos selon lesquels la femme aurait détourné de l'argent commun affirme cependant qu'il n'existe pas de preuve " Mr X... ne veut pas faire établir des recherches par sa banque car les frais sont prohibitifs et il n'en a pas les moyens ".

Le paiement de la somme de 500 €, attribué au solde d'une facture par la femme, ne prouve pas davantage un détournement.

En revanche la violence dont les séquelles ont été constatées le 21 août 2003 constituent une violation grave des devoirs et obligations du mariage, imputable au mari et rendant intolérable le maintien de la vie commune.

Ainsi la cour doit confirmer la décision du premier juge qui a prononcé le divorce à ses torts.

la prestation compensatoire :

L'appelant n'a pas critiqué le montant de la prestation compensatoire allouée par le premier juge, ni même contesté l'existence de la disparité la justifiant. Il a en effet limité sa demande au débouté pour cause de divorce aux seuls torts adverses, en visant l'article 270-3 cc (lire 270 alinéa 3).

Comme l'intimée demande la confirmation sans appel incident, cette décision sera confirmée puisque le divorce est maintenu aux torts du mari.

les dommages intérêts :

La faute ainsi jugée a causé un préjudice à la femme victime de sa violence, que le premier juge a justement évalué à 2. 000 €, décision qui sera confirmée.

En sollicitant la confirmation, la femme renonce à sa demande de dommages intérêts sur le fondement de l'article 266 cc présentée en première instance. Elle ne l'a représentée qu'au cas où la prestation compensatoire serait diminuée, ce qui n'a pas été le cas.

Elle demande également la somme de 1. 000 € à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article 1383 cc " compte tenu de l'incohérence du comportement " de son mari durant la procédure, notamment parce qu'il a laissé radier son appel et a introduit une action en divorce au Maroc.

Mais il ne peut être considéré que laisser radier une procédure de divorce soit une faute civile, chacun restant libre de divorcer ou non, et elle sera déboutée de sa demande.

la pension alimentaire :

Les mesures accessoires au prononcé du divorce ne doivent pas être confondues avec les mesures provisoires qui permettent d'organiser la vie des parents et des enfants pendant le cours de la procédure en divorce et qui, par hypothèse même, ne peuvent pas prendre en considération les mêmes éléments, tels que, par exemple, l'existence d'un domicile conjugal attribué à un époux avec ou sans jouissance gratuite dans un cas et la nécessaire liquidation du régime matrimonial dans l'autre.

En conséquence la pension alimentaire due à titre de mesure accessoire est due à compter du divorce devenu définitif et non pas à compter du 1er juillet 2006 ainsi que le demande l'appelant sans le motiver.

loi sur l'aide juridictionnelle :

Aucune circonstance de fait du dossier ne justifie l'allocation d'une somme à l'intimée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mais le mari, qui perd son appel, en supportera les dépens.

Par ces motifs :

Confirme la décision déférée,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Laisse les dépens d'appel à la charge de l'appelant avec distraction au profit de la SCP Fournier, avoué.

L'arrêt a été signé par le Président Franck Lafossas et par Josette Della Giustina, Greffier auquel il a remis la minute signée de la décision.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0003
Numéro d'arrêt : 06/05824
Date de la décision : 04/09/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 04 octobre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2007-09-04;06.05824 ?
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