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30/08/2007 | FRANCE | N°05/003354

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0274, 30 août 2007, 05/003354


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le : 06 Septembre 2007

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

Prud'hommes

No de Rôle : 05/03354

Monsieur François X...

c/

Société ROUGIE BIZAC INTERNATIONAL

prise en la personne de son représentant légal

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (ac

te d'huissier)

Certifié par le Greffier en Chef

Grosse délivrée le :

à :

Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, ...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

----------------------------------------------

Le : 06 Septembre 2007

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

Prud'hommes

No de Rôle : 05/03354

Monsieur François X...

c/

Société ROUGIE BIZAC INTERNATIONAL

prise en la personne de son représentant légal

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier)

Certifié par le Greffier en Chef

Grosse délivrée le :

à :

Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les

parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 06 Septembre 2007

Par Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,

en présence de Madame Chantal TAMISIER, Greffier,

La COUR D'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE SOCIALE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :

Monsieur François X..., né le 12 Avril 1954 à PULLY, de nationalité française, demeurant ...

Comparant en personne et assisté de Maître Véronique Y..., avocat au barreau de BORDEAUX

Appelant d'un jugement (R.G. F04/295) rendu le 23 mai 2005 par le Conseil de Prud'hommes de PERIGUEUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel en date du 02 juin 2005,

à :

Société ROUGIE BIZAC INTERNATIONAL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis Zone Industrielle de la Madrazes - 24200 SARLAT

représentée par Maître Eric BOURDEAU, avocat au barreau de PAU

Intimée,

rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique le 14 Juin 2007, devant :

Monsieur Benoit FRIZON DE LAMOTTE, Président,

Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,

Madame Caroline Z..., Vice-Présidente Placée,

Madame Nathalie BELINGHERI, Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.

*******

FAITS ET PROCEDURE

Suivant contrat à durée indéterminée signé le 1er juillet 2007, M. François X... a été engagé à compter du même jour par la société Palmilor'd, devenue par la suite la société Rougié Bizac International (la société), en qualité de directeur industriel, coefficient 500, catégorie Cadre. Par avenant du 4 juillet 2002, son salaire mensuel brut forfaitaire est fixé à la somme de 7 381 euros, outre une rémunération variable annuelle de 0,35 % sur le résultat consolidé de Financière Rougié Montfort. Par lettre du 24 juin 2004 et après autorisation de l'inspecteur du travail rendue nécessaire par le fait qu'il était conseiller prud'homal, il a été licencié pour faute grave. Il a saisi le Conseil de prud'hommes de Périgueux d'une demande en paiement de diverses indemnités.

Par jugement du 23 mai 2005, le Conseil des Prud'hommes de Périgueux, considérant que le licenciement était justifié par une faute grave, a rejeté la demande de M. X... et pris acte de ce que la société avait versé à la Société générale au nom et pour le compte de M. X... au titre de la participation de l'exercice 2003-2004 la somme de 1 437,18 euros.

M. X... a régulièrement interjeté appel de cette décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, M. X... sollicite de la Cour qu'elle réforme le jugement frappé d'appel, dise que le licenciement est irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamne, en conséquence, la société à lui payer les sommes suivantes :

- 56 868,97 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 251 561,06 euros au titre de l'indemnité contractuelle de licenciement,

- 31 055 euros au titre de la prime de résultat,

- 45 400,32 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 5 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

il sollicite à titre subsidiaire et pour le cas où la Cour estimerait la motivation suffisante à causer le licenciement, qu'elle juge que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et condamne, en conséquence, la société à lui payer les sommes suivantes :

- 56 868,97 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 251 561,06 euros au titre de l'indemnité contractuelle de licenciement,

- 31 055 euros au titre de la prime de résultat,

- 5 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il soutient que son licenciement est irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, malgré l'autorisation de l'inspecteur du travail, puisque l'employeur n'a, dans la lettre de licenciement, donné aucune indication sur la date, la nature, le mode de diffusion des écrits mis en cause, l'identité des interlocuteurs concernés, les termes susceptibles de caractériser la faute grave qui lui est reprochée et que l'employeur, qui devait motiver de manière précise et suffisante la lettre de licenciement, a privé les magistrats de toute possibilité d'appréciation du degré de gravité de la faute reprochée et de la régularité du licenciement. Estimant que le fait d'avoir avisé des collaborateurs de sa crainte d'être licencié pour faute grave n'a pu déstabiliser l'entreprise ni constituer un manquement à son obligation de réserve, il soutient aussi que l'autorisation administrative préalable ne suffit pas à caractériser la motivation suffisante d'une lettre de licenciement pour motif personnel, que le licenciement ne peut être prononcé que pour les faits qui ont motivé l'autorisation administrative et que le juge judiciaire, qui n'est pas lié par l'avis de l'inspecteur du travail et qui peut prononcer la nullité d'un licenciement autorisé en cas de contradiction entre la lettre de licenciement et l'autorisation administrative, ne peut ici vérifier la corrélation entre l'une et l'autre, en l'absence d'indication précise dans ladite lettre.

Sur les indemnités sollicitées, il sollicite le versement d'indemnités de rupture, d'une prime de rémunération variable fixée sur le résultat et perçue en application de l'avenant à son contrat de travail mais non versée pour l'exercice ouvert en septembre 2003 et clôturé au mois d'août 2004, et de la quote-part de cette rémunération acquise sur la période de préavis, ainsi qu'une indemnité au titre de son préjudice moral résultant de son licenciement pour faute grave.

Subsidiairement, si les motifs du licenciement sont considérés comme suffisamment précis, il soutient que le motif de licenciement ne caractérise pas une faute grave puisqu'il n'y a, dans les propos qui lui sont reprochés, aucun caractère injurieux de nature à mettre directement en cause l'autorité et la compétence du supérieur hiérarchique, M. A... n'étant pas son supérieur hiérarchique, et que les propos n'excèdent pas les rapports admissibles en la matière.

Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, la société sollicite de la Cour qu'elle confirme le jugement, rejette la demande de M. X... et le condamne à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur la cause du licenciement, elle relève que M. X... n'a pas contesté devant le Tribunal administratif l'autorisation administrative de licenciement donnée par l'inspecteur du travail, que le juge civil ne peut qu'apprécier la gravité des fautes reprochées, que la lettre de licenciement vise l'autorisation administrative et énonce un motif matériellement vérifiable et que les faits sont suffisamment graves pour fonder le licenciement. Elle s'oppose au versement des diverses sommes sollicitées.

MOTIFS

La lettre du 24 juin 2004 qui détermine la cause du licenciement et fixe les limites du litige indique que cette cause est la suivante :

"Nous vous remercions de vous être présenté à notre entretien du 17 mai 2004.

Nous vous avons exposé à cette occasion les raisons qui nous ont conduit à devoir envisager votre licenciement.

Nous vous rappelons à ce titre qu'au travers de plusieurs écrits adressés à différents interlocuteurs, vous vous êtes clairement désolidarisé de votre responsable hiérarchique, mettant directement en cause son autorité et sa compétence autant que celle de l'un de ses plus proches collaborateurs.

Vous avez utilisé dans ce cadre et dans cet objet des termes parfaitement inadmissibles s'agissant d'un cadre de direction (lesquels étaient volontairement blessants et vexatoires pour ceux auxquels ils étaient destinés), leur mode de diffusion en assurant de surcroît une large "publicité".

De toute évidence vous avez ainsi cherché à nuire à votre responsable hiérarchique ainsi qu'à l'un de ses collaborateurs, votre attitude visant manifestement à déstabiliser notre équipe et à en compromettre la cohésion.

Nous relèverons au surplus qu'immédiatement après avoir eu connaissance de notre décision de vous convoquer à un entretien préalable, vous avez cru devoir prendre l'initiative d'annoncer à l'ensemble de vos collaborateurs que vous alliez quitter l'entreprise par suite d'un licenciement pour faute grave alors même que l'entretien préalable n'avait pas encore eu lieu, aucune décision ne pouvant évidemment avoir été prise.

Cette initiative témoigne à elle seule et une nouvelle fois d'un souci évident de déstabilisation et d'un manquement manifeste à vos obligations les plus élémentaires de réserve et de loyauté.

Pour ces mêmes motifs, et sur autorisation administrative du 21 juin 2004, nous sommes désormais contraints de vous signifier par la présente votre licenciement pour faute grave, sans préavis, ni indemnité, avec effet immédiat au jour de la première présentation de ce courrier recommandé."

Sur la régularité de la lettre de licenciement

Lorsqu'une autorisation administrative de licenciement a été accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de ce licenciement.

M. X... reproche à la société de ne pas avoir précisé dans la lettre de licenciement les motifs de ce licenciement et de ne pas avoir permis de constater la corrélation devant exister entre la lettre de licenciement et l'autorisation donnée par l'inspecteur.

Cependant, la lettre de licenciement, qui reproche à M. X... de s'être, par des termes inadmissibles largement diffusés, désolidarisé de son responsable hiérarchique et d'avoir mis en cause son autorité et sa compétence et celle d'un de ses collaborateurs et qui critique l'emploi, par lui, de termes dénigrant les dirigeants et portant atteinte à leur autorité, fait expressément référence à l'autorisation administrative de licenciement donnée le 21 juin 2004 par l'inspecteur du travail, qui a lui-même fait référence à des écrits de M. X... mettant en évidence des désaccords avec la direction et le groupe directorial. Ainsi, la Cour constate d'une part que les griefs retenus dans la lettre de licenciement sont les mêmes que ceux qui sont retenus dans la décision donnée par l'inspecteur du travail, sans contradiction entre l'une et l'autre, et d'autre part que le licenciement, prononcé au vu de ces griefs, est intervenu sur autorisation de l'autorité administrative qui n'a pas été contestée devant la juridiction administrative et qui est devenue définitive. Ainsi, la lettre de licenciement, qui fait notamment référence à l'autorisation administrative de licencier, est suffisamment motivée.

En conséquence, la lettre de licenciement n'est entachée d'aucune irrégularité. Le juge judiciaire reste compétent pour apprécier le degré de gravité de la faute reprochée pour justifier le licenciement.

Sur la gravité de la faute reprochée

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. L'employeur qui l'allègue a la charge de la preuve.

Il résulte de la lettre de rupture du 24 juin 2004 que le licenciement est fondé sur le fait que M. X..., dans plusieurs écrits adressés à différents interlocuteurs, s'est désolidarisé de son responsable hiérarchique en mettant en cause son autorité et sa compétence ainsi que celle de l'un de ses plus proches collaborateurs et a, à cette fin, utilisé des termes inadmissibles de la part d'un cadre de direction, et qu'il en a fait une large publicité. Ce fait, malgré l'absence de dates, est matériellement vérifiable et suffisamment précis pour permettre au juge d'en apprécier le caractère de gravité.

Pour démontrer ces griefs qu'elle reproche ainsi à M. X..., qui était chargé de la direction Marketing et Commerciale, la société produit un courriel qu'il a adressé le 2 avril 2004 à M. B..., chargé de la direction industrielle et des productions animales - et en copie à M. C..., directeur d'un groupe Marketing, son subordonné, et à M. A..., directeur du pôle "Gastronomie de terroirs"et, à ce titre, son supérieur hiérarchique - relevant son "incompétence avérée à occuper la fonction et ce, tant sur la forme que sur le fond" ; et un autre courriel qu'il a adressé le 6 mai 2004 à M. A..., son supérieur hiérarchique, à M. D..., dirigeant de la société Rougié Bizac International, et à M. E..., directeur général du groupe Euralis auquel appartenait cette société, demandant à l'un d'eux de revenir "sur l'intervention calamiteuse que tu as faite devant les équipes GMS la semaine dernière".

De tels propos, par leur caractère excessif et malveillant du fait de la publicité qui leur a été donné, dépassent le simple droit d'expression dont bénéficie, dans l'entreprise qui l'emploie, tout salarié en général et tout directeur en particulier. Dès lors, l'employeur prouve que le comportement de M. X... rendait impossible le maintien des relations contractuelles pendant la durée du préavis et constituait une faute grave.

En conséquence, la Cour décide que M. X... a été licencié pour faute grave.

Sur le versement des indemnités

Puisque le licenciement est prononcé pour faute grave, M. X... ne peut obtenir le versement d'indemnités de rupture.

- quote-part de rémunération variable

M. X... sollicite, en application de l'avenant à son contrat de travail, le versement d'une prime de rémunération pour l'exercice clôturé au mois d'août 2004, qu'il calcule sur le résultat connu à son départ, soit le 24 juin 2004.

Le droit au paiement prorata temporis d'une prime à un salarié qui a quitté l'entreprise avant la date prévue pour son versement, ne peut résulter que d'une convention collective éventuellement applicable, d'un usage de l'entreprise ou du contrat de travail dont il appartient au salarié de rapporter la preuve.

En l'espèce, l'avenant du 4 juillet 2002 dont se prévaut M. X... stipule que sa rémunération est composée notamment "d'une rémunération variable annuelle de 0,35 % sur le résultat consolidé de Financière Rougié Montfort (FRM), plafonné à 38 000 euros et avant retraitement de consolidation". Son contrat de travail originaire stipulait qu'il percevait comme rémunération un intéressement ainsi fixé :

"Un intéressement annuel calculé sur le résultat courant avant impôt et fixé à 0,35 % dudit résultat mais plafonné à 150 000 francs.

Compte tenu que l'exercice social couvre la période 1er septembre - 31 août, M. X... ne pourra prétendre pour la première fois à l'intéressement que sur les résultats de l'exercice clos le 31 août 1998.

Le versement de la prime interviendra au plus tard le sixième mois suivant la clôture de chaque exercice."

Il était ainsi reconnu à M. X... un droit au versement de la prime pour une année entière et il ne justifie pas, au vu des dispositions contractuelles dont il se prévaut, d'un droit au paiement prorata temporis. Ce chef de demande doit être rejeté.

- indemnisation du préjudice moral

M. X... qui a été licencié pour faute grave ne justifie d'aucun préjudice moral indemnisable. Ce chef de demande doit être rejeté.

En conséquence, le jugement doit être confirmé pour le tout.

Sur les autres chefs de demande

M. X... qui succombe doit être condamné aux dépens d'appel.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société les frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Confirme le jugement du Conseil de prud'hommes de Périgueux du 23 mai 2005,

Rejette la demande de la société Rougié Bizac International en condamnation de M. X... à lui verser une somme au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

Condamne M. X... aux dépens d'appel.

Signé par Benoît Frizon de Lamotte, Président, et par Chantal Tamisier, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0274
Numéro d'arrêt : 05/003354
Date de la décision : 30/08/2007

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2007-08-30;05.003354 ?
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