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23/01/2007 | FRANCE | N°05/05853

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0003, 23 janvier 2007, 05/05853


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

SIXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------
cp

ARRÊT DU : 23 JANVIER 2007

(Rédacteur : Franck LAFOSSAS, Président)

No de rôle : 05 / 05853

Meriame X... épouse Y...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005 / 020468 du 02 / 02 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c /

LE MINISTERE PUBLIC
Adil Y...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués
Décision déférée à la Cour : jugement ren

du le 20 septembre 2005 par la Première Chambre Civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (RG : 2069 / 2005suivant déclaration d'appel d...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

SIXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------
cp

ARRÊT DU : 23 JANVIER 2007

(Rédacteur : Franck LAFOSSAS, Président)

No de rôle : 05 / 05853

Meriame X... épouse Y...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005 / 020468 du 02 / 02 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c /

LE MINISTERE PUBLIC
Adil Y...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 septembre 2005 par la Première Chambre Civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (RG : 2069 / 2005suivant déclaration d'appel du 25 octobre 2005

APPELANTE :

Meriame X... épouse Y...
née le 12 Septembre 1981 à MONTAUBAN (82000)
de nationalité Française
demeurant ...
33640 PORTETS

représentée par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL et JAUBERT, avoué à la Cour et assistée de Maître Ludivine MIQUEL, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉS :

LE MINISTERE PUBLIC
représenté par Jacques DEFOS DU RAU, Avocat Général,

Adil Y...
demeurant ...
33640 PORTETS

Non constitué, assignation (PV de recherches)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 novembre 2006 hors la présence du public, devant la Cour composée de :

Franck LAFOSSAS, Président,
Philippe GUENARD, Conseiller,
Bruno CHOLLET, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : JosetteDella GIUSTINA

Ministère Public : : l'affaire a été communiquée au Ministère Public représenté lors des débats par Jacques DEFOS DU RAU, Avocat Général, qui a fait connaître ses observations.

ARRÊT :

-par défaut

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.

faits et procédure antérieure :

Mériame X..., de nationalité française, a épousé Adil Y..., de nationalité marocaine, le 22 août 2002 à Meknès (Maroc).

L'acte de mariage a été transcrit le 28 mai 2003 par le Consulat Général de France à Fès.

Les époux ont eu un fils, Reda, né le 31 août 2004.

En février 2005, Mériame Y... a fait assigner Adil Y... et le Procureur de la République pour obtenir l'annulation du mariage, l'autorité parentale exclusive sur l'enfant Reda, voir condamner Adil Y... au paiement de 3. 000 € à titre de dommages et intérêts.

L'assignation qui devait être délivrée à Adil Y... le 3 février 2005 a été transformée par l'huissier en procès-verbal de recherches infructueuses et il n'a pas constitué avocat.

Par jugement du 20 septembre 2005, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a prononcé la mise hors de cause du Ministère public, qui n'a pas agi d'office en nullité du mariage et ne peut être appelé en tant que partie, et a débouté Mériame X... épouse Y... de ses demandes faute de preuve de l'absence d'intention matrimoniale d'Adil Y... avec lequel elle a eu un enfant, l'échec patent de la relation ne pouvant être imputée à une volonté de fraude non établie.

procédure d'appel :

Par acte du 25 octobre 2005, Mériame X... épouse Y... a formé appel contre ce jugement.

L'assignation qui devait être délivrée à Adil Y... a été transformée par l'huissier en procès-verbal de recherches infructueuses le 29 juin 2006. Le 20 septembre 2006, le conseiller de la mise en état a accueilli la demande de l'avoué visant à être dispensé de procéder à une nouvelle assignation d'Adil Y..., toujours introuvable.

Dans ses conclusions déposées le 23 février 2006, l'appelante affirme l'absence d'intention matrimoniale du mari, son absence de volonté de créer une vie commune, sa fraude, et le vice de son consentement par son erreur sur la personne puisqu'elle avait cru à la volonté matrimoniale du mari.

Elle entend démontrer cela :
. par la chronologie de son mariage, le comportement d'Adil Y... ayant brutalement changé une fois le mariage conclu : il a évité la cohabitation avec elle en restant vivre un an au Maroc avant de la rejoindre en France ; il s'est alors montré violent et a quitté à plusieurs reprises le domicile conjugal en vidant les comptes ; il a tenté de lui imposer d'avorter de leur enfant, finalement né et dont il s'est totalement désintéressé,
. il l'a quittée sans laisser d'adresse à plusieurs reprises puis en fin d'été 2004 après avoir vidé le compte bancaire, alors qu'il venait d'obtenir sa carte de résident le 23 août, et malgré la naissance de son enfant le 31 août,

. la naissance de l'enfant commun établit que le mariage a été consommé mais non que le père avait une intention matrimoniale,
. elle a compris tardivement que son époux s'est prêté à la célébration du mariage aux seules fins d'obtenir un titre de séjour en France. Cette volonté de fraude est établie par des attestations et des justificatifs des démarches de l'appelante auprès des services de la Préfecture pour comprendre les motivations de l'époux,
. ces mêmes faits caractérisent l'erreur sur la personne, l'appelante ayant cru épouser une personne de grande moralité et ayant aujourd'hui connaissance des projets d'Adil Y... avec une femme marocaine qu'il souhaite faire venir en France.

Elle fait valoir que, dans ces circonstances, il y a lieu de lui attribuer l'autorité parentale exclusive sur son fils Reda.

L'appelante demande en conséquence à la Cour d'infirmer et annuler le mariage des époux Y..., accorder à la mère l'autorité parentale exclusive sur l'enfant Reda, condamner le père à verser à la mère 3000 € à titre de réparation du préjudice, outre 3000 € sur le fondement de l'article 700 du ncpc.

Par conclusions déposées le 22 août 2006, le Ministère public intimé considère que les éléments de preuve versés par l'appelante permettent d'estimer qu'Adil Y... a effectivement quitté son épouse après avoir obtenu sa carte de résident, trahissant une volonté frauduleuse et l'absence d'intention matrimoniale. Il requiert en conséquence que la Cour déclare nul et de nul effet le mariage des époux Y... et en ordonne mention sur les registres de l'état civil.

Sur quoi, la Cour :

Le certificat médical indiquant l'état dépressif de l'épouse, établi à sa demande le 2 octobre 2004, est sans intérêt au débat, tout comme celui du 27 avril 2004 qui lui recommandait d'être " bien entourée sur le plan familial ".

Le docteur A..., dévoilant ce qu'il a appris de la vie du couple au cours de son exercice de médecin, relate les propos de l'épouse se plaignant de l'absentéisme de son mari.

Les époux B... considèrent que les époux Y... n'ont pas eu de vie maritale à cause des " départs très nombreux du mari " et ils estiment " que Mr Y..., par son mauvais comportement et son manque d'implication dans sa vie de couple, avait perpétré un plan en se mariant afin d'obtenir un titre de séjour ".

Le témoin Z... estime que le mari " s'est manifestement servi de la naissance de son fils pour être inexpulsable " et analyse, " a postériori ", que son but était prémédité et qu'il a abusé des sentiments de son épouse.

Les époux C... effectuent la même analyse du départ du mari après la naissance de son fils.

Il en est de même du témoin Jean-Marie D..., estimant que le mari " n'avait pas les qualités de mari et père " et qu'il " ne manifestait pas de volonté matrimoniale ".

Le témoin Boyancier, qui a reçu les confidences de l'épouse, est plus prudent en exposant qu'il lui " semble que Mr Y... ait profité de Mlle X... afin d'avoir une situation régulière ".

Le photographe de la cérémonie de mariage se souvient avoir observé que le mari était " très mal à l'aise, stressé et maladroit " et qu'il paraissait " froid et distant... à la limite de l'indifférence ", étant redevenu plus " souriant plus abordable " lorsqu'il avait rejoint la famille et les amis.

L'abandon par le mari de son épouse enceinte est attesté par Mohamed E..., Khaldia F..., Thierry G...ainsi que par les époux B..., faits situés en début avril 2004.

L'appelante fournit également la preuve administrative que son mari a obtenu, sur justification de son mariage avec vie commune, une carte de résident valable du 23 août 2004 au 22 août 2014.

Mais cette administration, contactée par l'épouse désireuse de faire annuler ce titre de séjour en affirmant que son mari l'avait abandonnée sitôt son titre acquis, s'est refusée à le faire en faisant valoir que c'était elle qui avait attesté de la déclaration de vie commune et que " votre époux a obtenu ce titre de façon régulière ".

Le témoin Lahcen B... indique avoir vu le mari en septembre (soit 5 mois après son départ du domicile conjugal selon les témoins précités et 1 mois après l'obtention de sa carte de séjour) et qu'il lui avait déclaré ne pas avoir besoin de revenir au domicile conjugal " car il avait reçu sa carte de résident ". Le témoin se considérait comme " sûr que Mr Y... ne s'est marié que pour les papiers... en espérant vraiment que Mme Y... obtiendra la nullité de son mariage... "

Hafida B... " pense que Mr Y... ne s'est marié que pour avoir la carte de résident... " et estime pouvoir " dire très sûrement que le consentement au mariage de Mme Y... a été vicié... "

L'appréciation péjorative de la personnalité du mari avant mariage faite par le témoin Mohamed H...n'apporte aucun élément intéressant au débat, pas davantage que la déclaration de sympathie envers l'épouse abandonnée faite par les époux I....

*
Ainsi, de la longue étude des multiples témoignages fournis au débat, la cour acquiert la conviction que les époux Y... ont vécu séparés à plusieurs reprises, notamment par séparation d'avril 2004, soit 4 mois avant le début de validité du titre de séjour que le mari obtiendra grâce à l'attestation faite par son épouse de la réalité de leur vie commune, et que les témoins accusent le mari d'être seul responsable de cette séparation.

Il est également rapporté que ce mari, après l'ultime séparation, avait ensuite déclaré à un témoin n'avoir aucune raison de revenir au domicile conjugal puisqu'il détenait son titre de séjour.

Mais, à part ce dernier récit, les témoins font essentiellement état de leur conviction, sans rapporter un fait précis auquel ils auraient personnellement assisté.

Et diverses contradictions affaiblissent le raisonnement de l'épouse appelante qui, notamment,
. affirme dans ses écritures que l'absence d'intention matrimoniale du mari se déduit de sa volonté de la faire avorter, tout en présentant un témoignage selon lequel le mari " s'est manifestement servi de la naissance de son fils pour être inexpulsable ",
. soutient que son mari l'a abandonnée après avoir obtenu sa carte de séjour mais communique plusieurs attestations datant ce départ d'avril 2004, soit bien auparavant,
. indique qu'il recherchait avant tout un titre de séjour en France mais lui reproche d'être resté trop longtemps au Maroc après le mariage.

Ainsi la cour, comme le premier juge, n'y découvre pas la preuve que le mari avait simulé son consentement au moment du mariage et n'y trouve pas la preuve de l'absence de sincérité de son engagement au moment du mariage et ce n'est pas l'attestation éminemment subjective du photographe qui peut apporter cette conviction.

La preuve d'une absence de consentement au mariage du mari n'étant pas rapportée, pas davantage que celle d'un vice du consentement de l'épouse, alors par ailleurs que la réalité d'une vie commune temporaire a été attestée par elle, qui n'a pas contesté la consommation du mariage ni la filiation légitime de son enfant, la cour ne peut que débouter l'appelante de sa demande d'annulation.

Comme le premier juge, la cour considère que l'échec patent de la relation de époux ne peut être imputée à une volonté de fraude non établie.

De façon superfétatoire, il est à signaler que les époux H...indiquent que la femme avait été enceinte une première fois en 2003, ayant fait une fausse couche en septembre 2003. Cette seconde grossesse connue manifeste la réalité et la continuité des relations sexuelles entre les époux depuis le mariage (22 août 2002).

Par ces motifs :

Confirme la décision déférée,

Déboute l'appelante de ses demandes,

Lui laisse la charge des dépens d'appel.

L'arrêt a été signé par le Président Franck Lafossas et par Josette Della Giustina, Greffier auquel il a remis la minute signée de la décision.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0003
Numéro d'arrêt : 05/05853
Date de la décision : 23/01/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 20 septembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2007-01-23;05.05853 ?
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