AMPDU 15 DECEMBRE 2006No DU PARQUET : 06/01086No D'ORDRE :M.P. C/X... Jean Roger
LE QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE SIXLA COUR D'APPEL DE BORDEAUX
En l'audience publique de la Troisième Chambre Correctionnelle tenue par :
Monsieur MIORI, Président,
Monsieur LE ROUX, Conseiller,
Madame CHAMAYOU-DUPUY, Conseiller,
En présence de Monsieur CHAVIGNE, Substitut de Monsieur le Procureur Général.
Et avec l'assistance de Mademoiselle PAGES, Greffier,a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE : Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de BORDEAUX
ET : X... Jean Roger âgé de 77 ans, demeurant ... 47120 SAINTE COLOMBE DE DURAS né le 22 Novembre 1929 à DIEULIVO (33) de Pierre et de Y... Jeanne de nationalité française, Retraité,Jamais condamné,
PRÉVENU, appelant et intimé, cité le 21 septembre 2006 à personne, libre, présent, assisté de Maître LE BRUCHEC et de Maître TEYNIE loco Maître DASSAS, avocats au Barreau de Bordeaux.
ET : Z... Grégory, demeurant ... - 33190 CASSEUIL
PARTIE CIVILE, intimée, citée le 26 septembre 2006 à domicile (LRAR non réclamée), présente, assistée de Maître HARMAND, avocat au Barreau de Bordeaux.
Z... Jean Luc, demeurant ... - 33190 CASSEUIL
PARTIE CIVILE, intimée, citée le 26 septembre 2006 à domicile (LRAR non réclamée), absente, représentée par Maître HARMAND, avocat au Barreau de Bordeaux.
Z... Rose-Marie, demeurant ... 33190 CASSEUIL
PARTIE CIVILE, intimée, citée le 26 septembre 2006 à personne, présente, assistée de Maître HARMAND, avocat au Barreau de Bordeaux.
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Par actes reçus au Secrétariat-Greffe du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, le prévenu, X... Jean Roger, en date du 16 mai 2006 et le Ministère Public, en date du 18 mai 2006 ont relevé appel d'un jugement contradictoire, rendu par ledit Tribunal le 11 Mai 2006, à l'encontre de X... Jean Roger, poursuivi comme prévenu d'avoir à Casseuil, le 18 janvier 2003, par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce en tirant à balle en direction d'une habitation appartenant aux époux Z... exposé autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente,
Infraction prévue par l'article 223-1 du Code pénal et réprimée par les articles 223-1, 223-18, 223-20 du Code pénal.
LE TRIBUNAL
Sur l'action publique :
A déclaré le prévenu coupable des faits reprochés ; en répression, l'a condamné :
- à 2 mois d'emprisonnement avec sursis,
- au paiement d'une amende délictuelle de 600 euros,
- à l'interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant un an, à titre de peine complémentaire.
Sur l'action civile :
A reçu les époux Z... et Grégory Z... en leur constitution de partie civile régulière en la forme,
A condamné X... Jean Roger à payer à Monsieur et Madame Z... et Grégory Z... :
- la somme de 600 euros chacun à titre de dommages et intérêts,
- la somme de 600 euros à l'ensemble des consorts Z... au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale.
Sur ces appels et selon citations de Monsieur le Procureur Général, l'affaire a été appelée à l'audience publique du 03 Novembre 2006, la Cour étant composée de Monsieur MIORI, Président, Monsieur LE ROUX et Madame CHAMAYOU-DUPUY, Conseillers, assistée de Mademoiselle PAGES, Greffier,
A ladite audience, le prévenu a comparu et son identité a été constatée ;
Madame le Conseiller CHAMAYOU-DUPUY a fait le rapport oral de l'affaire ;
Le prévenu a été interrogé ;
Les parties civiles, Z... Grégory et Z... Rose-Marie, étaient présentes;
La partie civile Z... Jean-Luc était absente;
Maître HARMAND, avocat, a développé les conclusions des trois parties civiles ;
Madame le Substitut de Monsieur le Procureur Général a été entendue en ses réquisitions ;
Maître LE BRUCHEC et Maître TEYNIE loco Maître DASSAS, avocats, ont présenté les moyens d'appel et de défense du prévenu ;
X... Jean Roger a eu la parole le dernier ;
SUR QUOI,
Le Président a informé les parties présentes que l'affaire était mise en délibéré à l'audience publique du 15 décembre 2006.
A ladite audience, Monsieur le Président a donné lecture de la
décision suivante :
Les appels successivement interjetés par le prévenu, Jean Roger X... et le Ministère Public, sont recevables pour avoir été déclarés, dans les forme et délai de la loi.
Les parties civiles, Jean Luc Z..., Rose-Marie Z..., Grégory Z..., sollicitent la confirmation du jugement déféré.
Le Ministère Public requiert la confirmation de la décision entreprise.
Le prévenu soutient qu'il doit être relaxé des fins de la poursuite. D'une part, parce que l'enquête n'établit par avec certitude qu'il soit l'auteur du coup de feu qui a causé des dommages dans l'habitation des consorts Z..., d'autre part, parce que, juridiquement, aucun texte légal ou réglementaire n'interdit de tirer en direction d'une maison d'habitation à une distance de plus de 150 mètres.
Il fait valoir que de ce fait, l'infraction poursuivie de mise en danger d'autrui n'est pas caractérisée en tous ses éléments.
Motifs de la décision :
Sur l'action publique :
Il résulte de la procédure établie par les gendarmes de la compagnie de Langon, que le samedi 18 janvier 2003 dans l'après midi, une battue au sanglier se déroulait à proximité de l'habitation des consorts Z....
Une balle de fusil tirée de l'extérieur a traversé le mur et le salon de la maison pour venir se loger dans une traverse en bois.
Il est avéré que parmi les chasseurs qui participaient à la battue au sanglier, seul Jean Roger X... a déclaré spontanément être l'auteur de ce coup de feu.
Il avait alors conscience d'avoir exposé les parties civiles à un risque immédiat de mort ou de blessures et soulignait que d'habitude,
il était très attentif aux règles de sécurité.
Toutefois, lors de l'audience d'appel, il a tenté d'instiller un doute sur l'identité de l'auteur de ce coup de feu, alors qu'il ne l'avait jamais fait auparavant.
Il a excipé d'une attestation de Marc A..., lieutenant de louveterie et organisateur de la battue, qui avait déclaré aux gendarmes ne pas avoir été témoin de la scène, mais savoir que le prévenu était posté à environ 250 mètres de l'habitation des consorts Z...
Ses dénégations tardives sont inefficaces au regard des éléments consignés dans le procès-verbal de gendarmerie, lesquels font ressortir qu'il est bien l'auteur du coup de feu à l'origine des dégâts.
En outre, il ressort des constatations des gendarmes, qui font foi jusqu'à preuve contraire, que la balle, en raison de sa trajectoire, n' a pu être tirée avec un angle de 45o, ni ricocher sur une pierre, comme le prévenu l'a soutenu , car il s'agissait d'un tir en ligne droite.
D'après le règlement de la fédération de chasse de la Gironde, en sa qualité de piqueur, Jean Roger X... n'aurait pas du tirer, si ce n'est pour achever un animal blessé ou garantir sa sécurité, pourtant il a fait feu sur le sanglier, en terrain dégagé, selon un tir rectiligne, en direction d'une habitation alors qu'il se trouvait à une distance de 250 mètres environ de celle-ci.
Ce tir rasant a manqué le sanglier, mais compte tenu de la portée de son fusil, que Jean Roger X... ne pouvait ignorer, il a atteint la demeure de parties civiles risquant de blesser ou de tuer l'une d'entre elles.
Il est donc établi qu'il a violé délibérément une obligation particulière de prudence et de sécurité prévue par la loi et le
règlement et notamment par les articles L 422-54 du Code de l'Environnement et R 222-55 du Code Rural en tirant à balle en direction d'une maison d'habitation , sachant qu'elle était à portée de tir, exposant ainsi ses habitants à un risque immédiat d'infirmité ou de mort.
L'article L 424-15 du Code de l'Environnement constitue, par ailleurs, une obligation spécifique de sécurité des chasseurs et des tiers dans le déroulement de toute action de chasse ou de destructions d'animaux nuisibles, particulièrement lorsqu'il est recouru au tir à balles, ce qui est le cas de celui réalisé par Jean Roger X....
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur la qualification des faits et la déclaration de culpabilité.
La sanction, par contre, sera modifiée, compte tenu de la nature des faits commis et de leur gravité.
Jean Roger X... sera condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement assortie du sursis et 3 000 euros d'amende à titre de peine principale.
La confiscation de l'arme ayant servie à commettre l'infraction sera ordonnée à titre de peine complémentaire.
Sur l'action civile :
Le jugement déféré sera confirmé sur la recevabilité de constitution de partie civile des consorts Z..., la responsabilité directe de Jean Roger X... dans la survenance de leur préjudice, ainsi que sur le montant des dommages et intérêts alloués en réparation et au paiement duquel le prévenu a été condamné.
En outre, il est équitable de condamner Jean Roger X..., prévenu, à payer aux consorts Z..., partie civile intimée la somme de 600 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel pour défendre leurs intérêts.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare les appels recevables,
Sur l'action publique :
Confirme le jugement déféré sur la qualification des faits et sur la déclaration de culpabilité,
Le réformant sur la sanction, condamne Jean Roger X... à deux mois d'emprisonnement avec sursis et à 3 000 euros d'amende à titre de peine principale,
Ordonne la confiscation du fusil Fabarm Eurolin 12 numéro 500 3207, à titre de peine complémentaire.
Constate que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code Pénal a pu être donné au prévenu sent lors du prononcé de l'arrêt.
Sur l'action civile :
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant, condamne Jean Roger X... à payer aux consorts Z... la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale.
Avis a pu être donné au prévenu sent qu'en application des dispositions de l'article 707-3 du Code de Procédure Pénale, le paiement dans le délai d'un mois à compter de la présente décision diminue son montant de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1.500 euros ; le paiement de l'amende ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours.
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de cent vingt Euros dont est redevable chaque condamné par application de l'article 1018 A du Code Général des Impôts.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur MIORI, Président et Mademoiselle PAGES, Greffier présent lors du prononcé.