La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2006 | FRANCE | N°05/003321

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 05 décembre 2006, 05/003321


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

V.F.

Le : 05 / 12 / 2006.

CINQUIEME CHAMBRE

No de rôle : 05 / 03321

Madame Nathalie X...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005 / 018837 du 22 / 12 / 2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c /

S.A.S. LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA DORDOGNE, prise en la personne

de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

Nature de la décision : AU FOND

Grosse déli...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

V.F.

Le : 05 / 12 / 2006.

CINQUIEME CHAMBRE

No de rôle : 05 / 03321

Madame Nathalie X...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005 / 018837 du 22 / 12 / 2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c /

S.A.S. LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA DORDOGNE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Rendu le

Par mise à disposition au Greffe

Par Monsieur Patrick GABORIAU, Président
en présence de Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, CINQUIEME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :

Madame Nathalie X..., née le 08 Juillet 1962 à BERGERAC (24100), de nationalité française, demeurant ...,

Représentée par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL et JAUBERT, avoués à la Cour et assistée de Maître Isabelle BERRIE, Avocat au Barreau de Bordeaux,

Appelante d'un jugement rendu le 11 mai 2005 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 01 Juin 2005,

à :

S.A.S. LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,
100 Route de Versailles-78163 MARLY LE ROI CEDEX,

Intimée,

Représentée par la SCP RIVEL et COMBEAUD, avoués à la Cour et assistée de Maître Jacques-Antoine ROBERT du cabinet SIMMONS et SIMMONS, Avocats au Barreau de Paris,

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA DORDOGNE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,50, rue Claude Bernard-24016 PERIGUEUX CEDEX,

Intimée,

Représentée par la SCP BOYREAU ET MONROUX, avoués à la Cour
et assistée de Maître LE BORGNE loco la SCP FAVREAU-CIVILISE, Avocats au Barreau de Bordeaux,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue en audience publique, le 05 Septembre 2006 devant :

Monsieur Patrick GABORIAU, Président,
Madame Josiane COLL, Conseiller,
Madame Edith O'YL, Conseiller,
assistés de Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier,

et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats.

Madame Nathalie X..., à la suite d'un voyage au Sénégal du 4 septembre au 4 octobre 1992, a présenté dans les jours suivants son retour des migraines et des malaises qui ont justement amené son médecin traitant à diagnostiquer un paludisme traité par la prise d'Halfan (halofantrine).

Traitée par halofantrine à domicile puis en milieu hospitalier en raison de la persistance des effets de ce paludisme à plasmodium falciparum, Madame X..., de retour chez elle, a présenté un malaise très grave avec coma et de nombreux arrêts cardiaques au cours de son transport et de son admission en service de réanimation.

Par la suite, il a été mis en évidence chez Madame X... une affection cardiaque congénitale le syndrome de Romano-Ward, ignoré de la patiente, consistant en un syndrome de QT long associé à des risques de troubles du rythme ventriculaire grave pouvant entrainer syncope et mort subite à l'occasion de la prise d'un médicament modifiant la repolarisation ventriculaire.

Estimant à juste titre que ces arrêts cardiaques et les séquelles qu'elle a présenté ensuite résultaient de la prise du médicament Halofantrine, Madame X... par acte d'huissier du 27 mars 1998 a saisi le Président du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux statuant en référé pour obtenir la désignation d'un expert médical.

Le docteur B... a été désigné par ordonnance du 8 septembre 1998 et a déposé son rapport en juillet 1999.

Au vu des conclusions de ce rapport, Madame Nathalie X... par acte d'huissier du 3 juillet 2001 a saisi le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux afin que le Laboratoire Smithkline Beecham, nouvellement dénommé Laboratoire GLAXOSMITHKLINE, fabricant du médicament Halfantrine soit déclaré entièrement responsable de son préjudice et qu'il soit condamné à le réparer.

Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux du 11 mai 2005 qui a débouté Madame X... de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux dépens,

Vu l'appel régulièrement interjeté contre cette décision par Madame Nathalie X... le 1er juin 2005,

Vu les conclusions signifiées et déposées au Greffe de la Cour :

-le 8 août 2006 par l'appelante,
-le 17 août 2006 par le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE,
-le 17 août 2006 par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Dordogne,

Vu l'ordonnance de clôture du 22 août 2006,

La Cour saisie du litige dans les mêmes termes qu'en premier ressort ne peut que confirmer la décision des premiers juges qui par des motifs complets et pertinents qu'elle adopte, a considéré, à bon droit, au regard des dispositions des articles 1147 et 1382 du Code Civil interprétés à la lumière de la Directive CEE no85-374 du 25 juillet 1985 que la responsabilité du producteur était soumise à la condition que le demandeur prouve outre le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage, que si ce dernier était bien réel et résultait de la prise du médicament Halfantrine, le défaut du produit n'était établi par Madame X... ni par la démonstration d'une défectuosité du produit ni par l'absence, l'insuffisance ou la mauvaise information que le Laboratoire était tenu de donner en l'état des connaissances par lui acquises au moment de l'introduction du médicament sur le marché et aux connaissances acquises depuis cette date jusqu'à la prescription du médicament.

* Sur la défectuosité du produit

-Le régime juridique applicable

Le produit a été présenté sur le marché français en 1988.

A cette date, la directive communautaire du 25 juillet 1985 n'avait pas été transposée en droit français, cette transposition était intervenue par adoption de la loi du 19 mai 1998 codifiée sous les articles 1386-1 et suivants du Code Civil qui sont inapplicables en l'espèce comme l'admettent l'appelante et l'intimée.

C'est, donc, au regard des articles 1147 et 1382 du Code Civil interprétés à la lumière de la directive précitée que la responsabilité du Laboratoire doit être recherchée.

Or cette responsabilité est soumise à la condition que le demandeur prouve outre le dommage, le défaut du produit et le lieu de causalité entre le défaut et le dommage.

Un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances au moment de la mise en circulation du produit.

Les précautions que doit, donc, prendre le professionnel ne sont relatives qu'aux risques qu'il est en mesure et en devoir de connaître.

Dès lors un produit ne saurait être considéré comme défectueux au seul motif qu'il peut créer un danger pour les personnes et pour les biens encore faut-il rechercher si, au regard des circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage que le public pouvait raisonnablement en attendre, au moment de sa mise en circulation ou de sa prescription et de la gravité des effets nocifs constatés, il était défectueux.

Or en l'espèce, comme l'ont très justement relevé les premiers juges, au moment de l'introduction du médicament sur le marché, il ne pouvait être tenu compte que de ce qui était connu en 1988.

* Sur la mauvaise information du public

Selon la revue " Prescrire " de décembre 1989, l'halofantrine a fait l'objet d'une vingtaine d'études cliniques sur environ 1. 000 patients. Il en est résulté que la tolérance à ce médicament a été jugée bonne, que les effets indésirables observés ont été des troubles digestifs et des céphalées. Au vu de la fiche signalétique, l'utilisation de l'halofantrine est déconseillée pendant la grossesse et l'allaitement.

De même, selon le concours médical du 6 février 1992, dans l'article des Docteurs Y... et Z... " la tolérance est excellente à part quelques cas de diarrhée et de prurit. La grossesse est une contre-indication de principe ".

Certes, les effets inattendus et toxiques de l'Halfan ont fait l'objet d'un rapport du docteur C... du 14 octobre 1993.

Celui-ci, notamment précise : " Au cours des essais cliniques pré AMM (2800 sujets) quelques patients ont présenté des palpitations dès le 1er jour,7 ont présenté un incident cardio-vasculaire en particulier hypotension orthostatique ".

Depuis la mise sur le marché 15 observations des troubles cardiaques ont été rapportées dont 8 décès (3 décès notifiés en France).

Au vu de la fiche des effets secondaires rapportés en France depuis la commercialisation qui figure dans ce rapport, les deux premiers décès datent de 1989 et le rapport avec la prise d'halofantrine n'est pas établi, le troisième décès date de juillet 1993 donc postérieurement aux troubles et arrêts cardiaques de Madame X.... Sont également répertoriés en relation avec la prise d'halfantrine, trois cas de malaises cardiaques en juillet 1992 (2) et en octobre 1992 (celui de Madame X...).

Il apparaît, ainsi, au vu des documents qu'avant sa mise sur le marché en 1988, les essais cliniques n'ont pas mis en évidence d'anomalie du rythme cardiaque ; que seuls les cas répertoriés par les centres de pharmaco-vigilance pour des effets secondaires en relation avec la prise d'halofantrine avant octobre 1992 sont de juillet 1992.

Il n'est pas établi que ces cas aient été portés à la connaissance du Laboratoire avant octobre 1992 par les centres de pharmaco-vigilance. Le Docteur C... dans son rapport précise d'ailleurs à cet effet " A la suite de la notification des deux cas français, une enquête officieuse a été mise en place en mars 1993, elle est devenue officielle en septembre 1993 ".

Il convient d'observer, ainsi, que le Laboratoire a mené des études cliniques dès qu'il a eu connaissance des premiers cas de troubles cardiaques et que, de plus, le fabricant d'un produit de santé n'est pas libre de modifier l'information relative à un médicament sans décision préalable des autorités de santé (art.R. 5135-4 du Code de la Santé Publique).

Le Laboratoire au vu des résultats de cette enquête a fait le nécessaire dès que le risque cardiaque associé au produit a été connu en modifiant l'information relative au produit aux rubriques " contre-indications " " mises en garde " " précautions d'emploi " et " effets indésirables " (cf. Notice Vidal Edition 1994 non sans avoir au préalable avisé le corps médical par lettre circulaire dès 1993.

Ainsi, il apparaît :

qu'au moment de la mise sur le marché du produit, les effets secondaires portant sur la modification du rythme cardiaque n'étaient pas connus,

qu'ils n'étaient pas prévisibles au vu de la documentation médicale produite, ainsi que l'ont relevé les premiers juges,

que les deux décès de 1989 n'ont pu permettre d'établir une relation avec la prise d'Halofantrine compte tenu de l'absence d'une documentation suffisante sur ces cas,

que les cas de malaises cardiaques graves répertoriés l'ont été pour la première fois en juillet 1992 par les centres de pharmaco-vigilance sans qu'il soit possible de savoir s'ils ont été portés à la connaissance du fabricant deux mois avant que Madame X... ne subisse également ces malaises,

que le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE a lancé une enquête officieuse dès mars 1993 pour devenir officielle en septembre 1993 après le décès en juillet 1993 d'un enfant qui avait été traité par Halofantrine,

que jusqu'en 1993 aucun cas d'effets secondaires cardiaques n'avaient été répertoriés par la Communauté Scientifique,

que dès lors en octobre 1992, le fabriquant ne peut se voir reprocher un défaut de produit lié tant à sa défectuosité qu'à un manque d'information et sa responsabilité à l'égard de Madame X... ne peut être retenue.

Il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d'appel.

Madame Nathalie X... qui succombe devra supporter les dépens d'appel à concurrence d'1 / 4, le restant demeurant à la charge de l'Etat conformément à l'article 42 de la loi sur l'aide juridique du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Vu le rapport d'expertise du docteur Jean B...,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d'appel,

Condamne Madame Nathalie X... aux dépens d'appel à concurrence d'1 / 4,

Pour le surplus, dit que les 3 / 4 des dépens seront pris en charge par l'Etat conformément aux dispositions de l'article 42 de la loi sur l'aide juridique du 10 juillet 1991,

Dit que les dépens laissés à la charge de l'appelante seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle dont elle est bénéficiaire.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick GABORIAU, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

Hervé GOUDOT Patrick GABORIAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : 05/003321
Date de la décision : 05/12/2006

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 11 mai 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2006-12-05;05.003321 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award