ARRET RENDU PAR LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX -------------------------- Le : 19 Octobre 2006 CHAMBRE SOCIALE - SECTION C PRUD'HOMMES No de rôle : 05/06622 Monsieur Jean-Louis X... c/ Madame Delphine Y... Madame Nathalie Z... (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006/008992 du 01/06/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX) Monsieur Bruno A... (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006/008993 du 01/06/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)
Nature de la décision : AU FOND Notifié par LRAR le : LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à : La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier). Certifié par le Greffier en Chef, Grosse délivrée le : à :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ;
Le 19 octobre 2006
Par Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,
assisté de Madame Annie BLAZEVIC, Greffier
La COUR D'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE SOCIALE SECTION C, a, dans l'affaire opposant :
Monsieur Jean-Louis X..., né le 07 Mai 1941 à MARMANDE (47200), de nationalité Française, demeurant ... - 33150 CENON
Représenté par Maître Stéphanie OGEZ (avocat au barreau de BORDEAUX) loco la SELAFA J. BARTHELEMY etamp; ASSOCIES (avocats au barreau de BORDEAUX)
Appelant d'un jugement (R.G. F 04/2865) rendu le 03 novembre 2005 par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, Section Commerce, suivant déclaration d'appel en date du 05 décembre 2005,
à :
Madame Delphine Y..., de nationalité Française, demeurant ... - 33370 FARGUES-SAINT-HILAIRE
Représentée par Maître Jean-Pascal POMIE (avocat au barreau de BORDEAUX) loco Maître Virginie DELOUIS (avocat au barreau de BORDEAUX)
Madame Nathalie Z..., de nationalité Française, demeurant ... - 33270 FLOIRAC
Représentée par Maître Jean-Pascal POMIE (avocat au barreau de BORDEAUX) loco Maître Virginie DELOUIS (avocat au barreau de BORDEAUX)
Monsieur Bruno A..., de nationalité Française, demeurant ... - 33610 CANEJAN
Représentée par Maître Jean-Pascal POMIE (avocat au barreau de BORDEAUX) loco Maître Virginie DELOUIS (avocat au barreau de BORDEAUX)
Intimés,
Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique le 15 Septembre 2006, devant :
Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame BLAZEVIC, Greffier,
Monsieur le Conseiller en a rendu compte à la Cour dans son délibéré,
Celle-ci étant composée de :
Monsieur Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président,
Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,
Madame Caroline BARET, Vice-Présidente placée.
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur A..., Madame Z... et Madame Y... ont été engagés par Monsieur X... en exécution de contrats d'apprentissage conclus pour le premier le 1er juillet 2004, pour la deuxième le 2 juillet 2004 et pour la troisième le 5 juillet 2004, en vue d'obtenir leur brevet professionnel de préparateur en pharmacie. Les salariés ayant estimé que leurs contrats, non enregistrés auprès de l'organisme d'habilitation, s'étaient trouvés de ce fait rompus, ont saisi le Conseil de prud'hommes en contestant les conditions de cette rupture. Par jugement du 3 novembre 2005, le Conseil des Prud'hommes de Bordeaux, joignant les instances et requalifiant en contrats à durée déterminée les contrats d'apprentissage liant les salariés à Monsieur X... a condamné celui-ci à payer :
- à Madame Z... la somme de 881,02 euros à titre de rappel de salaires,
- à Monsieur A... la somme de 881,02 euros à titre de rappel de salaires,
- à Madame Y... la somme de 849,44 euros à titre de rappel de salaires ;
il l'a en outre condamné à payer à chacun d'eux la somme de 24 234 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée et 600 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; et il a rejeté le surplus des chefs de demande.
Monsieur X... a régulièrement interjeté appel de cette décision. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions écrites, développées à l'audience, Monsieur X... sollicite de la Cour qu'elle constate que les salaires et les rappels de salaire dûs doivent être assujettis aux cotisations de sécurité sociale et que les contrats d'apprentissage nuls doivent être requalifiés en contrats à durée déterminée, et qu'elle réforme la décision frappée d'appel, ordonne le remboursement du montant des cotisations de sécurité sociale selon le calcul opéré par lui, réforme cette décision en ce qu'elle a fait application des dispositions de l'article L. 122-3-8 du Code du travail, constate que les contrats de travail ont été rompus par la démission des trois salariés, rejette leurs demandes et subsidiairement ramène le montant des dommages et intérêts dûs à l'euro symbolique en application de l'article L. 122-14-5 du Code du travail. Il admet que les salariés, à défaut d'être des apprentis, peuvent prétendre à un rappel de salaire mais soutient que, s'ils peuvent prétendre percevoir l'intégralité de leur rémunération nette, ils doivent, en raison de la nullité du contrat d'apprentissage, supporter eux-mêmes le paiement de leurs cotisations de sécurité sociale. Sur la rupture des contrats, il expose qu'il n'a pas reçu dans les quinze jours le refus de l'administration en raison d'une erreur d'envoi ; et il soutient que le défaut d'enregistrement transforme le contrat d'apprentissage en contrat de droit commun, donc en contrat à durée indéterminée, que les trois salariés ont démissionné, rompant ainsi les trois contrats, et qu'en tout état de cause, leur indemnisation doit être déterminée en fonction de leur préjudice, qui est nul puisqu'ils ont retrouvé immédiatement un autre apprentissage.
Par conclusions écrites, développées à l'audience, les trois salariés sollicitent de la Cour qu'elle constate les fautes commises par
Monsieur X..., confirme la décision frappée d'appel et condamne celui-ci à payer à chacun d'eux la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Ils contestent les moyens soutenus par Monsieur X.... MOTIFS Sur l'enregistrement des contrats d'apprentissage
Monsieur X..., qui reconnaît que les contrats d'apprentissage litigieux étaient soumis à une obligation d'enregistrement, ne conteste pas, sur le principe, que cet enregistrement a été en l'espèce refusé, mais soutient ne pas avoir été avisé du défaut d'enregistrement de ces contrats dans un délai de 15 jours, en se prévalant des dispositions de l'article R. 117-14 du Code du travail selon lequel "faute de décision de refus d'enregistrement dans le délai de quinze jours à compter de la date de réception du contrat par les services compétents, l'enregistrement est de droit" et celles de l'article L. 117-14 du même Code selon lequel "la non-réponse dans le même délai a valeur d'acceptation".
Cependant, les salariés produisent une lettre de la direction départementale du travail qui accuse réception d'un courrier de Monsieur X..., parvenu le 13 septembre 2004, et qui dit prendre note de sa décision de ne pas donner suite aux trois contrats d'apprentissage concernant Mesdames Y... et Z... et Monsieur A..., et ce "du fait du dépassement du quota". Dès lors, il résulte de cette correspondance que Monsieur X... a été avisé dans le délai de quinze jours du refus d'enregistrement des contrats dont il avait avisé l'administration par courrier parvenu le 31 août 2004. Il convient donc d'admettre que les contrats d'apprentissage passés entre Monsieur X... et les salariés concernés sont nuls, faute d'enregistrement. Sur la requalification des contrats
La Cour constate tout d'abord que l'employeur est irrecevable à
solliciter la requalification des contrats nuls en contrats à durée indéterminée.
Ensuite, la nullité d'un contrat d'apprentissage laisse subsister les autres éléments de la relation contractuelle entre les parties, notamment la durée du contrat, en l'espèce deux ans, et la prestation de travail qui ne peut être rémunérée en-dessous du SMIC.
Dès lors, c'est à juste titre que la Conseil de prud'hommes a décidé que les contrats d'apprentissage étaient des contrats à durée déterminée avec toutes les conséquences susceptibles d'en résulter. Sur la rupture du contrat de travail
Si Mademoiselle Y... et Monsieur A... ont écrit à Monsieur X... pour lui faire part de leur désir de chercher un autre apprentissage et de quitter la pharmacie de celui-ci, ils ont agi de la sorte à cause des irrégularités entachant les contrats d'apprentissage pour lesquels Monsieur X... avait sollicité un enregistrement qui lui a été refusé. Et même si Mademoiselle Z... n'a adressé aucune lettre à Monsieur X..., la Cour constate que c'est par la seule faute de Monsieur X... que ces contrats ont été rompus par ces trois salariés ; il a d'ailleurs rédigé sous sa seule signature, les 30 septembre et 4 octobre 2004, un acte portant "constatation de rupture".
Dès lors, la rupture des trois contrats est imputable à Monsieur X... qui doit en assumer les conséquences. Sur les rappels de salaire
Les contrats étant des contrats à durée déterminée, les trois salariés sont bien fondés à solliciter le paiement des rappels de salaire sur la base du SMIC sans abattement. Et, puisqu'ils reconnaissent, dans leurs conclusions développées à l'audience, qu'ils réclament des rappels de salaire "calculés en brut", leur employeur ne peut, de ce fait, soutenir qu'ils percevront plus que leurs rémunérations nettes et que lui-même supportera le montant des
cotisations salariales.
Pour ce motif, la Cour confirme le jugement de ce chef. Sur l'indemnisation due pour la rupture du contrat
Selon l'article L. 122-3-8 du Code du Travail, sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure. Et la méconnaissance par l'employeur de cette disposition prévue ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat. L'article L. 122-14-5 du même Code est inapplicable en l'espèce.
Dès lors, le jugement a justement alloué aux trois salariés une somme équivalente au montant des salaires qu'ils auraient perçus si les contrats initialement souscrits avaient été poursuivis jusqu'à leur terme. Sur les autres chefs de demande
Monsieur X... qui succombe doit être condamné aux dépens d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à la charge des trois salariés les frais exposés par eux et non compris dans les dépens. La Cour fixe à 900 euros la somme que Monsieur X... doit être condamné à leur payer à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Confirme le jugement du Conseil de prud'hommes de Bordeaux du 3 novembre 2005,
Condamne Monsieur X... à payer à Mesdames Y... et Z... et Monsieur A... la somme unique de 900 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Le condamne aux dépens d'appel, étant précisé que Mesdames Y... et Z... et Monsieur A... bénéficient de l'Aide Juridictionnelle.
Signé par Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président et par Annie BLAZEVIC, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.