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13/09/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000007629687

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0044, 13 septembre 2006, JURITEXT000007629687


ARRET RENDU PAR LACOUR D'APPEL DE BORDEAUX--------------------------Le :LMDEUXIÈME CHAMBRENo de rôle :

05/02070S.A.R.L. PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS (SPAC)c/S.A. MICHEL FARGEOTNature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :aux avoués

Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Le

Par Monsieur Pascal X..., Vice-président placé,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, DEUXIÈM

E CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :

S.A.R.L. PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS (SPAC), agissant pou...

ARRET RENDU PAR LACOUR D'APPEL DE BORDEAUX--------------------------Le :LMDEUXIÈME CHAMBRENo de rôle :

05/02070S.A.R.L. PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS (SPAC)c/S.A. MICHEL FARGEOTNature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :aux avoués

Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Le

Par Monsieur Pascal X..., Vice-président placé,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, DEUXIÈME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :

S.A.R.L. PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS (SPAC), agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité au siège social, Route Nationale 117 - 64270 PUYOO

représentée par la S.C.P. Michel PUYBARAUD, avoué à la Cour, et assistée de Maître JOSSELIN de la Selarl JOSSELIN - ALLIEL, avocat au barreau de Paris,

appelante d'un jugement (R.G. 2001/2142) rendu le 6 décembre 2004 par le Tribunal de Commerce de Périgueux suivant déclaration d'appel en date du 30 mars 2005,

à :

S.A. MICHEL FARGEOT, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Nantheuil - 24800 THIVIERS

représentée par la S.C.P. ARSÈNE-HENRY et LANOEON, avoués à la Cour, et assistée de Maître Christine JAIS-MELOT, avocat au barreau de Bordeaux,

intimée,

rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue le 07 juin 2006 devant :

Monsieur Serge SAINT-ARROMAN, Président,

Monsieur Bernard ORS, Conseiller,

Monsieur Pascal X..., vice-président placé, désigné par ordonnance du Premier Président en date du 24 avril 2006,

Madame Véronique Y..., Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.

***

La S.A.R.L. PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS (S.P.A.C.) et la S.A. MICHEL FARGEOT sont des sociétés françaises spécialisées dans la fabrication et la commercialisation d'articles chaussants de confort.

En octobre 1994, la S.P.A.C. avait introduit une première action en contrefaçon à l'encontre de la S.A. MICHEL FARGEOT. Le 10 avril 1995, un désistement était constaté par un jugement du Tribunal de grande instance de Périgueux.

Préalablement, le 27 janvier 1995, les parties avaient conclu deux accords :

- un protocole transactionnel de désistement d'instance au terme duquel la S.P.A.C. s'engageait à autoriser la commercialisation de certains produits par la S.A. MICHEL FARGEOT en contrepartie d'un engagement de non concurrence sur le marché médical et paramédical ;

- un contrat de licence par lequel la S.P.A.C. concédait à la S.A. MICHEL FARGEOT l'exploitation de certains modèles.

Le 12 juillet 2000, la S.P.A.C. mettait en demeure la S.A. MICHEL FARGEOT de cesser tout acte de contrefaçon et de concurrence déloyale.

Par constat d'huissier du 26 février 2001, il était procédé à des

saisies conservatoires, autorisées par le président du Tribunal de instance de Périgueux.

Par assignation du 9 mars 2001, la S.P.A.C. saisissait le Tribunal de commerce de Périgueux d'une action en contrefaçon dirigée contre la S.A. MICHEL FARGEOT aux fins principales :

avant dire droit,

- de nommer un expert avec pour mission de déterminer l'étendue du préjudice de la S.P.A.C. ;

- d'ordonner à la S.A. MICHEL FARGEOT de cesser la fabrication et la commercialisation des articles contrefaits, sous astreinte ;

- de condamner la S.A. MICHEL FARGEOT à lui payer à titre de provision la somme de 152.449,02 ç du fait des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire.

Subsidiairement,

- de dire que la S.A. MICHEL FARGEOT s'est rendue coupable d'actes constitutifs de contrefaçon et d'actes de concurrence déloyale ;

- de condamner la S.A. MICHEL FARGEOT à lui payer différentes sommes et d'ordonner la destruction des produits contrefaits.

Le 29 juillet 2004, la S.P.A.C. déposait une requête en suspicion légitime devant le Président du Tribunal de commerce au motif que le Tribunal refusait de se faire communiquer par le Tribunal de grande instance les pièces initialement saisies.

Par ordonnance du 5 août 2004, le Président déboutait la S.P.A.C. de sa requête en suspicion légitime.

Le 17 août 2004, le Président ordonnait la réouverture des débats. Par jugement du 6 décembre 2004, le Tribunal :

- déboutait la S.P.A.C. de sa demande d'expertise ;

- condamnait la S.A. MICHEL FARGEOT à payer à la S.P.A.C. la somme de 45.000 ç au titre de la concurrence déloyale ;

- condamnait la S.P.A.C. à payer à la S.A. MICHEL FARGEOT la somme de

20.000 ç pour procédure abusive ;

- ordonnait la compensation entre les deux sommes ;

- déboutait les parties du surplus de leurs demandes.

Le 30 mars 2005, la S.P.A.C. formait appel contre cette décision.

Vu les conclusions de l'appelante du 29 juillet 2005.

Vu les conclusions de la S.A. MICHEL FARGEOT du 30 novembre 2005.

SUR QUOI LA COUR

Sur la production de pièces en cours de délibéré

Par courrier du 2 juin 2006, la S.P.A.C. sollicitait un renvoi à une date ultérieure de l'audience des plaidoiries fixée au 7 juin 2006. Elle demandait que soit mis à la disposition de la Cour "l'ensemble des pièces versées aux débats par devant la juridiction du premier degré et en particulier celles saisies dans le cadre du procès-verbal en saisie contrefaçon".

Par courrier du 6 juin 2006, la S.A. MICHEL FARGEOT s'opposait à la demande de renvoi. Elle rappelait que les différentes pièces et documents (des chaussures et des fichiers-clients) avaient été saisis en double exemplaire, l'un déposé au greffe du Tribunal de grande instance de Périgueux, l'autre remis à la S.P.A.C. et que cette dernière avait eu largement le temps de prendre ses dispositions, soit pour produire les pièces en sa possession, soit pour demander la transmission à la Cour de celles remises à Périgueux.

A l'audience du 7 juin 2006, entendues sur ce point, la Cour constatait que les parties s'entendaient pour que les pièces saisies dans le cadre de l'action en contrefaçon et déposées à Périgueux soient transmises à la Cour pendant le délibéré et renonçaient au débat sur le renvoi.

En conséquence, la Cour donnera acte aux parties de leur accord sur la communication à la Cour pendant le délibéré des pièces saisies et à la S.P.A.C. de ce qu'elle renonce à sa demande de renvoi.

Le 12 juillet 2006, les différentes pièces et documents saisis étaient transmis par le Tribunal de grande instance de Périgueux. Un procès-verbal de réception de ces pièces était dressé le 19 juillet 2006.

Le 20 juillet 2006, la S.P.A.C. transmettait à la Cour des échantillons de sa production afin que la Cour puisse procéder à des comparaisons.

Le 27 juillet 2006, la S.A. MICHEL FARGEOT demandait d'écarter des débats ces nouvelles pièces, en raison de leur caractère non contradictoire.

Le 22 août 2006, la S.P.A.C. soutenait que l'accord réalisé à l'audience comprenait aussi la transmission de ses propres pièces. Elle demandait à la Cour de les retenir ou, à défaut, d'ordonner la réouverture des débats.

D'une part, la Cour relève que l'accord des parties réalisé en sa présence ne concernait que les pièces saisies initialement dans le cadre de l'action en contrefaçon, sans que soit évoquée la production de nouvelles pièces par la S.P.A.C., production qu'elle avait largement le temps de faire avant la clôture des débats.

D'autre part, la Cour constate que les parties ont contradictoirement communiqué leurs catalogues de vente, sur lesquels figurent des photographies et des présentations techniques, qui donnent des éléments de comparaison suffisants pour qu'elle puisse statuer sans examiner ces nouvelles pièces.

En conséquence, la Cour dira n'y avoir lieu à réouverture des débats et déclarera irrecevables les pièces transmises par la S.P.A.C. le 20 juillet 2006, après la clôture des débats.

Au fond

En premier lieu, la S.P.A.C. reproche à la juridiction de premier ressort d'avoir statué "ultra petita", le jugement faisant à tort

état du fait que, dans ses dernières conclusions, elle aurait renoncé à une partie de son argumentation pour quelques modèles de chaussures.

Cependant, la Cour constate qu'à aucun moment, la décision déférée conclut dans son dispositif au fait que la S.P.A.C. renonce à ses demandes initiales. Elle constate que la S.P.A.C. n'apporte pas la preuve de ses demandes sur la contrefaçon et en tire les conséquences juridiques. S'il est vrai que de manière surabondante, la décision déférée relève des "incohérences et des tergiversations" dans l'argumentation de la S.P.A.C., elle n'en tire aucune conséquence particulière, l'ayant déjà déboutée pour défaut de preuve.

Il s'ensuit que le reproche fait à la juridiction de premier ressort d'avoir statué "ultra petita" n'est pas fondé.

Sur les droits et obligations résultant de l'accord transactionnel et du contrat de licence

En second lieu, la S.P.A.C. sollicite l'infirmation de la décision déférée au motif qu'elle aurait dénaturé les termes de l'accord et du contrat de licence de 1995.

Afin d'analyser les conséquences éventuelles de cet accord sur le présent litige, il convient d'en rappeler la genèse.

Il ressort du catalogue de la S.A. MICHEL FARGEOT "Automne-hiver 94" qu'elle commercialisait plus d'une centaine de modèles de chaussures et de chaussons. Par son assignation du 18 octobre 1994, la S.P.A.C. reprochait à la S.A. MICHEL FARGEOT de contrefaire des modèles déposés par elle et de les commercialiser sous les noms "Bridge" et "Belote".

En janvier et février 1995, les deux sociétés concluaient deux accords. Le premier, intitulé "protocole transactionnel de désistement d'instance", mentionnait notamment :

- en son article 1, que "devant certaines similitudes entre les

modèles SOFT et SUPER CONFORT et les modèles fabriqués par FARGEOT sous les références BELOTE et BRIDGE (...), S.P.A.C. s'engage à consentir à FARGEOT une licence d'exploitation et de fabrication desdits modèles SOFT et SUPER CONFORT déposés à l'INPI le 18/11/1992" ;

- en son article 2, que S.P.A.C. et FARGEOT s'engagent à conclure un accord de coopération pour d'autres fabrications ;

- en son article 3, que "FARGEOT s'engage sur le territoire français à ne pas concurrencer directement S.P.A.C. et à vendre tous les articles de sa fabrication, utilisant le tissu RAZETTI, uniquement chez les revendeurs d'articles chaussants, commerçants détaillants indépendants, franchisés ou succursalistes, pratiquant la vente directe au public" ;

- en son article 4, que "FARGEOT s'engage à ne pas vendre directement, ni offrir en vente directement, ni approvisionner directement, ni promotionner les modèles faisant l'objet de cet accord" dans le marché du paramédical ;

- en son article 5, d'autoriser FARGEOT à commercialiser les modèles BRIDGE et BELOTE auprès des centrales d'achat, sauf à ce que "dans la mesure du possible, ces produits ne figurent pas dans les catalogues aux pages réservées au paramédical".

- en son article 8, que "les parties renoncent mutuellement à toute poursuite née du présent litige et soumettent le protocole transactionnel (...) aux dispositions des articles 2044 du Code civil".

Par le contrat de licence, il résulte principalement les clauses suivantes :

- en son article 1, "S.P.A.C. consent à FARGEOT une licence exclusive d'exploitation des articles chaussants référencés SOFT et SUPER CONFORT", le contrat étant conclu pour le France, les DOM et les TOM"

;

- en son article 2, "FARGEOT aura le droit de commercialiser un certain nombre d'articles chaussants, conformes aux modèles BELOTE et BRIDGE de son catalogue" ;

- en son article 4, FARGEOT consent un engagement de non concurrence, reprenant le contenu des articles 4 et 5 du protocole d'accord et visant à ne pas concurrencer la S.P.A.C. sur le marché paramédical ; - en son article 8, les parties prévoient les conditions et les formes de résiliation du contrat en cas d'inexécution par l'une d'entre elles d'une ou plusieurs des obligations lui incombant.

Les parties divergent sur les conséquences qu'il conviendrait de tirer des accords susvisés.

La S.P.A.C. soutient que l'accord et le contrat de licence ne concernent que les modèles que la S.A. MICHEL FARGEOT commercialisait en 1994 sous les dénominations BRIDGE et BELOTE, à l'exclusion de toute autre chaussure et que c'est à tort que le Tribunal a étendu l'effet de ces accords à d'autres modèles commercialisés postérieurement.

Ainsi, en pages 6 et 25 de ses conclusions, la S.P.A.C. reproche à la S.A. MICHEL FARGEOT de commercialiser des produits qui ne sont pas compris dans les accords :

- le modèle BATAILLE, déjà commercialisé en 1994, et ses déclinaisons actuelles, BOISE et BALADE, reproductions prétendues du modèle SOFT et de sa déclinaison LILAC ;

- les modèles BOCAGE, BALKAN et BOSQUET, déclinaisons du modèle BRIDGE, reproductions prétendues des modèles SOFT et de sa déclinaison DIANE ;

- le modèle BASALTE, déclinaison du modèle BELOTE ;

- les modèles JOKER et OLYMPIQUE, reproduction prétendue du modèle

SUPER CONFORT.

Le Tribunal a retenu qu'il résultait de l'article 2 du contrat de licence que la S.A. MICHEL FARGEOT avait le droit, non seulement, de commercialiser les modèles BELOTE et BRIDGE, mais aussi les déclinaisons de ces modèles, citant les modèles BALADE, BOISE, BALKAN et BOSQUET.

La Cour relève qu'en application de l'article 2052 du Code civil, l'accord transactionnel de 1995 a l'autorité de la chose jugée et que les parties ne peuvent donc déroger à ce qui a été convenu.

Il résulte de l'article 1 dudit protocole que la S.P.A.C. a consenti une reproduction et une exploitation des modèles SOFT et SUPER CONFORT. Complétant cet accord, les articles 1 et 2 du contrat de licence susvisés exposent que la S.P.A.C. a accepté que la S.A. MICHEL FARGEOT commercialise des produits pouvant s'inspirer de ses modèles SOFT et SUPER CONFORT "conformes" aux produits BELOTE et BRIDGE.

L'emploi du terme "conformes" qui signifie "semblable à" ne saurait avoir le sens réducteur proposé par la S.P.A.C. qui limiterait la portée de l'accord aux seuls modèles BRIDGE et BELOTE.

Au contraire, en acceptant que les modèles "conformes" aux produits BELOTE et BRIDGE soient commercialisés par la S.A. MICHEL FARGEOT, la S.P.A.C. a accepté que ces modèles puissent être déclinés sous d'autres coloris et dénomination. De même, en concédant ses licences pour les chaussures SOFT et SUPER CONFORT, la S.P.A.C. ne saurait a posteriori reprocher à la S.A. MICHEL FARGEOT de fabriquer des chaussures pouvant y ressembler.

Il importe peu que les chaussures dénommées BATAILLE, déjà fabriquées lors de l'accord, n'y soient pas mentionnées, puisque l'article 2 du contrat de licence ne limite pas les droits aux seuls modèles BRIDGE et BELOTE, mais à tous ceux dont ils seraient issus. De même, les

déclinaisons nouvelles du modèle BELOTE (BASALTE), du modèle BRIDGE (BOCAGE, BALKAN et BOSQUET) et du modèle BATAILLE (BOISE et BALADE). Enfin, en prétendant que les modèles JOKER et OYMPIQUE seraient des contrefaçons de son modèle SUPER CONFORT, la S.P.A.C. reconnaît implicitement que ces nouvelles chaussures sont incluses dans l'économie du contrat de licence.

Enfin, contrairement à ce qu'affirme la S.P.A.C., l'article 2 du protocole transactionnel, prévoyant une coopération pour des modèles futurs, n'a pas pour résultat d'interdire à la S.A. MICHEL FARGEOT la commercialisation d'autres produits que les modèles BELOTE et BRIDGE, l'article 2 du contrat de licence permettant les déclinaisons de ces produits et la copie des modèles SOFT et SUPERCONFORT.

Ainsi, en application du protocole transactionnel et du contrat de licence, la S.P.A.C. ne saurait méconnaître le fait qu'elle a accepté que la S.A. MICHEL FARGEOT exploite et commercialise non seulement les modèles BELOTE et BRIDGE, mais aussi d'autres modèles pouvant s'inspirer de ses propres modèles SOFT et SUPER CONFORT. Elle ne peut donc prétendre dans la présente instance reprocher à la S.A. MICHEL FARGEOT une reproduction de ses modèles SOFT et SUPER CONFORT qu'elle a consentie en 1995.

En conséquence, en application du protocole transactionnel et du contrat de licence et sans qu'il soit nécessaire de rechercher si les modèles incriminés sont ou non des contrefaçons des modèles SOFT et SUPER CONFORT, la S.P.A.C. sera déboutée de son action en contrefaçon relative aux modèles BATAILLE, BOISE, BALADE, BOCAGE, BALKAN, BOSQUET, BASALTE, JOKER et OLYMPIQUE.

Sur la contrefaçon des modèles non visés dans les accords de 1995

Sollicitant l'infirmation de la décision déférée sur ce point, la S.P.A.C. soutient qu'ayant déposé des dessins et modèles pour certaines chaussures fabriquées par elle, elle dispose d'une

protection et que la S.A. MICHEL FARGEOT s'est rendue coupable de contrefaçon en produisant et commercialisant les produits suivants :

- le modèle GRANIT qui contreferait son modèle COUVRE PANSEMENT ;

- les modèles URSULE, VACANCES et VLADY qui contreferaient son modèle FORMEN II ;

- les modèles QUARZ et QUEZON qui contreferaient son modèle FORMEN I.

Il est vrai que la motivation de la décision déférée est lapidaire et insuffisante sur ces demandes, considérant que les "incohérences et des tergiversations" de l'appelante amenaient le Tribunal à considérer qu'elle n'apportait pas la preuve de ce qu'elle invoquait. La Cour y substituera les motifs qui suivent.

Les parties ont présenté à la Cour des conclusions conséquentes quant à la validité et à l'antériorité des dépôts, la S.A. MICHEL FARGEOT déniant à la S.P.A.C. le droit d'invoquer les dépôts réalisés au motif que d'autres sociétés auraient antérieurement commercialisé des produits similaires ou que ces dépôts ne correspondraient qu'à des éléments fonctionnels non protégeables.

Ainsi que le souligne la S.A. MICHEL FARGEOT, la Cour relève que, pour se prévaloir de dépôts de dessins ou modèles, il appartient à la S.P.A.C. de démontrer au préalable que les modèles critiqués peuvent engendrer un risque de confusion avec ses propres modèles.

Sur ce point, la Cour rappelle que les chaussures en cause apparaissent d'un usage courant s'agissant de produits chaussants de confort pouvant facilement se fermer et se laver. Les différences entre les modèles sont visibles à l'oeil nu. Ainsi, :

- le modèle URSULE se ferme complètement au bout du pied par trois rabats alors que le modèle FORMEN II en dispose de deux et n'est pas couvert à son bout ;

- les modèles VLADY et VACANCES présentent un rabat sur le dessus de

forme nettement différente du modèle FORMEN II ;

- les modèles QUARZ et QUEZON présentent un rabat sur le dessus de forme nettement différente du modèle FORMEN I ;

- le modèle GRANIT n'a pas de ressemblance particulière avec le modèle COUVRE PANSEMENT.

Les semelles des chaussures fabriquées par la S.A. MICHEL FARGEOT n'ont ni les mêmes formes, ni les mêmes épaisseurs que celles exploitées par la S.P.A.C..

S'il existe des ressemblances entre ces modèles, elles consistent en l'utilisation commune du même type de tissus, avec cependant des visuels distincts, et du même type de fermeture, avec le système velcro pour lesquels la S.P.A.C. ne dispose d'aucune protection particulière.

L'examen des pièces saisies et des nombreux catalogues fournis par les parties ne permet donc pas d'affirmer que les modèles fabriqués par la S.A. MICHEL FARGEOT se présentent comme des copies serviles ou quasi-serviles de celles commercialisées par la S.P.A.C.. Ainsi, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la validité des droits invoqués par la S.P.A.C., la Cour constate qu'il n'existe pas de risque de confusion entre ces différents modèles, les ressemblances n'excédant pas les contraintes techniques imposées par des formes fonctionnelles, condition indispensable à la constatation d'une éventuelle contrefaçon.

En conséquence, et pour les motifs sus indiqués, la Cour confirmera la décision déférée en ce qu'elle a débouté la S.P.A.C. de son action en contrefaçon pour les modèles URSULE, VLADY, VACANCES, QUARZ, QUEZON et GRANIT et les parties de leurs demandes relatives à la validité des dépôts faits par la S.P.A.C., cette question étant dès lors sans objet.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Condamnée de ce chef par la décision déférée, la S.A. MICHEL FARGEOT en sollicite l'infirmation au motif qu'aucune faute ne peut être établie à son égard et que la S.P.A.C. n'apporte pas la preuve d'un préjudice.

Pour caractériser la responsabilité de la S.A. MICHEL FARGEOT, le Tribunal a retenu le fait que contrairement à ses engagements de non concurrence, en application des accords de 1995, elle a diffusé un catalogue au titre ambigu "CONFORT PLUS MEDICAL" et vendu des chaussures à quelques clients dans le domaine paramédical.

Il résulte de l'article 4 du protocole transactionnel de désistement d'instance que : "FARGEOT s'engage à ne pas vendre directement, ni offrir en vente directement, ni approvisionner directement, ni promotionner les modèles faisant l'objet de cet accord dans les pharmacies, hôpitaux, maisons de retraite, maisons de convalescence, et d'une manière générale à ne pas pénétrer le marché du paramédical".

La S.A. MICHEL FARGEOT reconnaît avoir eu des relations commerciales avec des professionnels qu'elle avait ainsi renoncer à prospecter, mais en minimise la portée. Elle indique avoir vendu 28 paires de chaussures à 2 pharmacies sur la période 1997-2001, mais souligne n'avoir réalisé aucune vente en hôpital, maison de retraite ou maison de convalescence. Quant au secteur paramédical, elle reconnaît avoir eu des relations avec 22 enseignes paramédicales, mais expose que celles-ci ne représentent qu'une très faible partie de ses 3.423 clients et 1% du nombre de chaussures vendues dans la gamme en cause. Elle en conclut qu'elle a bien respecté son engagement à ne pas pénétrer le secteur du paramédical.

Contestant le nombre d'enseignes paramédicales travaillant avec la S.A. MICHEL FARGEOT, 30 selon elle, la S.P.A.C. n'apporte cependant aucun élément déterminant sur la faiblesse des chiffres invoqués par

l'intimée.

La Cour constate que le faible nombre des clients médicaux ou paramédicaux de la S.A. MICHEL FARGEOT ne saurait démontrer une faute de sa part dans l'application des accords de 1995, mais démontre au contraire qu'il s'agit de cas isolés qui ne caractérisent nullement sa volonté de pénétrer le marché paramédical. Au surplus, si le titre du catalogue de la S.A. MICHEL FARGEOT est ambigu, la S.P.A.C. ne démontre pas qu'il ait été diffusé dans le secteur médical ou para-médical en violation des accords de 1995.

Par ailleurs, la S.P.A.C. reproche à la S.A. MICHEL FARGEOT de vendre ses productions à l'étranger alors qu'il est précisé dans l'article 1 du contrat de licence que le contrat est conclu pour la France, les DOM et les TOM.

La Cour relève d'une part qu'à l'époque de la conclusion des accords, la S.P.A.C. ne disposait pas de protection sur les modèles ou dessins à l'étranger et ne pouvait donc concéder ce qu'elle n'avait pas. D'autre part, à supposer qu'il résulte de cette clause une limitation de commercialiser les produits en question hors de la France, ce que la S.A. MICHEL FARGEOT conteste, elle ne saurait avoir pour conséquence d'interdire au cocontractant d'exporter des produits au sein de l'Espace économique européen, sauf à contrevenir au principe de libre circulation des marchandises.

Ainsi, le fait pour la S.A. MICHEL FARGEOT de commercialiser en Grande-Bretagne des produits que le contrat de licence l'autorisait à vendre en France ne peut être constitutif d'une faute de concurrence déloyale ou parasitaire à l'égard de la S.P.A.C..

Enfin, pour caractériser une faute de la part de la S.A. MICHEL FARGEOT, la S.P.A.C. lui reproche successivement :

- la commercialisation de produits de piètre qualité à vil prix alors que la pratique de prix inférieurs et la qualité différente de

produits utilisés ne peuvent être des actes de nature à caractériser un comportement déloyal, dans un contexte de libre concurrence ;

- la violation de l'obligation de coopération alors que les clauses de l'accord visé précisent qu'il ne s'agit que d'une possibilité et, en tous les cas, nullement d'une interdiction pour la S.A. MICHEL FARGEOT de développer sa gamme dans les limites des licences d'exploitation accordées ;

- la reproduction servile des plaquettes publicitaires, alors que le simple examen visuel des catalogues démontre qu'hormis le fait de présenter des chaussures dans un format banal, elles n'ont pas de similitude quant au fond et à la forme.

Ainsi, la Cour en conclut que, contrairement à ce qu'avait retenu le Tribunal et à ce qu'invoque la S.P.A.C., il n'est pas démontré de faute caractérisant un comportement déloyal ou parasitaire de la part de la S.A. MICHEL FARGEOT.

En conséquence, la décision déférée sera infirmée sur ce point et la Cour déboutera la S.P.A.C. de son action en concurrence déloyale et parasitaire. La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a débouté la S.P.A.C. de sa demande d'expertise, désormais sans objet.

Sur la résiliation du contrat de licence

La S.P.A.C. sollicite l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande en résiliation pour faute du contrat de licence. Elle expose qu'ayant retenu à son bénéfice une faute de la part de la S.A. MICHEL FARGEOT, le Tribunal ne pouvait sans se contredire refuser la résiliation.

Du fait de la décision prise par la Cour de ne pas retenir une faute contractuelle de la part de la S.A. MICHEL FARGEOT, tant les motifs du Tribunal que leur critique sont devenus sans objet.

Cependant, la Cour confirmera la décision déférée sur ce point, constatant qu'il n'est plus retenu aucun grief à l'encontre de la

S.A. MICHEL FARGEOT et que la S.P.A.C. n'invoque aucun comportement fautif autre que ceux qui ont été écartés.

Sur le caractère abusif de l'action de la S.P.A.C.

La S.P.A.C. sollicite l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle l'a condamnée à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive. Elle expose qu'ayant retenu à son bénéfice une faute de la part de la S.A. MICHEL FARGEOT, le Tribunal ne pouvait sans se contredire la condamner ainsi.

Ce grief ne saurait désormais plus être fait dans la mesure où la Cour n'a retenu aucun des griefs retenus précédemment contre la S.A. MICHEL FARGEOT.

En motivant sa décision notamment sur le fait que, lors de la demande en référé, la S.P.A.C. a omis de mentionner l'existence des accords de 1995, qu'alors que le contrat de licence lui permettait de procéder à la résiliation de ce contrat par d'autres voies et qu'en choisissant la présente voie, elle a pu accéder à des données confidentiels de la S.A. MICHEL FARGEOT, les fichiers clients notamment, le Tribunal a clairement et suffisamment caractérisé l'abus de procédure réalisé par la S.P.A.C..

En conséquence, la Cour confirmera la décision déférée sur ce point.

Il serait inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la Cour,

déclare l'appel de la S.P.A.C. recevable, mais mal fondé.

Donne acte aux parties de leur accord sur la communication à la Cour pendant le délibéré des pièces saisies.

Donne acte à la S.P.A.C. de ce qu'elle renonce à sa demande de renvoi.

Dit n'y avoir lieu à réouverture des débats.

Déclare irrecevables les pièces transmises par la S.P.A.C. le 20 juillet 2006.

Déboute la S.P.A.C. de l'ensemble de ses demandes.

Confirme la décision déférée en ce qu'elle a débouté la S.P.A.C. de son action en contrefaçon et de ses demandes de résiliation du contrat de licence et d'expertise et l'a condamnée à payer à la S.A. MICHEL FARGEOT des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Infirme la décision déférée en qu'elle a condamnée la S.A. MICHEL FARGEOT pour concurrence déloyale.

Statuant à nouveau,

déboute la S.P.A.C. de son action en concurrence déloyale.

Y ajoutant,

condamne la S.P.A.C. à payer à la S.A. MICHEL FARGEOT la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Déboute la S.A. MICHEL FARGEOT du surplus de ses demandes.

Condamne la S.P.A.C. aux dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la S.C.P. ARSENE-HENRY et LANOEON.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Serge SAINT-ARROMAN, Président, et par Madame Véronique Y..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0044
Numéro d'arrêt : JURITEXT000007629687
Date de la décision : 13/09/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2006-09-13;juritext000007629687 ?
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