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30/05/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006950326

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0028, 30 mai 2006, JURITEXT000006950326


AMP DU 30 MAI 2006 No DU PARQUET : 05/01342 No D'ORDRE : M.P. C/ LA SARL LES VIGNOBLES X...

LE TRENTE MAI DEUX MILLE SIX LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX

En l'audience publique de la Troisième Chambre Correctionnelle tenue par :

Monsieur BOUGON, Président,

Monsieur MINVIELLE, Conseiller,

Monsieur LOUISET, Conseiller,

En présence de Madame Y..., Vice-Procureur placé,

Et avec l'assistance de Madame Z..., Greffier, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE : Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de BORDEAUX

ET : LA SARL LES VIGNOBLES X..., prise en la personne de son représentant légal, A... MOISAN épouse X..., don...

AMP DU 30 MAI 2006 No DU PARQUET : 05/01342 No D'ORDRE : M.P. C/ LA SARL LES VIGNOBLES X...

LE TRENTE MAI DEUX MILLE SIX LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX

En l'audience publique de la Troisième Chambre Correctionnelle tenue par :

Monsieur BOUGON, Président,

Monsieur MINVIELLE, Conseiller,

Monsieur LOUISET, Conseiller,

En présence de Madame Y..., Vice-Procureur placé,

Et avec l'assistance de Madame Z..., Greffier, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE : Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de BORDEAUX

ET : LA SARL LES VIGNOBLES X..., prise en la personne de son représentant légal, A... MOISAN épouse X..., dont le siège social est sis, Château Bechereau, Lieudit La Brouillère 33210 BOMMES,

PRÉVENUE personne morale, appelante et intimée, citée le 12 janvier 2006 à personne, libre, présente en la personne de sa gérante, assistée de Maître GUILLEMOTEAU, avocat au Barreau de Bordeaux.

ET : L'I.N.A.O. dont le siège social est 51 rue d'Anjou - 75008 PARIS, prise en la personne de son représentant légal.

PARTIE CIVILE, intimée, citée le 9 janvier 2006 à personne habilitée, absente, représentée par Maître CAVALIE, avocat au Barreau de Bordeaux.

RAPPEL DE LA PROCEDURE

Par actes reçus au Secrétariat-Greffe du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, la Sarl Les VIGNOBLES X..., représentée par Madame MOISAN A... épouse X..., en date du 11 mai 2005 et le Ministère Il était constaté qu'à chaque appellation d'origine contrôlée correspondait deux noms de propriété, laissant ainsi supposer que d'une part des entités culturales autonomes avaient réellement existé pour être regroupées aujourd'hui en une seule propriété, d'autre part que les bâtiments à usage professionnels subsistaient à ce jour sur ces anciens "domaines".

L'attention des enquêteurs était attirée par le fait que le rapprochement des binômes "AOC - noms de propriété" mis en place par M. et Mme X... de ceux utilisés par les anciens propriétaires (M. et Mme B.../C...) ne co'ncidait pas précisément avec l'ordre précité.

Ainsi, de la collection d'étiquettes récentes et anciennes remises,

il ressortait que certains noms de propriété avaient été attribués par les anciens propriétaires à d'autres appellations d'origine contrôlées comme rapporté dans le tableau ci-après : Les Vignobles X... B... / DeloubesLes Vignobles X... B... / C... Appellations Noms de propriétés Noms de propriétés Sauternes Sauternes Graves Supérieures Château Bêchereau et Château Bêchereau de Ruat Château Haut Bêchereau Château Haut Tristan Château Labrouillère Domaine Terrefort Graves blanc Graves blanc Domaine du Coche Domaine Terrefort Domaine du Coche Château des Plantes et Domaine Terrefort Graves rouge Graves rouge Bordeaux rosé et Bordeaux Clairet Bordeaux rosé et Bordeaux Clairet Château La Capère Château le Marquis de Ruat Château Labrouillère Château les Trois Plantes Château Labrouillère et Château La Capère Château Haut Tristan Domaine des Plantes

De l'examen des contrats communiqués, il ressortait que :

- la SCI les Châteaux du Ciron, dont Gérard

X... était le gérant, avait acquis des vignobles et des bâtiments à usage d'habitation et éventuellement pouvant servir professionnellement sur les communes Public, en date du 12 mai 2005, ont relevé appel d'un jugement contradictoire, rendu par ledit Tribunal le 09 Mai 2005, à l'encontre de la Sarl Les VIGNOBLES X..., représentée par Madame MOISAN A... épouse X..., poursuivie comme prévenue d'avoir à Bommes (33), entre le 1er janvier 2001 et le 13 mars 2001 :

* effectué une publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, en l'espèce en vendant sous couvert de 478 factures, 1 156,26 hl de vins par 154 168 bouteilles de 75 cl supportant les étiquettes comportant des étiquettes mensongères, en ce que ces supports destinés à commercialiser ce vin de la propriété connue sous le nom de "Château Béchereau", supportaient les noms de propriété indus comme étant fictifs suivants : "Château Haut Béchereau, Château Haut Tristan, Domaine du Coche, Domaine Terrefort, Château La Capère, Château Le Marquis de Ruat, Château Labrouillère, Château Les Trois

Plantes",

Infraction prévue par les articles L.115-16 AL.1, L.115-1, L.115-5 du Code de la consommation, l'article L.721-1 du Code propriété intellectuelle, les articles L.641-1, L.641-2, L.671-5 du Code rural et réprimée par les articles L.115-16 AL.1, AL.3, L.213-1 du Code de la consommation, l'article L.671-5 du Code rural.

* trompé par personne morale sur la nature la qualité l'origine ou la quantité d'une marchandise, en l'espèce en vendant sous couvert de 478 factures, 1.156,26 hl de vins de la propirété connue sous le nom de "Château Béchereau" sous des noms de propriétés indues ("Château Haut Béchereau, Château Haut Tristan, Domaine du Coche, Domaine Terrefort, Château La Capère, Château Le Marquis de Ruat, Château Labrouillère, Château Les Trois Plantes") comme étant fictifs.

Infraction prévue et réprimée par les articles L.213-1, L.213-6 al.1, L.213 du Code de la Consommation, 121-2, 131-39 2o, 3o, 4o, 5o, 6o, 7o, 8o, 9o du Code Pénal.

suivantes : Landiras, lieu dit Les Plantes,

- toutefois, aucun des documents examinés ne comportait l'indication de la location de bâtiments en annexe aux vignobles loués sur ces communes,

- ainsi, seuls les bâtiments sis au Château Bêchereau, dont le vignoble était en AOC Sauternes, étaient loués par la SARL Les Vignobles X... à la SCI,

- dans l'acte de vente figurait un chapitre intitulé "Document d'Arpentage" (p. 6 etamp; 7) dans lequel le terme "immeuble" comprenait "toutes marques déposées, en cours de dépôt et antérieures et notamment : - Château Bêchereau, - Château La Capère, - Domaine Terrefort, - Château Haut Tristan, - Château Labrouillère,

- l'acquéreur devait faire son affaire personnelle de la conservation de ces marques,

- ce chapitre était clos par l'indication suivante : "tous les autres immeubles appartiennent indivisément à Mme Veuve C...; Madame Myriam C... et Mademoiselle Astrid C...".

Comparant les noms de propriété achetés à titre de marque et ceux utilisés par Mme X..., il apparaissait que l'intéressée avait créé les noms : "Château Les Trois Plantes" et "Château du Marquis de Ruat", noms de propriété qui avaient été utilisés à la vente.

Parmi les huit noms de propriétés fictifs recensés, sept de ces noms avaient été employés assidûment au cours des trois dernières campagnes viti-vinicoles concernent 1 156,26 hl de vins déclinés dans les quatre appellations d'origine contrôlées produites sur l'exploitation (Bordeaux, Bordeaux Clairet, Graves, Sauternes), représentant 154 168 bouteilles équivalent 75 cl.

Mme C..., ex-propriétaire de l'exploitation viti-vinicole dénommée Château Bêchereau, invitée à préciser l'historique des noms

LE TRIBUNAL

Sur l'action publique :

A déclaré la Sarl Les Vignobles X... coupable des faits reprochés ; en répression, l'a condamnée à une amende délictuelle de 3 000 euros d'amende,

Sur l'action civile :

A reçu l'I.N.A.O. en sa constitution de partie civile,

A condamné la Sarl Les Vignobles X... à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 500 euros en application de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale.

Sur ces appels et selon citations de Monsieur le Procureur Général, l'affaire a été appelée à l'audience publique du 28 mars 2006, la Cour étant composée de Monsieur BOUGON, Président, Monsieur MINVIELLE et Monsieur LOUISET, Conseillers, assistée de Madame Z..., Greffier,

A ladite audience, la prévenue a comparu et son identité a été constatée ;

Monsieur le Conseiller LOUISET a fait le rapport oral de l'affaire ; La prévenue a été interrogée ;

Maître CAVALIE, avocat, a développé les conclusions de la partie civile, l'Institut National des Appellations d'Origine (I.N.A.O.) ;

Madame le Vice-Procureur Placé a été entendue en ses réquisitions ;

Maître GUILLEMOTEAU, avocat, a présenté les moyens d'appel et de défense de la prévenue ;

MOISAN A... épouse X..., représentant la Sarl Les VIGNOLES X... a eu la parole la dernière.

SUR QUOI,

Le Président a informé les parties présentes que l'affaire était mise de châteaux et domaine dont la société Les Vignobles X... à Bommes, qui avait pris sa succession, faisait usage, indiquait:

"Je précise n'avoir vendu à la SARL Vignobles X... que des marques, comprenant les termes "château" et "domaine", comme indiqué sur la copie du "Document d' Arpentage" que je vous remets (...).

En aucun cas je n'ai vendu à ladite SARL des propriétés répondant aux noms cités dans ce document, c'est à dire : château Haut Tristan, château Labrouillère ; (...)".

Concernant les documents commerciaux portant l'indication "FERMAGE", Mme C... répondait :

"Je précise qu'au regard des baux en fermage que j'ai conservés, concernant ces personnes, le fermage de Mme D... concernait du vignoble en AOC Sauternes pour 18 ares et S ca ; le fermage de M./Mme E... était relatif à du vignoble en AOC Graves blanc pour 29 ares et 5 ca.

En aucun cas ces baux ne concernent la location de bâtiments.

Je précise également à votre demande que sur les parcelles de vignes à partir desquelles sont revendiqués les noms de Château Haut Tristan et Château La Capère, il n'existe pas de bâtiments ni à usage d'habitation, ni à usage professionnel...".

L'examen du registre d'encépagement de l'exploitation viti-vinicole concernée ne permettait pas de faire le lien entre le nom d'un lieu-dit et celui d'un nom de propriété, hormis pour les deux cas suivants :

- "Labrouillère", situé en AOC Sauternes,

- "La Capère Sud", situé en AOC Graves.

"Labrouillère" était le nom de lieu-dit faisant partie intégrante de l'adresse du "Château Bêchereau" : en ce sens, les vignobles et bâtiments qui s'y trouvaient étaient ceux directement attachés à l'exploitation du même nom.

en délibéré à l'audience publique du 9 MAI 2006.

A ladite audience, Monsieur le Président a informé les parties présentes que le délibéré était prorogé à l'audience publique du 23 mai 2006.

A ladite audience, Monsieur le Président a informé les parties présentes que le délibéré était prorogé à l'audience publique du 30 mai 2006.

A l'audience de ce jour, Monsieur le Président a donné lecture de la décision suivante :

Attendu que la SARL VIGNOBLES X... et le Ministère Public ont interjeté appel de la décision susmentionnée par déclarations reçues au greffe du Tribunal de grande instance de BORDEAUX les 11 et 12 mai 2005 ;

Attendu que ces appels sont réguliers en la forme et qu'ils ont été interjetés dans le délai de la loi ; qu'il convient, par conséquent, de les déclarer recevables ;

Attendu que le conseil de l'Institut National des Appellations d'Origine demande à la Cour :

- de confirmer le jugement dont appel,

- de condamner solidairement A... MOISAN épouse X... et la SARL VIGNOBLES X... à payer à l'INAO la somme de 1000 ç sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

- de les condamner aux entiers dépens ;

Attendu que le Ministère Public a requis l'application de la loi ;

Attendu que le conseil de la SARL VIGNOBLES X... prie la Cour :

- de relaxer la SARL VIGNOBLES X... des fins des poursuites,

- de débouter l' I.N.A.O. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

SUR QUOI

Sur l'action publique

Au lieu-dit "La Capère Sud", aucun bâtiment à usage professionnel n'était connu pour pouvoir être rattaché à l'exploitation concernée "Château Bêchereau".

Pour l'administration, selon la réglementation, un seul nom de château pouvait être utilisé par propriété existant réellement, un deuxième nom pouvant être utilisé en cas d'emploi régulier du nom depuis le 13 janvier 1983 et à condition d'une vinification séparée dans des cuves identifiées pour chaque exploitation. Or, tel n'était pas le cas en espèce.

Mme X..., entendue sur ces faits, indiquait avoir acheté la propriété avec les noms de château, et estimait en conséquence qu'elle était autorisée à les utiliser. Elle reconnaissait toutefois la modification du nom de Château Les Plantes en Château Les Trois Plantes ;

Attendu qu'il est reproché à la SARL VIGNOBLES

X... d'avoir à BOMMES, Gironde, entre le 1er janvier 2001 et le 13 mars 2001:

1o) effectué une publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, en l'espèce en vendant sous couvert de 478 factures, 1. 156,26 hl de vins par 154.168 bouteilles de 75 cl supportant des étiquettes comportant des étiquettes mensongères, en ce que ces supports destinés à commercialiser ce vin de la propriété connue sous le nom de "Château Bêchereau" supportaient les noms de propriété indus comme étant fictifs suivants : Château Haut Bêchereau, Château Haut Tristan, Domaine du Coche, Domaine Terrefort, Château La Capère, Château le Marquis de Ruat, Château Labrouillère, Château Les Trois Plantes,

2o) trompé, par personne morale, sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, en l'espèce en vendant sous couvert

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats d'audience les faits suivants :

Le 8 octobre 2002, Pierre F... et Jack G..., respectivement contrôleur et inspecteur de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DDCCRF) effectuaient un contrôle de l'exploitation vitivinicole SARL VIGNOBLES X..., située Château Bêchereau de Ruat à BOMMES (33) et dont la gérante était A... MOISAN épouse X..., contrôle portant en particulier sur l'authenticité des noms de châteaux utilisés.

Le contrôle était opéré en présence de Gérard X..., époux de la gérante et détenteur de 75 % des parts de la SARL VIGNOBLES X..., ainsi que de Stéphane REBERAT, maître de chai.

Au regard de la diversité des noms de propriété revendiqués dans les étiquettes, il était demandé à Gérard X... de présenter l'emploi de ces identités dans le cadre d'une relation avec des exploitations ayant pu être regroupées au sein de la SARL les Vignobles X...

Celui-ci précisait avoir repris les marques utilisées par l'ancien

propriétaire et mis de l'ordre dans les marques achetées avec l'exploitation Château Bêchereau en 1999 de façon à pouvoir attribuer, en relation avec ses marchés, plusieurs marques "château" par appellation d'origine contrôlée produite.

A l'aide des informations recueillies ce jour-là, il était établi le tableau de correspondance suivant : Noms de propriétés Appellations concernées Château Bêchereau ou Château Bêchereau de Ruat (noms notoires de l'exploitation, selon Gérard X...) Château Haut Bêchereau Château Haut Tristan Domaine du Coche Domaine Terrefort Sauternes Sauternes Graves Supérieures Graves blanc Graves blanc Château La Capère Château le Marquis de Ruat Château Labrouillère Château les Trois Plantes Graves rouge Graves rouge Bdx rosé et Bdx Clairet Bdx rosé et Bdx Clairet

de 478 factures, 1. 156,26 hl de vins de la propriété connue sous le nom de "Château Bêchereau" sous des noms de propriétés indues (château Haut Bêchereau, Château Haut Tristan, Domaine du Coche, Domaine Terrefort, Château La Capère, Château le Marquis de Ruat, Château Labrouillère, Château Les Trois Plantes) comme étant fictifs ;

Attendu que, à l'appui de la demande de relaxe de la SARL VIGNOBLES X..., son conseil fait valoir, pour l'essentiel, que :

- aucun texte ne permet d'affirmer qu'il faut un bâtiment par propriété pour exploiter un nom de Château ou de Domaine,

- le décret de 1993 ne s'applique pas au cas d'espèce puisque l'exploitation Château Bêchereau n'a pas été créé, mais achetée et qu'aucune réunion d'exploitation n'a été faite depuis la parution de ce décret,

- si par extraordinaire il trouvait à s'appliquer, l'antériorité et la relation ou le lien avec la propriété existante est largement prouvé,

- les deux noms Château DE RUAT et Château LES PLANTES n'ont pas été créés mais déposés et sont en rapport direct avec la propriété,

- Mme X... est de bonne foi puisque par précaution, elle a consulté un avocat qui ne lui a rien signalé

d'interdit en la matière ;

Attendu, en droit, que, conformément à la distinction qu'introduit l'article 3 paragraphe 1 du R(CEE) 3201/90 de la Commission du 16 octobre 1990 modifié, entre "nom d'une exploitation" et " marque", l'article 6 paragraphe 1 dudit règlement 3201/90 prescrit que la présentation des VQPRD (Vins de Qualité Produits dans des Régions Délimitées, qui se composent en France de deux classes : les AOC - appellation d'origine contrôlée - et les VDS - vins délimités de qualité supérieure) peut être assortie d'un nom de "château", sous réserve que "le vin provienne exclusivement de raisins récoltés dans des vignes faisant partie de cette même exploitation viticole et que la vinification ait été effectuée dans cette exploitation." ;

Qu'en outre, en droit français, les dispositions du décret du 7 janvier 1993 ont été intégrées dans l'article 13 du décret du 19 août 1921 (pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles, en

ce qui concerne les vins, les vins mousseux et les eaux-de-vie), et n'ont pas été abrogées ;

Qu'ainsi, "Est interdit, en toute circonstance et sous quelque forme que ce soit, notamment :

Sur les récipients et emballages ;

Sur les étiquettes, (...) ;

Dans les papiers de commerce, factures, catalogues, prospectus, (...), annonces et tout autre moyen de publicité,-l'emploi en ce qui concerne les vins, vins mousseux et eaux de vie (...) :

4 Des mots tels que (...) "château", "domaine" (...), ainsi que toute autre expression analogue, sauf lorsqu'il s'agit de produits bénéficiant d'une appellation d'origine et provenant d'une exploitation agricole existant réellement et, s'il y a lieu, exactement qualifiée par ces mots ou expressions.

Toutefois, en cas de création d'une nouvelle exploitation par réunion de plusieurs exploitations répondant aux conditions ci-dessus, le nom de chaque exploitation précédé par un des termes susvisé sous lequel tout ou partie de la production a été antérieurement mise en marché,

pourra continuer à être utilisé.

De plus, les vins doivent être vinifiés :

- soit dans chacune des exploitations viticoles,

- soit séparément dans les bâtiments de l'une d'elles ou dans les bâtiments propres à l'exploitation résultant du regroupement.

Pour les vins issus de la nouvelle exploitation telle que définie ci-dessus, l'emploi du nom des anciennes exploitations ainsi regroupées exclut l'utilisation d'un nouveau nom pour ladite exploitation.

Les exploitations qui ont acquis leur notoriété sous deux noms différents depuis au moins dix ans, peuvent continuer à utiliser ces noms." ;

Qu'il en résulte que, sur le territoire national, il ne peut être utilisé en principe qu'un seul nom de propriété (Château" et/ou "Domaine" en l'espèce) par exploitation ;

Que le terme "château" ou"domaine"doit donc être réservé aux exploitations viticoles existant réellement et disposant d'une autonomie culturale, cette dernière notion signifiant que

l'exploitation doit comporter des

Que le terme "château" ou"domaine"doit donc être réservé aux exploitations viticoles existant réellement et disposant d'une autonomie culturale, cette dernière notion signifiant que l'exploitation doit comporter des vignes et des bâtiments appropriés à la production du vin, disposant du matériel de vinification (chai, cuvier, ...) permettant de traiter d'une façon distincte la vendange, de conserver et de soigner le vin issu de la parcelle ;

Qu'ainsi, en cas de création d'une exploitation nouvelle par réunion de plusieurs exploitations, il n'est pas possible de conserver les différents noms des châteaux réunis sauf si la vinification s'effectue séparément, par exemple dans chaque ancienne exploitation (critère de l'autonomie culturale) ;

Que, par exception au principe "un nom, un château", les

exploitations qui ont acquis leur notoriété sous deux noms différents, depuis au moins dix ans, peuvent continuer à utiliser ces deux noms ;

Attendu qu'en l'espèce, ainsi que l'a précisé le conseil de la prévenue dans ses conclusions, il y a eu achat d'une même exploitation, et non pas création d'une nouvelle exploitation par réunion de plusieurs exploitations ;

Que les services de la DDCCRF se sont assurés, par divers recoupements, que les noms de propriété suivants ne recouvraient que des vignobles, propriétés de la SCI les Châteaux du Ciron, exploités en location-fermage par la SARL Les Vignobles X... : Château Haut Bêchereau - Château Haut Tristan - Domaine du Coche - Domaine Terrefort - Château La Capère - Château le Marquis de Ruat - Château Labrouillère - Château les Trois Plantes, ne correspondant pas à une exploitation agricole existant réellement, puisqu'il ne résulte pas des actes de ventes produits que la SCI les Châteaux du Ciron ait acquis en même temps la propriété viticole, correspondant aux vignobles et bâtiments ;

Que seul le nom de "Château Bêchereau (de Ruat)", nom notoire de la propriété, était conforme à la réglementation ;

Attendu que, si Mme X... a acheté des noms de propriété, déclarés comme "marques" dans les actes notariés

communiqués, marques qu'elle a renouvelées pour certaines d'entre elles auprès de l'INPI, cela ne suffit pas à établir que ces noms d'exploitation viti-vinicole procèdent pour autant d'une existence réelle et que leur emploi soit régulier ;

Que, l'INPI n'ayant pas pour mission de vérifier l'authenticité de tels noms, c'est à tort que Mme X... argue du dépôt de ces noms de propriétés comme marques pour légitimer leur emploi au regard de la réglementation viti-vinicole ;

Que l'usage ancien d'une marque n'efface pas son caractère illicite, une marque pouvant être contestée même après une longue période d'utilisation pendant laquelle aucune remarque n'a été faite ;

Attendu que la réorganisation des noms par Mme X..., après l'achat de l'exploitation "Château Bêchereau", correspond à la volonté de faire co'ncider un nom de propriété, sinon deux, en fonction du réseau de distribution, pour chaque AOC produite ;

Que la réglementation ci-dessus précitée n'autorise pas de disposer

d'autant de noms de propriétés viti-vinicoles qu'il est produit de vins en AOC différentes et est possédé de distributeurs ;

Attendu qu'en effet, en vertu des dispositions tant communautaires que nationales rappelées ci-dessus, le nom d'exploitation viti-vinicole est attaché aux vignes et bâtiments à usage professionnel ;

Que la possibilité de revendiquer dans les étiquettes et factures l'emploi d'un nom de propriété comportant notamment le terme "château" dans son expression, n'est réglementairement acquise que si, de plus, cette propriété viti-vinicole est située dans une aire d'appellation d'origine (AOC, VDQS) ;

Que, par conséquent, l'emploi réglementaire d'un nom de "château" est conditionné par le respect du binôme aire d'appellation / propriété viti-vinicole ;

Qu'ainsi, une exploitation viti-vinicole ne peut se démultiplier en autant d'entités culturales autonomes qu'elle produit de vins sur autant d'aires d'appellations d'origine, sauf à justifier du rattachement d'anciennes exploitations situées sur chacune des aires

concernées ou de la location de bâtiment(s) à usage professionnel dans le cadre d'un contrat à ferme par exemple ;

Attendu qu'en l'espèce, l'intéressée n'apporte aucun élément de preuve en ce sens ;

Que, de plus, dans sa déclaration du 25 juin 2003, Mme C..., ancienne propriétaire, a confirmé n'avoir vendu que des marques et non des propriétés viti-vinicoles ;

Attendu que la légitimité d'une telle réorganisation des noms dans un but commercial ne saurait prévaloir sur le caractère illicite d'une telle pratique au regard des textes réglementaires en vigueur ;

Attendu, enfin, que Mme X... a créé elle-même deux noms de château : "Château Marquis de Ruat" et "Château Les Trois Plantes" ;

Que la SARL VIGNOBLES X... soutient que :

- s'agissant du Château Marquis de Ruat on le retrouve depuis 100 ans sur toutes les étiquettes Bêchereau "ancien domaine du Marquis de

Ruat, ce qui prouve bien qu'il y avait une notoriété sous ce nom,

- quant au Château les Trois Plantes anciennement Les Plantes Domaine ou Château, son propriétaire était M. B... décédé en 1980 et Mme B... décédée en 1981,comme cela figure sur l'acte d'achat de la propriété, Mme X... a simplement changé le nom Château Les Plantes en Château Les Trois Plantes car les Plantes venaient d'être utilisées par un voisin,

- ces deux noms avaient bien un lien direct avec la propriété et avec la notoriété qui y est attachée ;

Attendu cependant que, pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés, la SARL VIGNOBLES X... ne peut davantage utiliser les noms de château "Marquis de Ruat" et " Les Trois Plantes", faute d'autonomie culturale des propriétés auxquelles ils se réfèrent ;

Attendu que, le nom de château étant un élément essentiel des conditions dans lesquelles un vin est vendu, en utilisant des noms de

château fictifs pour la commercialisation de vins AOC Bordeaux, Graves et sauternes, la SARL a trompé ses cocontractants sur l'existence d'une propriété viticole sur laquelle le vin est produit, commettant le délit de tromperie ;

Qu'en outre, en apposant dans des documents, prospectus et étiquettes des noms fictifs de propriété, elle a effectué une publicité mensongère de nature à induire en erreur l'acheteur ;

Attendu que la SARL VIGNOBLES X... ne pouvait ignorer la réglementation applicable, compte tenu :

- d'une part de l'information professionnelle dont elle disposait,

- d'autre part de la profession d'avocat de Gérard X..., à la fois détenteur majoritaire des parts sociales de la SARL VIGNOBLES X... et gérant de la SCI propriétaire de l'exploitation ;

Que sa bonne foi ne saurait être d'autant moins retenue qu'avisée par la DDCCRF de l'usage illicite des noms de propriété indus, elle a néanmoins continué à les utiliser ;

Attendu qu'ainsi, les faits relevés constituent bien les délits de

tromperie sur l'origine et de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur sur l'origine ;

Attendu que la SARL VIGNOBLES X... s'est donc rendu coupable des faits qui lui sont reprochés; qu'en la retenant dans les liens de la prévention, les premiers juges ont fait une exacte application des dispositions de la loi pénale ; qu'il convient, par conséquent, de confirmer le jugement dont appel sur la qualification des faits et la déclaration de culpabilité de ladite société ;

Attendu, quant au prononcé de la peine que commandent pareils agissements, que la Cour, prenant en considération tant la nature et la gravité des faits que l'absence d'antécédents de cette personne morale, confirmera le jugement entrepris qui l'a condamnée à une peine d'amende de 3 000 euros, sanction apparaissant appropriée aux données de l'espèce ;

Sur l'action civile

Attendu qu'il ne peut être sérieusement contesté que les agissements coupables de la SARL VIGNOBLES X... ont causé directement et personnellement à l'INAO un préjudice moral justement évalué à la somme de 1 500 euros par les premiers juges dont la décision sera confirmée, de même que celle relative aux frais irrépétibles (500 euros);

Qu'en effet, si le vin peut prétendre à l'AOC en cause, il est porté malgré tout un préjudice à ladite appellation, la SARL VIGNOBLES X..., par l'utilisation de ces moyens, cherchant à vendre plus cher des vins dont l'image se trouve être ainsi ternie ;

Attendu qu'en ce qui concerne la demande relative aux frais irrépétibles exposés en cause d'appel, il y sera fait droit pour des motifs tirés de l'équité qui commandent la prise en compte de tels frais et leur mise à la charge de la personne morale responsable ;

PAR CES MOTIFS LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

En la forme, reçoit en leurs appels la SARL VIGNOBLES X... et le Ministère Public,

Au fond,

Sur l'action publique :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Sur l'action civile :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SARL VIGNOBLES X... à payer à l'INAO la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

Avis a pu être donné au prévenu sent qu'en application des dispositions de l'article 707-3 du Code de Procédure Pénale, le

paiement dans le délai d'un mois à compter de la présente décision diminue son montant de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1.500 euros ; le paiement de l'amende ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de cent vingt Euros dont est redevable chaque condamné par application de l'article 1018 A du Code Général des Impôts.

Le tout en application des dispositions des articles susvisés, ainsi que des articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur BOUGON, Président et Madame Z..., Greffier présent lors du prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0028
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006950326
Date de la décision : 30/05/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2006-05-30;juritext000006950326 ?
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