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16/05/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006950662

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 16 mai 2006, JURITEXT000006950662


ARRET RENDU PAR LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX -------------------------- Le : CINQUIEME CHAMBRE No de rôle :

04/06401 IT S.A. POLYCLINIQUE DE BORDEAUX TONDU, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Compagnie AXA FRANCE IARD, venant aux droits et obligations de la Compagnie AXA ASSURANCES C..., prise en sa délégation régionale sis ..., prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, c/ Monsieur Pierre Marc K... H... Philippe F... CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE pris

e en la personne de son représentant légal domicilié en cette quali...

ARRET RENDU PAR LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX -------------------------- Le : CINQUIEME CHAMBRE No de rôle :

04/06401 IT S.A. POLYCLINIQUE DE BORDEAUX TONDU, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Compagnie AXA FRANCE IARD, venant aux droits et obligations de la Compagnie AXA ASSURANCES C..., prise en sa délégation régionale sis ..., prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, c/ Monsieur Pierre Marc K... H... Philippe F... CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Nature de la décision : AU FOND Grosse délivrée le : à :

Rendu le

Par mise à disposition au Greffe

Par Madame Edith O'YL, Conseiller

en présence de Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, CINQUIEME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :

S.A. POLYCLINIQUE DE BORDEAUX TONDU, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, ...

Compagnie AXA FRANCE IARD, venant aux droits et obligations de la Compagnie AXA ASSURANCES C..., prise en sa délégation régionale sis ..., prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, ... Représentées par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour assistées de Maître B... loco la SCP DELAVALLADE-GELIBERT avocats au barreau de BORDEAUX

Appelantes d'un jugement rendu le 10 novembre 2004 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 10

Décembre 2004,

à :

Monsieur Pierre Marc K... né le 05 Juin 1957 à CENON (33150) de nationalité française demeurant ... BASTIDE Représenté par la SCP ARSENE-HENRY ET LANCON, avoués à la Cour assisté de Maître D... loco Maître Benoit A... avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur Philippe F... né le 29 Juin 1945 à BORDEAUX (33000) Cabinet de Chirurgie Orthopédique et Traumatologie 151, rue du Tondu33082 BORDEAUX Représenté par Maître Patrick LE BARAZER, avoué à la Cour assisté de Maître DO Y... loco Maître Jean-Claude I... avocat au barreau de PAU

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social... Représentée par la SCP Luc BOYREAU etamp; Raphael G..., avoués à la Cour assistée de Maître X... loco SCP FAVREAU-CIVILISE avocats au barreau de BORDEAUX Intimés,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue en audience publique, le 28 Février 2006 devant :

Monsieur Patrick GABORIAU, Président magistrat chargé du rapport tenant seule l'audience pour entendre les plaidoiries, les Avocats ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, assistée de Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier,

Que Monsieur le Président en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, celle-ci étant composée de :

Monsieur Patrick GABORIAU, Président,

Madame Josiane COLL, Conseiller,

Madame Edith O'YL, Conseiller,

Et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.

Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 10 novembre 2004.

Vu l'appel interjeté le 10 décembre 2004 par la SA POLYCLINIQUE du TONDU et la SA AXA France C....

Vu leurs conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 16 décembre 2005.

Vu les conclusions de Monsieur Pierre K..., qui forme appel incident, déposées au greffe de la cour et signifiées le 30 mars 2005.

Vu les conclusions de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie déposées au greffe de la cour et signifiées le 31 mai 2005.

Vu les conclusions du Docteur Pierre F... déposées au greffe de la cour et signifiées le 7 avril 2005.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 27 décembre 2005. * Monsieur Pierre K..., qui a été opéré le 14 mai 1997 par le Docteur F... à la POLYCLINIQUE du TONDU pour une coxopathie de la hanche gauche avec mise en place d'une prothèse totale de hanche sans ciment, a ensuite présenté une infection nosocomiale qui a nécessité plusieurs traitements, hospitalisations et reprises chirurgicales. Après avoir obtenu en référé l'organisation d'une expertise médicale confiée au professeur Z..., il saisissait en déclaration de responsabilité et en indemnisation le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX qui, par un jugement avant dire droit en date du 22 mai 2002, a ordonné une expertise complémentaire confiée au Professeur E..., remplacé ultérieurement par le Professeur J.... Par le jugement critiqué le

Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX, entre autres dispositions, a déclaré la POLYCLINIQUE DU TONDU et le Docteur F... responsables de l'infection nosocomiale contractée par Monsieur K..., les a condamnés solidairement à réparer son préjudice et à rembourser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie 33 ses débours et a condamné la SA POLYCLINIQUE DU TONDU à relever indemne le Docteur F... des condamnations prononcées à son encontre. Sur la responsabilité du Docteur F... : Il n'est plus contesté que l'infection nosocomiale diagnostiquée le 20 mai 1997 et les trois épisodes infectieux ultérieurs qu'a présentés Monsieur Pierre K... sont en relation avec l'intervention chirurgicale pratiquée par le Docteur F... le 14 mai 1997 au sein de la polyclinique du TONDU. De même il n'est plus contesté que compte tenu de la date de cette intervention, pratiquée avant le 5 septembre 2001, l'article L 1142-1 du code de la santé publique n'est pas applicable. En conséquence tant la POLYCLINIQUE du TONDU que le Docteur F... sont tenus à l'égard de Monsieur Pierre K... d'une obligation de sécurité de résultat dont ils ne peuvent se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère.

La POLYCLINIQUE DU TONDU, qui ne conteste pas sa propre responsabilité, et la SA AXA France C... font reproche au premier juge, qui les a condamnées solidairement avec le Docteur F... à réparer le préjudice de Monsieur K... et à rembourser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie 33 ses débours, de les avoir condamnées à relever indemne le Docteur F... des condamnations prononcées à son encontre. Elles estiment que la cause étrangère susceptible de l'exonérer de sa responsabilité ne peut résider dans leur impossibilité de communiquer le dossier d'asepsie et soulignent que le Docteur F... qui n'a pas informé le personnel de la clinique des antécédents de Monsieur K... justifiant une prophylaxie

spécifique a manqué à ses obligations.

Il est établi par l'expertise diligentée par le Professeur J... que Monsieur K... qui a déjà souffert en 1995 à la suite d'une sacco-radiculographie d' une infection nosocomiale (méningite à staphylocoques dorés) et qui a en outre des antécédents diabétiques augmentant les risques infectieux présente un terrain fragilisé ;

les expertises judiciaires diligentées ne permettent de retenir à l'encontre du Docteur F... aucune faute dans le diagnostic, le choix thérapeutique, la technique opératoire ou le suivi post opératoire.

Toutefois l'absence de toute faute commise par le Docteur F..., qui a notamment pris en considération la particulière fragilité de son patient aux infections par staphylocoques, l'anesthésiste ayant administré à celui-ci en per-opératoire des antibiotiques, ne saurait constituer la cause étrangère permettant de l'exonérer de sa responsabilité.

Certes l'expert n'a pu obtenir de la polyclinique le dossier sur la traçabilité de la stérilisation et des blocs opératoires permettant d'affirmer le respect par celle-ci des règles d'hygiène en matière de prévention d'infections nosocomiales ; toutefois l'absence de communication de ce dossier ne démontre pas que la polyclinique ait manqué à son obligation d'asepsie et ne peut donc constituer la cause étrangère susceptible d'exonérer le Docteur F... ; en tout état de cause celui-ci ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité certain entre cet éventuel manquement et l'infection nosocomiale.

Aussi faute par celui-ci de rapporter la preuve de l'existence d'une cause étrangère seule susceptible de l'exonérer de sa responsabilité, force est de constater qu'il n'a pas rempli l'obligation de sécurité de résultat qui lui incombe.

En conséquence il sera condamné in solidum avec la polyclinique du TONDU à réparer le préjudice subi par Monsieur Pierre K... et ne sera pas relevé indemne des condamnations prononcées à son encontre au profit de Monsieur K... ou de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie par les appelantes. Sur le préjudice : La polyclinique du TONDU et la SA AXA France C... estiment que les sommes allouées par le premier juge à Monsieur K... au titre de la perte de chance, de l'ITT, de l'IPP et de la gêne dans les actes de la vie courante sont excessives et concluent à leur réduction tandis que Monsieur Pierre K..., formant appel incident, demande que les indemnités réparant sa perte de chance et son IPP soient réévaluées.

1o) L'incapacité temporaire L'ITT est fixée par l'expert judiciaire du 13 mai 1997 au 30 juin 1999 et l'ITP au taux de 70% du 1er juillet 1999 au 30 janvier 2000, date de la consolidation. Le premier juge a fixé ainsi que suit le préjudice subi de ce fait par Monsieur K... et pris en considération le créance de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie 33:

.gêne dans les actes de la vie courante :

ITT : 15560 ç (778 jours)

ITP : 2996 ç (214 jours)

.perte de revenus : 46 032.17 ç déduction faite des indemnités journalières versées par la CPAM 33 Les appelantes ne peuvent soutenir que le point de départ de l'ITT imputable à l'infection nosocomiale doit être fixé au mois de septembre 1997 au motif que la

durée normale d'une ITT consécutive à la mise en place d'une prothèse de la hanche est d'environ quatre mois ; en effet c'est dès le 20 mai 1997 qu'a été diagnostiquée l'infection nosocomiale dont a souffert Monsieur K... ; bien que sous traitement antibiotique il a présenté très rapidement un nouvel épisode infectieux et a été à nouveau hospitalisé du 4 au 16 juin 1997 pour un lavage articulaire et un changement du col fémoral gauche. Ensuite les épisodes infectieux se sont succédés. C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu le 13 mai 1997 comme point de départ de l'ITT, le phénomène infectieux s'étant manifesté presque immédiatement après l'opération et s'étant poursuivi ensuite. Les sommes allouées en réparation de la gêne dans les actes de la vie courante et de la perte de revenus ne font pas l'objet par ailleurs de contestation. Le jugement sera confirmé sur ce point.

2o) sur L'IPP Monsieur K... présente des séquelles fonctionnelles locomotrices au niveau de la hanche gauche : la résection de la tête et du col du fémur gauche nécessités par l'infection nosocomiale entraîne un raccourcissement du membre inférieur gauche et une boiterie importante ; cette atteinte permanente gêne sa marche, la pratique des escaliers, le port de charges et la mise des entraîne un raccourcissement du membre inférieur gauche et une boiterie importante ; cette atteinte permanente gêne sa marche, la pratique des escaliers, le port de charges et la mise des chaussures. L'incapacité permanente dont il demeure atteint est fixée à 32 %. Les conclusions expertales ne sont pas contestées. Le premier juge a évalué ainsi que suit ce chef de préjudice : .déficit physiologique :

48 000 ç .retentissement professionnel caractérisé par une perte de chance estimée à 70% pour monsieur K... de devenir agent d'intervention sur systèmes automatisés, calculée à compter de la date d'achèvement de la formation qu'il suivait à cette fin lui

permettant d'espérer une rémunération mensuelle de 1800ç net :

1800X12 = 21600 ç/AN X 21.168 (prix du franc de rente pour une personne âgée de 41 ans) = 457228.80 çX 70% = 320060.16 ç. Les appelantes considèrent d'une part que la somme allouée au titre du déficit fonctionnel ne saurait dépasser la somme de 42 880 ç et d'autre part que la perte de chance pour Monsieur K... de devenir agent d'intervention sur systèmes automatisés doit être ramenée à 50% ; elles font valoir à cet effet que ses chances compte tenu de ses antécédents d'obtenir cet emploi étaient faibles. Elles estiment par ailleurs que c'est à tort que le premier juge a retenu le prix de l'euro de rente pour une personne âgée de 41 ans, date des faits, alors qu'il avait 43 ans lors de sa consolidation et 47 lors de la liquidation de son préjudice. Enfin elles indiquent qu'il convient d'appliquer le barème TEC 10 indice européen et de retenir l'euro de rente correspondant à l'âge de la victime (48 ans) au jour de la liquidation de son préjudice.

Monsieur Pierre K... considère en premier lieu que son déficit physiologique doit être fixé sur la base de 1 830 ç le point (58560e) ; en second lieu il demande que sa perte de chance soit évaluée à 80%, du fait de son handicap ses chances de retrouver un emploi étant devenues quasiment nulles, et réclame la somme de 392 200 ç. Le barème TD 88/90 retenu par le premier juge est le mieux à même d'assurer la réparation intégrale des victimes car il correspond à l'espérance de vie et aux revenus de l'argent actuels. Il sera retenu aussi par la cour. Concernant le déficit physiologique il convient de l'évaluer selon la valeur du point correspondant à la date de consolidation et non au jour où la cour statue, ce qui n'assurerait pas une juste indemnisation de la victime. La somme de 48 000 ç remplit cet office. Il est exact que Monsieur K..., né le 5 juin 1957 a du faire face à plusieurs problèmes de santé (accidents

domestiques ou de la voie publique, diabète, hernie discale, méningite septique, obésité à) ; toutefois aucun élément ne permet d'en déduire qu'il n'avait que peu de chance d'occuper l'emploi pour lequel il était en formation au moment où il a été atteint par cette infection nosocomiale ; Il participait en effet depuis le 18 novembre 1996 à un stage, organisé par un centre de réadaptation professionnelle et fonctionnelle, de formation d'agent d'intervention sur systèmes automatisés qui devait s'achever le 22 septembre 1998 ; il n'a pu reprendre du fait de l'accident nosocomial cette formation et a été placé en invalidité à 80% par la COTOREP à compter du 1er juillet 1999. C'est en faisant une juste appréciation des faits qui lui étaient soumis que le premier juge par des motifs que la cour ne peut que reprendre a estimé la perte de chance subie par Monsieur K... à 70%.

C'est encore à bon droit que prenant en considération la date à laquelle devait s'achever le stage et débuter une vie professionnelle, il a retenu une valeur de point correspondant à l'âge qu'avait à ce moment Monsieur K... soit 41 ans et qu'il a fixé à 320 060,16 ç ce chef de préjudice.

Le jugement déféré sera en conséquence réformé en ce qu'il a condamné la SA POLYCLINIQUE du TONDU et la SA AXA ASSURANCES C... à relever indemne le Docteur F... des condamnations prononcées à son encontre et confirmé pour le surplus.

Chacune des parties ayant succombé dans ses prétentions il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Les dépens seront supportés par les appelantes et le Docteur F... . PAR CES MOTIFS : La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire

Réforme le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 10 novembre 2004 en ce qu'il a condamné la SA AXA ASSURANCES C... et la POLYCLINIQUE du TONDU à relever indemne le Docteur F... des condamnations prononcées à son encontre au profit de Monsieur K... et de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie 33.

Condamne en conséquence in solidum la SA AXA ASSURANCES C..., la POLYCLINIQUE du TONDU et le Docteur F... à réparer les conséquences dommageables de l'accident nosocomial dont a souffert Monsieur K... à la suite de l'intervention chirurgicale du 14 mai 1997.

Confirme le jugement pour le surplus.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne le Docteur F..., la SA AXA ASSURANCES C... et la POLYCLINIQUE du TONDU aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dipositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick GABORIAU, Président et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006950662
Date de la décision : 16/05/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2006-05-16;juritext000006950662 ?
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