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20/03/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006949930

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0007, 20 mars 2006, JURITEXT000006949930


ARRÊT RENDU PAR LA X... D'APPEL DE BORDEAUX -------------------------- FR Le : 20 MARS 2006 PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A No de rôle : 04/04013 LA S.A. GUY COUACH, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, c/ Maître Régis LASSABE LA S.E.L.A.F.A. FIDAL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le : aux avoués

Rendu par mise à disposition au Greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions

prévues à l'article 450-2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 20 mar...

ARRÊT RENDU PAR LA X... D'APPEL DE BORDEAUX -------------------------- FR Le : 20 MARS 2006 PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A No de rôle : 04/04013 LA S.A. GUY COUACH, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, c/ Maître Régis LASSABE LA S.E.L.A.F.A. FIDAL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le : aux avoués

Rendu par mise à disposition au Greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450-2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 20 mars 2006

Par Monsieur Alain COSTANT, Président,

en présence de Madame Chantal Y..., Greffier,

La X... d'APPEL de BORDEAUX, PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A, a, dans l'affaire opposant :

LA S.A. GUY COUACH, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis Rue de l'Yser - Boîte Postale numéro 55 - 33470 GUJAN MESTRAS représentée par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL etamp; JAUBERT, avoués à la X..., assistée de Me Bruno DE GASTINES, avocat au barreau de BORDEAUX

Appelante d'un jugement rendu le 24 juin 2004 par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE suivant déclaration d'appel en date du 26 juillet 2004,

à :

Maître Régis LASSABE de nationalité Française - Profession : Avocat, demeurant Le Montesquieu - Avenue du Président J.F. Kennedy - 33704 MERIGNAC CEDEX

LA S.E.L.A.F.A. FIDAL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis "Les Hauts de Villiers" - 92300 LEVALLOIS-PERRET représentés par la SCP MICHEL PUYBARAUD, avoués à la X... assistés de me François HASCOET, avocat au barreau de PARIS

Intimés,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique, le 13 Février 2006 devant :

Monsieur Alain COSTANT, Président,

Monsieur Jean-Claude SABRON, Conseiller,

Madame Elisabeth LARSABAL, Conseiller,

Assistés de Madame Chantal Y..., Greffier,

Et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats ;

Par jugement du 24 juin 2004, auquel la X... se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE, dans le litige opposant la S.A. SOCIETE GUY COUACH à Maître Régis LASSABE et à la SELAFA FIDAL tendant à engager la responsabilité professionnelle de ces derniers, a :

- débouté la Société GUY COUACH de ses demandes ;

- condamné cette dernière à payer une somme de 1.500 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

Le 26 juillet 2004, la S.A. GUY COUACH a relevé appel de ce jugement.

Dans ses conclusions signifiées et déposées le 19 août 2005, elle demande à la X... :

- d'infirmer le jugement rendu ;

- de dire et juger que Maître LASSABE a manqué à son devoir d'efficacité des actes juridiques et à son obligation d'information ; - de condamner Maître Régis LASSABE et la Société FIDAL, in solidum, à lui payer, en réparation de son préjudice, la somme de 84.000 ç en application des dispositions des articles 1135 et 1147 du Code Civil, outre les intérêts au taux légal avec capitalisation, ainsi qu'une indemnité de 12.000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

Elle fait valoir que l'avocat étant contractuellement tenu d'un devoir d'efficacité des actes juridiques qu'il rédige ou pour lequel il conseille son client, il doit connaître l'état du droit positif et notamment les dernières évolutions de la jurisprudence. Elle précise que sa condamnation par la X... d'Appel de BORDEAUX le 21 mars 2001 résulte d'une application des dispositions du Code du Travail issues des lois du 30 décembre 1986 et du 2 août 1989, et non d'un revirement de jurisprudence issu d'un arrêt de la Chambre Sociale de la X... de Cassation du 30 avril 1997, qui ne fait que formaliser une exigence de motivation des lettres de licenciement pour motif économique existant antérieurement.

Elle ajoute que la mention des incidences des difficultés économiques sur les postes supprimés apparaît clairement dès 1993 comme élément nécessaire de la motivation.

Elle soutient que les lettres de licenciement litigieuses n'étaient ainsi pas conformes à la jurisprudence en vigueur en 1995, dès lors qu'il n'est nullement fait référence aux incidences sur les

effectifs, ou l'emploi.

Elle souligne que l'arrêt de la X... d'Appel étant conforme à la jurisprudence de la X... de Cassation depuis 1993, un pourvoi aurait été voué à l'échec, et donc inutile, n'entraînant aucune perte de chance d'obtenir une cassation de l'arrêt.

Elle fait valoir également que l'avocat étant tenu d'une obligation d'information à l'égard de son client, quant aux conséquences des actes réalisés pour son compte et les risques attachés à ces actes, il doit le mettre en garde lorsqu'un doute existe sur l'efficacité d'un acte au regard de la jurisprudence. Elle précise que contrairement au cabinet d'avocats BARTHELEMY et ASSOCIES consulté un an plus tôt, aucun renforcement de la motivation de la lettre de licenciement n'a été réalisé par la Société FIDAL et Maître Régis LASSABE.

Elle souligne, enfin, que les fautes commises par Maître Régis LASSABE ont directement concouru à son préjudice, c'est à dire à sa condamnation par la X... d'Appel au paiement des indemnités pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Dans leurs dernières écritures signifiées et déposées au greffe le 26 janvier 2006, la Société FIDAL et Maître Régis LASSABE demandent à la X... de confirmer le jugement entrepris et de condamner la Société GUY COUACH à verser au Cabinet FIDAL la somme de 6.500 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

Ils font valoir qu'en matière extrajudiciaire, le devoir de conseil de l'avocat s'analyse en une obligation de moyens, nécessitant pour le demandeur de démontrer l'existence d'une faute commise par son conseil ; qu'en outre "les manquements" d'un avocat au devoir de conseil ne peuvent s'apprécier qu'au regard du droit positif existant

à l'époque de son intervention.

Ils soulignent que l'article L122-14-2 du Code du Travail ne pose aucune obligation en matière d'incidence sur l'emploi, et que la jurisprudence, au jour de la rédaction des lettres de licenciement, ne visait que cet article et se contentait d'exiger de l'employeur qu'il énonce le motif économique du licenciement. Ils soutiennent que ce n'est qu'à partir de 1997 que la notion d'incidence sur l'emploi" est apparue dans les arrêts de la Chambre Sociale, exigeant que la lettre de licenciement pour motif économique contienne des précisions relatives à la suppression ou la transformation de l'emploi du salarié concerné, comme en fait état la doctrine postérieure.

Ils mettent en avant la mise en garde faite à leur client, contre un risque de réformation du jugement du Conseil de Prud'homme de BORDEAUX compte tenu de la nouvelle jurisprudence de la X... de Cassation, pour laquelle ils ont sollicité une consultation de Philippe AUVERGNON, Directeur du Centre de Droit Comparé du Travail et de la Sécurité Sociale de l'Université BORDEAUX IV, qui éclairait sur les modifications apportées par les arrêts des 8 janvier et 30 avril 1997. Ils soulignent que la Société GUY COUACH aurait pu faire valoir devant la X... de Cassation une interprétation erronée du Code du Travail par la X... d'Appel de BORDEAUX celui-ci n'exigeant pas que la validité d'un licenciement économique s'apprécie en faisant application des articles L321-1 et L122-14-2 du Code du Travail.

Ils font valoir que la victime doit être en mesure d'apporter la preuve d'avoir accompli toutes diligences nécessaires à la diminution de son préjudice, dès lors que la faute de la victime est un cas d'exonération de la responsabilité de l'auteur du dommage ; qu'ainsi, en ne consultant pas un avocat à la cour de Cassation sur une chance de succès d'un pourvoi contre l'arrêt du 21 mars 2001 la Société GUY COUACH a perdu une chance d'obtenir la cassation de l'arrêt, en

invoquant les principes d'intelligibilité de la loi et de sécurité juridique, ce qui ne permet pas de caractériser le lien de causalité entre le préjudice et la faute alléguée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 janvier 2006. MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu qu'il est constant que la S.A. GUY COUACH a chargé Maître LASSABE, avocat, de rédiger les lettres de licenciement pour motif économique de 76 de ses salariés ; que cinq d'entre eux ayant contesté le licenciement, le Conseil de Prud'hommes de BORDEAUX, présidé par le Juge Départiteur, les a déboutés de leurs demandes par jugement du 13 mars 1997; qu'après avoir ordonné la réouverture des débats par arrêt du 20 décembre 2000 afin que les parties s'expliquent sur la motivation de la lettre de licenciement, la X... d'Appel de BORDEAUX, par arrêt du 21 mars 2001, a infirmé le jugement dont appel, considérant que si la lettre de licenciement indiquait la cause économique du licenciement, elle ne précisait pas l'incidence de celle-ci sur l'emploi du salarié et qu'ainsi, cette insuffisance de motivation équivalant à une absence de motivation, le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, et alloué aux salariés licenciés diverses indemnités ;

Attendu que c'est tout d'abord par des motifs pertinents que la X... fait siens (page 4 du jugement quatre premiers paragraphes de la motivation) que le premier Juge a rappelé d'une part que dans le cadre de ses activités extra judiciaires la responsabilité de l'avocat doit être recherchée dans un cadre contractuel sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil et d'autre part que la faute commise par l'avocat, dont la preuve incombe à son client, doit d'apprécier au regard du droit positif existant au jour de son intervention sans que l'on puisse lui imputer à faute de n'avoir pas prévu une évolution ultérieure du droit ;

Attendu que c'est par des motifs tout aussi pertinents que la X... fait également siens que le premier Juge a considéré que lorsqu'elles ont été rédigées pour être adressées le 8 janvier 1996 les lettres de licenciement étaient conformes à l'état du droit positif, la jurisprudence exigeant une motivation conforme aux dispositions de l'article L 122-14-2 du Code de Travail relatives à la motivation de la lettre de licenciement, qui lorsqu'il est prononcé pour motif économique doit énoncer les motifs économiques ou le changement technologique invoqués par l'employeur, en visant ce seul texte ;

Attendu que pour répondre aux critiques formulées par la S.A. GUY COUACH la X... retiendra tout d'abord que l'arrêt du 21 mars 2001 ne fait nullement état du droit positif quant à la motivation de la lettre de licenciement mais rappelle seulement que l'incidence des raisons économiques sur l'emploi ou le contrat de travail existe depuis la promulgation des lois du 30 décembre 1986 et 2 août 1989 ; qu'il convient de préciser que l'incidence sur l'emploi figure à l'article L 321-1 du Code du Travail mais n'est pas reprise à l'article L 122-14-2 du Code du Travail relatif à la motivation de la lettre de licenciement ; que la X... de Cassation en fait état comme motif pour la première fois dans un arrêt du 8 janvier 1997 en ces termes "mais attendu qu'il résulte des constatations des Juges du fond que dans la lettre de licenciement l'employeur n'avait invoqué ni la suppression, ni la transformation de l'emploi du salarié, ni le refus d'une modification du contrat de travail ; que cette imprécision équivaut à une absence de motif..." avant de la reprendre dans un arrêt du 30 avril 1997 visant simultanément les articles L 122-14-2 et L 321-1 du Code du Travail ; que ce point est confirmé tant par la consultation de Philippe AUVERGNON, Directeur du Centre de Droit Comparé du Travail et de la Sécurité Sociale de l'université

Montesquieu bordeaux IV, que par les diverses éditions du Mémento Francis LEFEBVRE de droit social qui pour les années 1995 à 1997 précisent "la lettre de licenciement doit énoncer les motifs économiques du licenciement en précisant sa nature ; à défaut la rupture est abusive" avant de préciser dans son édition de l'année 1998 "la lettre de licenciement doit mentionner à la fois les raisons économiques et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail (Cass Soc 30-4-97)" ; que la consultation du Professeur RADET versée aux débats par la S.A. Guy COUACH ne dément pas cette analyse les arrêts cités ne faisant nullement état d'une exigence simultanée de rappeler les motifs économiques et les incidences de ceux-ci sur la suppression de postes énoncée dans les arrêts de 1997 ; qu'au contraire l'arrêt du 29 juin 1994 GARRAIT/Société POLO RALPH LAUREN mis en avant reprochait à une lettre de licenciement d'avoir énoncé comme seul motif "suppression de poste" sans avoir précisé les motifs économiques ou les changements technologiques justifiant cette suppression; qu'il est dès lors indifférent qu'allant au delà du droit positif au moment où il les a rédigées, le Cabinet BARTHELEMY ait dans de précédentes lettres de licenciement du 25 janvier 1995, après avoir analysé avec précision les difficultés économiques rencontrées par la S.A. GUY GOUACH, ajouté "nous sommes obligés de réduire nos charges et de supprimer votre poste de travail";

Attendu que le jugement déféré sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que succombant en son appel la S.A. GUY COUACH supportera les dépens et ne saurait voir accueillie sa demande sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'équité commandant qu'il soit fait application de ce texte au profit de la SELAFA FIDAL en lui allouant la somme de 1.500 ç ; P A R C E S M O T I F S LA X...,

Reçoit la S.A. GUY COUACH en son appel régulier en la forme mais le dit non fondé.

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant :

Y ajoutant :

Condamne la S.A. GUY COUACH à payer à la SELAFA FIDAL la somme de 1.500 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La condamne aux dépens et autorise la S.C.P. PUYBARAUD. avoué à la X..., à recouvrer directement deux dont elle a pu faire l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Alain COSTANT, Président, et par Madame Chantal Y..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0007
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006949930
Date de la décision : 20/03/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2006-03-20;juritext000006949930 ?
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