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02/02/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006948193

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 02 février 2006, JURITEXT000006948193


ARRET RENDU PAR LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX -------------------------- Le : CINQUIEME CHAMBRE No de rôle :

04/02876 IT L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG AQUITAINE LIMOUSIN agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, c/ Monsieur Pierre X... Monsieur Y... Z... Monsieur Manuel Z... Société MUTUELLE DU MANS A... (MMA) agissant en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité au siège social, venant aux droits de la Compagnie WINTERTHUR CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE agissant en la per

sonne de son représentant légal domiciliée en cette qualité au siè...

ARRET RENDU PAR LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX -------------------------- Le : CINQUIEME CHAMBRE No de rôle :

04/02876 IT L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG AQUITAINE LIMOUSIN agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, c/ Monsieur Pierre X... Monsieur Y... Z... Monsieur Manuel Z... Société MUTUELLE DU MANS A... (MMA) agissant en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité au siège social, venant aux droits de la Compagnie WINTERTHUR CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE agissant en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité au siège social, Nature de la décision : AU FOND ET RENVOI DEVANT UNE AUTRE JURIDICTION

Grosse délivrée le : aux :

Rendu le

Par mise à disposition au Greffe

Par Monsieur Patrick GABORIAU, Président

en présence de Monsieur Hervé B..., Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, CINQUIEME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :

L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG AQUITAINE LIMOUSIN agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Place Amélie Raba Léon 33000 BORDEAUX Représenté par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour, assisté de Maître Michel BOUFFARD, avocat au Barreau de BORDEAUX.

Appelante d'un jugement rendu le 18 Février 2004 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 17 Mai 2004,

à :

Monsieur Pierre X..., né le 21 Janvier 1947 à PUCH D'AGENAIS de nationalité Française, demeurant 17 rue Cardinale 13100 AIX EN

PROVENCE Représenté par la SCP RIVEL etamp; COMBEAUD, avoués à la Cour, assisté de Maître REVIRON Patrice loco Maître Alain MOLLA, avocats au Barreau de MARSEILLE.

Monsieur Y... Z..., né le 22 Février 1922 à REQUEMA (ESPAGNE), de nationalité française, demeurant 4 chemin Biala 33610 CESTAS

Monsieur Manuel Z..., né le 09 Septembre 1949 à ALBACETE (ESPAGNE), de nationalité française, demeurant 6 chemin Lou Pot 33610 CESTAS

Société MUTUELLE DU MANS A... (MMA)agissant en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité au siège social, venant aux droits de la Compagnie WINTERTHUR, 19/21 rue Chanzy 72030 LE MANS CEDEX Représentés par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL etamp; JAUBERT, avoués à la Cour, assistés de Maître BOISSY loco Maître RUFFIE, avocat au Barreau de BORDEAUX.

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE agissant en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité au siège social, 8 rue Jules Moulet 13006 MARSEILLE Rprésentée par la SCP Luc BOYREAU etamp; Raphael MONROUX, avoués à la Cour, assistée de la SCP FAVREAU-CIVILISE, avocats au Barreau de BORDEAUX.

Intimés,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue en audience publique, le 08 Novembre 2005 devant :

Monsieur Patrick GABORIAU, Président magistrat chargé du rapport tenant seul l'audience pour entendre les plaidoiries, les Avocats ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, assisté de Monsieur Hervé B..., Greffier, Que Monsieur le Président en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, celle-ci étant composée de :

Monsieur Patrick GABORIAU, Président,

Madame Josiane COLL, Conseiller,

Madame Edith O'YL, Conseiller,

Monsieur Hervé B..., Greffier,

Et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.

Monsieur Pierre C... été victime d'un grave accident de la circulation le 6 décembre 1983 dont la responsabilité incombe totalement à Monsieur Robert Z... décédé.

Transporté au CHU de BORDEAUX dans un état de polytraumatisme grave, l'intéressé a reçu au cours de son hospitalisation 6 poches de sang et 2 poches de plasma.

En raison d'une altération de son état général, un bilan sanguin a été effectué en mai 1999 qui a mis en évidence la positivité des sérologies VHC et HIV.

Monsieur Pierre X... déjà en arrêt de travail n'a pu à partir de cette date exercer une activité rémunérée compte tenu de l'évolution de son état.

Monsieur Pierre X... a fait assigner l'EFSAL par acte du 16 mars 2000 et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône le 13 juin 2000 devant le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX.

L'EFSAL a appelé à sa garantie les héritiers de Monsieur Robert Z..., Y... et Manuel Z... et la Compagnie WINTERTHUR assureur de celui-ci par actes des 17 et 18 mai 2000.

Le Professeur Gérard SEBAHOUN et le Docteur Corinne D... désignés en qualité d'experts médicaux par ordonnance du Juge de la Mise en Etat du 12 juin 2001 ont clos leurs opérations le 6 juin 2002 et déposé leur rapport.

Au vu de ce rapport et après avoir constaté que Monsieur Pierre X... avait obtenu indemnisation par le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles de son préjudice spécifique de contamination par le VIH selon quittance du 16 octobre 2002, le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX par jugement du 18 février 2004 a :

-déclaré l'EFSAL responsable de la double contamination par le VIH et le VHC dont est victime Monsieur Pierre X...

-condamné l'EFSAL à payer à Monsieur Pierre X... la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C

-sursis à statuer sur la demande présentée par Monsieur Pierre X... au titre de son préjudice économique

-ordonné une expertise médico-légale confiée au Docteur Jean-Paul E...

-sursis à statuer sur la demande de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône

-condamné in solidum Messieurs Y... et Manuel Z... et la Compagnie MUTUELLE DU MANS A... (MMA) venant aux droits et obligations de la Compagnie WINTERTHUR à garantir L'EFSAL à hauteur du tiers des condamnations prononcées au bénéfice de Monsieur Pierre X... et éventuellement de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône en relation avec la double contamination

-sursis à statuer sur le surplus des demandes

-réservé les dépens après avoir renvoyé l'affaire à la mise en état. Vu l'appel régulièrement interjeté contre cette décision par L'EFSAL le 17 mai 2004.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées au greffe de la Cour.

-le 3 mars 2005 par Messieurs Y... et Manuel Z... et la Compagnie Mutuelle du Mans A... (M.M.A.)

-le 26 août 2005 par Monsieur Pierre X...

-le 28 septembre 2005 par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône

-le 21 octobre 2005 par L'EFSAL.

Vu l'ordonnance de clôture du 7 novembre 2005

La Cour constate

qu'en raison du sursis à statuer des premiers juges sur le préjudice patrimonial de Monsieur Pierre X... et sur la créance de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône elle ne saurait se prononcer sur ces points d'autant plus qu'ils sont en lien étroit avec le résultat de la mesure expertale ordonnée,

que reste soumis à son examen -l'imputabilité de la contamination de Monsieur Pierre X... par le VIH aux transfusions sanguines -la réalité du préjudice spécifique de contamination de Monsieur X... par le VHC -l'appel en garantie par L'EFSAL de Messieurs Y... et Manuel Z... et la Compagnie Mutuelle du Mans A... (M.M.A.)

-les demandes annexes Sur l'imputabilité de la contamination de Monsieur X... par le VIH aux transfusions sanguines :

Il appartient à la partie imputant l'origine d'une contamination à un produit sanguin de rapporter la preuve du lien de causalité entre la transfusion de ce produit et la contamination apparue conformément aux dispositions de l'article 1315 du Code Civil.

Cette preuve peut être faite par tous moyens y compris par présomptions conformément aux dispositions de l'article 1353 du Code Civil, celles-ci devant être graves, précises et concordantes pour emporter la conviction du juge.

En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise médicale des Docteurs SEBAHOUN et D... et de divers documents médicaux produits que Monsieur Pierre X... a reçu au cours de son séjour hospitalier et notamment entre les 7 et 9 décembre 1983 2 poches de sang, 4 purées et 3 plasmas

que dans ces 3 plasmas, 2 proviennent de de facteurs VIII issus de 1 600 donneurs environ

que tout contrôle ou enquête transfusionnelle était impossible

que le risque statistique de contamination en 1985, statistique la plus proche connue était estimé à 1 sur 300 donneurs contaminé par le VIH en région parisienne ce qui correspond à un risque maximal pour les 1.600 donneurs

que Monsieur Pierre X... ne présentait tant avant qu'après les transfusions aucun mode de contamination qui lui soit propre,

Il convient de rappeler :

que la co-infection VIH et HCV qui s'est révélée postérieurement aux transfusions sanguines est en faveur d'un mode unique de contamination le VIH ne pouvant être d'origine iatrogené ou nosocomiale ainsi qu'il est précisé dans nombre d'expertises

que les docteurs SEBAHOUN et D... ont pu légitimement conclure

que l'origine transfusionnelle de la double contamination est très hautement probable

que lorsqu'une personne démontre d'une part que la contamination virale dont elle est atteinte est survenue à la suite d'une transfusion sanguine et d'autre part qu'elle ne présente comme l'ont spécifié les experts aucun mode de contamination qui lui soit propre, il appartient à l'établissement fournisseur des produits sanguins dont la responsabilité est recherchée de prouver que le produit sanguin qu'il a fourni était exempt de tout vice

que L'EFSAL au vu des conclusions expertales a d'ailleurs renoncé en appel à contester l'imputabilité du VIH dont était atteint Monsieur Pierre X... aux produits sanguins transfusés

que la contestation des consorts Z... et de la Compagnie Mutuelle du Mans A... (M.M.A.) ne repose sur aucun fondement médical suffisamment étayé pour établir l'absence de vice dans les produits sanguins transfusés alors même que Monsieur Pierre X... a subi une double contamination et que l'imputabilité de la contamination par l'hépatite C à l'occasion de ces mêmes transfusions n'est pas, elle, discutée devant la Cour.

Il convient au regard des dispositions de l'article 1353 du Code Civil de considérer qu'il existe en l'espèce des présomptions graves, précises et concordantes pour l'imputabilité de la contamination de Monsieur Pierre X... par le VIH à l'occasion des transfusions sanguines reçues en décembre 1983 et de confirmer la décision des premiers juges sur ce point. Sur le préjudice de contamination par le VHC :

Les experts ont précisé les éléments suivants: -la sérologie virale C positive a été découverte en mai 1999 mais la recherche d'ARM viral C par PCR est restée négative et Monsieur Pierre X... n'a pas eu besoin de recevoir de soins ni de traitements spécifiques pour le virus C -il n'y a pas de conséquences pathologiques en relation avec la contamination VHC -la virémie s'est révélée négative à plusieurs reprises et notamment en août 2000 date de la consolidation -il n'y a ni ITT ni IPP

L'EFSAL d'une part, les Consorts Z... et la Compagnie Mutuelle du Mans A... (M.M.A.) d'autre part ont concluent que Monsieur Pierre X... qui n'a aucune séquelle de ce VHC doit être considéré comme guéri et ne subit aucun préjudice.

Il apparaît, cependant,

Il apparaît, cependant,

que cette virémie a été mise en évidence en août 1999

qu'elle a été portée à la connaissance de l'intéressé qui depuis lors, même s'il n'a, à l'heure actuelle aucune séquelle, vit dans la hantise d'une activation de ce virus et cela d'autant plus qu'également atteint par le VIH, tout traitement efficace contre le VHC demeure aléatoire

que cette crainte et l'annonce de cette atteinte ont constitué un préjudice moral partie intégrante du préjudice spécifique de contamination,

que ce préjudice doit être évalué compte tenu de l'absence actuelle de conséquences pathologiques mais eu égard au préjudice moral qui demeure, à la somme de 7 000 euros.

La décision des premiers juges sera donc réformée de ce chef. Sur l'appel en garantie des consorts Z... et de la Compagnie Mutuelle du Mans A... (M.M.A.) :

Il est constant :

que Monsieur Pierre X... a été victime d'un accident de la circulation le 6 décembre 1983 dont la responsabilité incombait à Monsieur Robert Z... décédé

que dans leurs dernières écritures les Consorts Z... et leur

assureur les Mutuelles du Mans A... contestent la position de l'EFSAL qui demande à être relevé indemne en totalité de toutes les condamnations prononcées et sollicitent à titre principal le débouté de l'établissement dont la responsabilité dans la contamination transfusionnelle de la victime par l'hépatite C est à leurs yeux exclusive

qu'il n'est pas contesté que les blessures de Monsieur Pierre X... ayant nécessité son hospitalisation, les interventions chirurgicales et la transfusion de produits sanguins sont la conséquence directe de l'accident en cause.

Il apparaît, dès lors :

que les transfusions sanguines ayant entraîné la contamination ont été rendues nécessaires par l'accident dont la responsabilité est imputable à Monsieur Robert Z...

que lorsqu'un fait dommageable est le résultat de plusieurs causes, chacune d'elles en l'absence de laquelle le dommage ne se serait pas produit doit être considérée comme source de responsabilité.

Cet accident est donc comme les transfusions la cause de la double contamination de Monsieur Pierre X... et les Consorts Z... et leur assureur comme l'EFSAL seront tenus de réparer ses préjudices résultant de cette double contamination, les uns au titre de leur responsabilité délictuelle, l'autre au titre de sa responsabilité contractuelle.

Le partage de responsabilité de 2/3 à la charge de l'EFSAL et de 1/3 à la charge des Consorts Z... et la Compagnie Mutuelle du Mans A... apparaît conforme aux responsabilités encourues.

La décision des premiers juges sera confirmée de ce chef.

Il en résulte que l'EFSAL condamnée à réparer l'intégralité du

préjudice de Monsieur Pierre X... sera relevé indemne à concurrence d'1/3 par les Consorts Z... et la Compagnie Mutuelle du Mans A.... Sur les demandes annexes :

Il sera alloué à Monsieur Pierre X... une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et de 300 euros sur le même fondement à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône.

Il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions aux autres parties.

Les dépens d'appel seront mis à la charge de l'EFSAL qui succombe.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme la décision déférée sauf à limiter à 7 000 euros le préjudice spécifique de contamination de Monsieur Pierre X... par le virus de l'hépatite C

Y ajoutant

Condamne l'EFSAL en sa qualité d'appelant à payer à :

-Monsieur Pierre X... une somme de 3 000 euros

-la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône une somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

Déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples.

Dit que les dépens de première instance seront supportés à concurrence de 2/3 par l'EFSAL et de 1/3 par les Consorts Z... et la Compagnie Mutuelle du Mans A... et que les dépens d'appel seront supportés intégralement par l'EFSAL;

Dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Renvoie la présente procédure devant la 6ème chambre du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX pour qu'il soit statué sur le préjudice patrimonial de Monsieur Pierre X... et sur la créance de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône pour lesquels elle avait sursis à statuer.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick GABORIAU, Président et par Monsieur Hervé B..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006948193
Date de la décision : 02/02/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2006-02-02;juritext000006948193 ?
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