ARRÊT RENDU PAR LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX -------------------------- Le : 23 JANVIER 2006 PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A No de rôle : 05/03678 Monsieur Jean X... c/ MONSIEUR LE PREFET DE LA GIRONDE LE MINISTERE PUBLIC Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le : aux avoués
Rendu par mise à disposition au Greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450-2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,
Le 23 Janvier 2006
Par Monsieur Alain COSTANT, Président,
en présence de Madame Chantal Y..., Greffier,
La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A, a, dans l'affaire opposant :
Monsieur Jean X... né le 28 Mai 1932 à TOULOUSE (31000), de nationalité Française, Retraité, demeurant UMD EY - Centre Hospitalier Spécialisé de Cadillac - 33410 CADILLAC SUR GARONNE représenté par la SCP GAUTIER etamp; FONROUGE, avoués à la Cour, et assisté de Me Corinne VAILLANT, avocat au barreau de PARIS
Appelant d'un jugement rendu le 07 juin 2005 par le Juge des Libertés près le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 22 juin 2005,
à :
MONSIEUR LE PREFET DE LA GIRONDE Esplanade Charles de Gaulle - 33000 BORDEAUX représenté par la SCP RIVEL etamp; COMBEAUD, avoués à la Cour, et assisté de Me Jean-Luc BOSSIS, avocat au barreau de BORDEAUX LE MINISTERE PUBLIC Palais de Justice, Place de la - République -
33000 BORDEAUX représenté par Monsieur DEFOS DU Z..., Avocat Général, entendu en ses explications
Intimés,
Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique, le 05 Décembre 2005 devant :
Monsieur Alain COSTANT, Président,
Monsieur Jean-Claude SABRON, Conseiller,
Madame Elisabeth LARSABAL, Conseiller,
Assistés de Madame Chantal Y..., Greffier,
Et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats
Par jugement du 7 juin 2005, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits, de la procédure et des demandes initiales des parties, le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux a rejeté la demande de sortie immédiate de Jean X... objet d'une hospitalisation d'office suite à un arrêté du Préfet de la Région Aquitaine, Préfet de la Gironde en date du 6 décembre 2003.
Jean X... a relevé appel de cette décision le 22 juin 2005.
Dans ses conclusions signifiées et déposées au greffe le 18 octobre 2005, il demande à la Cour d'infirmer la décision du Juge des Libertés d'ordonner sa sortie immédiate, de condamner la Préfecture de la Gironde à lui payer la somme de 3.000 E au titre de l'article 700 du N.C.P.C et de laisser les dépens à la charge du Trésor Public.
Il soutient que son hospitalisation d'office est irrégulière et injustifiée. Il fait tout d'abord valoir que son arrestation du 5 décembre 2003 était irrégulière en l'absence d'arrêté municipal ou de mandat judiciaire et qu'ainsi cette arrestation et sa détention illégale du 5 au 7 décembre 2003 vicient toute la procédure ultérieure. Il soutient par ailleurs que la mesure d'hospitalisation d'office n'était pas justifiée dès lors que la preuve n'est pas rapportée qu'à la date du 5 décembre 2003 il ait commis un acte portant atteinte de façon grave à l'ordre public ou à la sûreté des personnes, le certificat médical du docteur A..., qui n'a effectué aucune constatation personnelle quant à des menaces étant à cet égard insuffisant. Il conteste avoir proféré de quelconques menaces à l'encontre du personnel de la maison de retraite.
Il fait valoir par ailleurs qu'il n'était pas astreint, lors de son arrestation, à une quelconque contrainte de soins de nature à justifier son hospitalisation. Il soutient par ailleurs que les conditions spécifiques à une privation de liberté dans un centre pour malades difficiles à compter du 9 janvier 2004 n'étaient pas réunies alors qu'il ne présentait aucun danger pour autrui et que les mesures de sûreté nécessaires pouvaient être mises en oeuvre dans une structure classique. Il fait valoir que l'arrêté du 7 avril 2005 prolongeant son hospitalisation d'office pour une durée de six mois étant intervenu 24 heures après l'expiration du précédent arrêté, sa sortie devra être immédiatement ordonnée alors qu' en tout état de cause le dit arrêté ne caractérise ni l'existence de troubles mentaux nécessitant des soins, ni un danger passé ou présent pour la sûreté des personnes.
Le Préfect de la Gironde, dans ses conclusions signifiées et déposées au greffe le 18 novembre 2005, demande à la Cour de confirmer le jugement rendu par le Juge des Libertés et de la Détention, étant
statué ce que de droit sur les dépens. Il fait valoir que l'hospitalisation d'office de Jean X... était justifiée au regard des certificats médicaux des docteurs A... et B... Il souligne par ailleurs que la prolongation de l'hospitalisation d'office a été prise régulièrement dès lors que l'arrêté du 6 octobre 2004 avait reconduit l'hospitalisation de Jean X... pour une durée de six mois à compter du 9 octobre 2004 et que l'arrêté du 7 avril 2005 a été pris avant le 9 avril 2005. Il ajoute que Jean X... fait l'objet conformément à la loi d'un suivi par une commission médicale composée de sept médecins spécialistes des troubles mentaux qui a conclu au maintien de celui-ci en U.M.D.
Le Ministère Public, dans ses conclusions déposées au greffe le 21 novembre 2005, rappelle qu'il n'appartient pas au juge judiciaire d'apprécier la régularité des décisions administratives ordonnant un placement d'office notamment quant aux délais de reconduction de celles-ci en l'absence de toute voie de fait inexistante en l'espèce. Il relève par ailleurs qu'il résulte du dossier que le placement de Jean X... au centre hospitalier de CADILLAC est pleinement justifié et il conclut en conséquence à la confirmation du jugement déféré à la Cour.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu qu'il convient tout d'abord de retenir que Jean X... ne justifie nullement de ce qu'il qualifie "arrestation" qui aurait eu lieu le 5 décembre 2003 à 23 heures 15m ; que celle-ci ne saurait résulter du fait qu'il ait été visité par deux médecins dont un psychiatre qui ont établi des certificats médicaux à cette date précisant que son état mental présentant un danger pour l'ordre public et la sécurité des personnes justifiait une mesure d'hospitalisation d'office ; que la preuve de cette "arrestation" ne saurait davantage être établie par l'attestation de Charlotte SIBONI
qui n'a été témoin d'aucun fait mais rapporte seulement les déclarations que lui a faites Jean X... dans des correspondances selon lesquelles alors qu'il dormait paisiblement à la maison de retraite le vendredi 5 décembre 2003 des personnes ont fait irruption dans sa chambre, infirmiers et médecins, et il a été interné d'office deux jours à Charles Perrens, du 5 au 7 décembre ;
Attendu qu'en tout état de cause cette conduite de Jean X... dans un établissement de soins ne saurait vicier l'arrêté d'hospitalisation d'office pris immédiatement le 6 décembre 2003 par le Préfet de la Gironde au vu des certificats médicaux établis le 5 décembre 2003 après avoir relevé que les troubles mentaux dont souffrait Jean X... se manifestaient par des menaces de mort sur le personnel soignant et un refus de soins, troubles mentaux nécessitant des soins et compromettant la sûreté des personnes et portant atteinte de façon grave à l'ordre public ;
Attendu que pour répondre aux critiques de Jean X..., la Cour retiendra que l'arrêté portant hospitalisation d'office n'est pas motivé par le seul refus de soins alors qu'il n'était soumis à aucune contrainte de soins mais par le fait que les troubles mentaux dont souffre Jean X... compromettent la sûreté des personnes et portent atteinte à l'ordre public en raison des menaces de mort proférées à l'encontre du personnel de la maison de retraite où Jean X... séjournait ; qu'il est à cet égard indifférent que les documents relatifs aux menaces écrites n'aient pas été produits, le docteur B..., psychiatre, faisant état tout autant de menaces écrites que de menaces verbales qu'elle a pu constater ; que celles -ci ne sont au demeurant pas contredites par les antécédents psychiatriques de Jean X... hospitalisé en U.M.D de 1981 à 1988 à CADILLAC puis de 1991 à 2001 à MONTFAVET pour passages à l'acte hétéroagressifs avec arme a feu à l'encontre d'un maire et d'un psychiatre ;
Attendu que c'est par ailleurs, à la suite d'une analyse de l'ensemble des documents médicaux produits aux débats, par des motifs pertinents que la Cour fait siens que le premier juge a retenu que la mesure d'hospitalisation d'office de Jean X... était justifiée et rejeté sa demande de sortie immédiate ;
Attendu que pour répondre aux moyens de Jean X... la Cour retiendra tout d'abord que celui-ci ne saurait soutenir qu'il doit faire l'objet d'une remise en liberté immédiate motif pris de ce que l'arrêté du 7 avril 2005, reconduisant son hospitalisation d'office pour une durée de six mois, a été pris postérieurement au 6 avril 2005 alors que le précédent reconduisant son hospitalisation pour la même durée était en date du 6 octobre 2004 ; qu'il résulte en effet des arrêtés préfectoraux produits aux débats que l'arrêté du 6 octobre 2004 avait reconduit l'hospitalisation pour une durée de six mois à compter du 9 octobre 2004, soit jusqu'au 9 avril 2005, et qu'ainsi un nouvel arrêté a pu être pris valablement le 7 avril 2005 ;
Attendu enfin alors que placé en U.M.D Jean X... fait l'objet d'un suivi médical régulier par la commission médicale de l'U.M.D, cette même commission, composée de sept praticiens hospitaliers, dans sa séance récente du 20 octobre 2005 a pris une décision de maintien de Jean X... en U.M.D, ce qui ne fait que confirmer que son état de santé actuel est incompatible avec une sortie immédiate ;
Attendu que le jugement déféré à la Cour sera dès lors confirmé ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR :
Reçoit Jean X... en son appel régulier en la forme mais le dit non
fondé ;
Confirme le jugement du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX du 7 juin 2005 ;
Dit que les dépens seront supportés par le Trésor Public en application de l'article R 93-2 du Code de Procédure Pénale ;
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Alain COSTANT, Président, et par Madame Chantal Y..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.