ARRET RENDU PAR LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX -------------------------- Le : 12 Janvier 2006 CHAMBRE SOCIALE SECTION C PRUD'HOMMES No de rôle : 04/05632 SARL SOCIETE D'EXPLOITATION VIENNOISERIE c/ Madame X... Y... Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le : LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à : La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier). Certifié par le Greffier en Chef, Grosse délivrée le : à :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile
Le 12 Janvier 2006
Par Monsieur Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président,
assisté de Madame Martine MEUNIER, Greffier,
La COUR D'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE SOCIALE SECTION C, a, dans l'affaire opposant :
SARL SOCIETE D'EXPLOITATION VIENNOISERIE, prise en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité en son siège Chez LE COMPTOIR - 14 rue Duffour Dubergier - 33000 BORDEAUX
Représentée par Maître Aurélia POTOT-NICOL, avocat au barreau de BORDEAUX loco Maître Patrick TRASSARD, avocat au barreau de BORDEAUX Appelante d'un jugement rendu le 14 septembre 2004 par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, Section Commerce, suivant déclaration d'appel en date du 19 Octobre 2004,
à :
Madame X... Y..., née le 23 Novembre 1948 à LE BOUSCAT, de nationalité Française, demeurant ... - 33290
BLANQUEFORT
Représentée par Monsieur Jean Z..., Délégué syndical ouvrier, ayant un pouvoir régulier
Intimée,
Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique le 1er Décembre 2005, devant :
Monsieur Benoit FRIZON DE LAMOTTE, Président,
Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller,
Monsieur Pierre GUILLOUT, Vice Président placé,
Mademoiselle France GALLO, Greffier,
et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DE VIENNOISERIE qui exploite un fonds de sandwicherie, vente à emporter rue Sainte Catherine à Bordeaux, a, par contrat écrit du 3 décembre 2002 engagé Madame Y... en qualité de "responsable de magasin" pour une durée indéterminée, à temps complet ;
le contrat est soumis à la convention collective de la restauration rapide.
La SARL a notifié à Madame Y... deux avertissements :
- le 16 juillet 2003 pour "retard de plusieurs semaines pour me fournir les caisses du magasin...en effet, il manque les caisses depuis un mois",
- le 17 juillet 2003 pour : "après pointage avec vous des caisses des
semaines 25,26 et 27, il manque la somme de 1.816 francs alors que vous ne m'en aviez jamais parlé. Comme nous avons convenu, j'attends que vous me restituiez cette somme lundi prochain."
Madame Y... a contesté au cours de la procédure avoir reçu le premier avertissement.
Le 13 août 2003, Madame Y... a saisi le le conseil de prud'hommes d'une demande tendant à la condamnation de la SARL à lui payer 1.035 ç au titre des salaires de juillet 2003.
Le 4 août 2003, Madame Y... a écrit à la SARL pour demander paiement du salaire de juillet, faisant valoir que la société serait fermée en août, qu'elle a pris un acompte de 350 ç le 1er août.
Le 4 septembre 2003, Madame Y... a écrit à la SARL :
"Après mes congés annuels, j'ai repris mon travail au Press croûte latin 265, rue Sainte Catherine à Bordeaux.
Dès mon arrivée, à ma grande surprise frigos, congélateur étaient vides. Vous m'avez donné l'ordre de faire le ménage, après 1/4 d'heures d'insultes (voleuse, vermine) vous vouliez que je signe un papier disant que j'avais pris 1.816 , a mon refus vous avez intimé l'ordre de quitter les lieux, sans vouloir me l'écrire. Je suis revenue à 12 heures, le magasin était fermé.
Le 2 septembre à 11 heures 30, je suis revenue avec témoin, ainsi que le 3 septembre, le rideau était toujours fermé.
Le 2 septembre lors de notre entretien téléphonique de 19 heures, vous me proposiez un règlement à l'amiable. A savoir licenciement pour faute lourde, avec remise de l'attestation ASSEDIC à condition que je retire ma demande au le conseil de prud'hommes. A ma question
sur les salaires dûs de juillet-août 2003, je vous cite "j'allais m'asseoir dessus jamais je ne serais payé, quitte à faire un dépôt de bilan". Puis des menaces pour moi et ma famille.
Au mois de juillet, une agence est venue mettre un panneau A VENDRE sur la façade du magasin. Vous portez des accusations de vol à mon encontre. Le 1er septembre le magasin ferme, sans entretien préalable ni lettre d'explications. Où voulez-vous en venir ä"
Par lettre du 26 septembre 2003, la SARL a notifié à Madame Y... son licenciement pour faute grave pour les motifs suivants :
"En invoquant de faux motifs pour tenter de justifier la non remise à votre employeur des recettes correspondant au chiffre d'affaires des 25, 26 et 27èmes semaines et en prétextant, par devant témoin, un soi-disant oubli à cotre domicile d'une enveloppe contenant une recette correspondante à la somme de 1.816 ç, somme manquante lors de la remise des recettes pour les semaines indiquées ci-dessus.
De ce fait, vous êtes redevables à la société de 1.816 ç.
Ces faits s'apparentent à des actes frauduleuses , ainsi qu'à des agissements malhonnêtes en conservant pour vos besoins personnels des sommes appartenant à l'entreprise. Ils sont du ressort du pénal, une plainte a d'ailleurs été déposée à votre encontre.
Vous avez prélevé, sans notre autorisation, un acompte de 350 ç et quelques jours plus tard, volontairement, vous avez oublié de rapporter le fond de caisse, soit la somme de 150 ç. Nous avons dû attendre le règlement de votre salaire du mois d'août pour pouvoir régulariser l'acompte et le fond de caisse.
En votre qualité de "responsable de magasin", il vous appartenait de vérifier, avant votre départ en vacances, la fermeture des congélateurs qui contenaient des denrées périssables. Votre insouciance en la matière a permis que nous constations, à la fin des congés payés lors de la réouverture du magasin, les dégâts imputables à votre irresponsabilité car toutes les denrées contenues dans les congélateurs étaient définitivement perdues et cette nouvelle perte rentre en grande partie dans notre décision de la fermeture du magasin en date du 1er septembre.
Votre absence et ce par deux fois à la convocation à l'entretien préalable, afin de n'avoir pas à vous expliquer, ne peut que conforter notre décision et prouve, si tant besoin est, votre culpabilité dans ce qu'on vous reproche."
Madame Y... a alors saisi le le conseil de prud'hommes d'une demande tendant à la condamnation de la SARL à lui payer des indemnités pour rupture abusive de son contrat de travail.
Par jugement du 14 septembre 2004, le le conseil de prud'hommes a statué ainsi :
"Dit que le licenciement de Madame Y... par la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION VIENNOISERIE "PRESS CROUTE LATIN" ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse, et annule de ce fait la mise à pied conservatoire infligée à Madame Y...,
en conséquence, condamne la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION VIENNOISERIE "PRESS CROUTE LATIN" à payer à Madame Y... les sommes suivantes :
- 561,66 ç à titre de rappel de salaires pour la période de décembre
2002 à août 2003,
- 335,05 ç à titre de complément de salaires pour le mois d'août 2003,
- 1.145,11 ç à titre de paiement du salaire pendant la mise à pied conservatoire,
- 1.145,11 ç à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 436,20 ç à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 1er juin au 29 octobre 2003.
dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du le conseil de prud'hommes, soit le 13 août 2003,
rappelle que ces sommes sont de droit exécutoires à titre de provisoire dans la limite de neuf mois de salaire, en application de l'article R 516-37 du Code du Travail, la moyenne des trois derniers mois étant de 1.145,11 ç.
Condamne la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION VIENNOISERIE "PRESS CROUTE LATIN" à remettre à Madame Y... les documents suivants :
[* des bulletins de salaire et un attestation ASSEDIC rectifiés pour tenir compte du préavis et des différents rappels de salaire,
*] un certificat de travail rectifié portant sur la période du 3 décembre 2002 au 29 octobre 2003.
Condamne , en outre, la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION VIENNOISERIE "PRESS CROUTE LATIN" à payer à Madame Y... les sommes suivantes :
[* 3.000 ç à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, avec intérêts aux taux légal à partir de la date du prononcé du présent jugement,
*] 500 ç à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile."
La SARL a régulièrement interjeté appel de cette décision ;
par conclusions écrites, développées à l'audience, elle forme les demandes suivantes :
"Dit que le licenciement de Madame Y... repose sur une faute grave et débouter la salariée de l'intégralité de ses demandes au titre du paiement du salaire pendant la mise à pied conservatoire, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ainsi qu'au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,
condamner Madame Y... à remettre à la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION VIENNOISERIE "PRESS CROUTE LATIN" la somme de 1.816 ç correspondant aux recettes des semaines 25, 26 et 27 de l'année 2003,
condamner Madame Y... à payer à la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION VIENNOISERIE "PRESS CROUTE LATIN" la somme de 3.000 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens."
De son côté, Madame Y..., par conclusions écrites, développées à
l'audience, demande à la Cour :
"De confirmer le jugement rendu la section de commerce du le conseil de prud'hommes de Bordeaux,
de condamner Monsieur A..., gérant de la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION VIENNOISERIE "PRESS CROUTE LATIN" à régler à Madame Y... :
- le paiement des heures supplémentaires
de janvier à juillet 2003
2.131,84 ç
- l'indemnité de dommages et intérêts pour
préjudice moral
13.741,32 ç
- l'indemnité de dommages et intérêts
pour appel dilatoire
5.000,00 ç
- les frais de défense, article 700
du Nouveau Code de procédure civile
760,00 ç
d'appliquer les intérêts au taux légal sur les chefs de demande y ayant droit à compter de la saisine du prud'homale ou de l'arrêt de la Cour selon le cas." DISCUSSION Sur le licenciement
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il allègue dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige,
la faute grave étant définie comme celle qui ne permet pas la continuation des relations de travail même pendant la période limitée
du préavis.
Madame Y... conteste avoir détourné la somme de 1.816 ç,
avoir reçu l'avertissement du 16 juillet 2003,
fait valoir qu'aucune preuve tangible de la reconnaissance de ce fait n'est rapportée,
qu'elle n'a jamais conservé cette somme,
que l'attestation de Madame B..., la compagne du gérant de la SARL, est imprécise quant aux dates et heures des faits relatés,
que celle de Madame C..., salariée d'un autre établissement n'ayant pu entendre les propos relatés n'est pas crédible,
que les documents comptables doivent l'être en original et ne sont en tous cas pas probants.
Toutefois, Madame B... a déclaré dans une attestation dont il est indiqué qu'elle est envoyée aux services de police suite à la plainte de la SARL :
"Madame Y... X... s'est présentée au magasin Le Comptoir pour remettre les caisses du Press croute Latin à Monsieur A..., de retour de déplacement.
Cette dame lui a remis une enveloppe, mais il manquait la somme de 1.816 ç.
Elle ne comprenait pas pourquoi la somme était manquante alors qu'elle avait rapporté de son domicile toutes les enveloppes. Pour être certaine, elle a téléphoné à son époux. Après avoir raccroché, elle a dit à Monsieur A... que cet argent était chez elle sur la table, et qu'elle avait confondu l'enveloppe avec celle qu'elle devait déposer à la sécurité sociale.
Monsieur A... lui a donc dit qu'il lui suffisait de la ramener le lendemain.
A chaque appel téléphonique de Monsieur A... au Press Croute Latin, Madame Y... lui disait qu'il pourrait chercher l'argent le lendemain, et le lendemain elle avait oublié la caisse chez elle."
Madame D... a régulièrement attesté :
"Je déclare avoir entendu Monsieur A..., dans l'enceinte du Press Croute Latin, réclamer à plusieurs reprises la caisse à Madame Y... et celle-ci lui répondre qu'elle l'avait oubliée".
Monsieur C... a confirmé avoir entendu Madame D... :
"X... lui a dit qu'elle ne se rappelait plus où elle avait mis cette enveloppe, qu'elle avait cherché dans toute la maison" ;
preuve contraire de ces témoignages concordants et précis n'est pas rapportée,
plainte pour faux témoignage contre ces attestations n'a pas été déposée,
il convient d'en conclure qu'il est bien établi que Madame Y... a reconnu avoir par erreur conservé par de vers elle la somme de 1.816 ç qu'elle n'a pas reversée ;
ces seuls faits sont constitutifs de la faute grave dénoncée dans la lettre de licenciement et justifiaient la mise à pied, et justifient la demande en remboursement de l'employeur.
Sur les heures supplémentaires
Si par application de l'article L 212-1-1 du Code du Travail, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier
les horaires effectivement réalisés par la salariée,
il appartient à cette dernière de fournir les éléments propres à étayer sa demande.
En l'espèce, Madame Y..., reconnaît n'avoir pas fourni ces éléments en première instance et invoque en cause d'appel,
un
En l'espèce, Madame Y..., reconnaît n'avoir pas fourni ces éléments en première instance et invoque en cause d'appel,
un décompte manuscrit,
une attestation de Madame E... précisant "les heures supplémentaires sont des heures qu'elle a effectuées pour que je puisse récupérer les miennes avant que je démissionne", ce dont il se déduit que Madame E... était absente pendant lesdites heures.
le décompte est unilatéral,
l'attestation est trop imprécise pour étayer la demande, étant ajouté que Madame Y... était la responsable de la sandwicherie, que le gérant de la SARL n'était pas sur place pour vérifier les horaires.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement en ce qu'il débouté Madame Y... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires,
Le réforme pour le surplus,
Dit que le licenciement repose sur une faute grave,
Déboute Madame Y... de toutes ses demandes,
La condamne à payer à la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION VIENNOISERIE la
somme de mille huit cent seize euros (1.816 ç),
déboute la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION VIENNOISERIE par application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile de sa demande de paiement de frais irrépétibles,
Condamne Madame Y... aux dépens.
Signé par Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président et par Madame Martine MEUNIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. MEUNIER.
B. FRIZON DE LAMOTTE.