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10/01/2006 | FRANCE | N°05/38

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Troisième chambre correctionnelle, 10 janvier 2006, 05/38


NB
DU 10 JANVIER 2006
LE DIX JANVIER DEUX MILLE SIX
LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX No DU PARQUET : 05/ 38
En l'audience publique de la Troisième Chambre
Correctionnelle tenue par : No d'ORDRE :
Monsieur BOUGON, Président,
Monsieur MINVIELLE, Conseiller,
Monsieur LOUISET, Conseiller
En présence de Monsieur WEIBEL, Substitut
Général,
Et avec l'assistance de Madame BELINGHERI,
Greffier, M. P
a rendu l'arrêt dont la teneur suit : C/
ENTRE : Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel
de Bordeaux
ET : A... Emmanuel Agé de

36 ans, demeurant ...16000 ANGOULEME Né le 8 décembre 1969 à ANGOULEME (16) Fils de Jean-Claude et de Mo...

NB
DU 10 JANVIER 2006
LE DIX JANVIER DEUX MILLE SIX
LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX No DU PARQUET : 05/ 38
En l'audience publique de la Troisième Chambre
Correctionnelle tenue par : No d'ORDRE :
Monsieur BOUGON, Président,
Monsieur MINVIELLE, Conseiller,
Monsieur LOUISET, Conseiller
En présence de Monsieur WEIBEL, Substitut
Général,
Et avec l'assistance de Madame BELINGHERI,
Greffier, M. P
a rendu l'arrêt dont la teneur suit : C/
ENTRE : Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel
de Bordeaux
ET : A... Emmanuel Agé de 36 ans, demeurant ...16000 ANGOULEME Né le 8 décembre 1969 à ANGOULEME (16) Fils de Jean-Claude et de Monique B...Nationalité française Gérant de société Jamais condamné
PRÉVENU intimé sur appel du Ministère Public, cité, libre, présent et assisté de Maître BETHUNE DE MORO Avocat au Barreau d'Angoulême.
RAPPEL DE LA PROCÉDURE
Par acte en date du 30 septembre 2004 reçu au secrétariat greffe du Tribunal de Grande Instance d'Angoulême le Ministère Public a relevé appel d'un jugement contradictoire rendu par ledit Tribunal le 21 septembre 2004 à l'encontre de A... Emmanuel poursuivi comme prévenu d'avoir à CHERVES RICHEMONT (16), du 1er novembre 2001 au 21 février 2002 :
utilisé frauduleusement des appellations d'origine, en l'espèce les appellations " Grande Champagne ", " Petite Champagne " et " Borderies ", en mettant en vente sous ces appellations des eaux-de-vie obtenues par la distillation de matières premières ne provenant pas exclusivement du territoire délimité qui leur est réservé et qui ne pouvaient en aucun cas bénéficier de ces appellations d'origine.
Faits prévus et réprimés par les articles L. 115-16, L. 115-26-3, L. 213-1 du Code de la Consommation.
LE TRIBUNAL
A renvoyé A... Emmanuel des fins de la poursuite sans peine ni dépens.
Sur cet appel et selon citation de Monsieur le Procureur Général, l'affaire a été appelée à l'audience publique du 25 octobre 2005 composée de Monsieur BOUGON, Président, Monsieur MINVIELLE et Monsieur LOUISET, Conseillers ; assistée de Madame BELINGHERI, Greffier.
A ladite audience, le prévenu a comparu et son identité a été constatée ;
Monsieur le Conseiller LOUISET a fait le rapport oral de l'affaire ; Monsieur le Substitut de Monsieur le Procureur Général a été entendu en ses réquisitions ;
Maître BETHUNE DE MORO Avocat a présenté les moyens d'appel et de défense du prévenu ;
Le prévenu a eu la parole en dernier.
SUR QUOI
Monsieur le Président a informé les parties présentes que l'affaire était mise en délibéré à l'audience publique du 13 décembre 2005.
A ladite audience, Monsieur le Président a informé les parties présentes que le délibéré était prorogé à l'audience publique du 10 janvier 2006.
A ladite audience, Monsieur le Président a donné lecture de la décision suivante :
L'appel du Ministère public, pour avoir été régularisés le 30 septembre 2004 dans les formes et délais de la loi, est recevable.
Emmanuel A..., prévenu intimé, est cité à personne. Il comparaît et est assisté de son conseil. Il sera statué à son égard par décision contradictoire.
Le Ministère Public requiert, après infirmation de la décision déférée, la déclaration de culpabilité du prévenu et sa condamnation à une peine sur le montant de laquelle il s'en rapporte.
Emmanuel A..., qui sollicite la confirmation de la décision le renvoyant des fins de la poursuite, fait valoir pour l'essentiel qu'il n'a fait que se conformer aux usages de la profession.
***
Il ressort des éléments du dossier que le cognac est issu de deux distillations successives. La première avec mise en oeuvre de vin, et surcharge éventuelle des produits imparfaits des distillations précédentes, donne des " brouillis " ou des " produits imparfaits ". La deuxième ou " bonne chauffe " avec mise en oeuvre des " brouillis " avec surcharge éventuelle de " secondes " (distillats obtenus après le coulage de la production du cognac de la bonne chauffe).
En fonction des terroirs dont sont issus les vins, le cognac bénéficie d'appellations contrôlées (Grande Fine Champagne, Grande Champagne, Petite Champagne, Fine Champagne, Borderies, Fins Bois et Bons Bois).
Le 20 novembre 2001, le Syndicat des Bouilleurs de Profession Distillateurs du Cognac pour la Défense de l'AOC Cognac sous la signature de son président James C...fait parvenir à ses adhérents les termes de l'accord conclut entre la DGCCRF, l'INAO et le BNIC pour la campagne 2001/ 2002. Il recommande le respect scrupuleux des termes de l'accord sous peine de se trouver en infraction au regard du décret du 13 janvier 1938 régissant les appellations et sous-appellations de la région Cognac.
Cet accord est le suivant : RELEVÉ DE PRESCRIPTIONS DEVANT SERVIR DE BASE A LA CODIFICATION DES USAGES PROFESSIONNELS
1. Lors du changement de crus en cours de distillation, absence totale de mélange de vins et/ ou d'eaux-de-vie de crus différents.
2. Incorporation des flegmes de l'année précédente au moment de la distillation des vins du même cru.
3. Limitation des changements de crus ; le retour à un cru déjà distillé ne doit être qu'exceptionnel et justifié.
4. Tenue des registres de distillation en application du règlement communautaire no 884/ 2001 du 24 avril 2001 ; identification claire du cru revendiqué à tous les stades de la distillation (vins, brouillis et imparfaits mis en charge, production des bonnes chauffes et des imparfaits).
5. L'équipement et le fonctionnement de la distillerie doivent permettre d'éviter tout mélange, à quelque niveau que ce soit, de différents crus (circuits distincts), dans tous les cas où la structure le permet :
a) pour toute création de distillerie nouvelle, son équipement devra être conforme à l'alinéa ci-dessus,
b) pour les distilleries déjà en activité, et ne pouvant réaliser techniquement ce type de travaux conséquents, le changement de crus pourra se faire en continu selon l'ancien principe, dans les conditions suivantes :
- terminer la bonne chauffe d'un cru déterminé en utilisant entre 20 et 30 % au maximum de la capacité de charge de la distillerie, limitant ainsi le volume des flegmes à repasser,
- les flegmes issus de cette dernière bonne chauffe doivent être obligatoirement parfaitement identifiés,
- l'incorporation de ces flegmes dans le cru suivant doit être identifiée quantitativement et qualitativement sur le registre de distillation,
- un facteur de dilution inférieur à 3, 5 % peut être retenu, ce qui est suffisant pour garantir la qualité des eaux-de-vie dans le plus grand respect de la notion de cru (cf. étude station viticole en annexe),
- dans le cas où le distillateur met en production la totalité des imparfaits du cru précédent, il sera tenu de faire le nombre de bonnes chauffes nécessaires pour obtenir cette dilution. Ces bonnes chauffes seront fonction de l'équipement de la distillerie (nombre de chaudières) et du volume d'imparfaits à diluer,
l- les eaux-de-vie de ces bonnes chauffes doivent être obligatoirement assemblées et stockées dans une même cuve identifiée, avant toute utilisation, en fonction du pourcentage de dilution maximal retenu.
6. Le non respect de ces prescriptions pourra entraîner l'application stricte des dispositions du décret du 13 janvier 1938.
La SARL DISTILLERIE CHARLEMAGNE, dirigée par Emmanuel A..., distille des vins sous les appellations Grande Champagne, Petite Champagne, Borderies, Fins Bois, Bons Bois et Bois Ordinaires. Contrôlant à partir de ses registres l'activité de cette société, les fonctionnaires de la DGCCRF vont constater une anomalie (des manquants normaux dans les appellations Grande Champagne, Petite Champagne, Borderies, Fins Bois et Bons Bois, et un excédent de stock de 0, 5132 hl de volume d'alcool pur, dit AP, dans le cru Bois Ordinaire ou Cognac par rapport à la production).
Cette anomalie s'explique par le fait que les brouillis issus des distillations de deux crus distincts (en l'espèce, Grande Champagne et Petite Champagne, ou Borderies et Petite Champagne) se trouvent parfois mélangés dans la même cuve. En conséquence, le cognac obtenu au terme de la " bonne chauffe " ne peut plus bénéficier des appellations contrôlées Grande Champagne, Petite Champagne, Borderies, et ne devrait plus être commercialisé que sous l'appellation générique cognac. Au terme de leurs constatations, sur les 1338, 3824 hl d'alcool pur d'eaux de vie produits et expédiés au jour du contrôle, 112, 2327 hl d'alcool pur qui ne pouvaient prétendre qu'à une appellation générique Cognac ont été expédiés avec mention d'une appellation d'origine à laquelle ils ne pouvaient plus prétendre.
Entendu sur les constatations des services de la DGCCRF, Emmanuel A... expliquera le 21 février 2002 :
"... Lors du changement de cru, nous avons réparti les imparfaits (seconds) dans les vins du cru suivant. Nous terminons un cru sur 1 à 12 alambics selon l'importance des brouillis à mettre ne charge. En règle générale, nous utilisons 3 cuves à brouillis ".
Entendu une nouvelle fois par les services de gendarmerie, le 14 janvier 2003, Emmanuel A... va déclarer :
" Je suis Gérant de la SARL " Distillerie Charlemagne " sise à ... " 16100 Cherves Richemont. J'étais présent le 21 février 2002 dans les locaux de la distillerie lors du contrôle par les agents de DGCCRF. A cette occasion 1 infraction a été relevée par les agents de la DGCCRF, infraction portant sur une tromperie des boissons alcooliques distillées. (...) En ce qui concerne cette infraction, Je ne reconnais pas le caractère de l'infraction relevée par les agents de la DGCCRF. Le principe veut qu'en pratique on ne mélange pas les vins de crus différents, ce que nous avons toujours observé. Nous avons réincorporé en petite quantité " des flegmes " d'un cru dans le cru suivant ce qui c'est toujours fait dans la pratique. Cette pratique existe depuis toujours et n'avait jamais l'objet de sanctions.../... " Il n'est pas discuté que partie de ces eaux de vie qui ne méritaient plus que l'appellation générique est sortie de la distillerie sous appellations Grande Champagne, Petite Champagne, Borderies.
L'argument selon lequel lesdites pratiques ne nuisent à personne notamment parce que le produit, quelle que soit son origine, sera distribué sous l'appellation Cognac est sans pertinence dès lors que si sur la bouteille ne figure pas le cru, puisque le produit fini est dans la majorité des cas un assemblage dont chacun vantera la savante alchimie, la notion même d'assemblage perd toute signification si ses composants sont abâtardis.
Emmanuel A..., professionnel de la distillation de longue date, ne pouvait ignorer la réglementation applicable depuis 1938 et les conséquences de ses pratiques, au regard en particulier des avertissements de l'interprofession sur les conditions d'inscription et de distillation des différents crus et appellations de Cognac tout au long de la chaîne de production.
Les éléments constitutifs des infractions étant suffisamment caractérisés, la décision déférée sera infirmée et Emmanuel A..., déclaré coupable, sera condamné à une amende de 1. 000 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare l'appel recevable,
Infirme la décision déférée,
Statuant à nouveau,
Déclare Emmanuel A... coupable des infractions reprochées,
Condamne Emmanuel A... à la peine de 1. 000 euros d'amende.
Avis a pu être donné au prévenu sent qu'en application des dispositions de l'article 707-3 du Code de Procédure Pénale, le paiement de l'amende dans le délai d'un mois à compter de la présente décision diminue son montant de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euros ; le paiement de l'amende ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours.
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 120 euros dont est redevable chaque condamné en application de l'article 1018 A du C. G. I.
Le présent arrêt est signé par Monsieur le Président BOUGON et Madame BELINGHERI, Greffier présent lors du prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Troisième chambre correctionnelle
Numéro d'arrêt : 05/38
Date de la décision : 10/01/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : M. Bougon, président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2006-01-10;05.38 ?
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