La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006945858

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambres reunies, 07 juin 2005, JURITEXT000006945858


ARRET RENDU PAR LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX -------------------------- Le : 7 JUIN 2005 PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A

ET CHAMBRE SOCIALE RÉUNIES No de rôle : 04/00692 Monsieur Robert X... Madame Maria Y... épouse X... c/ S.C.P TORELLI JEAN-FRANCOIS, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société IMAGE PHOTOGRAVURE, Maître Jean-François TORELLI Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION Grosse délivrée le : à :

Rendu par mise à disposition au greffe,

Le 7 Juin 2005

Par Monsieur Robert MIORI, Présiden

t,

en présence de Madame Chantal Z..., Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIÈRE CH...

ARRET RENDU PAR LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX -------------------------- Le : 7 JUIN 2005 PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A

ET CHAMBRE SOCIALE RÉUNIES No de rôle : 04/00692 Monsieur Robert X... Madame Maria Y... épouse X... c/ S.C.P TORELLI JEAN-FRANCOIS, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société IMAGE PHOTOGRAVURE, Maître Jean-François TORELLI Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION Grosse délivrée le : à :

Rendu par mise à disposition au greffe,

Le 7 Juin 2005

Par Monsieur Robert MIORI, Président,

en présence de Madame Chantal Z..., Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIÈRE CHAMBRE et CHAMBRE SOCIALE réunies, a, dans l'affaire opposant :

Monsieur Robert X... né le 1er Mai 1951 à DRANCY (94), de nationalité Française, demeurant "Le Bouyssou" - 31550 CINTEGABELLE

Madame Maria Y... épouse X... née le 14 Août 1950 à RIONERO IN VULTURE (ITALIE), de nationalité Française, demeurant "Le Bouyssou" - 31550 CINTEGABELLE représentés par la SCP MICHEL PUYBARAUD, avoués à la Cour, et assistés de Me Victor GROSBOIS, avocat au barreau de TOULOUSE

Demandeurs sur un arrêt de la Deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation du 4 décembre 2003 en suite d'un arrêt rendu le 17 décembre 2001 par la Cour d'appel de BORDEAUX, sur un appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de BERGERAC en date du 24 août 2000, suivant déclaration de saisine en date du 05 Février 2004,

à :

S.C.P TORELLI JEAN-FRANCOIS, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société IMAGE PHOTOGRAVURE, sise 8 rue Kléber - 24000 PERIGUEUX

Maître Jean-François TORELLI Profession : Mandataire judiciaire, demeurant 8, rue Kléber - 24002 PERIGUEUX CEDEX représentés par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL etamp; JAUBERT, avoués à la Cour, et assistés de Me Marc FRIBOURG, avocat au barreau de LIBOURNE

Défendeurs sur renvoi de Cassation,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique et solennelle, le 10 Mai 2005 devant :

Monsieur Robert MIORI, Président,

Monsieur Alain COSTANT, Président,

Monsieur Jean-Claude SABRON, Conseiller Rapporteur,

Monsieur Claude BERTHOMME, Conseiller,

Monsieur Pierre GUILLOUT, Conseiller,

Madame Chantal Z..., Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats ;

Vu le visa de Monsieur le Substitut Général qui a été régulièrement avisé de la date d'audience.

Par jugements des 25 septembre 1992 et 8 octobre 1993, le tribunal de commerce de BERGERAC a prononcé la mise en redressement judiciaire puis la mise en liquidation judiciaire de la SA IMAGE PHOTOGRAVURE dont Monsieur Robert X... et son épouse née Maria X... étaient respectivement PDG et administrateur.

Liés par des engagements de caution, Monsieur et Madame X... ont signé le 19 novembre 1994 avec un tiers un acte sous seing privé

portant sur la vente de leur immeuble d'habitation; le prix était fixé à 2 000 000 F et l'acte authentique devait être signé le 19 février 1995.

Le liquidateur judiciaire de la société IMAGE PHOTOGRAVURE, Maître Jean François TORELLI, s'est opposé à la vente au motif que par acte du 10 février 1995 il avait saisi le tribunal de commerce de BERGERAC d'une action en comblement du passif dirigée contre Monsieur et Madame X...

Par acte du 3 mars 1995, l'acquéreur, une dame RALLIER DU A..., a fait assigner les époux X... et Maître TORELLI devant le tribunal de grande instance de BERGERAC aux fins de réalisation de la vente.

L'acte authentique a été en définitive signé le 22 avril 1995 et le prix de 2 000 000 F a été consigné par le notaire à la Caisse des Dépôts et Consignations.

Par jugement du 12 mai 1995, le tribunal de grande instance de BERGERAC a constaté la réalisation de la vente mais dit que les fonds resteraient consignés jusqu'à l'issue de la procédure en comblement du passif.

Ce jugement n'a jamais été signifié et est devenu caduc en application des dispositions de l'article 478 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Un jugement du tribunal de commerce de BERGERAC en date du 8 décembre 1995 a accueilli l'action en comblement du passif engagée par Maître TORELLI et condamné à ce titre les époux X... au paiement de la somme de 10 000 000 F.

Sur appel de ces derniers, la cour d'appel de BORDEAUX a par arrêt du 24 février 1997 annulé le jugement sus visé au motif que le juge commissaire qui faisait partie de la formation du tribunal avait participé à la reprise du fonds de la SA IMAGE PHOTOGRAVURE par une société dont il était l'administrateur.

Cet arrêt a, avant dire droit sur les poursuites en comblement du passif, confié une nouvelle expertise à Monsieur B...

Saisi d'une demande de déconsignation formée par les époux X..., le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de BERGERAC a par jugement du 23 avril 1998 autorisé Maître TORELLI à pratiquer une saisie conservatoire sur le prix de vente de l'immeuble des sus nommés.

Un procès verbal de saisie conservatoire a été établi en vertu de cette décision le 20 mai 1998.

En définitive, la cour d'appel de BORDEAUX devait, par un second arrêt en date du 24 janvier 2000, débouter Maître TORELLI, de son action en comblement du passif.

Cet arrêt a été signifié au liquidateur le 8 février 2000.

Par acte du 20 avril 2000, Monsieur et Madame X... ont fait assigner devant le juge de l'exécution la SCP TORELLI, venue aux droits de Maître Jean François TORELLI, aux fins de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 20 mai 1998 et de paiement de dommages-intérêts sur le fondement du second alinéa de l'article 73 de la loi du 9 juillet 1991.

La mainlevée devait être accordée le 3 mai 2000 et par jugement du 24 août 2000, le juge de l'exécution a:

- constaté cette mainlevée;

- débouté les époux X... de leur demande de dommages-intérêts fondée sur la saisie conservatoire en considérant que celle ci n'avait pas été pratiquée abusivement;

- dit qu'en réparation du préjudice causé par la tardiveté de la décision de mainlevée, la SCP TORELLI es qualité serait toutefois tenue de payer à Monsieur et Madame X... la différence entre les intérêts légaux et les intérêts pratiqués par la CAISSE DES DÉPÈTS ET

CONSIGNATIONS sur la somme de 2 000 000 F pour la période du 8 février 2000, date de la signification de l'arrêt de débouté de l'action en comblement du passif, au 3 mai 2000;

- condamné la SCP TORELLI, es qualité, aux dépens, outre le paiement d'une indemnité de 2 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur appel des époux X..., la cour d'appel de BORDEAUX a par arrêt du 17 décembre 2001 confirmé les dispositions sus visées.

Les époux X... se sont pourvu en cassation contre cet arrêt que par décision du 4 décembre 2003 la cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions pour un motif de procédure, relatif au rejet des conclusions signifiées par les appelants deux jours avant la date de l'ordonnance de clôture.

L'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel de BORDEAUX autrement composée.

Les époux X... ont saisi la cour de renvoi selon déclaration du 2 février 2004.

Ils font valoir dans des conclusions du 14 juin 2004 que le juge de l'exécution n'avait pas à rechercher si le liquidateur judiciaire avait commis une faute ou un abus en pratiquant une saisie conservatoire sur le prix de leur immeuble.

Il résulte selon eux de l'article 73 alinéa 2 de la loi du 9 juillet 1991 sur lequel ils fondent leur demande qu'il suffit de démontrer qu'il existe un lien de causalité entre le préjudice subi et la saisie dont la mainlevée a été ordonnée, le mot pouvoir utilisé par le texte sus visé à propos de l'attribution de dommages-intérêts évoquant non pas une faculté mais la prérogative conférée par la loi au juge de l'exécution.

Les appelants demandent en conséquence à la cour de condamner la SCP TORELLI à leur payer, en principal, une somme de 75 603,31 Euros en réparation du préjudice causé par l'indisponibilité des fonds leur revenant pendant la période comprise entre le 22 juin 1995, date de l'expiration du délai de deux mois prévu pour la purge des hypothèques, et le 4 mai 2000, date de la notification de l'accord de mainlevée.

Il sollicitent en outre une indemnité de 8 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SCP TORELLI conclut à la confirmation du jugement déféré.

Elle fait valoir que seule une saisie exercée abusivement peut donner lieu à des dommages-intérêt, qu'en l'espèce la saisie conservatoire a été pratiquée avec l'autorisation du juge et qu'enfin deux décisions de justice, le jugement du tribunal de commerce du 8 décembre 1995 et le premier arrêt rendu le 24 février 1997 par la cour d'appel de BORDEAUX, ont estimé justifié l'exercice de l'action en comblement du passif.

La SCP TORELLI sollicite le paiement d'une indemnité de 3 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. LES MOTIFS DE LA DÉCISION.

Une saisie conservatoire, bien quelle soit autorisée par le juge de l'exécution, est toujours effectuée aux risques de celui qui l'a requise.

La personne qui en fait l'objet est en droit, dans l'hypothèse où la partie adverse qui se prétendait créancière échoue dans son action au fond et se voit imposer la mainlevée, de poursuivre l'indemnisation

du préjudice causé par une mesure qui s'est avérée non fondée.

Elle n'a pas à rapporter d'autre preuve que celle du préjudice subi et du rapport de causalité entre ce préjudice et la mesure invalidée et elle n'est pas obligée, notamment, de démontrer que celui qui a pris l'initiative de la mesure a commis une faute.

En matière de saisie conservatoire, l'appréciation du préjudice doit se faire sur la base de critères rigoureux dés lors qu'une telle mesure, parce qu'elle est simplement conservatoire et ne fait que priver son propriétaire de l'usage de la chose saisie, vise à sauvegarder les droits des deux parties.

En l'espèce, la saisie conservatoire a porté sur le prix de l'immeuble d'habitation que les époux X... avaient vendu dans l'intention de se libérer de leurs engagements personnels.

La dépossession a été exceptionnellement longue dans la mesure où elle a duré de la fin du mois de juin 1995, date à laquelle les époux X... auraient dû percevoir le reliquat du prix de vente de leur immeuble compte tenu du délai nécessité par la purge des hypothèques, au 4 mai 2000, date de la notification de la mainlevée de la saisie conservatoire, consécutive à l'assignation que les appelants ont été contraints de délivrer après la signification de l'arrêt qui avait débouté le liquidateur judiciaire de son action en comblement du passif.

La durée de la dépossession s'explique pour partie dans certaines anomalies procédurales retenues par l'arrêt du 24 février 1997 qui a annulé le jugement de condamnation en comblement du passif pour une cause de nature à mettre en doute l'impartialité du tribunal de commerce et ordonné une nouvelle expertise après avoir relevé que les conclusions trop succinctes du premier expert ne procédaient pas d'une analyse respectueuse du principe du contradictoire.

La mesure litigieuse a eu pour effet de priver les appelants de la

possibilité de se libérer des intérêts dus aux créanciers qui bénéficiaient d'inscriptions hypothécaires et, par conséquent d'alourdir le poids de leur dette.

Monsieur et Madame X... démontrent dans de telles conditions que la saisie litigieuse leur a causé un préjudice excessif au regard des effets normaux d'une mesure de nature simplement conservatoire; l'existence d'un tel préjudice leur ouvre à elle seule le droit d'être indemnisés par celui qui se prétendait créancier et dont l'action a été déclarée non fondée par la juridiction du fond.

*

Les intérêts au taux légal sur les sommes saisies ne peuvent être exigés qu'à compter de la date de la signification de l'arrêt qui a débouté le liquidateur judiciaire de son action en comblement du passif.

Il convient, sur ce point, de reprendre la solution adoptée par le premier juge, étant précisé que les intérêts au taux légal doivent être calculés non sur la somme de 2 000 000 F, mais sur celle de 1 476 321,04 F (225 063,69 Euros) que les appelants auraient dû percevoir déduction faite des créances garanties par hypothèque.ants auraient dû percevoir déduction faite des créances garanties par hypothèque.

En revanche, les appelants sont fondés à réclamer le remboursement des intérêts qu'ils ont dû verser entre le 22 juin 1995 et le 4 mai 2000 aux deux créanciers bénéficiant d'inscriptions hypothécaires, faute d'avoir pu les désintéresser à l'époque de la vente.

Ces intérêts s'élèvent, selon les justificatifs produits aux débats,

à 31 010,24 Euros (créance SODELEM) et 247,46 Euros (créance LESPINASSE), soit un total de 31 257,70 Euros.

Les pénalités fiscales qui ont été décomptées au préjudice des époux X... à défaut pour ces derniers de s'être acquittés dans les délais de leurs impôts personnels ne peuvent pas être considérées comme une conséquence, ayant un rapport de causalité certain avec l'immobilisation provoquée par la saisie conservatoire, de l'impossibilité dans laquelle les appelants ont été placés de percevoir le prix de leur immeuble.

Les intérêts servis par la CAISSE DES DÉPÈTS ET CONSIGNATIONS, pour un total de 11 611,88 Euros selon le décompte produit aux débats, devront être déduits des sommes dues aux époux X... en réparation des deux chefs de préjudice retenus par la cour.

*

Monsieur et Madame X... sont en droit de solliciter sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, au titre des frais exposés qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité que la cour fixe à 3 000 Euros. PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Réforme le jugement prononcé le 24 août 2000 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de BERGERAC.

Statuant à nouveau, condamne la SCP TORELLI prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA IMAGE PHOTOGRAVURE à payer à titre de dommages intérêts à Monsieur et Madame X..., sauf à déduire la somme de 11 611,88 Euros versée par la CAISSE DES DÉPÈTS ET CONSIGNATIONS:

- les intérêts au taux légal produits par la somme de 225 063,69 Euros entre le 8 février 2000, date de la signification de l'arrêt qui a dit non fondée l'action en comblement du passif, et le 4 mai 2000, date de la réception de l'acceptation de la demande de mainlevée de la saisie conservatoire;

- la somme de 31 257,70 Euros en remboursement des intérêts versés aux créanciers hypothécaires pendant la période du 22 mai 1995, date à laquelle auraient été purgées les hypothèques après la vente du 22 avril 1995, et le 4 mai 2000;

Déboute Monsieur et Madame X... de leurs autres demandes.

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamne la SCP TORELLI en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA IMAGE PHOTOGRAVURE à payer aux époux X... une indemnité de 3 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La condamne, es qualité, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP PUYBARAUD, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert MIORI, Président, et par Madame Chantal Z..., Greffier.

Le Greffier

Le Président

Chantal Z...

Robert MIORI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambres reunies
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006945858
Date de la décision : 07/06/2005
Type d'affaire : Chambre mixte

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2005-06-07;juritext000006945858 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award