Le copies exécutoires et conformes délivrées à
BM/FA
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Minute n°
N° de rôle : N° RG 23/00551 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ET3A
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2024
Décision déférée à la Cour : jugement du 24 novembre 2022 - RG N°22/00005 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE VESOUL
Code affaire : 70E - Demande relative aux murs, haies et fossés mitoyens
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Michel WACHTER, Président de chambre.
Madame Bénédicte MANTEAUX et Philippe MAUREL, Conseillers.
Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
L'affaire a été examinée en audience publique du 28 mai 2024 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, Madame Bénédicte MANTEAUX et Philippe MAUREL, conseillers et assistés de Mme Fabienne ARNOUX, greffier.
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS
Madame [G] [Y]
née le 19 Juillet 1965 à [Localité 8], de nationalité française,
demeurant [Adresse 6] - [Localité 10]
Représentée par Me Florent DIAZ, avocat au barreau de BESANCON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/000133 du 16/03/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BESANCON)
Monsieur [U] [H]
né le 16 Octobre 1960 à [Localité 9], de nationalité Italienne,
demeurant [Adresse 6] - [Localité 10]
Représenté par Me Florent DIAZ, avocat au barreau de BESANCON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/000134 du 16/03/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BESANCON)
ET :
INTIMÉS
Madame [X] [I]
née le 03 Mars 1952 à [Localité 8], de nationalité française,
demeurant [Adresse 7] - [Localité 10]
Représentée par Me Marion RONGEOT de la SELARL LASSUS-PHILIPPE & RONGEOT, avocat au barreau de HAUTE-SAONE
Monsieur [N] [I]
de nationalité française,
demeurant [Adresse 7] - [Localité 10]
Représenté par Me Marion RONGEOT de la SELARL LASSUS-PHILIPPE & RONGEOT, avocat au barreau de HAUTE-SAONE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [U] [H] et Mme [G] [Y] sont propriétaires occupants d'une maison d'habitation sise [Adresse 6] à [Localité 10] (70), parcelle cadastrée section AB n° [Cadastre 2]. M. [N] [I] et Mme [X] [J], son épouse, sont propriétaires occupants d'une maison d'habitation sise [Adresse 7] [Localité 10], parcelle cadastrée section AB n° [Cadastre 3]. Les deux immeubles en cause ne sont distants que de quelques centimètres.
Par lettres recommandées avec accusé de réception de 2017 et 2018, les époux [I] ont mis en demeure leurs voisins d'entretenir leur maison, ont fait constater par huissier de justice les difficultés engendrées pour eux puis ont diligenté en août 2020 une visite technique amiable pour rechercher l'origine de l'écrasement de leur chéneau par le mur voisin.
Par requête du 17 janvier 2022, M. [I] a saisi le tribunal judiciaire de Vesoul aux fins de faire cesser le trouble consistant à voir le mur de leur voisin écraser le chéneau de leur maison et être indemnisé des frais induits par ces faits.
Par jugement rendu le 24 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Vesoul a :
- condamné M. [H] et Mme [Y] à réaliser les travaux préconisés par M. [W] [P] dans le compte rendu de visite technique du 24 août 2020 ;
- ordonné à M. [H] et Mme [Y] de procéder à la déconstruction du mur perpendiculaire de la façade de leur immeuble afin de permettre un accès à l'angle sud-ouest de leur maison et de procéder à une reprise en sous 'uvre de l'assise des deux murs, et ce dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision ;
- dit que faute par M. [H] et Mme [Y] de procéder aux travaux, ils seront redevables, passé ce délai, d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé à 50 euros par jour de retard ;
- dit que l'astreinte provisoire court pendant un délai maximum de 3 mois, à charge pour les époux [I] de solliciter du juge de l'exécution la liquidation de l'astreinte provisoire et le prononcé de l'astreinte définitive ;
- débouté les époux [I] de leur demande indemnitaire ;
- débouté M. [H] et Mme [Y] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné M. [H] et Mme [Y] à verser aux époux [I] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [H] et Mme [Y] aux entiers dépens.
Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré que :
- le rapport de l'expert technique amiable déposé le 24 août 2020 était particulièrement précis et circonstancié et corroboré par les photographies des lieux et un constat d'huissier de justice en date du 3 mars 2017 ;
- ces éléments prouvaient que l'affaissement du mur de M. [H] et Mme [Y] occasionnait des dommages continus et anormaux sur l'immeuble des époux [I] constitutifs d'un trouble du voisinage ;
- le rapport amiable était également suffisamment précis sur les travaux que M. [H] et Mme [Y] devaient mettre en oeuvre pour faire cesser le trouble subi par les époux [I].
Par déclaration du 5 avril 2023, M. [H] et Mme [Y] ont interjeté appel de ce jugement et, selon leurs dernières conclusions transmises le 4 juillet 2023, ils concluent à son infirmation en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté les époux [I] de leur demande indemnitaire et demandent à la cour, statuant à nouveau, de :
- débouter les époux [I] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- les condamner aux entiers dépens.
Ils font valoir que les deux seuls éléments de preuve rapportés par les époux [I] à l'appui de leurs demandes sont insuffisants à pallier l'absence d'expertise judiciaire.
Les époux [I] ont répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 21 septembre 2023 pour demander à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il les a débouté de leurs demandes indemnitaires, et statuant à nouveau sur ce chef :
- condamner solidairement M. [H] et Mme [Y] à leur verser la somme de 3 150 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de tous leurs préjudices confondus,
- les condamner solidairement à leur régler la somme de 3 000 euros au titre des dispositions édictées à l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Ils font valoir que :
- M. [H] et Mme [Y], qui contestent que ce soit leur maison qui penche sur la leur, ne versent aux débats qu'une attestation de circonstance qui ne saurait mettre en doute un procès-verbal d'huissier de justice et les conclusions d'un expert en bâtiment ;
- le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 est venu modifier l'alinéa 2 de l'article 1554 du code de procédure civile, applicable depuis le 1er novembre 2021, et octroie ainsi la valeur d'expertise judiciaire à une expertise dite privée ; le tribunal pouvait parfaitement se fonder sur le rapport d'expertise amiable et contradictoire versé aux débats ;
- ayant déjà avancé les frais de l'expertise amiable, ils n'entendent pas supporter financièrement une seconde expertise ;
- leur demande de la somme de 3150 euros doit les indemniser de leurs préjudices tant matériel que moral.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 28 mai 2024 suivant et mise en délibéré au 3 septembre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte de l'article 1559 du code de procédure civile que le rapport du technicien, s'il est choisi par les parties dans le cadre des articles 1547 et suivants, c'est à dire d'un commun accord par les parties qui déterminent ensemble sa mission, a valeur de rapport d'expertise judiciaire.
En l'espèce, M. [P], expert en bâtiment, est intervenu à la seule demande des époux [I] qui l'ont rémunéné ; quand bien même les opérations d' expertise ont eu lieu en présence des deux parties, et que le rapport est soumis à la discussion dans le cadre des débats contradictoires devant les juridictions, il ne s'agit pas d'une expertise répondant aux prescriptions des textes précités ; il n'a pas la valeur probante d'une expertise judiciaire.
Il peut cependant valoir preuve s'il est corroboré par d'autres éléments.
Dans son rapport de visite technique, M. [P] a constaté que le mur pignon de la maison de M. [H] et Mme [Y] est appuyé sur la gouttière de la maison des époux [I] ; il indique qu'il s'agit d'un tassement différentiel de l'angle Sud-Ouest du mur pignon et de la façade de la maison de M. [H] et Mme [Y] ; selon lui, l'affaissement de l'assise de ces deux murs résulte « probablement » d'infiltrations permanentes d'eau de ruissellement dans le sol ; il relève que l'étanchéité de la descente d'eau pluviale de la maison encastrée dans le mur perpendiculaire à la façade n'est « probablement » pas assurée et que l'étanchéité de l'ancienne fosse à lisier, encastrée au pied de ce mur pignon et de la façade, n'est « probablement » pas garantie.
Il préconise, pour faire cesser ce basculement du mur pignon qui rapidement écrasera la gouttière de la maison [I] et, à terme, pour éviter un effondrement de l'angle des deux murs, dans une premier temps la déconstruction du mur perpendiculaire à la façade de la maison de M. [H] et Mme [Y] pour permettre un accès à l'angle Sud-Ouest de leur maison, et, dans un second temps, la reprise en sous-oeuvre de l'assises de ces deux murs après une étude de sol et l'intervention d'un bureau d'étude structure.
Le procès-verbal de constat d'huissier de justice qui date du 3 mars 2017 se contente de constater que le chéneau de la maison [I] touche le mur des voisins et que le chéneau de la maison de M. [H] et Mme [Y] dispose d'un tuyau de descente qui est percé.
Ces éléments sont également étayés par différentes photographies des lieux difficiles à dater alors qu'il s'agit de désordres évolutifs.
La cour considère que, si l'existence du désordre est suffisamment prouvée, les pièces versées par les époux [I] ne permettent pas de caractériser l'évolution de l'affaissement constaté ni les risques pour la maison voisine, les travaux pour faire cesser le trouble subi par les époux [I] et pour évaluer leur préjudice.
Dès lors, la cour, infirmant le jugement, ordonne d'office une mesure d'expertise afin de vérifier l'existence d'un affaissement de la maison de M. [H] et Mme [Y] à l'origine de l'écrasement du chéneau des époux [I], son origine et les travaux propres à y remédier.
Le coût de l'expertise se fera aux frais aux frais de M. [H] et Mme [Y], bénéficiaires de l'aide juridictionnelle totale.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique :
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties le 24 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Vesoul ;
Statuant à nouveau par arrêt avant dire droit :
Sursoit à statuer sur l'ensemble des demandes de M. [U] [H] et Mme [G] [Y] et de M. [N] [I] et Mme [X] [J] et les dépens ;
Ordonne une expertise ;
Commet pour y procéder M. [E] [D], inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel de Besançon, demeurant à [Adresse 1] [Localité 4], avec faculté de s'adjoindre, en cas de nécessité, tout spécialiste de son choix mais dans une spécialité autre que la sienne, de se faire communiquer tous renseignements utiles à charge d'en indiquer la source, et d'entendre tout sachant sauf à préciser son identité et, s'il y a lieu, son lien de parenté, d'alliance, de subordination ou de communauté d'intérêt avec les parties et avec mission de :
- 1°/ se rendre sur les lieux situé [Adresse 5] [Localité 10], après y avoir convoqué les parties ;
- 2°/ s'assurer, à chaque réunion d'expertise, de la communication aux parties des pièces qui lui sont remises, dans un délai permettant leur étude, conformément au principe de la contradiction ;
- 3°/ examiner l'écrasement du chéneau appartenant aux époux [I] par la toiture de la maison de M. [H] et Mme [Y] et l' affaissement allégué de la maison de ces derniers ; décrire ces constatations, en indiquer la nature, l'importance, l'évolution, la date d'apparition ; donner tous les éléments motivés sur leurs causes et origines ;
- 4°/ évaluer les risques d'évolution à court, moyen et long terme et les risques pour chacune des maisons ;
- 5°/ préconiser les travaux pour faire cesser les désordres subis par la maison des époux [I], leur délai de réalisation et leur coût ;
- 6°/ évaluer le préjudice des époux [I] ;
- 7°/ faire toutes observations utiles au règlement du litige.
Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport ; dit que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert ;
Dit que l'expert devra communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif, conformément aux dispositions de l'article 276 du code de procédure civile ;
Dit qu'il sera procédé aux opérations d'expertise en présence des parties ou celles-ci convoquées selon les modalités fixées par l'article 160 du code de procédure civile, et leurs conseils avisés ;
Dit que l'expert devra entendre les parties en leurs observations, ainsi que, le cas échéant, consigner leurs dires et y répondre dans son rapport ;
Fixe au 30 juin 2025 la date de dépôt du rapport d'expertise au greffe de la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), date de rigueur, sauf prorogation qui serait accordée sur rapport de l'expert à cet effet ;
Dit que l'expert indiquera sur la page de garde de son rapport le numéro du rôle de l'affaire ;
Dit qu'en cas de refus de sa mission par l'expert, d'empêchement ou de retard injustifié, il sera pourvu d'office à son remplacement ;
Désigne le conseiller de la mise en état de la première chambre civile et commerciale pour contrôler l'exécution de l'expertise ou, en son absence, tout autre magistrat de la composition ;
Dit que l'expertise se fera aux frais avancés par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle dont son bénéficiaires M. [H] et Mme [Y], ce qui les dispense de consignation ;
Dit qu'à l'issue de la première réunion d'expertise, l'expert devra communiquer aux parties et au conseiller chargé du contrôle de l'expertise un état prévisionnel de ses frais et honoraires ;
Dit n'y avoir lieu à liquidation des dépens à ce stade de la procédure.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,