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03/09/2024 | FRANCE | N°23/00153

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 03 septembre 2024, 23/00153


Le copies exécutoires et conformes délivrées à

PM/FA











REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Minute n°

N° de rôle : N° RG 23/00153 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ETBI





COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale



ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2024





Décision déférée à la Cour : jugement du 13 décembre 2022 - RG N°21/00087 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON

Code affaire : 28A - Demande en partage

, ou contestations relatives au partage





COMPOSITION DE LA COUR :



M. Michel WACHTER, Président de chambre.



Madame Bénédicte MANTEAUX et Philippe MAUREL, Conseillers.



Greffier : Mme...

Le copies exécutoires et conformes délivrées à

PM/FA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Minute n°

N° de rôle : N° RG 23/00153 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ETBI

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2024

Décision déférée à la Cour : jugement du 13 décembre 2022 - RG N°21/00087 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON

Code affaire : 28A - Demande en partage, ou contestations relatives au partage

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Michel WACHTER, Président de chambre.

Madame Bénédicte MANTEAUX et Philippe MAUREL, Conseillers.

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

L'affaire a été examinée en audience publique du 28 mai 2024 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, Madame Bénédicte MANTEAUX et Philippe MAUREL, conseillers et assistés de Mme Fabienne ARNOUX, greffier.

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

L'affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [H] [L]

né le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 10], de nationalité française,

demeurant [Adresse 8]

Représenté par Me Nathalie ROTA de la SELARL NATHALIE ROTA, avocat au barreau de BESANCON

ET :

INTIMÉS

Madame [Z] [L]

née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 13], de nationalité française,

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Vincent BRAILLARD de la SELARL JURIDIL, avocat au barreau de BESANCON

Monsieur [Y] [K]

né le [Date naissance 7] 1985 à [Localité 12], de nationalité française,

demeurant [Adresse 6]

Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 24 mars 2023

ARRÊT :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.

*************

EXPOSE DU LITIGE

M. [H] [L] né le [Date naissance 3] 1936 est décédé le [Date décès 5] 2018. Sa veuve, Mme [S] [L] est décédée quatre jours plus tard, le [Date décès 9] 2018. Les deux époux ont laissé à leur succession deux héritiers, «'ab intestat'», c'est-à-dire leurs deux enfants':

[H] né le [Date naissance 4] 1958

[Z] née le [Date naissance 2] 1962.

La cadette de la fratrie est la mère de trois enfants parmi lesquels figure [Y] [K], né le [Date naissance 7] 1985, et désigné comme légataire universel de la quotité disponible des biens composant le patrimoine héréditaire de sa grand-mère maternelle.

L'actif successoral se compose de liquidités, évaluées à la somme de 56'658,73 € à la date du 30 août 2019, d'un capital d'assurance-vie d'un montant de 30'238,80 €, partageable entre les deux héritiers directs du couple défunt, d'un immeuble situé à [Localité 12] évalué à la somme de 660'000 € et enfin de parcelles en nature de taillis pour une valeur de 1000 €.

Me [U] [M], notaire associé à [Localité 10], a été chargé du règlement de la succession. Dans le cadre de sa mission, celui-ci a pu établir que les deux héritiers «'ab intestat'» avaient été gratifiés de dons manuels rapportables à la succession au cours des années 1984 et 1985 pouvant être évalués dans un éventail de 80'000 € à 100'000 €. Un accord est intervenu entre les parties, régularisé par acte notarié en date du 12 avril 2019, d'après lequel, de première part, M. [H] [L] s'engageait à verser à sa s'ur [Z] la somme de 10'000 € pour solde de tout compte s'agissant des donations rapportables intervenues dans le passé, et de deuxième part, ceux-ci consentaient à procéder à la vente de la maison sise à [Localité 12] moyennant un prix de 660'000 € en faisant, concomitamment, leur affaire personnelle d'une procédure en résiliation du bail commercial affectant les locaux.

M. [H] [L] a souhaité acquérir l'immeuble compris dans l'actif de l'indivision successorale en s'acquittant de la moitié du prix convenu. Toutefois, sa s'ur a subordonné son accord au paiement d'une indemnité complémentaire à celle déjà stipulée dans l'accord transactionnel. Elle sollicitait ainsi que le co-indivisaire soit tenu de lui payer la somme de 49'500 €, au lieu des 10'000€ originairement convenus, somme finalement ramenée à 20'000 €. Compte tenu de ces difficultés, la vente de l'immeuble n'a pu être régularisée selon les modalités précédemment fixées.

Suivant acte d'huissier en date du 8 décembre 2020, M. [H] [L] a fait assigner Mme [Z] [L] et M. [Y] [K], en sa qualité de légataire universel, devant le tribunal judiciaire de Besançon aux fins d'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions respectives de leurs deux parents et grands-parents, et de la communauté ayant existé entre eux.

Suivant jugement en date du 13 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Besançon a :

Ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions des époux [L] et de la communauté ayant existé entre eux et désigné conjointement en qualité de notaires liquidateurs Me [U] [M] et Me [V] [J].

Rejeté la demande d'expertise judiciaire aux fins d'évaluation du bien immobilier indivis.

Fixé la créance de M. [H] [L] au passif des successions à la somme de 11'876,59 € au titre des frais exposés pour la conservation des biens indivis.

Fixé la créance de M. [H] [L] à la somme de 8 200 € correspondant au coût de désencombrement de l'immeuble de [Localité 12].

Ordonné le rapport à succession de diverses sommes précédemment encaissées par M. [H] [L].

Suivant déclaration en date du 3 février 2023, formalisée par voie électronique, M. [H] [L] a interjeté appel du jugement rendu. Dans le dernier état de ses écritures, en date du 9 avril 2024, il sollicite l'infirmation partielle de la décision et invite la cour à statuer dans le sens suivant :

Ordonner une expertise à l'effet d'évaluer l'ensemble des biens immobiliers et mobiliers dépendant des successions des époux défunts.

Fixer la créance du concluant au passif de la succession de son père à la somme de 343 813,73 €.

Fixer la créance du concluant au passif de la succession de sa mère à la somme de 12'796,59 €.

Condamner Mme [Z] [L] à payer au concluant la somme de 10'748,37 € à titre de dommages et intérêts.

Condamner Mme [Z] [L] à payer au concluant la somme de 3000 € au titre de ces frais de procédure.

À l'appui de ses prétentions, il fait valoir les moyens et arguments suivants :

Le tribunal a écarté des frais correspondant à la prestation rendue par un expert-comptable pour procéder aux déclarations fiscales pour le calcul de l'impôt sur le revenu dont étaient redevables les défunts, exigées dans le cadre du règlement de la succession, soit la somme de 320 € alors même que la dépense en question a été rendue nécessaire pour la sauvegarde des intérêts de l'indivision successorale.

Les frais de désencombrement de l'immeuble étaient nécessaires à sa mise en vente si bien que la somme de 1 566,87 €, contestée par l'intimée, doit être regardée comme une charge de l'indivision.

La somme de 1 512 € participe également des charges de l'universalité puisqu'elle correspond au coût d'abattage de trois arbres implantés dans le jardin de la maison dont les branches obstruaient le champ de visibilité des panneaux de signalisation routière disposés sur la voie publique et menaçaient également la solidité du gros-'uvre du bâtiment.

Le changement de serrure était l'une des conditions mises par l'assureur pour accorder le bénéfice de sa garantie si bien que la somme de 4 510 € incombe également aux indivisaires.

La somme de 358 813,73 € lui est due par la succession dans la mesure où il a acquis un immeuble situé à [Localité 11] (25) dont il a rétrocédé, à titre gratuit, l'usufruit à son propre père. Celui-ci a entrepris des travaux de rénovation en vue de l'exploitation de chambres d'hôtes, sans jamais en aviser le concluant, projet qu'il a finalement interrompu pour affecter le local à usage d'entrepôt de biens mobiliers de toutes sortes destinés à la vente dans le cadre de son activité de brocanteur. Au décès de son père, il a dû procéder à l'enlèvement du stock entreposé dans les lieux, lequel a nécessité pas moins de 20 camions. Au surplus, les locaux sont inutilisables du fait des transformations opérées et demeurent inachevés. Le coût de terminaison des ouvrages correspond à la somme qu'il réclame, étant précisé que l'importance de la créance réclamée est due aux coûts de réhabilitation d'un immeuble édifié sur un site historique protégé.

Alors même qu'il envisageait d'acquérir la part indivise de l'immeuble dévolue à sa s'ur, sans porter atteinte aux conditions préalablement définies pour la vente, celle-ci s'y est opposée. Les frais qu'il avait engagés notamment pour la consultation d'architectes, l'ont été en pure perte du fait de l'obstruction de l'intimée. Son comportement revêt donc un caractère fautif donnant prise à sa condamnation à réparer le préjudice subi par le concluant à hauteur de la somme de 10'748,35 €.

* * *

En réponse, Mme [Z] [L] conclut au débouté des prétentions de l'appelant et à la confirmation pure et simple du jugement attaqué. Aux termes de ses ultimes conclusions à portée récapitulative en date du 10 juillet 2023, elle se porte néanmoins appelante incidente sur deux points, à savoir :

La fixation de la créance de l'appelant au passif de l'indivision successorale à hauteur de la somme de 4 288,72 €.

La fixation de la créance de l'appelant au passif de l'indivision successorale au titre du désencombrement de l'immeuble de [Localité 11] à hauteur de la somme de 8 200 €.

Reconventionnellement encore, elle sollicite la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 6 000 € en compensation des frais irréductibles exposés.

Elle soutient, à cet égard, que :

Seuls les frais de conservation et d'amélioration des biens indivis donnent lieu à indemnisation en tenant compte cependant de l'équité. Or tel n'est pas le cas des frais d'expertise comptable pour l'établissement des liasses fiscales, du coût de désencombrement de l'immeuble alors qu'il avait été convenu que celui-ci serait vendu en l'état, des frais d'abattage d'arbres alors que la commune n'exigeait que l'ébranchage des arbres pour dégager les panneaux de signalisation, ou encore les frais de changement de serrure qui n'apparaissent aucunement utiles.

La maison que l'appelant possède à [Localité 11] n'est aucunement dégradée, étant précisé qu'elle a été acquise pour la somme de 38'000 € et que sa rénovation a été financée par les époux défunts. Au surplus, il n'est aucunement démontré que ce soit leur père qui ait entreposé le mobilier que son frère a pris l'initiative de retirer.

Le requérant ne peut se prévaloir d'un préjudice financier pour les frais engagés avant la vente de l'immeuble dépendant de l'actif successoral puisqu'une telle initiative ne peut être prise par anticipation qu'à ses risques et périls.

* * *

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 7 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

L'appelant sollicite le remboursement de frais exposés pour le compte de l'indivision successorale en application de l'article 815-13 du code civil en vertu duquel l'indivisaire qui s'est acquitté du paiement de dépenses de conservation ou d'amélioration des biens indivis en reçoit compensation à hauteur de la plus-value conférée à ceux-ci au moment du partage, pondérée par des considérations d'équité.

Pour estimer que le montant des frais exposés par l'un des coindivisaires ne pouvait abonder le compte de charges à hauteur d'une somme de 320,00 €, correspondant aux honoraires d'expertise comptable pour l''établissement de la liasse fiscale et des déclarations de revenus des défunts destinées à l'administration des impôts, le premier juge a indiqué qu'il ne pouvait s'agir de dépenses se rapportant à la conservation du patrimoine héréditaire. Toutefois, l'accomplissement de ces formalités étant une obligation légale prévue sous peine de sanctions pécuniaires pouvant grever l'universalité, celles-ci participent des charges visant à sa conservation. En outre, s'agissant d'un commerçant ayant exercé son activité professionnelle en nom personnel, la détermination de l'assiette taxable de l'impôt sur le revenu peut présenter des difficultés dont le traitement échappe à la compétence du contribuable moyen, justifiant ainsi le recours à un professionnel. La somme sus-visée sera donc réintégrée dans les dépenses prises en charge par le co-indivisaire et à inscrire au passif de l'indivision. Le jugement sera, par suite, réformé sur ce point.

L'intimée conteste, dans le cadre de son appel incident, que la succession soit déclarée redevable du montant de certains frais qui ne seraient pas, selon elle, justiciables du vocable de dépenses d'amélioration ou de conservation.

Elle soutient, tout d'abord que le prix acquitté pour débarrasser le local dépendant de l'actif indivis n'était aucunement nécessaire puisqu'il avait été convenu qu'il serait vendu en l'état. Il ne résulte, cependant, d'aucune pièce de la procédure qu'une telle stipulation ait été insérée aux différents actes qui émaillent la gestion de l'indivision. De surcroît, le premier juge a opportunément relevé que les immondices jonchant le sol de l'immeuble constituaient un important facteur de risque de dégradation. Il convient d'ajouter que cette insalubrité est de nature à amoindrir la valeur vénale du bien et nuire ainsi aux intérêts des successibles. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Il est, ensuite, fait grief à l'appelant d'avoir pris l'initiative d'abattre trois arbres de haute futaie complantés dans le jardin de l'immeuble indivis alors que la municipalité n'exigeait qu'un simple ébranchage destiné à dégager la vue d'un panneau de signalisation installé sur la voie publique. Mais, les obligations d'entretien des copropriétaires ne se limitent pas à satisfaire aux injonctions de l'autorité administrative mais concernent, plus généralement, le bon état de conservation des biens composant l'indivision. En l'occurrence, il n'est pas contesté qu'à terme les arbres en question menaçaient la solidité du gros-'uvre de la maison si bien que l'initiative prise par M. [H] [L] n'encourt pas la critique du moyen. Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a répercuté ce poste de dépenses dans la créance du co-indivisaire les ayant assumées, de même que le coût de la tonte de la pelouse du jardin qui ne peut raisonnablement être regardée comme une dépense somptuaire.

Le requérant a fait procéder, à ses frais, à des travaux de sécurisation du clos et du couvert du bâtiment dont l'état dégradé (PV de constat d'huissier en date du 2 mars 2020) exigeait une intervention rapide. La somme payée à ce titre (4 510,00 €) correspond donc à une dette de l'indivision.

Les autres chefs de créance n'étant pas contestés, et aucune demande de réfaction pour cause d'équité n'ayant été formulée, la quotité représentative des frais exposés par le co-indivisaire équivaut donc à la plus-value, ou à tout le moins, à l'absence de toute moins-value affectant les biens indivis. C'est donc la dépense nominale qui sera prise en compte, à défaut de toute autre base de calcul, pour liquider la créance de frais de M. [H] [L]. Celle-ci s'établira donc à la somme réclamée, soit 12 196,59 €.

* * *

M. [H] [L] sollicite que soit mise à la charge de la succession l'indemnité due par le titulaire du droit d'usufruit, et plus précisément son père défunt, à la suite des dégradations affectant l'immeuble dont le concluant est resté nu-propriétaire, indemnité devenue exigible à la date du décès de l'usufruitier. Il évalue son droit à réparation à la somme de 358 813,72 € à inscrire au passif de l'indivision.

Aux termes de l'article 578 du code civil :

«'L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre à la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance.'»

Aux termes de l'article 599 alinéa 2 du même code :

«' L'usufruitier ne peut, à la cessation de l'usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu'il prétendrait avoir faites.'»

Aux termes de l'article 607 du même code :

«'Ni le propriétaire, ni l'usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté.'»

Les propriétaires d'un droit réel démembré sont tenus de réaliser un inventaire des biens dont la jouissance est concédée avant leur entrée en possession. En l'espèce, cette formalité a été omise. L'appelant estime que le palliatif à une telle carence réside dans une présomption de réception des biens par l'usufruitier en bon état d'usage et de conservation, et ce par analogie avec les dispositions de l'article 1731 du code civil applicable dans les rapports entre bailleurs et locataires. Cependant, aucune transposition n'est de mise puisque la règle énoncée à cet article ne procède d'aucun principe général du droit. Il s'ensuit que la présomption d'une remise en bon état d'entretien en l'absence d'inventaire est localisée aux contrats de louage de chose et ne saurait s'étendre aux autres obligations de restitution. Dès lors, en l'absence de référentiel de comparaison précis, la preuve de l'état des biens à l'issue de l'usufruit peut être faite par tous moyens. En vertu de l'article 578 précité, il doit exister un rapport d'équivalence, en nature ou en valeur, entre le bien remis en début d'usufruit et celui restitué à son terme.

En l'occurrence, l'immeuble en question a été acquis, suivant acte authentique en date du 10 mai 2002, moyennant un prix de 38 112,25 €. Ainsi, et nonobstant le principe de la restitution conforme à la remise initiale, l'appelant sollicite un dédommagement pour les dégradations alléguées d'un montant correspondant approximativement à dix fois le prix d'acquisition. En outre, et ainsi que l'a fait justement observer le premier juge, le constat d'huissier établi postérieurement à la consolidation de la nue-propriété et de l'usufruit (PV du 15 juin 2021) fait état de désordres à l'intérieur du local mais dont la nature et l'étendue ne permettent pas d'imputer, de manière univoque, à l'usufruitier leur survenance, étant à cet égard rappelé que la vétusté est exclusive de toute indemnisation (article 607 précité). Il incombait donc au propriétaire d'administrer la preuve que les détériorations constatées étaient imputables à la défaillance de l'usufruitier dans les obligations dérivant des dispositions de l'article 605 du code civil. Enfin, une attestation de valeur immobilière situe la valeur vénale du bien entre 40 000,00 € et 45 000,00 € ce qui met en évidence une plus-value de l'immeuble par rapport à la date de l'acte de vente, étant relevé qu'il ne s'évince pas des pièces de la procédure que cette amélioration ait été contemporaine de la cession en usufruit. Il s'ensuit que M. [H] [L] sera débouté de ses prétentions de ce chef et le jugement corrélativement confirmé sur ce point.

De la même manière, les frais de désencombrement du local, moyennant un coût de 8'200 € est une charge de la succession puisqu'il appartenait à l'usufruitier de restituer l'immeuble dans l'état où il l'a reçu, c'est à dire, en l'espèce, débarrassé de tous les biens meubles dépendant du fonds de commerce. C'est donc à bon droit que le premier juge a reconnu la créance du co-indivisaire sur l'indivision.

* * *

L'appelant a entendu rechercher en responsabilité sa s'ur aux fins d'obtenir réparation du préjudice consécutif aux frais engagés en vue de la réhabilitation de l'immeuble de [Localité 12] dépendant de la succession. Il précise avoir eu l'intention d'acquérir la part revenant à la co-partageante, aux conditions tarifaires originairement prévues, et avoir démarché un cabinet d'architecte pour finaliser le programme de rénovation. Ce sont ces dépenses vainement effectuées qui constituent le préjudice dont il entend obtenir l'indemnisation. Il convient donc de déterminer, au cas présent, la faute de l'intimée, le préjudice indemnisable et le lien de causalité les unissant.

Le premier juge a estimé qu'aucun grief susceptible de revêtir un caractère fautif ne peut être articulée à l'encontre de Mme [Z] [L]. Il est, en effet, reproché à celle-ci de s'être opposée à la régularisation de la vente au profit de son frère alors même que l'accord initial n'était pas relatif à la vente immobilière mais aux donations rapportables. Mais il est acquis aux débats que l'intéressée a refusé de consentir à la vente projetée tant que le montant de l'obligation mise à la charge du co-successible gratifié, et qui s'analyse en une indemnité de rapport, ne serait pas augmenté. Or l'accord souscrit devant notaire le 12 avril 2019 s'analyse en une transaction, au sens des dispositions de l'article 2044 du code civil dans la mesure où son économie est segmentée par des concessions réciproques en vue de terminer ou prévenir un litige et bénéficie, à ce titre, d'une autorité de chose jugée en dernier ressort. La révocation de cet engagement n'est donc concevable que moyennant la preuve d'un vice du consentement. Or en l'espèce, l'intimée ne démontre pas autrement que par une simple allégation, que la compensation pécuniaire mise à la charge du donataire ait été lésionnaire de ses intérêts. Ainsi, en subordonnant son consentement à la vente à une modification de l'équilibre sous-tendant l'accord transactionnel, la défenderesse a commis une faute donnant prise à l'engagement de sa responsabilité.

Il reste cependant à établir que ce manquement est en rapport de causalité avec le préjudice dont se prévaut l'appelant. Il y a lieu, liminairement, de relever qu'il était loisible au co-indivisaire de requérir, dans le cadre des opérations de partage judiciaire, la licitation du bien immobilier non-partageable en nature, dans les termes de l'article 1686 du code civil et de faire jouer son droit de préférence que lui accorde l'article 815-15 du même code, et ce à l'effet de passer outre à la résistance de l'autre copropriétaire indivis. Cette solution subsidiaire à la vente amiable distend donc le lien de causalité entre le fait générateur allégué et le dommage invoqué.

Ensuite, et même si la violation de l'accord transactionnel caractérise un comportement fautif de la part de son auteur, le refus de consentir à la vente n'en est pas pour autant intrinsèquement blâmable puisqu'en l'absence de formalisation d'un avant-contrat, il pouvait discrétionnairement s'opposer à la cession à laquelle il avait antérieurement consenti.

Enfin, la précipitation dont a fait preuve l'intéressé dans l'engagement de frais afférents à l'immeuble sur lequel il était dépourvu d'un droit de propriété exclusif constitue une prise de risque dont il doit seul assumer les conséquences. En l'absence de rapport de cause à effet entre la récalcitrance de Mme [L] et les déconvenues financières de son frère, celui-ci ne peut se voir reconnaître une créance indemnitaire compensatrice du prétendu préjudice financier subi. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la prétention de l'appelant formulée en ce sens.

Enfin, ainsi que l'a indiqué à bon escient le premier juge, la valeur vénale de l'immeuble participant de l'actif successoral a fait l'objet d'un accord primitif pour une somme de 660 000,00 €. En cas d'évolution du marché immobilier, il appartiendra aux notaires liquidateurs d'amender cette première estimation au regard des changements des facteurs locaux de commercialité propres au marché immobilier local, et ce d'autant plus que cette charge peut désormais être dévolue prioritairement au notaire liquidateur (Cass. 1° Civ. 27 mars 2024 n° 22-13.041). Le jugement sera encore confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande d'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire.

L'équité ne commande pas, au cas présent, de faire application des dispositions de l'article 700 CPC. Chaque partie conservera donc la charge de ses frais irrépétibles.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a laissé à la charge de chaque partie les dépens qu'elle a exposés. Il sera fait masse des dépens relatifs à l'instance d'appel, lesquels seront employés en frais privilégiés de comptes, liquidation et partage.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Réforme le jugement déféré en ce qu'il a exclu de la créance de frais de conservation dont l'indivision est redevable envers M. [H] [L] la somme de 320,00 € correspondant aux honoraires de l'expert-comptable en charge de l'établissement de la déclaration d'impôts sur les revenus des défunts ;

Statuant à nouveau :

Dit que la somme de 320,00 € participe des frais recouvrables par l'indivisaire qui les a exposés, c'est à dire de M. [H] [L] et doit être mise au passif de l'indivision successorale ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit qu'il sera fait masse des dépens de l'instance d'appel qui seront employés en frais privilégiés d'opérations de compte, liquidation et partage.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au

délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/00153
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;23.00153 ?
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