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22/08/2024 | FRANCE | N°23/00079

France | France, Cour d'appel de Besançon, Premier président, 22 août 2024, 23/00079


COUR D'APPEL DE BESANÇON

[Adresse 1]

[Localité 3]

Le premier président



ORDONNANCE N° 24/

DU 22 AOUT 2024





ORDONNANCE





N° de rôle : N° RG 23/00079 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EW2T

Code affaire : 96 E - Demande d'indemnisation à raison d'une détention provisoire





L'affaire, plaidée à l'audience publique du 04 juillet 2024, au Palais de justice de Besançon, devant Monsieur Philippe MAUREL, conseiller délégataire de Madame la première présidente, assisté de Monsieur X

avier DEVAUX, directeur de greffe, a été mise en délibéré au 22 août 2024. Les parties ont été avisées qu'à cette date, l'ordonnance serait rendue par mise à dis...

COUR D'APPEL DE BESANÇON

[Adresse 1]

[Localité 3]

Le premier président

ORDONNANCE N° 24/

DU 22 AOUT 2024

ORDONNANCE

N° de rôle : N° RG 23/00079 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EW2T

Code affaire : 96 E - Demande d'indemnisation à raison d'une détention provisoire

L'affaire, plaidée à l'audience publique du 04 juillet 2024, au Palais de justice de Besançon, devant Monsieur Philippe MAUREL, conseiller délégataire de Madame la première présidente, assisté de Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe, a été mise en délibéré au 22 août 2024. Les parties ont été avisées qu'à cette date, l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe.

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [Z] [R]

né le [Date naissance 4] 1992 à [Localité 8]

demeurant [Adresse 2] - [Localité 6]

DEMANDEUR

Représenté par Me Guillaume ROYER, avocat au barreau de NANCY, substitué à l'audience par Me Christelle BONNOT, avocat au barreau de MONTBELIARD

ET :

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT, [Adresse 5] - [Localité 7]

DEFENDEUR

Représenté par Me Séverine WERTHE, avocat au barreau de BESANCON

En présence de Monsieur Jean-François PARIETTI, avocat général

**************

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [Z] [R], né le [Date naissance 4] 1992 à [Localité 8], de nationalité française a été mis en examen des chefs de violence commise entre le 21 et le 22 février 2019 ayant entrainé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours sur la personne de [P] [Y] avec préméditation ou avec guet-apens, en réunion et avec usage ou menace d'armes.

Il a été placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention du 25 février 2019 au 15 octobre 2019 soit 7 mois et 20 jours date à laquelle il a été placé sous contrôle judiciaire (tel qu'il résulte du jugement du tribunal correctionnel de Belfort du 3 mai 2023)

Par jugement en date du 3 mai 2023, le tribunal correctionnel de Belfort a prononcé une peine d'emprisonnement délictuel de quatre ans, dont un an avec sursis probatoire de deux ans pour les faits précédemment cités et mandat de dépôt à l'audience.

Monsieur [Z] [R] a interjeté appel de cette décision le 5 mai 2023.

Par un arrêt du 9 août 2023, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Besançon a infirmé le jugement rendu le 3 mai 2023 par le tribunal correctionnel de Belfort et a relaxé Monsieur [Z] [R].

Il résulte de ces éléments que [Z] [R] a été détenu du 3 mai 2023 au 9 août 2023 soit durant 3 mois et 6 jours.

Par requête réceptionnée le 29 novembre 2023, Monsieur [Z] [R] a sollicité l'indemnisation des préjudices découlant de la détention provisoire injustifiée et a demandé 21.800,00 euros en réparation de son préjudice moral.

Après instruction du dossier, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 4 juillet 2024 date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré à ce jour.

Par conclusions reçues le 5 mars 2024, l'agent judiciaire de l'État (ci-après AJE) propose de déclarer recevable la requête de Monsieur [Z] [R], et de limiter la réparation au titre du préjudice moral à la somme de 18.000,00 euros. L'AJE fixe la durée de la détention provisoire injustifiée à 314 jours au motif que Monsieur [Z] [R] a durant sa détention provisoire exécuté une peine de 2 mois d'emprisonnement du 30 septembre au 13 novembre 2019 (remise de peine inclue)

Par conclusions reçues le 8 mars 2024, le procureur général propose de limiter la réparation au titre du préjudice moral à la somme de 18. 000,00 euros.

A l'appui de sa demande, Monsieur [Z] [R] fait valoir qu'il a toujours déclaré être innocent, niant son implication dans les faits à l'origine de son placement en détention provisoire. Il rajoute avoir subi un préjudice découlant du seul fait d'être privé de sa liberté de mouvement. Enfin, il dit avoir été victime d'un choc carcéral et avoir particulièrement mal vécu son incarcération injustifiée durant laquelle il aurait été victime de violences physiques et verbales de la part des autres détenus.

Pour un plus ample exposé des faits et moyens, il convient de se référer aux écritures des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la requête

L'article 149 du code de procédure pénale dispose que :

« Sans préjudice de l'application des dispositions des articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l'organisation judiciaire, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Toutefois, aucune réparation n'est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou la prescription de l'action publique intervenue après la libération de la personne, lorsque la personne était dans le même temps détenue pour une autre cause, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites. A la demande de l'intéressé, le préjudice est évalué par expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156 et suivants. 

Lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement lui est notifiée, la personne est avisée de son droit de demander réparation, ainsi que des dispositions des articles 149-1 à 149-3 (premier alinéa). »

L'article 149-2 du même code dispose en son premier alinéa que :

« Le premier président de la cour d'appel, saisi par voie de requête dans le délai de six mois de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, statue par une décision motivée. »

En l'espèce, la cour d'appel de Besançon a rendu son arrêt de relaxe le 9 aout 2023.

Il ressort du certificat de non-pourvoi versé au dossier que cette décision est devenue définitive à l'égard de Monsieur [Z].

La requête de Monsieur [Z] [R] a été déposée le 29 novembre 2023, soit dans le délai imparti de six mois.

Par conséquent, la requête de Monsieur [Z] [R] est jugée recevable.

Sur la durée de la détention provisoire indemnisable

L'article 149 du code de procédure pénale précise que « (') la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe où d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

Toutefois, aucune réparation n'est due (') lorsque la personne était dans le même temps, détenue pour autre cause. ('). »

Il n'est pas contesté que monsieur [R] a été placé en détention provisoire du 25 février 2019 au 15 octobre 2019 puis qu'il a subi une détention dans le même dossier du 3 mai au 9 août 2023.

S'il figure bien au casier judiciaire de Monsieur [Z] [R] une condamnation dans le cadre d'une procédure sur CRPC en date du 30 septembre 2019 à deux mois d'emprisonnement il n'est pas porté mention de l'exécution de cette peine. Par ailleurs les fiches pénales produites ne permettent pas de vérifier l'exécution de cette peine. En conséquence il ne peut être considéré que Monsieur [Z] [R] a bien purgé cette peine durant la période de détention provisoire.

Ainsi il convient de déclarer que Monsieur [Z] [R] a subi une détention injustifiée pour une durée de10 mois 26 jours

Sur l'indemnisation du préjudice moral

la mesure privative de liberté a nécessairement causé un préjudice moral, qui doit être indemnisé en fonction notamment, de la durée de la détention, de ses conditions particulières, de sa répercussion sur l'état de santé physique et psychique de l'intéressé, de la personnalité et de la situation familiale de celui-ci.

En l'espèce le bulletin n°1 du casier judiciaire de Monsieur [Z] [R] porte, à la date de la première incarcération du fait de la détention provisoire, mention de 5 condamnations dont aucune pour de l'emprisonnement ferme puis de 5 autres condamnations entre 2019 et 2023 dont 3 condamnations exécutées à de l'emprisonnement ferme (la condamnation n°10 ayant été exécutée sous la forme d'une détention sous surveillance électronique)

Ainsi à la date du 25 février 2019 Monsieur [Z] [R] n'avait jamais été incarcéré.

Sur les conditions de la détention Monsieur [Z] [R] déclare avoir été victime de violences physiques et verbales de la part de ses autres détenus au sein de la maison d'arrêt de [Localité 9] le 1er juin 2019. Si l'AJE reconnait le principe d'un indicent il fait valoir que celui-ci doit être relativisé par la nature réciproque de l'échange de coups.

Le rapport d'incident évoqué par l'AJE n'est toutefois pas produit toutefois Monsieur [Z] [R] ne conteste pas les éléments allégués par l'AJE ;

en conséquence si Monsieur [Z] [R] a bien subi des violences physiques il y a lieu compte tenu des circonstances de relativiser l'impact sur le montant de l'indemnisation à allouer .

Enfin, Monsieur [Z] [R] ne justifie d'aucune conséquence particulière de la détention provisoire sur le plan personnel ou familial.

Au regard des éléments précités, et de la durée de détention provisoire (10 mois 26 jours), il convient donc de fixer l'indemnisation du préjudice moral subi par Monsieur [Z] [R] à la somme de 21.000,00 euros, qui sera mise à la charge de l'état.

PAR CES MOTIFS

La première présidente de la cour d'appel de Besançon statuant par décision contradictoire, par mise à disposition :

FIXE le préjudice moral subi par Monsieur [Z] [R] à la somme de 21.000,00 euros ;

CONDAMNE l'agent judiciaire de l'Etat au paiement de cette somme ;

CONDAMNE l'Etat aux entiers dépens de l'instance ;

LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Premier président
Numéro d'arrêt : 23/00079
Date de la décision : 22/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-22;23.00079 ?
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