Le copies exécutoires et conformes délivrées à
MW/FA
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Minute n°
N° de rôle : N° RG 23/01638 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EWEF
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 13 AOUT 2024
Décision déférée à la Cour :
- arrêt du 06 juillet 2023 de la Cour de Cassation
- arrêt du 16 novembre 2021 de la cour d'appel de Besançon
- jugement du 03 octobre 2019 du tribunal de grande instance de Belfort
Code affaire : 64A - Demande en réparation des dommages causés par une nuisance de l'environnement
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Michel WACHTER, Président de chambre.
Mme Anne-Sophie WILLM et Philippe MAUREL, Conseillers.
Greffier : Mme Leila ZAIT, Greffier, lors des débats et Mme Fabienne ARNOUX lors du prononcé de la décision.
DEBATS :
L'affaire a été examinée en audience publique du 14 mai 2024 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, Mme Anne-Sophie WILLM et Philippe MAUREL, conseillers et assistés de Mme Leila ZAIT, greffier.
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS
Monsieur [Y] [O]
né le [Date naissance 4] 1967 à [Localité 8], de nationalité française,
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Vincent BRAILLARD de la SELARL JURIDIL, avocat au barreau de BESANCON
Madame [T] [J] épouse [O]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7], de nationalité française,
demeurant [Adresse 5]
Représentée par Me Vincent BRAILLARD de la SELARL JURIDIL, avocat au barreau de BESANCON
ET :
INTIMÉS
Monsieur [B] [G]
né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 10]' de nationalité française,
demeurant [Adresse 9] / FRANCE
Représenté par Me Isabelle TOURNIER de la SCP CODA, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
Représentée par Me Richard BELIN, avocat au barreau de BELFORT, avocat plaidant
Madame [F] [G] épouse [U]
de nationalité française, demeurant [Adresse 3]
Défaillante, à qui la déclaration de saisine a été signifiée le 24 novembre 2023.
ARRÊT :
- Défaut
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.
*************
M. [Y] [O] et son épouse, née [T] [J], sont propriétaires d'un bien immobilier situé [Adresse 5] à [Localité 6] (90).
M. [B] [G] et Mme [F] [G], épouse [U], sont respectivement nus-propriétaires et usufruitiers du bien immobilier voisin situé au [Adresse 9] de la même rue.
Par exploit du 12 juin 2018, invoquant la propagation sur leur propre fonds de pousses de bambou venant de la propriété voisine, les époux [O] ont fait assigner les consorts [G] devant le tribunal de grande instance de Belfort aux fins de condamnation, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, à prendre sous astreinte des mesures propres à neutraliser la pousse des bambous sur leur fonds, à prendre en charge le coût de la remise en état d'équipements dégradés ainsi qu'à leur payer des dommages et intérêts.
M. [G] a contesté la réalité des troubles anormaux de voisinage invoqués.
Par jugement rendu le 3 octobre 2019 en l'absence de comparution de Mme [F] [G], épouse [U], le tribunal a :
- déclaré le présent jugement commun à Mme [F] [G] épouse [U] ;
- débouté M. [Y] [O] et Mme [T] [J] épouse [O], de leurs entières demandes relatives à la réalisation sous astreinte de certains actes concernant la pousse de bambous et la remise en état d'installations, ainsi que de leurs demandes accessoires d'information préalable et indemnitaires, formées à l'encontre de M. [B] [G] ;
- condamné in solídum M. [Y] [O] et Mme [T] [J] épouse [O], à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1500 euros à M. [B] [G] ;
- condamné M. [Y] [O] et Mme [T] [J] épouse [O] in solídum aux dépens.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :
- qu'il résultait des données de la cause que les quelques pousses de bambous ayant pu se développer sur le terrain des époux [O] étaient l'effet d'une dissémination naturelle, propre à tous végétaux qui, de surcroît, aurait pu mieux être empêchée si M. [O] avait accepté de contresigner le protocole d'accord par lequel M. [G] s'était engagé, moyennant l'accord de M. [O], à venir couper les rhizomes et les éradiquer ;
- que, quoi qu'il en soit, les constats, clichés ainsi que l'attestation de locataires ayant occupé la propriété [O] entre 2006 et 2016, ne permettaient pas d'établir l'existence de nuisances excédant les inconvénients normaux de voisinage, qu'aucune prolifération de végétaux impossible à contenir, aucune dégradation du socle de l'abri de jardin ou de la cabane n'étaient caractérisées ; que de même, s'agissant de la clôture de séparation des héritages, rien ne permettait, pas même les impressions de l'huissier de justice, d'attribuer son affaissement au fait des défendeurs ;
- qu'en conséquence de l'insuffisance de preuves de nuisances excédant les inconvénients normaux de voisinage et de faits dommageables de l'homme, les demandeurs devaient être déboutés de leurs entières demandes.
Les époux [O] ont relevé appel de cette décision le 28 novembre 2019.
Par arrêt du 16 novembre 2021, la cour d'appel de Besançon a déclaré irrecevable la demande de condamnation pécuniaire formée par les époux [O] à l'encontre de Mme [F] [G], a déclaré la même demande recevable en tant qu'elle était formée à l'encontre de M. [B] [G], et a confirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré, en retenant que le trouble anormal du voisinage n'était pas établi en l'état des seules pièces communiquées aux débats, savoir quelques photographies non datées de manière incontestable et un constat d'huissier dressé le 22 septembre 2017.
Par arrêt du 6 juillet 2023, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt du 16 novembre 2021, remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Besançon autrement composée, au motif qu'en statuant comme elle l'avait fait, sans répondre aux conclusions par lesquelles les époux [O] invoquaient expressément de nouvelles attestations relatives à la dégradation de dalles de jardin et un procès-verbal de constat d'huissier de justice dressé le 3 septembre 2020, décrivant la présence de pousses de bambous allant jusqu'à 50 centimètres de hauteur pour établir le caractère anormal du trouble reproché aux consorts [G], la cour n'avait pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Les époux [O] ont saisi la cour de renvoi le 8 novembre 2023.
Par conclusions n°2 notifiées le 17 avril 2024, les époux [O] demandent à la cour :
Vu l'article 544 du code civil,
Vu l'article 651 du code civil,
Vu les articles 1240 et 1241 du code civil,
- d'infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a été déclaré commun à Mme [F] [G] épouse [U] ;
Statuant à nouveau,
- de dire et juger que la présence sur la propriété de M. [Y] [O] et Mme [T] [J] épouse [O] de rhizomes donnant naissance à de nombreuses jeunes pousses, pointues et rigides, constitue un trouble anormal du voisinage et une atteinte au droit de propriété ;
En conséquence,
- de condamner solidairement Mme [F] [G] épouse [U] et M. [B] [G] à payer à M. [Y] [O] et Mme [T] [J] épouse [O], la somme de 66 978,26 euros, réactualisée à la date du 9 février 2024 au vu de l'augmentation des prix des matières premières, correspondant aux travaux nécessaires pour neutraliser définitivement la pousse des bambous sur leur propriété ;
- de condamner solidairement Mme [F] [G] épouse [U] et M. [B] [G] à prendre en charge le coût de remise en état du socle de l'abri de jardin et de la cabane, sous peine d'une astreinte de 30 euros par jour de retard, passé le délai de deux mois après la signification de l'arrêt à intervenir ;
- d'enjoindre à Mme [F] [G] épouse [U] et M. [B] [G], préalablement auxdits travaux, de communiquer à M. [Y] [O] et Mme [T] [J] épouse [O], les devis, descriptifs, préconisations ou avis techniques qui seront mis en 'uvre pour leur réalisation, selon un calendrier d'exécution précis, pour la remise en état du socle de l'abri de jardin et de la cabane ;
- de condamner solidairement Mme [F] [G] épouse [U] et M. [B] [G] au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts, au profit de M. [Y] [O] et Mme [T] [J] épouse [O], en indemnisation des troubles qu'ils subissent depuis 13 années ;
- de condamner solidairement Mme [F] [G] épouse [U] et M. [B] [G] à payer à M. [Y] [O] et Mme [T] [J] épouse [O], la somme de 5 000 euros conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de les condamner solidairement aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées le 20 février 2024, M. [B] [G] demande à la cour :
- de confirmer en tous points le jugement déféré ;
- y ajoutant, de condamner les époux [Y] [O] et [T] [J] épouse [O] in solidum à payer à M. [B] [G] une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour ; ainsi qu'aux entiers dépens d'appel qui seront directement recouvrés par Maître Isabelle Tournier, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Les époux [O] ont fait signifier leur acte de saisine de la cour de renvoi à Mme [F] [G], épouse [U], par acte du 24 novembre 2023 remis selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile. Ils lui ont fait signifier leurs conclusions par acte du 12 janvier 2024 remis selon les mêmes modalités.
Mme [F] [G], épouse [U], n'a pas constitué avocat.
Il sera statué par arrêt de défaut.
La clôture de la procédure a été prononcée le 23 avril 2024.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
Sur ce, la cour,
A titre liminaire, il sera relevé que si M. [B] [G] soulève dans les motifs de ses dernières conclusions une irrecevabilité de demande nouvelle, il ne formule cependant aucune demande d'irrecevabilité dans le dispositif de ces mêmes écritures, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code civil.
L'article 544 du code civil dispose que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
L'article 651 du même code énonce que la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l'un à l'égard de l'autre, indépendamment de toute convention.
Il résulte de ces textes que le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue est limité par l'obligation qu'il a de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les invonvénients normaux du voisinage.
En l'espèce, il est constant que le fonds [G] a comporté une plantation de bambous, aujourd'hui supprimée, dont les rhizomes se sont étendus sur le fonds voisin, où ils sont à l'origine de rejets.
Les pièces produites aux débats par les époux [O], notamment le procès-verbal de constat d'huissier du 3 septembre 2020, ainsi que les attestations de locataires en date du 20 décembre 2023, si elles corroborent les pièces déjà précédemment versées, et établissent sans conteste la présence récurrente de pousses de bambous sur les fonds des appelants, ne permettent cependant pas d'établir que ce trouble excède par sa gravité ceux qui peuvent normalement résulter d'une situation de voisinage, au rang desquels figurent les rejets végétaux entre jardins contigus.
D'une part en effet, ces pièces ne permettent pas de confirmer l'allégation selon laquelle les pousses litigieuses soient à l'origine d'une dégradation de dalles ou d'un socle de cabane de jardin. Ainsi, le procès-verbal de constat du 3 septembre 2020 ne fait état que du fait que des pousses apparaissent entre le muret séparatif des deux maisons jumelées et la dalle de béton supportant un abri de jardin, sans qu'il soit fait état d'une quelconque dégradation subie par l'un ou l'autre de ces ouvrages. Seul M. [X] [K] mentionne dans son attestation que des dalles de son cabanon de jardin avaient cassé, cette indication n'étant toutefois corroborée par aucun autre élément, en particulier par aucune des attestations des témoins dont la qualité de locataire est établie par la production des contrats de bail.
D'autre part, s'il ressort de ces mêmes éléments que les pousses ne peuvent être efficacement contenues qu'au prix d'une tonte régulière, cette contrainte ne saurait s'analyser comme présentant un caractère anormal, alors qu'elle correspond à une contingence que l'entretien normal d'une surface de jardin en herbe impose en tout état de cause à tout propriétaire ou locataire normalement soucieux du fonds qui lui appartient ou dont il a la jouissance.
Enfin, il ne saurait être tiré aucune conclusion particulière des extraits de sites internet relatifs à l'éradication des bambous traçants, s'agissant de publications généralistes étrangères au cas d'espèce.
Ainsi, en l'absence de démonstration du caractère anormal du trouble de voisinage subi, le jugement déféré devra être confirmé, et l'intégralité des demandes des époux [O] rejetée.
Les appelants seront condamnés aux dépens des procédures d'appel, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
Statuant par défaut, après débats en audience publique,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Belfort ;
Rejette en conséquence l'ensemble des demandes formées par M. [Y] [O] et son épouse, née [T] [J], à l'encontre de M. [B] [G] et de Mme [F] [G], épouse [U] ;
Condamne M. [Y] [O] et son épouse, née [T] [J], aux dépens des deux procédures d'appel, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne M. [Y] [O] et son épouse, née [T] [J], à payer à M. [B] [G] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,