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08/08/2024 | FRANCE | N°24/00009

France | France, Cour d'appel de Besançon, Premier président, 08 août 2024, 24/00009


COUR D'APPEL DE BESANÇON

[Adresse 1]

[Localité 4]

Le Premier Président



ORDONNANCE N° 24/



DU 08 AOUT 2024





ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



N° de rôle : N° RG 24/00009 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EX46

Code affaire : 5D demande relative à l'octroi, l'arrêt ou l'aménagement de l'exécution provisoire





L'affaire, retenue à l'audience du 11 juillet 2024, au Palais de justice de Besançon, devant Monsieur Hervé HENRION, conseiller délégataire de Madame la première présidente, a

ssisté de Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe, a été mise en délibéré au 08 août 2024. Les parties ont été avisées qu'à cette date, l'ordonnance serait rendu...

COUR D'APPEL DE BESANÇON

[Adresse 1]

[Localité 4]

Le Premier Président

ORDONNANCE N° 24/

DU 08 AOUT 2024

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

N° de rôle : N° RG 24/00009 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EX46

Code affaire : 5D demande relative à l'octroi, l'arrêt ou l'aménagement de l'exécution provisoire

L'affaire, retenue à l'audience du 11 juillet 2024, au Palais de justice de Besançon, devant Monsieur Hervé HENRION, conseiller délégataire de Madame la première présidente, assisté de Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe, a été mise en délibéré au 08 août 2024. Les parties ont été avisées qu'à cette date, l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe.

PARTIES EN CAUSE :

Société CAISSE MEDITERRANEENE DE FINANCEMENT - CAMEFI agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux en exercice

sise [Adresse 5]

DEMANDERESSE

Représentée par Me Ludovic PAUTHIER, de la SCP DUMONT-PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, postulant, et ayant pour avocat plaidant la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

ET :

Monsieur [L] [U]

né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 7], demeurant [Adresse 6]

Madame [I] [P]

née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 9], demeurant [Adresse 6]

DEFENDEURS

Représentés par Maître Candice JACQUET, substituant la SCP CODA, avocats au barreau de BESANCON

**************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Selon acte du 30 juin 2006 passé par-devant Maître [E], notaire, la Caisse Méditerranéenne de Financement (ci-après CAMEFI) a consenti un prêt à Monsieur [L] [U] et à Madame [I] [P] et ce, à hauteur de 364.579, 00 euros. L'objet du financement est l'acquisition d'un appartement à titre locatif sis [Adresse 8].

Le 27 janvier 2022, la CAMEFI a fait procéder à une saisie-attribution de créances à exécutions successives auprès de la SARL CITYA GUISSET VALANCHON pour la somme de 380.087,13 euros, outre les frais et intérêts.

Par jugement du 23 janvier 2024, le juge de l'exécution du tribunal de proximité de Pontarlier a':

- disqualifié l'acte authentique de Maître [E] du 30 juin 2008 en acte sous seing privé,

- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution du 27 janvier 2022,

- condamné la CAMEFI à payer à Monsieur [L] [U] et Madame [I] [P] la somme de 2000, 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la CAMEFI de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la CAMEFI aux dépens de l'instance,

- débouté les parties de l'ensemble de leurs autres demandes,

- rappelé que le jugement bénéficie de l'exécution provisoire de droit.

Par exploits de commissaire de justice des 14 et 23 février 2024, la CAMEFI a assigné Monsieur [L] [U] et Madame [I] [P] en référé devant Madame la première présidente de la cour d'appel de Besançon aux fins d'ordonner le sursis à exécution du jugement précité du 23 janvier 2024.

L'affaire a été appelée une première fois à l'audience du 4 avril 2024 au cours de laquelle la première présidente a fixé un calendrier de procédure.

Les parties ont chacune déposé un jeu de conclusions le 30 mai 2024.

Le même jour les conseils des parties ont développé leurs observations orales dans le plus strict respect du principe du contradictoire renvoyant pour le surplus à leurs conclusions.

L'affaire a été mise en délibéré au 4 juillet 2024 et les débats réouverts aux fins de production du jugement du 23 janvier 2024 rendu par le juge de l'exécution du tribunal de proximité de Pontarlier.

A l'audience du 11 juillet les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et l'affaire a été mise en délibéré au 8 août 2024, les conseils des parties avisés.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions déposées le 30 mai 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la CAMEFI demande au premier président':

- de la déclarer recevable en sa demande de sursis à exécution et y faisant droit,

- d'ordonner le sursis à exécution du jugement précité du 23 janvier 2024,

- de débouter les parties adverses de leurs demandes, fins et conclusions,

- de condamner les succombants aux dépens ainsi qu'au paiement de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions II déposées le 30 mai 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, Monsieur [L] [U] et Madame [I] [P] demandent au premier président':

- de débouter la CAMEFI de sa demande de sursis à exécution du jugement précité du 24 janvier 2024,

- de condamner la CAMEFI à leur payer 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au cours des débats, les conseils des parties ont présenté leurs moyens et arguments renvoyant pour le surplus à leurs écritures.

MOTIFS

L'article R 121-22 du code des procédures civiles d'exécution énonce qu'en cas d'appel, un sursis à l'exécution des décisions prises par le juge de l'exécution peut être demandé au premier président de la cour d'appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s'il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée.

Jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n'a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure.

Le sursis à exécution n'est accordé que s'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.

L'auteur d'une demande de sursis à exécution manifestement abusive peut être condamné par le premier président à une amende civile d'un montant maximum de 10000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés.

La décision du premier président n'est pas susceptible de pourvoi.

En application de ces dispositions, un moyen sérieux ne relève pas d'une simple affirmation ni de la seule reprise des arguments développés en première instance. En d'autres termes un moyen sérieux est un moyen suffisamment consistant pour mériter d'être allégué ou soutenu, pris en considération et avoir des chances d'être retenu après discussion et réflexion et qui doit en tout état de cause conduire à l'annulation ou à la réformation'de la décision attaquée.

L'absence de pouvoir juridictionnel du premier président pour déterminer les chances de succès de l'appel doit le conduire à ne retenir un moyen que s'il repose sur une base factuelle évidente'et il est rappelé qu'à cet égard, si un moyen articulé est de nature à conduire à une réformation, il n'est pas nécessaire d'apprécier le sérieux des autres moyens présentés.

En l'espèce, la CAMEFI soulève en se fondant sur l'article 122 du code de procédure civile deux fins de non-recevoir, à savoir :

- l'autorité de la chose jugée,

- la prescription.

Or l'examen du jugement précité du 23 janvier 2024 fait apparaître que ces moyens et prétentions n'ont pas été développés devant le juge de l'exécution du tribunal de proximité de Pontarlier.

Si en application de l'article 123 du code de procédure civile, une fin de non-recevoir peut être proposée en tout état de cause donc devant la cour, il n'en demeure pas moins que son invocation tardive peut être sanctionnée. A cet égard, les écritures et pièces communiquées par les parties montrent que les litiges consécutifs à l'exécution du contrat de prêt conclu le 30 juin 2006 ont débuté en 2011, ainsi que cela ressort d'un jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Narbonne en date du 20 juin 2011 (à propos d'une saisie immobilière, pièce E des intimés) et de deux décisions de la cour d'appel de Montpellier (pièces F et G des intimés). S'en sont suivies des saisies attribution (de créances et de loyers) et des saisies rémunérations (pièces n° 23, 25, 26 de l'appelant, pièce H, J, K de l'intimé). Dans ces conditions, il est manifeste que les conseils des parties ont une parfaite connaissance des éléments juridiques et factuels des litiges qui les opposent depuis 14 ans et du contexte de ceux-ci. Il était donc possible à la CAMEFI de soulever les fins de non-recevoir au cours de l'instance conduite devant le juge de l'exécution. Pour cette raison, les moyens et arguments de la CAMIFI sont ici inopérants et ne peuvent, pour cette raison, être retenus comme sérieux.

Pour ce qui est maintenant de la question de la disqualification de l'acte notarié chacune des parties développe dans ses écritures des analyses juridiques extrêmement détaillées, la question étant de savoir si le juge de l'exécution pouvait prononcer la disqualification de l'acte notarié litigieux en application de l'article 1318 ancien du code civil et des articles 2 et 41 du décret du 26 novembre 1971.

A cet égard, l'article 1318 du Code civil, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, énonce que 'l'acte qui n'est point authentique par l'incompétence ou l'incapacité de l'officier, ou par un défaut de forme, vaut comme écriture privée, s'il a été signé des parties'.

Quant à l'article 2 du décret précité, il dispose :

'Les notaires ne peuvent recevoir des actes dans lesquels leurs parents ou alliés, en ligne directe, à tous les degrés, et en ligne collatérale jusqu'au degré d'oncle ou de neveu inclusivement, sont parties, ou qui contiennent quelque disposition en leur faveur.

Les notaires associés des sociétés suivantes ne peuvent recevoir des actes dans lesquels l'un d'entre eux ou les parents ou alliés de ce dernier au degré prohibé par l'alinéa précédent sont parties ou intéressés :

1° Société titulaire d'un office notarial ;

2° Société de notaires ;

3° Société en participation de notaires ;

4° Société de participations financières de profession libérale de notaires ;

5° Société de participations financières pluri-professionnelle ayant notamment pour objet la détention de parts ou d'actions de sociétés ayant elles-mêmes pour objet l'exercice de la profession de notaire'.

La disqualification de l'acte notarié suppose de qualifier l'intérêt personnel du notaire rédacteur. Cette question tient d'une part au cadre d'interprétation de l'article 2 susvisé, qui est de nature à être strict ou extensif. Elle tient d'autre part à la caractérisation, au regard des circonstances de l'espèce, de cet intérêt personnel du notaire sous forme d'un avantage financier occulte ou ostensible, mais non autorisé par la réglementation.

A ce propos, les conseils des parties se fondent sur de nombreuses références jurisprudentielles dont l'interprétation et la portée ne sont pas à ce jour définitivement fixées.

Un arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 1er juin 2023 statuant sur renvoi de cassation qui a eu à connaître du même moyen de disqualification à l'encontre d'un notaire et dans le cadre d'opérations similaires à celles qui concernent Monsieur [L] [U] et Madame [I] [P] :

'La sanction de la perte d'authenticité d'un acte notarié présente un tel degré de gravité que les dispositions de l'article 1318 ancien, qui ne visent qu'une incapacité par rapport à un acte déterminé, désigné comme ' l'acte qui n'est point authentique ', doivent être interprétées strictement. Ainsi, l'existence d'un intérêt personnel de Me [P] doit être examinée par rapport aux parties à l'acte de prêt du 12 octobre 2017 et non par rapport à une opération globale de promotion immobilière de la société Apollonia et de défiscalisation au profit d'acquéreurs, s'inscrivant dans son exercice professionnel de notaire.

Or, les appelants n'établissent pas l'existence d'un intérêt personnel de Me [P] à recevoir l'acte de prêt consenti par la Lyonnaise de Banque. Ils ne peuvent donc invoquer utilement l'intérêt personnel de Me [P], au sens des dispositions de l'article 1318 ancien, de conserver la clientèle de la société Apollonia, non partie à l'acte et en charge de la commercialisation du bien immobilier acquis par les époux X au moyen de l'acte notarié de prêt contesté.

L'incapacité en lien avec l'intérêt de Me [P] à recevoir l'acte de prêt du 12 octobre 2007 entre la Lyonnaise de Banque et les époux X ne peut résulter du paiement à la SCP notariale dont il est un associé, des honoraires constitutifs du paiement de sa prestation en qualité d'officier public. En outre, les honoraires du notaire sont réglementés par la puissance publique en conséquence de son statut d'officier public.

A titre superfétatoire, l'intérêt personnel de Me [P] à instrumenter pour les époux X analysé dans le cadre plus large de sa relation avec la société Apollonia impose aux appelants d'établir un intérêt personnel de Me [P], sous forme d'un avantage financier occulte ou ostensible mais non autorisé par la réglementation'.

Dans un tel contexte, il doit être considéré comme fort probable que la situation juridique jugée par le juge de l'exécution du tribunal de proximité de Pontarlier donne lieu à une appréciation divergente de la cour d'appel. Cela suffit à caractériser un risque sérieux d'annulation ou de réformation au sens des dispositions visées plus haut.

En conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens articulés par les parties, il sera fait droit à la demande de sursis à exécution formulée par la CAMEFI.

Au regard de la nature particulière du litige, chaque partie conservera la charge de ses dépens. L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Monsieur Hervé Henrion, sur délégation de Madame la première présidente,

Ordonne le sursis à exécution de la décision du 23 janvier 2024 rendue par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Pontarlier,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

LE GREFFIER, LE PREMIER PRESIDENT

par délégation,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Premier président
Numéro d'arrêt : 24/00009
Date de la décision : 08/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-08;24.00009 ?
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