ARRÊT N°
BUL/SMG
COUR D'APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 16 JUILLET 2024
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 18 juin 2024
N° de rôle : N° RG 23/01329 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EVOE
S/appel d'une décision
du Tribunal paritaire des baux ruraux de DOLE
en date du 01 août 2023
Code affaire : 52Z
Autres demandes relatives à un bail rural
APPELANTS
Madame [G] [H], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Claude SIRANDRE, avocat au barreau de DIJON, présent
S.C.E.A. [Adresse 9], sise [Localité 4]
représenté par Me Claude SIRANDRE, avocat au barreau de DIJON, présent
INTIMES
Monsieur [C] [J], demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Franck BOUVERESSE, avocat au barreau de BESANCON, présent
Monsieur [L] [J], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Franck BOUVERESSE, avocat au barreau de BESANCON, présent
INTERVENANTS VOLONTAIRES
Monsieur [N] [H], demeurant [Adresse 9]
représenté par Me Claude SIRANDRE, avocat au barreau de DIJON, présent
S.C.E.A. LES ACACIAS DU GRAND CLOT, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Claude SIRANDRE, avocat au barreau de DIJON, présent
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 18 Juin 2024 :
Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller
Mme Florence DOMENEGO, Conseiller
qui en ont délibéré,
Mme MERSON GREDLER, Greffière
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 16 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PROCEDURE
Par acte notarié du 30 mai 2022, MM. [L] et [C] [J] ont acquis plusieurs parcelles de terres agricoles sur neuf communes du Jura que les vendeurs, les consorts [R] et M. [O] [H] et Mme [G] [M] épouse [H], ont déclaré "entièrement libres de location ou occupation et encombrements quelconques".
Constatant que les parcelles situées à [Localité 4], [Localité 7] et [Localité 8] étaient en réalité exploitées par Mme [G] [H] et ses trois enfants [N], [L] et [K] [H], qui se prévalaient d'un bail consenti à la société civile d'exploitation agricole (SCEA) [Adresse 9], les consorts [J] ont saisi le juge des référés par assignation du 27 juillet 2022, afin d'obtenir leur expulsion et par arrêt confirmatif de la première chambre civile et commerciale de la présente cour du 19 décembre 2023 ont été invités à saisir le juge du fond, compte tenu de l'existence d'une contestation sérieuse.
C'est dans ce contexte que Mme [G] [H] et la SCEA [Adresse 9] ont, par requête du 24 octobre 2022, saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Dole aux fins de voir reconnaître à la seconde la qualité de preneur de certaines de ces parcelles en vertu d'un bail consenti le 29 décembre 1985.
Par jugement du 1er août 2023, ce tribunal a :
- déclaré irrecevables les demandes de sursis à statuer pour n'avoir pas été soulevées avant toute défense au fond
- prononcé la nullité de la requête déposée par la SCEA [Adresse 9],
- déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [G] [H]
- débouté Mme [G] [H] du surplus de ses demandes
- condamné Mme [G] [H] à payer une amende civile de 2 000 euros
- condamné Mme [G] [H] à payer à MM. [L] et [C] [J] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance
Par déclaration transmise sous pli recommandé expédié le 31 août 2023, Mme [G] [H], M. [N] [H] et la SCEA [Adresse 9] ont relevé appel de la décision.
Aux termes de leurs dernières écritures visées le 18 juin 2024, communes avec la SCEA Les Acacias du Grand Clos, intervenant volontaire, ils demandent à la cour de :
- in limine litis, surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal paritaire des baux ruraux de Dole saisi d'une demande de nullité de l'acte de vente des parcelles litigieuses du 30 mai 2022
Subsidiairement,
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
- dire Mme [G] [H], notamment en sa qualité de gérante de la SCEA [Adresse 9] et héritière de son époux pré-décédé, et la SCEA [Adresse 9] étaient recevables en leur demande de reconnaissance du bail consenti le 29 décembre 1985
- dire que ledit bail est toujours en cours et non résilié et que les appelants bénéficient de décisions ayant force de chose jugée refusant leur expulsion
- dire que la SCEA [Adresse 9], in bonis, dispose à son actif dudit bail, mis à la disposition de la SCEA Les Acacias du Grand Clos
- dire n'y avoir lieu à amende civile à l'encontre de Mme [G] [H]
Dans tous les cas,
- dire que M. [N] [H], propriétaire agriculteur enclavé, bénéficiera de toutes servitudes de tréfonds, de passage pour lui, sa famille et son exploitation agricole sur les parcelles comprises dans l'acte du 30 mai 2022 et dans le bail du 29 décembre 1985
- condamner solidairement les consorts [J] à payer la somme de 5 000 euros à chacun des appelants et intervenant au titre des frais irrépétibles d'appel et, de la même façon, de 2 000 euros au titre de la première instance
- condamner solidairement les consorts [J] aux dépens de première instance et d'appel
Selon conclusions visées le 13 juin 2024, les consorts [J] demandent à la cour de :
- dire nulle la déclaration d'appel régularisée par la SCEA [Adresse 9]
- dire les appels formés par Mme [G] [H] et M. [N] [H] irrecevables
- dire les interventions volontaires de M. [N] [H] et de la SCEA Les Acacias du Grand Clos irrecevables
- dire irrecevable la demande formée par la SCEA Les Acacias du Grand Clos
- dire irrecevable la demande de sursis à statuer
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* prononcé la nullité de la requête déposée par la SCEA [Adresse 9] pour défaut de capacité à agir
* déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [G] [H] pour défaut d'intérêt à agir
* condamné Mme [G] [H] à payer une amende civile et une indemnité de procédure
- l'infirmer en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
Statuant à nouveau,
- condamner Mme [G] [H], M. [N] [H] et la SCEA Les Acacias du Grand Clos à leur payer la somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive
En tout état de cause,
- débouter Mme [G] [H], M. [N] [H] et la SCEA Les Acacias du Grand Clos de leurs entières demandes
- condamner Mme [G] [H], M. [N] [H] et la SCEA Les Acacias du Grand Clos à leur payer la somme la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions susvisées, développées oralement lors de l'audience de plaidoirie du 18 juin 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la nullité de la déclaration d'appel formée par la SCEA [Adresse 9] pour défaut de capacité à agir
Les consorts [J] soutiennent au visa de l'article 117 du code de procédure civile que le défaut de capacité d'ester en justice de la SCEA [Adresse 9] est une irrégularité de fond qui entache l'acte de saisine de nullité.
Ils font valoir à ce titre que l'existence de la SCEA, société civile, a pris fin suite à son placement en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Dole du 22 février 1994 par la décision de clôture pour insuffisance d'actifs rendue par le tribunal judiciaire de Lons le Saunier le 4 octobre 2022, conformément aux articles 1844-7 et 1844-8 du code civil, à telle enseigne qu'un mandataire ad hoc a ensuite été nommé pour réaliser la vente de gré à gré et désintéresser les créanciers.
Ils ajoutent que cette SCEA étaient gérée par M. [O] [H] et par Mme [V] [T], tous deux décédés, et aucunement par Mme [G] [H] ou ses enfants, de sorte que la société, à lui supposer une existence juridique, ne serait représentée en la cause par aucun gérant dûment désigné, ayant qualité à agir en son nom.
Les appelants et intervenant volontaire leur objectent que la SCEA [Adresse 9] a conservé une existence juridique donc la capacité d'ester en justice, dès lors qu'elle dispose encore d'un actif composé par le bail du 29 décembre 1985, le matériel et le cheptel et en veut pour preuve la décision rendue par la première chambre civile et commerciale de la présente cour le 19 décembre 2023.
Il résulte de l'article 1844-7 du code civil que :
'La société civile prend fin :
1° Par l'expiration du temps pour lequel elle a été constituée, sauf prorogation effectuée conformément à l'article 1844-6 ;
2° Par la réalisation ou l'extinction de son objet ;
3° Par l'annulation du contrat de société ;
4° Par la dissolution anticipée décidée par les associés ;
5° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ;
6° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal dans le cas prévu à l'article 1844-5 ;
7° Par l'effet d'un jugement ordonnant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ;
8° Pour toute autre cause prévue par les statuts'.
Si les appelants et intervenant volontaire font valoir à juste titre que le jugement du tribunal judiciaire lédonien du 4 octobre 2022 , qui ordonne en son dispositif 'la clôture de la procédure de liquidation judiciaire concernant la SCEA [Adresse 9], M. [O] [H] et Mme [G] [H]', ne précise pas qu'il s'agit d'une clôture pour insuffisance d'actif, il n'en demeure pas moins au vu du faisceau d'indices plaidant en ce sens qu'il s'agit du motif sur lequel elle repose.
En effet, la clôture pour insuffisance d'actifs a lieu quand le produit de la réalisation des actifs de la société débitrice ne permet plus de désintéresser les créanciers, même de manière partielle, et il résulte à suffisance de la motivation du jugement précité que la société ne possède plus aucun bien immobilier ni autre actif réalisable à l'exception d'une parcelle cadastré AR[Cadastre 6] d'une contenance de 59a 43ca, en indivision avec des tiers, dont la cession de gré à gré a d'ores et déjà été autorisée au profit de la ville de [Localité 4] moyennant un prix de 8 000 euros, alors que le passif antérieur s'élève à 573 000 euros.
Il résulte également de cette décision et des productions que le surplus des biens immobiliers composés des autres parcelles de terres agricoles et des bâtiments de la SCEA ont été cédés aux consorts [J], par acte du 30 mai 2022, après autorisation du juge commissaire de Lons le Saunier par ordonnance du 14 janvier 2019, moyennant un prix de 265 000 euros, qui n'a pas été suffisant pour désintéresser tous les créanciers. Si les appelants et intervenant volontaire prétendent que la société possède encore un cheptel et du matériel ils n'en justifient nullement en l'état des pièces communiquées.
Cette allégation est au demeurant contredite par Maître [Z] [F], mandataire ad hoc désignée par cette même décision pour suivre la procédure de vente immobilière de gré à gré autorisée par le juge commissaire le 30 juillet 2018 et répartir le prix de vente, qui atteste le 15 décembre 2023 que la clôture ainsi prononcée est une clôture pour insuffisance d'actifs et que l'ensemble des actifs avaient été réalisés à la date de la clôture (pièce n°7).
En outre, si l'extrait Kbis de la société daté du 3 janvier 2024 communiqué par les appelants et intervenant volontaire comporte la mention n°0F22/007010 : 'mention d'office : jugement du tribunal judiciaire de Lons le Saunier en date du 4/10/2022 prononçant la clôture de la procédure de liquidation judiciaire', les intimés produisent un certificat du greffier du tribunal de commerce de Lons le Saunier, attestant que ses recherches effectuées sur le registre du commerce et des sociétés donnent à voir qu'une clôture pour insuffisance d'actif est intervenue par jugement de la juridiction lédonienne du 4 octobre 2022.
Enfin, l'article 1844-8 du code civil dispose que '(...) La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci (...)'. Or en l'espèce, la clôture de la SCEA [Adresse 9] a été publiée au BODACC le 13 octobre 2022 (pièce n°3).
Enfin, si les appelants et intervenant volontaire se réfèrent à l'arrêt du 19 décembre 2023 statuant sur l'appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Lons du Saunier du 4 janvier 2023, qui a retenu qu'au vu des pièces communiquées par les parties 'il ne saurait être considéré comme définitivement acquis que la SCEA [Adresse 9] n'a plus à ce jour d'existence légale', il en va différemment à l'examen de l'ensemble des pièces communiquées dans la présente instance.
Il suit des développements qui précèdent que la SCEA n'avait plus d'existence juridique le 31 août 2023, date de la formalisation de la déclaration d'appel en son nom par son conseil.
Or en vertu de l'article 117 du code de procédure civile, 'Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte : Le défaut de capacité d'ester en justice (...)'.
Dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner la qualité des gérants de ladite société, désignés dans l'acte d'appel, la déclaration d'appel est entachée d'une irrégularité de fond qui en affecte sa validité.
Dans ces conditions, il sera fait droit à l'exception soulevée par les intimés et la déclaration d'appel sera déclarée nulle en ce qu'elle a été formée par la SCEA [Adresse 9].
Pour autant, la validité dudit acte en ce qu'il formalisé par Mme [G] [H] et M. [N] [H] n'est pas mise en cause.
II - Sur l'irrecevabilité de l'appel de Mme [G] [H], faute d'intérêt à agir
Les consorts [J] soulèvent la fin de non recevoir tirée de l'absence de qualité à agir de Mme [G] [H], au motif qu'elle n'était pas titulaire du bail du 20 décembre 1985, pas plus d'ailleurs que son conjoint pré-décédé, [O] [H], dont elle prétend venir aux droits en qualité d'héritière sans au demeurant en justifier, puisque le preneur était la SCEA [Adresse 9] et qu'elle n'est pas davantage gérante de cette SCEA, au surplus radiée.
Les appelants et intervenant volontaire, qui ont pris soin de rappeler par le menu la chronologie du litige et les instances parallèlement poursuivies, n'ont en revanche développé aucun argumentaire en réplique sur ce point.
En vertu de l'article 122 du code de procédure civile, 'constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.
Selon l'article 546 du même code, 'le droit d'appel appartient à toute partie qui y a un intérêt si elle n'y a pas renoncé'.
Au cas particulier, il ressort du dispositif de ses conclusions que Mme [G] [H] entend relever appel de la décision pour obtenir la réformation du jugement querellé en ce qu'il l'a déclarée irrecevable à agir en reconnaissance du bail rural du 29 décembre 1985, en ce qu'il a rejeté le surplus de ses demandes et l'a condamnée à payer une amende civile, une indemnité de procédure et les dépens.
Dans ces conditions, et sans préjuger à ce stade de la recevabilité de l'intéressée à agir au fond, il est incontestable que Mme [G] [H] présente un intérêt à relever appel de la décision entreprise et d'en demander la réformation.
Cette fin de non recevoir doit par conséquent être écartée.
III- Sur l'irrecevabilité de l'appel de M. [N] [H]
Les intimés soulèvent, au visa des articles 546 et 547 du code de procédure civile la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel formé par M. [N] [H] au motif qu'il n'était pas partie en première instance.
La cour observe qu'au même titre que précédemment les appelants et intervenant volontaire n'ont développé aucun argumentaire en réplique sur ce point
Si le jugement porte le mention dans son chapeau, de façon erronée, du nom de M. [N] [H], il n'est pas sérieusement contestable qu'il n'était pas partie en première instance, nonobstant le fait qu'une demande ait été formée par des tiers à son seul profit, faute d'avoir donné mandat à un avocat pour le représenter ou d'avoir comparu en personne devant le tribunal paritaire des baux ruraux, ce qu'indique au demeurant les premiers juges dans les motifs de la décision.
Il s'ensuit que n'étant pas partie devant les premiers juges, il ne dispose d'aucune qualité à relever appel du jugement déféré à la cour, à telle enseigne d'ailleurs qu'il a pris soin d'intervenir volontairement à la faveur des conclusions communes déposées par Mme [G] [H] et la SCEA [Adresse 9].
Cette fin de non recevoir doit par conséquent être accueillie.
IV- Sur l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de M. [N] [H]
Les consorts [J] font valoir, au visa de l'article 325 du code de procédure civile, que l'intervention de M. [N] [H] à hauteur de cour est irrecevable, dans la mesure où il n'est pas titulaire du bail litigieux et sollicite le bénéfice de servitudes sur les parcelles objets de l'acte de vente du 30 mai 2022, dont il sollicité en parallèle la nullité, alors selon eux que l'acte ne fait état d'aucune servitude et que ce contentieux ne relève pas de la compétence de la juridiction paritaire des baux ruraux, de sorte qu'aucun lien suffisant n'est démontré.
Selon le texte invoqué par les intimés, l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.
En l'espèce, les deux demanderesses parties en première instance poursuivaient au principal, outre un sursis à statuer, la reconnaissance au profit de la SCEA [Adresse 9], du bail rural consenti le 29 décembre 1985 à celle-ci par Madame [V] [T] et Mme [A] [R] portant sur la ferme dite '[Adresse 9]' comprenant une maison d'habitation, des bâtiments d'exploitation, une cave et 19 parcelles agricoles sises communes de [Localité 4] et [Localité 7].
L'intervention de M. [N] [H], qui vise à hauteur de cour à voir juger qu'en sa qualité de propriétaire enclavé il bénéficiera de toutes les servitudes de tréfonds et de passage pour lui, sa famille et son exploitation agricole sur les parcelles comprises dans l'acte de vente du 30 mai 2022 et dans le bail du 29 décembre 1985 ne présente à l'évidence pas un lien suffisant avec le litige initial, portant sur la reconnaissance de l'existence d'un bail dont il n'est pas titulaire, étant observé surabondamment que ses demandes ne relèvent pas de la compétence matérielle de la juridiction des baux ruraux.
Si une demande équivalente a également été formulée devant la juridiction paritaire au bénéfice de M. [N] [H] par les demanderesses, laquelle a à juste titre été déclarée irrecevable, ce constat est dénué d'incidence du point de vue de l'appréciation du lien suffisant susvisé.
L'intervention volontaire de l'intéressé doit par conséquent être déclarée irrecevable.
V- Sur l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la SCEA Les Acacias du Grand Clos
Les consorts [J] soutiennent, au visa de l'article 554 du code de procédure civile, que la SCEA Les Acacias du Grand Clos est irrecevable en son intervention pour défaut d'intérêt à agir.
Ils soulèvent en outre le moyen tiré du caractère nouveau de cette demande en appel.
Ils indiquent surabondamment qu'aucune mise à disposition du bail n'a été faite par le liquidateur de la SCEA [Adresse 9], Maître [F], à la SCEA Les Acacias du Grand Clos créée en octobre 2008 puisqu'il atteste au contraire avoir résilié le bail rural le 27 septembre 2021.
En vertu des dispositions combinées des articles 325 et 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel, dès lors qu'elles y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité et à la condition que leur intervention se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.
La SCEA Les Acacias du Grand Clos, dont le gérant est M. [N] [H], qui n'était pas partie en première instance, demande à la cour à la faveur de son intervention volontaire de dire que la SCEA [Adresse 9], in bonis, dispose à son actif du bail consenti le 29 décembre 1985 qui a été mis à sa disposition.
Or, cette prétention relève assurément d'un litige autonome et distinct tendant à voir reconnaître à un société tierce un droit sur le bail litigieux, lequel bail constitue le seul point commun sans toutefois établir un lien suffisant avec les demandes des parties formalisées en première instance. Au surplus, reconnaître l'existence d'un lien suffisant serait de nature à différer sensiblement l'issue du présent litige dans un contexte conflictuelle ancien où l'aspect dilatoire est déjà très présent.
Dans ces circonstances, et sans qu'il soit besoin d'examiner la seconde branche du moyen fondée sur l'article 564 du code de procédure civile, l'intervention volontaire de cette société sera jugée irrecevable.
VI - Sur l'irrecevabilité de la demande au fond de Mme [G] [H]
Mme [G] [H] fait grief au jugement querellé de l'avoir considérée dépourvue du droit d'agir comme n'ayant jamais été preneur du bail rural litigieux du 29 décembre 1985 et comme n'ayant pas la qualité de gérante d'une SCEA [Adresse 9] liquidée et radiée.
Les intimés ont conclu subsidiairement à la confirmation du jugement déféré sur ce point.
Il ressort de la lecture du bail rural précité (pièce n°4), portant sur la ferme dite '[Adresse 9]' comprenant une maison d'habitation, des bâtiments d'exploitation, une cave et 19 parcelles agricoles sises communes de [Localité 4] et [Localité 7], qu'il a été consenti par Madame [V] [T] et Mme [A] [R] à la SCEA [Adresse 9].
Mme [G] [H], qui ne démontre pas avoir acquis ultérieurement à ce bail la qualité de preneur n'avait donc aucun intérêt, en son nom propre, à agir en reconnaissance de l'existence de ce bail au profit de la SCEA [Adresse 9], comme elle le faisait devant la juridiction de première instance.
Par ailleurs, si les appelants et intervenant volontaire affirment dans leurs écrits que la SCEA [Adresse 9] est 'gérée par Mme [G] [H]', et qu'elle aurait intérêt et qualité à agir en tant que gérante de cette société, preneur du bail litigieux, il ressort des productions et en particulier de l'extrait Kbis du 22 janvier 2019, et des développements qui précèdent d'une part que les gérants de cette société étaient Mme [V] [T] et M. [O] [H], tous deux décédés, et d'autre part que la société n'avait plus d'existence juridique pour avoir été clôturée par jugement du 4 octobre 2022 publié au BODACC le 13 octobre 2022.
C'est par conséquent à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'à la date de la saisine de la juridiction de première instance, le 24 octobre 2022, Mme [G] [H] ne justifiait d'aucun intérêt à agir et l'ont déclarée irrecevable en ses demandes.
Le jugement entrepris mérite confirmation de ce chef.
Il résulte par conséquent des développements précédents que la cour n'a pas à statuer sur la demande de sursis à statuer, dans l'attente de l'issue de l'instance en nullité de l'acte de vente des parcelles du 30 mai 2022 dont ils ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux, qui lui était soumise in limine litis par les appelants et intervenant volontaire.
VII - Sur le caractère abusif de la procédure
MM. [L] et [C] [J] ont formé appel incident à l'encontre de la décision déférée, en ce qu'elle les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. Ils sollicitent à ce titre l'allocation d'une somme de 7 500 euros et font valoir que depuis le 30 mai 2022, date de l'acquisition des terres agricoles, ils sont dans l'impossibilité d'entrer en possession de celles-ci par le fait des procédures judiciaires multiples engagées par leurs contradicteurs qu'ils savent parfaitement vaines.
Les appelants et intervenant volontaire n'ont pas répliqué sur ce point mais concluent à l'infirmation du jugement querellé en ce qu'il a prononcé une amende civile à l'encontre de Mme [G] [H].
En vertu de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
La croyance même erronée par une partie au litige dans la pertinence de ses prétentions, arguments et moyens ne saurait dégénérer en abus du droit d'agir qu'à la condition qu'elle sous-tende une intention malveillante ou dilatoire de la part de son auteur ou une volonté de nuire.
En l'espèce, dans le cadre de la présente instance, Mme [G] [H] et la SCEA [Adresse 9] ont saisi la juridiction paritaire des baux ruraux d'une demande de sursis à statuer et d'une demande de reconnaissance de l'existence du bail rural du 29 décembre 1985 au profit de la SCEA, outre une demande tendant à voir reconnaître à M. [N] [H], alors non partie à la cause, une servitude de passage sur les parcelles litigieuses du fait de sa situation d'enclavement.
Mme [G] [H], par ailleurs partie à l'acte de vente du 30 mai 2022 et veuve de M. [O] [H], co-gérant de la SCEA [Adresse 9], ne pouvait ignorer le caractère vain voire irrégulier de l'action engagée devant les premiers juges en raison notamment de la clôture de la liquidation judiciaire de la société civile et la suppression de son existence juridique ainsi que du sort réservé au bail rural objet du litige.
Alors que le jugement entrepris est parfaitement motivé et qu'elle était assistée, dans le cadre de cette procédure sans représentation obligatoire, par un conseil à même de l'informer des règles de procédure et de fond, l'intéressée a persévéré dans son action en relevant appel de cette décision, sans toutefois soumettre à la cour des moyens et arguments pertinents de nature à raisonnablement faire espérer une réformation de la décision entreprise.
Il apparaît dans ces conditions que la présente procédure et la persistance de l'intéressée par l'engagement d'une procédure d'appel caractérise une attitude téméraire empreinte de mauvaise foi et une intention dilatoire qui a fait dégénérer en faute le droit de Mme [G] [H] d'ester en justice et d'exercer une voie de recours.
Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné celle-ci à une amende civile de 2 000 euros.
Le caractère abusif de la présente procédure rejaillit incontestablement sur les consorts [J], qui se sont vus une fois de plus attraits en justice.
La multiplication de ces procédures et des demandes de sursis à statuer croisées, qui résulte des productions, fait obstacle à l'entrée en jouissance de leurs biens acquis suivant acte du 30 mai 2022, étant rappelé que Mme [G] [H], en qualité de co-venderesse, a déclaré dans l'acte que les parcelles agricoles objet de la vente étaient "entièrement libres de location ou occupation et encombrements quelconques", alors qu'elle les savait exploitées par son fils.
Il va de soi que les intéressés en subissent un préjudice consistant dans la nécessité de défendre judiciairement leurs droits et d'y consacrer du temps et de l'énergie et dans l'impossibilité de disposer librement de leurs terres agricoles.
L'action ainsi intentée à leur encontre procédant incontestablement d'une intention malicieuse et dilatoire, les intimés qui justifient d'un préjudice, sont légitimes à solliciter l'indemnisation de celui-ci.
Réparant ainsi l'omission de statuer des premiers juges sur ce point il leur sera alloué à ce titre la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts, à laquelle seront condamnés Mme [G] [H] et M. [N] [H].
VIII- Sur les demandes accessoires
Compte-tenu de la solution donnée au litige, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Mme [G] [H] et M. [N] [H] seront condamnés à payer à MM. [L] et [C] [J] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'exposer à hauteur de cour. Ils seront déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile formée à hauteur d'appel.
De même, Mme [G] [H] et M. [N] [H] supporteront les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
DIT nulle la déclaration d'appel formée par la société civile d'exploitation agricole [Adresse 9].
DIT Mme [G] [H] recevable en son appel.
DIT M. [N] [H] irrecevable en son appel.
DIT M. [N] [H] irrecevable en son intervention volontaire.
DIT la société civile d'exploitation agricole Les Acacias du Grand Clos irrecevable en son intervention volontaire.
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit Mme [G] [H] irrecevable en ses demandes et en ce qu'il l'a condamnée à payer une amende civile, une indemnité de procédure et à supporter les dépens.
Y ajoutant,
DIT que par les soins du greffe, le présent arrêt sera transmis à Madame le Procureur Général près cette cour pour mise en recouvrement de l'amende civile.
DEBOUTE Mme [G] [H], M. [N] [H] et la société civile d'exploitation agricole Les Acacias du Grand Clos représentée par son gérant, M. [N] [H], de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE Mme [G] [H] et M. [N] [H] à payer à MM. [L] et [C] [J], la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
CONDAMNE Mme [G] [H] et M. [N] [H] à payer à MM. [L] et [C] [J], la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
CONDAMNE Mme [G] [H] et M. [N] [H] aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le seize juillet deux mille vingt quatre et signé par Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller, pour le Président empêché et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LE CONSEILLER,