Le copies exécutoires et conformes délivrées à
MW/FA
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Minute n°
N° de rôle : N° RG 24/00358 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EX2E
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 03 JUILLET 2024
Décision déférée à la Cour : jugement du 28 février 2024 - RG N°23/00039 - JUGE DE LA MISE EN ETAT DE LONS LE SAUNIER
Code affaire : 28A - Demande en partage, ou contestations relatives au partage
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Michel WACHTER, Président de chambre.
Mme Anne-Sophie WILLM, conseiller
M. Cédric SAUNIER, conseiller
Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant M. Michel WACHTER, président, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour.
DELIBERE :
Monsieur Michel Wachter, président de chambre a rendu compte conformément à l'article 786 du code de procédure civile aux autres magistrats :
Madame Anne-Sophie WILLM, Monsieur Cédric SAUNIER, conseillers.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS
Madame [H] [R] épouse [L]
née le [Date naissance 8] 1963 à [Localité 12]' de nationalité française, retraité,
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Yannick GAY, avocat au barreau de JURA
Madame [V], [F] [R] épouse [I]
née le [Date naissance 9] 1960 à [Localité 12], de nationalité française, retraitée,
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Stéphane BILLAUDEL de la SELARL FAVOULET - BILLAUDEL - DODANE, avocat au barreau de JURA
Monsieur [Y] [R]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 12], de nationalité française, employé,
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Yannick GAY, avocat au barreau de JURA
ET :
Madame [A] [K]
née le [Date naissance 6] 1956 à [Localité 10], de nationalité française, retraitée,
demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Bruno SCHMITT, avocat au barreau de JURA
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.
*************
[N] [R] est décédé le [Date décès 7] 2018, laissant pour lui succéder ses trois enfants,
Mme [V] [R], épouse [I], Mme [H] [R], épouse [L], et M. [Y] [R].
Le 20 janvier 2019, les consorts [R] ont été informés de l'existence d'un testament olographe en date du 18 août 2017, aux termes duquel leur père léguait à Mme [A] [K] sa part dans la maison sise [Adresse 5] à [Localité 11] (39).
La vente de ce bien a été réalisée le 19 août 2019 moyennant un prix de 120 000 euros.
Le 18 novembre 2019, Mme [K] a été destinataire d'un décompte fixant son legs à la somme de 2 799,68 euros, après déduction, d'une part, d'une indemnité de réduction de 42 890,32 euros et, d'autre part, des droits de succession de 9 310 euros.
Invoquant l'existence d'une donation consentie en 2005 par [N] [R] à ses enfants non rapportée à l'actif de la succession et s'opposant en conséquence à l'évaluation faite de son legs, Mme [K] a saisi le 17 juillet 2020 le tribunal judiciaire de Lons le Saunier aux fins de voir ordonner la cessation de l'indivision successorale, l'ouverture des opérations de liquidation partage de la succession de feu [N] [R] et l'application de la sanction de recel successoral aux trois héritiers à hauteur de la pleine propriété de la donation.
Par ordonnance du 18 novembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire a déclaré irrecevable la demande en partage judiciaire et les demandes subséquentes de Mme [K].
Par arrêt du 16 novembre 2022, la cour d'appel de Besançon a confirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions, faute de qualité pour agir de Mme [K] en l'absence d'indivision successorale entre les héritiers réservataires et les légataires particuliers.
Par exploits du 16 janvier 2023, Mme [K] a fait assigner les consorts [R] devant le tribunal judiciaire de Lons le Saunier aux fins de délivrance de son legs.
Les consorts [R] ont soulevé l'irrecevabilité de la demande comme se heurtant au principe de la concentration des moyens et à l'autorité de la chose jugée, exposant que la demande de Mme [K] tendait aux mêmes fins et reposait sur la même cause que celles déclarées irrecevable dans le cadre de la précédente instance.
Mme [K] a conclu à la recevabilité de sa demande, indiquant que les actions en partage et en délivrance d'un legs n'avaient pas le même objet, qu'elle n'avait pas sollicité la délivrance de son legs dans le cadre de la précédente instance, et que le principe jurisprudentiel de la concentration des moyens contrevenait à son droit de propriété tel que protégé par le protocole additionnel n°1 de la CEDH.
Par ordonnance du 28 février 2024, le juge de la mise en état a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;
- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réservé les dépens qui seront joints au fond.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :
- que le principe de la concentration des moyens n'imposait pas au demandeur de présenter dès la première instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ;
- que l'identité de parties et l'identité de cause entre les deux instances étaient acquises ;
- qu'il n'y avait cependant pas d'identité d'objet entre la demande en partage judiciaire, qui tendait à mettre fin à une indivision, et l'action visant à voir désigner un notaire pour recalculer les droits du légataire particulier contestant les conditions de délivrance de son legs.
Mme [V] [R], épouse [I], a relevé appel de cette décision le 8 mars 2024.
Mme [H] [R], épouse [L], et M. [Y] [R] en ont relevé appel le 16 mars 2024.
Les procédures d'appel ont été jointes.
Par conclusions transmises le 5 avril 2024, Mme [V] [R], épouse [I], demande à la cour :
- de juger Mme [V] Guyonrecevable en son appel formé contre l'ordonnance déférée ;
Y faisant droit,
- d'infirmer l'ordonnance du 28 février 2024 en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée et dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
- de juger Mme [A] [K] irrecevable en son action, en conséquence de la rejeter purement et simplement ;
- de condamner Mme [A] [K] à payer à Mme [I] [V] une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et d'appel ;
- de condamner Mme [A] [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions notifiées le 23 mars 2024, Mme [H] [R], épouse [L], et M. [Y] [R] demandent à la cour :
- de dire Mme [H] [S]-[R] et M. [Y] [R] recevables et bien fondés en leur appel ;
- d'infirmer l'ordonnance déférée ;
Statuant à nouveau :
- de juger Mme [A] [K] irrecevable en son action et ses demandes, en conséquence l'en rejeter ;
- de condamner Mme [A] [K] à payer à Mme [H] [L] née [R] et M. [Y] [R] une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner Mme [A] [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions récapitulatives transmises le 15 avril 2024, Mme [K] demande à la cour :
- de confirmer l'ordonnance du 28 février 2024 ;
Vu l'arrêt du 16 novembre 2022 autorisant Mme [A] [K] a agir sur le fondement de l'article 1014 du code civil,
Vu l'autorité de la chose jugée,
Vu l'adage « Fraus omnia corrumpit »,
- d'écarter les moyens soulevés par les demandeurs à l'incident ;
- de les dire irrecevables en leur appel ;
Vu l'article 1 du protocole n° 11 de la convention européenne des droits de l'Homme,
- de dire et juger que la jurisprudence de la Cour cassation sur la concentration des moyens viole le droit de propriété de Mme [A] [K] ;
Vu par analogie l'article 533 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
Vu l'article 1355 du code civil,
Vu l'absence d'identité entre les demandes et dès lors d'objet et de cause,
Vu l'article 31 du code de procédure civile,
Vu l'intérêt à agir,
- de juger recevable l'action ;
- de condamner in solidum les défendeurs à payer la somme de 4 000 euros à Mme [A] [K] ;
- de condamner in solidum les défendeurs aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La clôture de la procédure a été prononcée le 15 mai 2024.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
Sur ce, la cour,
L'article 1355 du code civil dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
C'est d'abord vainement que les appelants se prévalent du principe de concentration des moyens, qui, comme l'a pertinemment rappelé le premier juge, interdit à une partie de fonder, dans le cadre d'instances successives, la même demande sur des moyens différents, mais n'impose pas à une partie de présenter dès la première instance l'ensemble des demandes fondées sur les mêmes faits.
Il n'est d'autre part pas contestable qu'il n'existe pas d'identité d'objet entre une demande en partage judiciaire et une action en délivrance d'un legs particulier, qui ne tendent pas aux mêmes fins.
Les appelants font cependant valoir à juste titre que Mme [K] avait, dans le cadre de la précédente instance, déjà saisi le tribunal d'une demande tendant à la délivrance de son legs. Il est en effet produit aux débats des conclusions responsives additionnelles et récapitulatives prises pour le compte de Mme [K] le 8 juin 2021, par lesquelles la demande en délivrance judiciaire du legs était expressément formulée, ces écritures modifiant sur ce point l'assignation du 24 juillet 2020, qui ne comportait aucune prétention en ce sens.
Le fait que la cour d'appel ait, de manière inexacte, indiqué dans son arrêt du 16 novembre 2022 que le tribunal n'avait pas été saisi d'une demande de délivrance du legs est sur ce point sans emport, étant observé que la cour n'avait manifestement connaissance que des seules demandes formulées à l'assignation.
Il n'en demeure cependant pas moins que, pour pouvoir être valablement opposée, l'autorité de la chose jugée doit s'attacher à une demande qui a été effectivement jugée.
Tel n'est pas le cas en l'espèce, où la demande en délivrance du legs, bien que soumise au premier juge, n'a pas été examinée par celui-ci.
La décision déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions.
Les consorts [R] seront condamnés aux dépens d'appel.
Les demandes formées sur le fondement de l'articme 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Par ces motifs
Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,
Confirme en toutes ses dipositions l'ordonnance rendue le 28 février 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lons le Saunier ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [V] [R], épouse [I], Mme [H] [R], épouse [L], et M. [Y] [R] aux dépens d'appel ;
Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé aux débats et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,