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25/06/2024 | FRANCE | N°22/00503

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 25 juin 2024, 22/00503


Le copies exécutoires et conformes délivrées à

CS/FA











REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Minute n°

N° de rôle : N° RG 22/00503 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EPXY





COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale



ARRÊT DU 25 JUIN 2024





Décision déférée à la Cour : jugement du 15 décembre 2021 - RG N°2019003812 - TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANCON

Code affaire : 50B - Demande en paiement du prix ou tendan

t à faire sanctionner le non-paiement du prix





COMPOSITION DE LA COUR :



M. Michel WACHTER, Président de chambre.

M. Cédric SAUNIER et Mme Anne-Sophie WILLM, Conseillers.

Greffier : Mme...

Le copies exécutoires et conformes délivrées à

CS/FA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Minute n°

N° de rôle : N° RG 22/00503 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EPXY

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 25 JUIN 2024

Décision déférée à la Cour : jugement du 15 décembre 2021 - RG N°2019003812 - TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANCON

Code affaire : 50B - Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Michel WACHTER, Président de chambre.

M. Cédric SAUNIER et Mme Anne-Sophie WILLM, Conseillers.

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

L'affaire a été examinée en audience publique du 23 avril 2024 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, M. Cédric SAUNIER et Mme Anne-Sophie WILLM, conseillers et assistés de Mme Fabienne ARNOUX, greffier.

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

L'affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.R.L. AC VACANCES EN CORSE

Sise Chez Mme [L] Lieudit [Adresse 1]

Immatriculée au RCS d'Ajaccio sous le numéro 504 858 580

Représentée par Me Muriel LOMBARD, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représentée par Me Michèle RICHARD LENTALI, avocat au barreau D'ajaccio, avocat plaidant

ET :

INTIMÉE

S.A.R.L. BB CONCEPT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés pour ce audit siège

Sise [Adresse 3]

Immatriculée au RCS de Vesoul sous le numéro 503 212 037

Représentée par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représentée par Me Sophie COHEN-ELBAZ, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.

*************

Faits, procédure et prétentions des parties

Selon devis établi le 20 décembre 2018 par la SARL BB Concept, spécialisée dans la fabrication, la commercialisation et l'installation de structures en forme de tentes composées de bois, bâches et toiles, accepté par la SARL AC Vacances en Corse, les parties ont contractualisé la vente et l'installation de huit 'tentes lodge paillote réhaussées' au prix de 95 200 euros HT soit 114 240 euros TTC.

Un acompte d'un montant de 50 000 euros a été réglé par la société AC Vacances en Corse le 28 décembre suivant.

Il est constant entre les parties que la société BB Concept est intervenue pour la mise en place des tentes au sein du camping exploité par sa co-contractante sous l'enseigne Sole e Vista à [Localité 2] (20) à compter du 1er février 2018, avant que le chantier ne soit interrompu une dizaine de jours plus tard par la nécessité de fournitures en bois supplémentaires.

Ainsi, un devis complémentaire relatif à des travaux d'adaptation à la configuration du terrain, à savoir la fourniture et pose d'éléments en bois visant à finaliser les supports des tentes et à sécuriser les terrasses ainsi que leur accès, a été établi par la société BB Concept le 19 février 2019 pour un montant de 3 830 euros HT soit 4 596 euros TTC et adressé par courriel à la société AC Vacances en Corse le lendemain, avant que les parties n'échangent divers courriels concernant la date d'intervention.

Dans un contexte de désaccord entre les parties concernant les conditions d'exécution du chantier et son défaut d'achèvement, la société BB Concept a adressé à la société AC Vacances en Corse le 19 avril 2019 une facture d'un montant de 22 848 euros au titre du solde du marché et, à défaut de règlement, a assigné cette dernière devant le tribunal de commerce de Besançon en sollicitant sa condamnation à lui payer cette somme augmentée des intérêts de retard au taux de 10,25 % à compter du 20 avril 2019.

La société AC Vacances en Corse sollicitait en première instance le rejet de cette demande et subsidiairement que soit ordonnée avant-dire droit une mesure d'expertise judiciaire.

Par jugement rendu le 15 décembre 2021, le tribunal a :

- déclaré la demande de la société BB Concept régulière, recevable et bien-fondée ;

- condamné la société AC Vacances en Corse à payer à cette dernière la somme de 22 848 euros au titre du solde de la facture impayée, augmentée des indemnités de retard de 10,25 % à compter du 20 avril 2019 ;

- condamné la société AC Vacances en Corse à payer à la société BB Concept la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société AC Vacances en Corse aux dépens en ce compris le coût 'du commandement et tous ceux effectués pour parvenir au présent jugement ainsi que ceux d'un éventuel recouvrement forcé' ;

- liquidé les dépens à la somme de 73,22 euros.

Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :

- au visa des articles 1103 et 1193 du code civil, que la société AC Vacances en Corse a commis une faute contractuelle en n'assurant pas la préparation du terrain par calage et aplanissement tel que prévu par le contrat, en ne régularisant pas le devis de travaux supplémentaires induits par ce défaut de préparation, en ne réglant pas la totalité de l'acompte de 50 % du montant du chantier à la commande et ne réglant pas l'acompte de 30 % à la livraison des structures ;

- au visa de l'article 1126 du code civil, que la société AC Vacances en Corse a résilié de manière fautive le contrat par courrier du 08 avril 2019 sans mise en demeure préalable, sans établir la défaillance de sa co-contractante et sans donner suite aux propositions amiables formulées par la société BB Concept ;

- qu'elle doit donc être condamnée à régler le solde de la facture, soit 22 848 euros, outre les intérêts de retard stipulés en bas de page du devis initial et rappelés sur les factures ;

- que la demande d'expertise n'est pas justifiée.

Par déclaration du 23 mars 2022, la société AC Vacances en Corse a interjeté appel de ce jugement en sollicitant son annulation ou sa 'réformation' en toutes ses dispositions et, selon ses dernières conclusions transmises le 27 mars 2024, elle conclut à son infirmation et demande à la cour :

- d'ordonner avant-dire droit une mesure d'expertise visant à dire si, à la date du procès-verbal de constat d'huissier de justice établi le 24 avril 2019, les huit tentes litigieuses présentaient des non façons et malfaçons ou des défauts de finition, de les décrire et de les chiffrer, de faire les comptes entre les parties et de dire si la somme de 2 000 euros proposée par la société BB Concept était suffisante pour réparer les désordres existants à cette date ;

- de réserver toutes autres demandes ;

- subsidiairement, de débouter la société BB Concept de sa demande en paiement avec pénalités de retard ainsi que de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles et des dépens et de la condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût du procès-verbal de constat établi le 24 avril 2019.

Elle fait valoir :

Sur le paiement du solde du marché :

- que la société BB Concept avait déjà installé des structures à quatre reprises sur le camping qu'elle exploite pour un montant de plus de 64 000 euros dont seul un solde à régler d'un montant de 674 euros a persisté jusqu'au 15 février 2019 au titre de travaux de finition à réaliser;

- que l'intimée connaissait donc déjà les lieux, alors qu'elle-même ne lui a jamais adressé le plan du camping prévoyant une implantation des nouvelles lodges en zone basse du camping produit en première instance par la société BB Concept, une telle implantation étant impossible en raison de la localisation en amont du réseau d'évacuation des eaux usées et vannes ;

- qu'au contraire, elle avait spécifié à la société BB Concept que l'implantation devait être réalisée dans l'espace 'bosquet' de sorte que cette dernière devait lui proposer un devis adapté comportant des supports suffisants ;

- que contrairement à la motivation retenue par le juge de première instance, le devis ne stipule pas une nécessaire implantation sur terrain plat, tandis que la société BB Concept n'a pas découvert à son arrivée sur site qu'un terrain pentu avait été choisi alors même que le terme 'réhaussé' figurait au devis ;

- qu'en cas de doute, il appartenait à la société BB Concept, en sa qualité de prestataire de service, de se faire confirmer en préalable les caractéristiques de la zone d'implantation si celle-ci était susceptible d'entraîner une variation de prix importante ou, a minima, d'en prévenir formellement sa co-contractante, ainsi qu'elle l'avait effectué pour le précédent chantier par l'annexion d'un plan au devis ;

- qu'en s'abstenant de ces précisions, la société BB Concept a failli à son obligation de bonne foi et l'a délibérément induite en erreur, puis, en l'absence de la gérante du camping, a installé les structures dans le sens de la pente et non perpendiculairement à celle-ci comme convenu ;

- que le devis incluant le transport, le déplacement et le montage, il appartenait à la société BB Concept de prévoir le chariot élévateur nécessaire au déchargement, tel qu'elle l'avait fait en 2017 ;

- que n'ayant pas suffisamment amené de bois pour assurer la construction des pilotis et des terrasses, la société BB Concept a utilisé des arbres coupés lors de l'installation et a installé des terrasses plus courtes que les façades et dépourvues de garde-corps ;

- que la date de livraison et d'installation était contractuellement prévue la 'dernière semaine de janvier 2019 et deux premières semaines de février 2019 afin que le chantier soit terminé en temps et en heure pour chacune', période de chantier de trois semaines confirmée par courriel ;

- que pourtant, l'équipe d'installateurs n'est arrivée que le 1er février et a quitté les lieux le 10 février suivant sans que le chantier ne soit finalisé ;

- qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir accepté ensuite le devis daté du 19 février 2019 relatif aux travaux supplémentaires, lequel prévoyait un paiement de 80 % à la commande contrairement aux conditions initiales à hauteur de 50 %, imposait un hébergement extérieur des ouvriers, était accompagné d'un état des finitions inexact et ne comportait aucune date d'intervention ;

- qu'elle même a satisfait à ses obligations de règlement d'une part à hauteur de 50 % à la commande, la somme ayant été arrondie à 50 000 euros par commodité sans que cela ne génère d'observation et d'autre part à hauteur de 30 % à la livraison, ainsi qu'il résulte du virement d'un montant de 41 392 euros effectué au mois de février 2019, soit un montant total réglé de 91 392 euros sur 114 240 euros ;

- que l'inscription en police très réduite en bas du devis de 'pénalités de retard (taux annuel 10,25 %)' ne satisfait pas à l'obligation d'information loyale et préalable du cocontractant, qu'il en est de même sur la facture du 19 avril 2019 qui ne prévoit pas le point de départ du délai de calcul desdites pénalités ;

Sur la résiliation du contrat :

- que si les parties ont convenu d'une clôture du chantier en l'état moyennant une réduction du prix, elles sont en désaccord sur le montant de cette réduction et sur la décharge de responsabilité sollicitée par sa co-contractante ;

- qu'en effet, contrairement à ce que cette dernière énonce, le litige ne porte pas sur de simples travaux de finitions mais sur des désordres à reprendre ainsi qu'il résulte du procès-verbal de constat du 24 avril 2019 ;

- qu'il n'y a pas eu de résiliation fautive de sa part mais un accord des parties pour arrêter le chantier en l'état avec réduction de la facture d'origine ;

Sur la mesure d'expertise :

- que l'exigence du délai de réalisation des travaux en sa présence et avant l'ouverture de la saison constituait une condition essentielle de son acceptation du devis, en considération de l'absence programmée de la gérante du camping à compter du 11 mars 2019 et de la nécessité d'être opérationnel au début de la saison estivale ;

- qu'une expertise est nécessaire pour faire les comptes entre les parties, sur site afin de vérifier l'installation des structures et aussi sur pièces puisqu'entre-temps, elle a fait réaliser les travaux nécessaires pour pouvoir louer les tentes durant la saison 2019.

La société BB Concept a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 11 avril 2024 pour demander à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter l'appelante de toutes ses demandes, fins et prétentions et de la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle expose :

Sur le règlement du solde du marché :

- que le premier acompte versé ne correspond pas à 50 % du prix, une somme de 7 120 euros étant manquante ;

- que tel qu'il résulte de leurs échanges de courriels, les parties avaient prévu une livraison sans chariot élévateur et que le compagnon de la gérante serait présent le 1er février 2019 pour procéder au déchargement ;

- qu'elle-même a strictement respecté ses obligations contractuelles, en ce que :

. la société AC Vacances en Corse lui commande régulièrement des structures pour son camping et a connaissance de la nécessité, selon l'emplacement choisi, de commander les tentes adaptées, à savoir sur simples réhausses ou sur pilotis en cas de forte déclivité ou sur terrain accidenté ;

. l'appelante lui avait ainsi précédemment commandé, pour la saison 2018, une lodge paillote sur pilotis et trois tentes standards sur réhausses, de sorte qu'elle connaît précisément la différence entre les deux types de pose ;

. que la commande litigieuse avait pour finalité l'installation de huit nouvelles tentes lodge paillottes sur la partie basse et plane du camping afin de la redynamiser, de sorte que le devis accepté, comme son courriel d'accompagnement, prévoit une pose sur simple réhausse, sans délai de livraison ;

. que ce même devis précisait ne couvrir ni l'installation des calages pour les structures et la préparation des sols, ni le raccordement des fluides au réseau du client, tandis que la fourniture des cabines de douche, les calages et l'aplanissement des sols sont à la charge de la cliente ;

- que l'appelante n'établit pas les contraintes d'assainissement qu'elle invoque, auxquelles il serait en tout état de cause possible de remédier par des solutions techniques ;

- qu'à la livraison des structures le 02 février 2019, elle a constaté que sa cliente souhaitait faire installer les tentes sur un terrain pentu et non préparé ainsi qu'il résulte des photographies montrant des arbres subsistant sur les emplacements prévus pour les tentes, le défaut d'aplanissement des emplacements, l'absence de réseaux d'eau et d'électricité sur lesdits emplacements et l'absence de calages ;

- que les parties ont donc convenu de la nécessité d'établir un devis complémentaire relatif à l'installation sur pilotis, alors que l'acheminement de matériaux complémentaires était nécessaire pour y procéder, de sorte que le chantier n'a pu être finalisé selon le planning envisagé tandis que les structures ont été adaptées et mises en place sur des supports temporaires en présence de la gérante du camping et selon ses instructions d'orientation ;

- que le devis accepté sans réserve mentionne clairement les pénalités de retard, lesquelles sont en outre rappelées sur la facture du 19 avril 2019 et sont donc exigibles en application de l'article L. 441-10 du code de commerce ;

Sur la demande d'expertise :

- qu'elle n'a commis aucune malfaçon, ainsi qu'il résulte du constat d'huissier de justice lequel fait état de simples finitions à réaliser, représentant trois journées de travail pour trois ouvriers ;

- qu'alors qu'elle a tenté un réglement amiable du litige, la société AC Vacances en Corse a tenté de mettre à sa charge le montant des travaux non réalisés du marché initial, le montant des travaux du marché complémentaire non accepté ainsi que des travaux non prévus au contrat tels que les rideaux de chambre, la fixation et la reprise des cadres de lit et le branchement et l'évacuation des appareils sanitaires ;

- que par ailleurs le temps écoulé depuis les faits rend la pertinence d'une telle mesure contestable ;

Sur la résiliation unilatérale du contrat :

- qu'alors que ses ouvriers étaient retournés préparer les éléments définitifs dans ses locaux, la société AC Vacances en Corse n'a jamais signé le devis complémentaire puis lui a adressé le 08 avril 2019 un courrier de résiliation unilatérale du marché ;

- que pourtant, il n'est démontré aucune inexécution grave lui étant imputable ;

- qu'elle n'a en outre été destinataire d'aucune mise en demeure, tout en étant confrontée aux défaillances de sa co-contractante ;

- que la société AC Vacances en Corse doit donc assumer la responsabilité de cette résiliation abusive en application de l'article 1226 du code civil.

Après report à la demande de l'intimée, l'ordonnance de clôture est intervenue le 15 avril 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 23 avril suivant et mise en délibéré au 25 juin 2024.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.

Motifs de la décision

A titre liminaire, la cour observe que la demande tendant à l'annulation du jugement de première instance n'est pas soutenue.

- Sur la demande d'expertise,

Aux termes de l'article 143 du code précité, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible.

L'article 144 du même code précise que les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer.

En l'espèce, il est constant entre les parties que les travaux litigieux ont été engagés au mois de février 2019, soit il y a plus de cinq ans, tandis que la société AC Vacances en Corse indique elle-même avoir fait réaliser les travaux nécessaires afin de finaliser l'installation des tentes pour être en mesure de les proposer à la clientèle à compter de la saison estivale 2019.

Tant l'ancienneté des travaux concernés que l'intervention d'un tiers mais aussi la vétusté liée à l'usage des structures depuis cinq ans relativisent l'intérêt d'une mesure d'expertise en ce que les constatations susceptibles d'être réalisées sur les installations concernées ne reflèteront en tout état de cause pas les travaux réalisés par la société BB Concept au mois de février 2019.

Dès lors, une telle mesure n'aurait aucune plus-value par rapport au procès-verbal de constat d'huissier de justice établi le 24 avril 2019 concernant la description des non-façons, malfaçons ou des défauts de finition invoqués par la société AC Vacances en Corse.

Enfin, étant rappelé qu'il n'appartient pas à l'expert judiciaire de procéder lui-même au chiffrage des désordres, la mesure sollicitée ne peut avoir cet objet et n'est pas nécessaire pour permettre de faire les comptes entre les parties.

Alors même que le défaut de mention au dispositif, par le juge de première instance, du rejet de la demande d'expertise constitue, non pas une omission de statuer, mais une omission matérielle en ce qu'il résulte explicitement des motifs du jugement critiqué que le juge, statuant sur ce point, a écarté cette demande, le jugement sera donc complété en ce sens.

- Sur la résiliation du contrat,

L'article 9 du code de procédure civile impose à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Les articles 1103 et 1104 du code civil, disposent que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En application de l'article 1226 du code précité, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.

Il résulte des dispositions précitées que la charge de la preuve de la résiliation d'un contrat pèse sur celui qui l'invoque.

En l'espèce, la société AC Vacances en Corse indique, dans son courrier adressé le 08 avril 2019 à la société BB Concept, qu'elle considère le devis au titre de travaux supplémentaires établi le 19 février 2019 comme 'abusif', déplore le défaut de garanties de sa co-contractante, qu'elle estime de mauvaise foi, concernant son délai d'intervention et invoque des malfaçons.

Elle conclut son courrier en indiquant : 'Dans ce contexte, il vaut mieux que nous arrêtions notre relation commerciale et nos comptes en fonction de l'état d'avancement du chantier', ajoutant 'se tenir à disposition pour effectuer ce constat contradictoire'.

Si la société BB Concept prétend que ce courrier constitue une résiliation unilatérale du marché, le courrier qu'elle a adressé en réponse le 10 mai suivant à la société AC Vacances en Corse démontre qu'il n'a pas été considéré comme tel, en ce qu'elle propose alors à sa co-contractante soit de réaliser les travaux complémentaires après acceptation du devis, soit de réaliser exclusivement les finitions, soit enfin 'la clôture du chantier en l'état et la réduction du prix du marché'.

Par courrier du 29 mai suivant, la société AC Vacances en Corse a opté pour la dernière solution, en contestant néanmoins le montant de la réduction du prix proposé par la société BB Concept.

Il résulte donc sans ambiguïté tant de la teneur du courrier du 08 avril 2019 que des courriers échangés ensuite entre les parties qu'aucune résiliation du contrat à l'initiative de la société AC Vacances en Corse n'est intervenue, son courrier susvisé constituant une simple prise d'acte de l'état des relations entre les parties et de la nécessité de parvenir à un accord pour solder la situation.

Les parties ayant toutes deux manifesté la volonté de cesser leurs relations contractuelles, traduisant leur souhait de procéder à une résiliation du contrat d'un commun accord, il convient de statuer sur la demande en paiement formée par la société BB Concept en effectuant les comptes entre les parties.

- Sur la demande tendant au paiement du solde du marché,

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il appartient donc à la société AC Vacances en Corse d'établir la réalité des obligations à la charge de la société BB Concept qu'elle invoque, tandis que cette dernière supporte la charge de la preuve de l'exécution des prestations facturées.

La cour observe que tant le montant du premier acompte que les considérations relatives aux modalités de déchargement des matériaux au mois de février 2019 sont sans incidence concernant l'appréciation de la demande en paiement du solde du chantier, dans la mesure où la société AC Vacances en Corse se borne à solliciter une remise prenant en compte les travaux d'électricité, de menuiserie et de plomberie nécessaires après l'intervention de la société BB Concept, sauf à prendre en compte les sommes déjà versées dans le cadre de l'éventuelle condamnation.

Au-delà des arguments invoqués par chacune des parties, aucune pièce n'établit la contractualisation de l'emplacement des tentes sur le terrain de camping exploité par la société AC Vacances en Corse.

En tout état de cause, il est constant que compte-tenu des caractéristiques du terrain choisi par la société AC Vacances en Corse, qui avait déjà fait appel au même fournisseur concernant des structures avec ou sans pilotis selon l'emplacement concerné, les structures sur simple réhaussement, donc sans pilotis, objet du devis du 20 décembre 2018 n'étaient pas adaptées au lieu d'implantation.

Il en résulte que le coût nécessaire lié à l'installation de pilotis, induisant en outre la pose de garde-corps et d'escaliers sécurisés, ne peut être déduit du solde du marché objet du devis susvisé en ce qu'il était rendu nécessaire par la configuration des lieux alors même que les dispositions contractualisées entre les parties mentionnent explicitement que 'les calages et l'aplanissement des sols' sont à la charge de la cliente.

Le procès-verbal de constat d'huissier de justice établi le 24 avril 2019 par Me [P], s'il confirme que le chantier n'était pas terminé ainsi que la société BB Concept en convient, ne permet de retenir aucun chiffrage précis.

Si la société AC Vacances en Corse invoque dans son courrier du 29 mai 2019 des travaux de reprise et de finition à hauteur de 21 989 euros concernant l'électricité et les menuiseries et de 5 632 euros au titre des travaux de plomberie, la cour observe :

- que le montant total de ces deux devis, soit 27 621 euros TTC, représente près d'un quart du montant du devis initial alors même qu'ils ne comprennent que peu de fourniture de matériaux et sont limités pour l'essentiel à des travaux de 'mise en place' et de 'branchements' ;

- que le devis n° 881 établi le 22 mai 2019 à l'en-tête de la SARL EM10Piana mentionne la mise en place au forfait de barrières en bois pour un montant de 11 200 euros et d'escaliers pour un montant de 1 150 euros, ces prestations n'étant pas intégrées au devis contractualisé entre les parties mais faisant l'objet du devis complémentaire établi le 19 février 2019 ;

- que ce même devis comporte le chiffrage de la mise en place de serrures sans aucun détail permettant d'en vérifier l'adéquation avec les éléments figurant au constat d'huisssier de justice établi le 24 avril 2019, de la mise en place de rideaux de chambre ainsi que de la fixation du meuble de salle de bain et du cadre de lit pour un montant total de 2 244 euros TTC, ainsi que des prestations de 'remise à niveau', de 'collage' et de 'stabilisation' de cloisons intérieures qui ne peuvent à défaut de précision être reliées au constat d'huissier de justice susvisé ;

- que le devis n° 010 établi le 09 mars 2019 ne concerne que des prestations n'étant pas à la charge de la société BB concept selon le devis du 20 décembre 2018, à savoir :

. pour un montant de 4 259,20 euros TTC des prestations de raccordement des appareils sanitaires et distributeurs d'eau intégralement à la charge de la cliente ;

. pour un montant de 1 936 euros des prestations de pose de cabine de douche complète, non intégrées audit devis ;

- que bien qu'indiquant avoir fait procéder aux travaux de finition par un tiers afin de mettre en location les structures à compter de la saison estivale 2019 et alors que les montants susvisés sont contestés en raison de leur absence de justification et de leur importance, la société AC Vacances en Corse ne produit curieusement aucune pièce relative au montant des frais effectivement engagés afin de finaliser l'installation et la mise à disposition des installations litigieuses à la clientèle.

La société AC Vacances en Corse ne produit donc aucun élément de nature à permettre la valorisation des finitions et reprises qu'elle invoque selon un chiffrage différent de celui fondé par la société BB Concept sur les prestations restant à réaliser listées dans son courrier du 10 mai 2019, à savoir trois journées de travail avec trois ouvriers soit (3 jours x 3 ouvriers) x (7 heures x 40 euros) = 2 520 euros.

Il en résulte que le reliquat de la créance de la société BB Concept sur la société AC Vacances en Corse est équivalent au montant non contesté du solde du marché selon facture n° FC19/00021 du 19 avril 2019, soit 22 848 euros, après déduction de la somme de 2 520 euros, soit un montant de 20 328 euros.

Le jugement dont appel sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société AC Vacances en Corse à payer à la société BB Concept la somme de 22 848 euros et ce montant sera ramené à la somme de 20 328 euros tandis que la société B-B Concept sera déboutée du surplus de sa demande.

Etant précisé que le montant de l'intérêt de retard en cas de défaut de règlement est précisé de manière lisible tant sur le devis établi entre deux professionnels le 20 décembre 2018 que sur la facture impayée, alors même que la date d'échéance de cette dernière au jour de son émission permet d'apprécier sans ambiguïté le point de départ des intérêts de retard, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a assorti la condamnation en paiement des intérêts de retard au taux contractuel de 10,25 % à compter du 20 avril 2019, soit le lendemain de la date d'échéance de la facture.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Constate que la demande tendant à l'annulation du jugement rendu entre les parties le 15 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Besançon n'est pas soutenue ;

Complète ledit jugement en ce que la demande d'expertise judiciaire formée par la la SARL AC vacances en Corse est rejetée ;

Confirme, dans les limites de l'appel, ledit jugement sauf en qu'il a fixé à la somme de 22 848 euros le montant de la condamnation en paiement prononcée à l'encontre de la SARL AC Vacances en Corse ;

Statuant sur ce chef infirmé et y ajoutant :

Condamne la SARL AC Vacances en Corse à payer à la SARL BB Concept la somme de 20 328 euros ;

Déboute la SARL BB Concept du surplus de sa demande ;

Condamne la SARL AC Vacances en Corse aux dépens d'appel ;

Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, la déboute de sa demande et la condamne à payer à la SARL BB Concept la somme de 1 500 euros, cette dernière étant déboutée du surplus de sa demande.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00503
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.00503 ?
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