Le copies exécutoires et conformes délivrées à
CS/FA
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Minute n°
N° de rôle : N° RG 23/00242 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ETIC
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 19 JUIN 2024
Décision déférée à la Cour : jugement du 24 janvier 2023 - RG N°11-21-872 - JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE BESANCON
Code affaire : 51A - Demande en paiement des loyers et des charges et/ou tendant à faire prononcer ou constater la résiliation pour défaut de paiement ou défaut d'assurance et ordonner l'expulsion
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Michel Wachter, président de chambre
M. Cédric SAUNIER, conseiller,
Mme Anne-Sophie Willm, conseiller.
Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant M. Cédric SAUNIER, conseiller, président de l'audience, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour.
DELIBERE :
Cédric SAUNIER, conseiller, président de l'audience a rendu compte conformément à l'article,786 du code de procédure civile aux autres magistrats :
M. Michel Wachter, président de chambre et Mme Anne-Sophie Willm, conseiller.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. CPF Prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit audit siège
Dont le siège social est [Adresse 2]
Inscrite au RCS de Perpignan sous le numéro 4780 077 76
Représentée par Me Hélène GUILLIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
Représentée par Me Yann MERIC, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant
ET :
INTIMÉ
Monsieur [X] [L]
né le 29 Décembre 1964 à [Localité 4], de nationalité française,
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Isabelle TOURNIER de la SCP CODA, avocat au barreau de BESANCON
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Michel Wachter, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.
*************
EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS
La SAS CPF, présidée par M. [Y] [L], est propriétaire d'une maison d'habitation située [Adresse 3].
Cette maison a été louée à M. [X] [L] moyennant un loyer mensuel de 870 euros charges comprises, sans signature d'un contrat de bail ou sans qu'un état des lieux ne soit établi.
Déplorant l'absence de cuisine, M. [X] [L] a, le 21 décembre 2020, assigné la société CPF en référé pour obtenir notamment la production de l'état des lieux effectué par un huissier ainsi que la pose d'une cuisine.
Par ordonnance de référé rendue le 23 mars 2021, le président du tribunal judiciaire de Besançon a notamment condamé la société CPF à procéder à la pose d'une cuisine sous astreinte, ordonné la consignation des loyers dus par M. [X] [L] dans l'attente de ladite pose et débouté la société CPF de sa demande en paiement au titre des loyers impayés correspondant aux mois d'octobre et novembre 2020.
Selon courrier daté du 14 juin 2021, M. [X] [L] a averti la société CPF de son départ du logement au 15 juillet 2021.
Par acte signifié le 15 décembre 2021, la société CPF a fait assigner M. [X] [L] devant le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Besançon aux fins :
- de le voir condamner à lui payer les sommes de 5 220 euros au titre des loyers impayés, 996 euros au titre de la remise en état des lieux, 119,60 euros au titre des frais d'huissier de justice relatifs au procès-verbal des lieux de sortie, ainsi que 1 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- de faire ordonner la libération à son profit des fonds séquestrés ;
- de voir condamner M. [X] [L] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [X] [L] soulevait l'incompétence de la juridiction pour ordonner la déconsignation des loyers, sollicitait en tout état de cause un sursis à statuer sur ce point et demandait à titre reconventionnel la condamnation de la société CPF à lui payer la somme de 568,59 euros au titre de travaux financés par ses soins outre 4 000 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance et 4 000 euros au titre de son préjudice moral.
Par jugement rendu le 24 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Besançon a :
- débouté M. [X] [L] de sa demande tendant à ce que le juge des contentieux de la protection se déclare incompétent au profit du juge de l'exécution ;
- l'a débouté de sa demande de sursis à statuer ;
- débouté la société CPF de sa demande en paiement de la somme de 5 220 euros au titre des loyers impayés, de la somme de 996 euros au titre frais de remise en état des frais d'huissier de justice ainsi que de sa demande de dommages-intérêts ;
- condamné la société CPF à verser à M. [X] [L] la somme de 145 euros en remboursement d'une partie des réparations effectuées sur le thermostat de la chaudière ;
- débouté M. [X] [L] de ses demandes de remboursement des frais de réparation de l'antenne et du décodeur ;
- condamné la société CPF à verser à M. [L] les sommes de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral, de 1 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance et de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société CPF aux entiers dépens ;
- rappelé que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
Le juge de première instance a considéré :
- que la demande de déconsignation des loyers ne constituent pas une difficulté relative à un titre exécutoire et ne relève donc pas de la compétence du juge de l'exécution aux termes de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;
- sur la demande de sursis à statuer et au visa de l'article 378 du code de procédure civile, que l'instance pendante devant le juge de l'exécution relative à la liquidation de l'astreinte relativement à la pose de la cuisine n'interfère pas avec le montant des loyers dus ;
- qu'alors que le loyer s'élevait à la somme de 850 euros mensuels, la société CPF réclame une somme de 5 220 euros sans produire de décompte locatif et prétend que la somme séquestrée est limitée à 2 610 euros sans produire de décompte, de sorte que sa demande doit être rejetée ;
- sur la demande en paiement au titre des frais de remise en état, que l'article 1730 du code civil et l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 interdisent au locataire de transformer les lieux loués sans accord du propriétaire, que M. [X] [L] ne conteste pas avoir érigé une cloison mais que la société CPF ne justifie pas du montant allégué ;
- que la demande en paiement relative aux frais d'huissier de justice relève des dépens ;
- sur les dommages-intérêts sollicités par la société CPF sur le fondement de l'article 1240 du code civil, que la faute alléguée résiderait dans la mauvaise foi de M. [X] [L] qui aurait refusé l'installation de la cuisine ordonnée sous astreinte, mais que le préjudice qui en découlerait n'est pas qualifié tandis qu'aucun lien de causalité n'est démontré ;
- sur la demande de remboursement du thermostat formée par M. [X] [L], que le remplacement du thermostat n'est pas une réparation locative aux termes des articles 6, c, et 7 de la loi du 6 juillet 1989, elle relève du bailleur qui était averti de la nécessité de procéder à ce remplacement, mais que M. [X] [L] l'ayant cependant placée devant le fait accompli et ne lui ayant pas laissé l'opportunité de rechercher une solution plus avantageuse du fait de la durée écoulée entre son message faisant état du problème le 25 septembre 2020 et la facture de l'électricien établie le 26 septembre suivant, le montant sollicité sera réduit à de plus justes proportions à la somme de 145 euros ;
- sur la demande de remboursement du décodeur et d'une parabole, que M. [X] [L] ne démontre pas que ces frais incombent au bailleur en ce que la facture relative à l'antenne ne permet pas de déterminer si la réparation correspond à l'entretien courant ou de menues réparations, tandis que la facture du décodeur est datée du jour de l'entrée des lieux et est libellée à l'ancienne adresse de M. [X] [L] ;
- sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [X] [L], que la faute réside dans l'inexécution de l'obligation de poser une cuisine, laquelle a indéniablement causé un préjudice de jouissance et un préjudice moral, qu'en l'absence d'élément permettant de déterminer l'importance de ces préjudices les sommes demandées seront réduites à hauteur de 1 000 euros pour chacun d'entre-eux.
-oOo-
Par déclaration du 23 février 2023, la société CPF a relevé appel du jugement en ce qu'il l'a :
- déboutée de sa demande en paiement de la somme de 5 220 euros au titre des loyers impayés ;
- déboutée de sa demande en paiement de la somme de 996 euros au titre frais de remise en état ;
- déboutée de sa demande en paiement des frais d'huissier ;
- déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;
- condamnée à verser à M. [X] [L] la somme de 145 euros en remboursement d'une partie des réparations effectuées sur le thermostat de la chaudière ;
- condamnée à verser à M. [X] [L] a somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- condamnée à verser à M. [X] [L] la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;
- condamnée à verser à M. [X] [L] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamnée aux entiers dépens.
-oOo-
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 23 mais 2023, elle demande à la cour de réformer la décision des chefs susvisés et, statuant à nouveau :
- de condamner M. [X] [L] à lui payer la somme totale de 7 335,60 euros, soit 5 220 euros au titre des loyers dus, 996 euros au titre de la remise en état des lieux, 119,60 euros au titre des frais d'état des lieux de sortie et 1 000 euros au titre des dommages-intérêts ;
- d'ordonner la libération des fonds séquestrés ;
- de condamner M. [X] [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans cette perspective, elle indique :
Concernant les loyers impayés :
- que le montant des sommes séquestrées jusqu'au 11 juin 2021 s'élève à 2 610 euros selon décompte établi par Me [Z], que l'intimé ayant donné congé le 14 juin 2021 pour le 15 juillet suivant il reste donc dû une somme équivalente aux trois mois de préavis car M. [X] [L] ne pouvait bénéficier d'un délai abrégé ;
- que la qualité de personne handicapée revendiquée par M. [X] [L] est sans incidence sur la durée du préavis alors que le locataire qui entend se prévaloir d'un délai de préavis réduit doit préciser le motif invoqué et en justifier au moment de l'envoi de la lettre de congé ;
- qu'elle demande en tout six mois de loyers s'étendant sur la période de mars à août 2021, étant précisé que loyer de mars 2021 puis de juillet à août 2021 n'ont été ni séquestrés ni payés ;
- qu'elle est donc fondée à solliciter la somme de 2 610 euros au titre des loyers ni séquestrés ni payés et la remise de celle de 2 610 euros séquestrée soit la somme totale de 5 220 euros ;
Concernant les frais de remise en état des locaux :
- que l'intimé a réalisé des travaux sans son autorisation et notamment, qu'il a aménagé un garage sans autorisation et créé une ouverture sans respect des prospects et autorisation en matière d'urbanisme ;
- qu'elle a été contrainte de remettre les lieux en état, précisant qu'elle justifie de frais liés à la déconstruction du mur pour une somme de 996 euros ;
Concernant ses autres préjudices :
- qu'elle demande l'indemnisation de son préjudice lié à la mauvaise foi de M. [X] [L] ;
- que l'impossibilité de procéder à la livraison et la pose de la cuisine est l'origine du contentieux et que cette impossibilité ne résulte que de l'opposition de ce dernier comme l'a relevé le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Besançon le 03 mars 2023 ;
- que l'objectif manifeste de M. [X] [L] était de faire durer la procédure afin d'alourdir l'astreinte fixée en référé et d'obtenir sa condamnation indemnitaire ;
Concernant la demande reconventionnelle au titre des travaux financés par le locataire :
- qu'elle n'était pas opposée à la prise en charge du coût du thermostat mais qu'elle souhaitait être informée des travaux à effectuer et avoir l'opportunité de maîtriser les coûts ;
- que selon le décret n°87-712 du 26 août 1987 ce type de dépenses revient au locataire comme le confirme la prise en charge par le locataire de l'entretien courant et des menues réparations ;
- qu'elle n'a pas reçu le justificatif du contrat d'entretien de la chaudière, alors que cela est obligatoire en application de l'arrêté du 15 septembre 2009, et que le thermostat aurait dû être intégré à ce contrat d'entretien ;
Concernant les demandes de dommages et intérêts de M. [X] [L] liées à l'absence de cuisine :
- que l'intimé ne craint pas de solliciter des dommages et intérêts à titre reconventionnel alors qu'il est à l'origine du contentieux ;
- que M. [X] [L] a systématiquement résisté aux demandes légitimes du bailleur qui est par ailleurs son frère et en particulier a refusé les interventions tendant à faire installer la cuisine et a instrumentalisé la procédure judiciaire ;
- que la situation n'aurait pas dégénéré de la sorte si dès l'origine l'intimé avait commencé à exécuter de bonne foi son obligation de paiement des loyers et du dépôt de garantie et ne s'était pas comporté en propriétaire des lieux ;
- que M. [X] [L] a été condamné dans le cadre de ce litige pour procédure abusive ;
- qu'en tout état de cause, le préjudice n'est pas démontré.
-oOo-
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 22 août 2023, M. [X] [L] demande à la cour, au visa du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ainsi que de l'article 6 de la loi du 06 juillet 1989 :
- de déclarer non fondé l'appel interjeté par la société CPF ;
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
- de débouter la société CPF de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires ;
- de la condamner à lui régler la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de la condamner aux entiers dépens de la présente instance avec distraction.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir :
Concernant les loyers :
- que la demande en paiement des loyers formée par la société CPF n'est pas justifiée, en l'absence de décomptes ;
- que l'appelante ne s'explique pas sur le montant des charges, les sommes acquittées l'ayant été à titre de provision alors que la société CPF devrait établir un détail du montant des charges et produire les justificatif afférents ;
- qu'il s'est acquitté de ses loyers, la société CPF ne pouvant solliciter à la fois les fonds soient déconsignés et qu'il soit condamné au paiement de ces mêmes sommes ;
- que si la question de la déconsignation des fonds est amenée à se poser, cette dernière constitue une difficulté d'exécution relevant de la compétence exclusive du juge de l'exécution, étant précisé que la question de la liquidation de l'astreinte et de son règlement devra également être tranchée ;
- sur la durée du préavis et au visa de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, qu'il dispose du statut de travailleur handicapé ;
Concernant la remise en état des lieux :
- qu'il a effectivement élevé une cloison dans le garage pour lui permettre d'installer une cuisine provisoire ;
- que la fenêtre, intégrée à la cloison, est facilement démontable et qu'il ne s'agit pas de travaux de modifications importants ou de travaux nécessitant une autorisation ;
- que la société CPF devrait produire la facture correspondant à la somme de 996 euros qu'elle sollicite et justifier de la réalité de cette destruction alors même que la cloison est toujours en place ;
Concernant sa demande indemnitaire reconventionnelle :
- que l'appelante est de mauvaise foi, l'impossibilité de poser la cuisine résultant de son attitude ;
- que cette cuisine aurait dû être posée dès le 15 septembre 2020 mais que tel n'a pas été le cas et qu'il a même été contraint de saisir la justice pour obtenir cette pose ;
- qu'il n'a été averti que le vendredi 09 avril 2021 du passage du cuisiniste le mardi 13 avril suivant, alors qu'à cette date il assistait à l'enterrement de son parrain ;
Concernant les frais de remplacement du thermostat de la chaudière :
- que la société CPF n'a pas fait réviser la chaudière avant son arrivée comme elle y était tenue ;
- que le remplacement du thermostat ne fait pas partie des réparations locatives nécessaires au maintien en l'état et à l'entretien normal des locaux selon l'article 6, c, de la loi de juillet 1989 ;
Concernant son préjudice de jouissance :
- qu'il a dû installer une cuisine provisoire dans le garage et n'a, pendant toute la durée du bail, pas bénéficié d'une cuisine alors que celle-ci avait été commandée mais que son frère la bloquait chez le fournisseur ;
- que, de fait, il n'a pas pu recevoir ses enfants ou des invités ;
- qu'il souffre de lourds problèmes de santé.
-oOo-
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 25 avril 2024. Elle a été mise en délibéré au 19 juin 2024.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
SUR CE, LA COUR
A titre liminaire, la cour relève que, si dans sa déclaration d'appel, la société CPF demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en remboursement des frais d'état des lieux de sortie établi par huissier de justice, elle ne sollicite plus l'infirmation de ce chef de jugement dans le dispositif de ses conclusions et se limite à formuler une demande en paiement.
Par conséquent, l'appel sur ce point n'étant pas soutenu, la cour ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société CPF de cette demande.
- Sur la demande en paiement de la société CPF au titre des loyers impayés,
L'article 9 du code de procédure civile impose à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En vertu de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il s'infère de ces textes que la société CPF, qui sollicite la condamnation en paiement de M. [L] doit démontrer l'existence d'une obligation à son égard tandis que M. [L] doit le cas échéant démontrer en être libéré.
Par ailleurs et en application de l'article 15 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 en sa version applicable, lorsqu'il émane du locataire, le délai de préavis applicable au congé est de trois mois. Le délai de préavis est toutefois d'un mois pour le locataire dont l'état de santé, constaté par un certificat médical, justifie un changement de domicile (3°) ou pour le locataire bénéficiant de l'allocation adulte handicapé (4°) étant précisé que le locataire souhaitant bénéficier des délais réduits de préavis mentionnés aux 1° à 5° précise le motif invoqué et le justifie au moment de l'envoi de la lettre de congé. Pendant le délai de préavis, le locataire est redevable du loyer et des charges concernant tout le délai de préavis si c'est lui qui a notifié le congé, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire en accord avec le bailleur.
En l'espèce, alors que M. [X] [L] était tenu de verser un loyer mensuel d'un montant de 870 euros, l'historique de la CARPA du barreau de Besançon édité le 08 juin 2021 fait état d'une consignation à hauteur de la somme de 2 610 euros correspondant à trois versements à hauteur du montant susvisé effectués les 11 mai et 08 juin 2021.
La société CPF allègue ne pas avoir été payée des loyers à compter du mois de mars 2021 en indiquant que ceux correspondant aux mois d'avril, mai et juin correspondent aux sommes consignées par M. [X] [L].
M. [X] [L] fait valoir le fait qu'ayant délivré au bailleur son congé au mois de juin, le contrat de bail s'est valablement achevé au mois de juillet 2021 en raison d'un délai de préavis abrégé en lien avec son statut de travailleur handicapé, en justifiant de la délivrance d'une carte mobilité inclusion par le département du Doubs, d'une hospitalisation entre le 28 et le 31 décembre 2020 et d'une pension d'invalidité perçue au cours de l'année 2021, tandis qu'il résulte du certificat établi par le Dr [B] le 25 janvier 2022 qu'il est reconnu comme travailleur handicapé présentant une invalidité ouvrant droit à une prise en charge à 100% qui a nécessité des hospitalisations en 2020 et que son état de santé nécessite la poursuite de soins chroniques en lien avec son handicap.
La cour constate cependant qu'il ne découle d'aucun de ces éléments que M. [X] [L] bénéficie de l'allocation adulte handicapé ou que son état de santé justifiait le changement de domicile, de sorte qu'en application des dispositions susvisées il n'était pas fondé à solliciter un délai de préavis abrégé.
Le contrat de bail s'est donc achevé régulièrement le 15 septembre 2021.
La société CPF est en conséquence fondée à obtenir, comme elle le sollicite, le paiement des loyers jusqu'au mois d'août 2021 inclus.
Il n'est pas justifié par M. [L], auquel incombe sur ce point la charge de la preuve, du paiement des échéances des mois de mars, juillet et août 2021, soit un montant total de 2 610 euros, étant rappelé que les loyers des mois d'avril, mai et juin 2021 ont été dûment consignés en exécution de l'ordonnance de référé, de sorte que la société CPF n'est pas fondée à en réclamer le paiement au titre d'un arriéré.
Le jugement dont appel sera donc infirmé en ce que la société CPF a été déboutée de sa demande en paiement au titre des loyers et M. [X] [L] sera condamné à lui payer la somme de 2 610 euros tandis que la société CPF sera déboutée du surplus de sa demande.
- Sur la demande tendant à la main-levée de la consignation des fonds formée par la société CPF,
Etant rappelé que les trois loyers consignés par M. [X] [L], soit la somme totale de 2 610 euros, ne constituent pas des loyers impayés, la cour observe qu'aucun appel n'a été interjeté à l'encontre du chef du jugement critiqué par lequel le juge de première instance a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. [X] [L] concernant la demande de déconsignation des loyers.
Si le juge des référés a, dans son ordonnance rendue le 23 mars 2021, conditionné le reversement au bailleur des loyers consignés à l'achèvement des travaux de pose de la cuisine, la cour relève que M. [X] [L] ne sollicite pas la déconsignation des loyers à son profit, tandis qu'il résulte des échanges de courriels produits aux débats, ainsi que de la décision du juge de l'exécution du 3 mars 2023 ayant rejeté la demande de liquidation de l'astreinte assortissant l'obligation d'installation de la cuisine, que la pose de celle-ci n'a pu avoir lieu, depuis l'ordonnance susvisée, en raison de son indisponibilité et non du fait d'une absence de diligences imputable au bailleur.
Par ailleurs, le bail litigieux a en tout état de cause pris fin, ce dont il résulte que l'achèvement ou non des travaux concernés est sans incidence sur la jouissance des lieux par M. [X] [L] par laquelle il n'est désormais plus concerné, alors qu'une indemnisation au trouble de jouissance est spécifiquement sollicitée par le locataire au titre de l'absence de cuisine alors qu'il bénéficiait de la jouissance du logement en cause.
Par conséquent, il y a lieu de faire droit à la demande de déconsignation de la somme de 2 610 euros séquestrée auprès de la CARPA du barreau de Besançon sera ordonnée, avec versement de ladite somme à la société CPF.
- Sur la demande en paiement de la société CPF au titre de la remise en état des lieux,
Selon l'article 1728 du code civil le preneur est tenu d'user de la chose louée en bon père de famille et suivant la destination donnée par le bail.
En vertu de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 susvisée en sa version applicable, le locataire est obligé de ne pas transformer les locaux et équipements loués sans l'accord écrit du propriétaire. A défaut de cet accord, ce dernier peut exiger du locataire, à son départ des lieux, leur remise en l'état ou conserver à son bénéfice les transformations effectuées sans que le locataire puisse réclamer une indemnisation des frais engagés.
En l'espèce, il est établi, selon constat d'huissier en date du 15 juillet 2021, que le locataire a érigé un mur avec une fenêtre au niveau de la chaudière, ainsi qu'il l'a lui-même déclaré à l'huissier de justice.
Le fait d'avoir, sans autorisation du bailleur, érigé une cloison agrémentée d'une fenêtre dans le garage, dont il n'est pas démontré qu'elle était utile pour aménager une cuisine, modifie la configuration de la pièce en créant un espace distinct et restreignant l'espace consacré à la fonction initiale de garage, ce qui a pour effet de modifier l'usage des lieux. Le fait qu'il s'agisse d'éléments de second oeuvre susceptibles d'être démontés étant indifférent. Le bailleur est dès lors fondé à obtenir la remise en état des lieux par la démolition de cet aménagement aux frais du locataire.
La société CPF produit un devis établi le 09 septembre 2021 pour une somme de 996 euros TTC, relatif au logement litigieux, au titre de travaux de déconstruction d'un mur en placoplâtre comprenant les prestations suivantes : dépose, évacuation des déchets, reprise de peinture, conservation du caisson VMC, peinture, main d'oeuvre, déplacement, nettoyage du chantier.
Dès lors, la demande formée à ce titre par la société CPF étant fondée, le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il l'a déboutée de celle-ci et M. [X] [L] sera condamné à lui payer la somme de 996 euros.
- Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société CPF,
Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, seul applicable en considération du contrat de bail liant les parties, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Les éléments invoqués par la société CPF, à savoir le fait que le défaut de pose de la cuisine commandée auprès de l'entité Cuisines Clair Logis est imputable à l'obstruction de M. [X] [L] en ce qu'il a été averti par courrier du 09 avril 2021 de l'intervention d'un cuisiniste le 13 avril 2021 à 8 heures, sont insuffisants à démontrer la mauvaise foi de M. [X] [L] ou une inexécution au sens de l'article 1231-1 du code civil, à plus forte raison dans la mesure où Mme [F] [X] atteste que M. [X] [L], son cousin, est venu pour les obsèques de son père M. [U] [K] [X] dont le décès le 09 avril 2021 est établi, puis est resté chez elle jusqu'au 13 avril 2021.
La cour relève au surplus que le préjudice, qui consisterait dans le contentieux et les conséquences de celui-ci n'est pas exclusivement lié à l'impossibilité de poser la cuisine, alors même que les désaccords entre les parties sont nombreux, la première assignation délivrée à la demande du locataire visant également à faire changer ou réparer la VMC, la fenêtre du salon, la trappe du garage et tendait à obtenir le remboursement du changement de thermostat de la chaudière, de la parabole et de l'achat d'un décodeur.
En l'absence de démontration faute contractuelle de M. [X] [L], d'un préjudice pour la société CPF et d'un lien de causalité, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société CPF.
- Sur la demande en paiement formée par M. [X] [L] au titre de la réparation du thermostat de la chaudière,
Aux termes de l'article 6 de la loi de juillet 1989 susvisée, le bailleur est tenu d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués
En application de l'article 3 du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent comporte une installation permettant un chauffage normal.
Aux termes de l'article 7 de la loi de juillet 1989 susvisée, le locataire est obligé de prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d'Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure.
Selon le décret n° 87-712 du 26 août 1987 relatif aux réparations locatives et son annexe, l'entretien annuel de la chaudière, le changement éventuel des pièces de fonctionnement, le remplacement des bilames, pistons, membranes, boîtes à eau, de l'allumage piézo-électrique, des clapets, des joints des appareils à gaz, le rinçage et le nettoyage des corps de chauffe et tuyauteries sont à la charge du locataire.
Il s'infère de ces textes que le remplacement du thermostat incombe au bailleur en ce qu'il ne constitue ni une réparation locative, ni une menue réparation et ne relève pas de l'entretien courant du logement, étant précisé que le remplacement du thermostat tend au contraire à maintenir les lieux en l'état de servir à l'usage prévu.
La cour relève en outre que le fait que le locataire soit tenu de réaliser l'entretien de la chaudière est en tout état de cause indifférent à la prise en charge des réparations étrangères au remplacement des pièces d'usure.
Compte-tenu de ces éléments, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné la société CPF à payer à M. [X] [L] la somme de 145 euros au titre du remplacement du thermostat.
- Sur les demandes de dommages-intérêts formées par M. [X] [L],
Il est établi par les procès-verbaux de constat d'huissier de justice, confortant les allégations des parties et l'attestation établie par M. [P] [G], que le logement était dénué de cuisine durant toute la durée du bail.
En effet, selon attestation du cuisiniste l'entité Cuisines Clair Logis établie le 14 octobre 2020, M. [Y] [L] a commandé le 24 juillet précédent une cuisine mais, alors que la livraison était prévue le 15 septembre 2020, M. [Y] [L] lui a téléphoné pour bloquer la livraison et la pose.
Par ordonnance de référé du 23 mars 2021, le tribunal judiciaire de Besançon a condamné la société CPF a poser une cuisine sous astreinte.
Si la cour relève que l'attitude M. [X] [L] a contribué à l'absence d'installation de la cuisine à compter du 13 avril 2021, tel que relevé dans le jugement rendu entre les parties par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Besançon le 03 mars 2023, l'absence de réalisation de ces travaux entre la prise de possession des lieux au mois de juillet 2020 et le 13 avril 2021 est imputable au bailleur qui n'a pas satisfait à son obligation de donner à bail un logement décent muni d'une cuisine. De fait, la société CPF a commis une faute.
Concernant le préjudice en découlant, lequel doit être distingué de la liquidation de l'astreinte ne relevant pas de la présente instance, s'il existe nécessairement un préjudice de jouissance justement évalué en première instance à la somme de 1 000 euros du fait de l'installation d'une cuisine provisoire dans le garage et de l'absence de cuisine dans la partie du logement destinée à l'habitation, M. [X] [L] ne démontre pas l'existence d'un préjudice moral.
Compte-tenu de ces éléments, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné la société CPF à payer à M. [X] [L] la somme de 1 000 euros au titre du préjudice de jouissance et sera infirmé en ce qu'il a qu'il a condamné la même société au paiement de la somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral, M. [L] étant débouté de sa demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONSTATE que l'appel interjeté par la SAS CPF à l'égard du jugement rendu entre les parties le 24 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Besançon en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en remboursement des frais d'état des lieux de sortie établi par huissier de justice n'est pas soutenu ;
CONFIRME, dans les limites de l'appel, ledit jugement sauf en ce qu'il a :
- débouté la SAS CPF de sa demande en paiement de la somme de 5 220 euros au titre des loyers impayés pendant la période de préavis ;
- débouté la SAS CPF de sa demande en paiement de la somme de 996 euros au titre des frais de remise en état ;
- condamné la SAS CPF au paiement de la somme de 1 000 euros au titre du préjudice de moral de M. [X] [L] ;
STATUANT A NOUVEAU et Y AJOUTANT :
CONDAMNE M. [X] [L] à payer à la SAS CPF la somme 2 610 euros au titre des loyers impayés ;
DEBOUTE la SAS CPF du surplus de sa demande relative aux loyers impayés ;
ORDONNE la libération des sommes séquestrées auprès de la CARPA du barreau de Besançon à hauteur de 2 610 euros et leur versement à la SAS CPF ;
CONDAMNE M. [X] [L] à payer à la SAS CPF la somme de 996 euros au titre des frais de remise en état ;
DEBOUTE M. [X] [L] de sa demande indemnitaire formée au titre de son préjudice moral ;
CONDAMNE M. [X] [L] aux dépens d'appel ;
ACCORDE aux avocats de la cause qui l'ont sollicité, le droit de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
DEBOUTE M. [X] [L] et la SAS CPF de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,