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11/06/2024 | FRANCE | N°23/00162

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 11 juin 2024, 23/00162


ARRÊT N°

BUL/SMG



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 11 JUIN 2024



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 30 avril 2024

N° de rôle : N° RG 23/00162 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ETBY



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBELIARD

en date du 16 décembre 2022

Code affaire : 80J

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail



APPELANTE



Madame [M] [K], demeurant [

Adresse 1]



représentée par Me Eric MULLER, avocat au barreau de MONTBÉLIARD, présent



INTIMEE



S.A.S. MAXI ZOO FRANCE, sise [Adresse 2]



représentée par Me Florence ROBERT, Postulante, a...

ARRÊT N°

BUL/SMG

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 11 JUIN 2024

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 30 avril 2024

N° de rôle : N° RG 23/00162 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ETBY

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBELIARD

en date du 16 décembre 2022

Code affaire : 80J

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

APPELANTE

Madame [M] [K], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Eric MULLER, avocat au barreau de MONTBÉLIARD, présent

INTIMEE

S.A.S. MAXI ZOO FRANCE, sise [Adresse 2]

représentée par Me Florence ROBERT, Postulante, avocat au barreau de BESANÇON, présente et par Me Fabienne MIOLANE, Plaidant, avocat au barreau de LYON, présente

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 30 Avril 2024 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER, Greffière

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 11 Juin 2024 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCEDURE

Mme [M] [K] a été embauchée par la société MAXI ZOO FRANCE le 2 septembre 2013 en qualité d'assistante au responsable de magasin, puis a été promue au poste de responsable du magasin d'[Localité 3] en février 2017.

Un premier avertissement écrit lui a été décerné le 4 novembre 2019 suite à une visite de contrôle de la directrice régionale et le 27 février 2020, Mme [M] [K] a été convoquée à un entretien préalable à sanction disciplinaire, fixé au 13 mars 2020.

Le 18 mars 2020, l'employeur lui a notifié une mise à pied disciplinaire de 2 jours.

Le 4 janvier 2021, Mme [M] [K] a été de nouveau convoquée à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, qui s'est tenu le 14 janvier 2021.

Le 25 janvier 2021, elle s'est vu notifier son licenciement et a été dispensée d'exécuter son préavis, néanmoins rémunéré.

Contestant la légitimité de son licenciement, Mme [M] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Montbéliard par requête du 13 août 2021, aux fins de voir dire son licenciement abusif, annuler l'avertissement du 4 novembre 2019, annuler la mise à pied du 18 mars 2020 et obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 16 décembre 2022, ce conseil a :

- débouté Mme [M] [K] de toutes ses demandes

- débouté les parties de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile

- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens

Les premiers juges ont retenu en substance :

Par déclaration du 31 janvier 2023, Mme [M] [K] a relevé appel de la décision et aux termes de ses écritures du 28 avril 2023, demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions

- annuler l'avertissement décerné le 4 novembre 2019

- annuler la mise à pied disciplinaire prononcée le 18 mars 2020

- dire que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse

- condamner la SAS MAXI ZOO FRANCE à lui payer les sommes suivantes :

* 212,24 euros au tire de la mise à pied injustifiée

* 80 550 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif

* 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Selon conclusions du 22 juillet 2023, la société MAXI ZOO FRANCE demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions

- débouter Mme [M] [K] de ses entières demandes

- condamner Mme [M] [K] à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens

À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour considérerait le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- limiter sa condamnation à 21 480 € à titre de dommages-intérêts en application du barème Macron

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur l'annulation de l'avertissement

En application de l'article L.1333-2 du code du travail le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Aux termes de l'avertissement daté du 4 novembre 2019 délivré à Mme [M] [K] par courrier remis en main propre le 7 novembre 2019, il est reproché à celle-ci de ne pas appliquer les procédures mises en place dans l'entreprise et répertoriées dans les 'sales guidelines' alors qu'elle avait attesté le 7 septembre 2019 avoir pris connaissance de ses dernières mises à jour.

Il ressort de ce document qu'à l'occasion d'une visite de contrôle effectuée le 1er octobre 2019 par Mme [T] [L], directrice régionale, et M. [X] [N], directeur régional en formation, il a été relevé des pratiques contraires aux procédures susvisées, dont il est repris neuf exemples.

Il y est également fait grief à Mme [M] [K] d'avoir conservé dans son casier personnel deux articles en vente dans le magasin non encore payés, alors que les casiers ne doivent contenir que des effets personnels, et dont la présence a été mise au jour à l'occasion de la vérification des systèmes de fermeture des casiers.

La salariée reproche aux premiers juges d'avoir considéré que l'avertissement est justifié et que la performance économique de son magasin ne la dispensait pas de respecter les règles en vigueur dans l'entreprise.

Elle conteste le bien fondé de cet avertissement en mettant en avant le chiffre d'affaire réalisé en 2019 par son magasin, soulignant qu'aucune pièce contemporaine à la date du contrôle n'est produite et que l'employeur communique des pièces datées du 25 janvier 2022 manifestement établies pour les besoins de la cause.

Elle allègue en outre que la directrice régionale a ouvert de force son casier en toute illégalité.

L'employeur soutient que lors du contrôle du 1er octobre 2019, 20 des 29 points contrôlés ont été jugés insatisfaisants et contraires aux critères fixés par la société MAXI ZOO et fait observer que la salariée n'avait émis aucune protestation à la délivrance de cet avertissement et n'a entendu le contester que dans le cadre de la présente procédure.

En premier lieu, si la salariée fait valoir que le bon classement du magasin d'[Localité 3] dirigé par elle démontrerait le caractère injustifié de cette sanction disciplinaire, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu sur ce point que le chiffre d'affaire réalisé sur l'année 2019, qui atteste d'une bonne performance de la succursale, ne dispense pas Mme [M] [K] de la nécessité d'observer les règles en vigueur au sein de l'entreprise.

En second lieu, l'argument consistant à souligner que la date particulièrement tardive des documents internes produits par son contradicteur pour étayer le bien fondé de ladite sanction établirait qu'ils ont été établis pour les besoins de la cause n'est pas davantage convaincant, dès lors qu'il est communiqué le rapport du contrôle ('store process check') réalisé le 1er octobre 2019 à la succursale d'[Localité 3], par Mme [T] [L] et en présence de Mme [M] [K], qui donne à voir que 20 des 29 points vérifiés ne répondent pas aux critères prédéfinis, soit 31% des process respectés. Or le document (pièce n°14 de l'employeur) qui porte la mention en bas de page 'rapport exécuté sur mardi, 1. Octobre 2019 15:58:17", et non la date du 25 janvier 2022, conclut en ces termes : 'Le magasin a totalement relâché les procédures et n'est pas à la hauteur des attentes de l'entreprise. Merci de reprendre toutes les questions 'NON' et les corriger pour la prochaine fois'.

Enfin, aucun élément ne vient étayer l'affirmation de la salariée selon laquelle son casier aurait été ouvert de force lors de ce contrôle.

Dans ces conditions, l'avertissement litigieux apparaît justifié et proportionné aux pratiques non conformes relevées dans le rapport du 1er octobre 2019 sur lequel il se fonde, en sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

II/ Sur le caractère injustifié de la mise à pied et le rappel de salaire correspondant

Mme [M] [K] affirme que les griefs articulés contre elle à l'appui de cette sanction sont infondés puisqu'elle disposait du pouvoir d'embaucher les salariés, n'avait pas à interroger M. [B] (sous bracelet électronique) sur son passé judiciaire et avait pu légitimement échanger avec le juge de l'application des peines pour faciliter sa réinsertion. Elle conteste toute falsification de document et fait grief aux premiers juges de l'avoir quasiment accusée du cambriolage survenu dans le magasin alors qu'elle ne pouvait elle-même changer le code du coffre et avait même alerté sa hiérarchie de cette difficulté.

L'employeur précise qu'il a été reproché à sa salariée de ne pas l'avoir informé du bracelet électronique dont était porteur M. [B] afin que soit vérifié le respect du périmètre d'intervention fixé par le magistrat en charge de sa mesure et qu'elle a reconnu le non changement du code du coffre, ce qui en a manifestement facilité l'accès par les cambrioleurs.

Selon les premiers juges la mise à pied de deux jours est parfaitement fondée compte tenu du comportement fautif mis en évidence, à savoir la falsification de bordereaux de présence afin d'attribuer une rémunération indue à un salarié, des informations importantes cachées à sa hiérarchie, des démarche auprès d'un juge de l'application des peines sans en informer son employeur, le non changement du code du coffre et la tentative de déclarer un accident du travail indûment.

Aux termes de la notification par lettre recommandée du 18 mars 2020 de la mise à pied disciplinaire de deux jours (pièce n°6), il est imputé à la salariée les faits suivants :

- l'embauche, sans en informer préalablement sa hiérarchie, d'un salarié muni d'un bracelet électronique ainsi que l'envoi de courriers engageant la société adressés au juge de l'application des peines, sans disposer d'une délégation de pouvoir à ce titre, afin d'obtenir une modification du périmètre géographique fixé par le magistrat pour envoyer l'intéressé en formation ou en renfort dans d'autres magasins

- l'indication mensongère d'une position du salarié concerné en repos les 14, 15 et 16 janvier 2020 puis en absence justifiée non payée afin de masquer son absence à son poste consécutive à son interpellation par la police le 14 janvier

- la destruction volontaire des plannings portant des mentions erronées, établis par ses soins

- l'omission de changer le digicode d'ouverture du coffre du magasin et la facilitation de son accès, à telle enseigne que le magasin a été cambriolé le 11 février 2020, sans que la porte du coffre ne soit forcée

- la tentative de déclarer un accident du travail le 19 février 2020, suite à un avis d'arrêt de travail pour maladie du 14 février précédent, aux fins d'être prémunie d'une autre sanction disciplinaire

Cependant, la cour relève que l'employeur ne verse aux débats ni le contrat de travail ni la fiche de poste de la salariée, de sorte que Mme [M] [K] n'est pas utilement contredite lorsqu'elle affirme avoir eu le pouvoir en qualité de responsable de magasin d'embaucher un salarié, même doté d'un dispositif de détention à domicile sous surveillance électronique.

Il en va de même de l'allégation de l'employeur selon laquelle la salariée aurait outrepassé ses pouvoirs en s'adressant directement au juge de l'application des peines en charge du suivi de M. [B], au prétexte d'une absence de délégation en la matière alors qu'il n'est produit aucune pièce propre à étayer cette affirmation et à informer la cour des délégations dont disposait effectivement Mme [M] [K].

S'agissant de la destruction volontaire par cette dernière des plannings portant des mentions erronées, établis par ses soins, elle n'est pas démontrée par l'employeur, qui au contraire communique trois versions du planning de la même semaine du lundi 13 au dimanche 19 janvier 2020, ne mentionnant pas leurs dates de création.

Il ressort en outre que si l'indication mensongère d'une position du salarié concerné en repos les 14, 15 et 16 janvier 2020 puis en absence justifiée non payée constitue un autre grief articulé à l'encontre de la responsable de magasin, il convient de relever d'une part que l'intéressé était en position de repos le mercredi 15 janvier dans la version présentée comme initiale par l'employeur et d'autre part qu'il n'est pas démontré que l'appelante aurait créé un planning mentionnant M. [B] comme étant présent à cette période.

Au contraire, l'appelante a interrogé Mme [T] [L] par courriel du 25 janvier 2020 sur l'opportunité de laisser M. [B] en position de 'repos' jusqu'à son retour, ce qui induit à l'évidence qu'elle n'avait aucune intention de cacher à sa hiérarchie sa décision prise le 14 janvier précédent, en qualité de responsable de magasin, de modifier le planning pour placer le salarié absent en repos dans la perspective de le faire 'récupérer' ses heures en négatif à son retour, comme elle le précise dans son courriel susvisé. Au surplus, c'est précisément Mme [T] [L] qui l'a invitée, dans sa réponse du même jour, à placer M. [B] en position d'absence autorisée, non rémunérée.

L'employeur reproche encore à sa responsable de magasin d'avoir omis de changer le digicode d'ouverture du coffre du magasin et d'avoir ainsi facilité son accès, dès lors que le magasin a été cambriolé le 11 février 2020, sans que la porte du coffre ne soit forcée.

Mme [M] [K] conteste ce grief et fait valoir que les modifications du digicode ne pouvaient être réalisées par elle et qu'elle en avait alerté la direction et soutient avoir toujours observé les consignes de sécurité.

Si elle prétend justifier de ses allégations, elle ne produit cependant aucune pièce aux débats sur ce point, étant cependant rappelé qu'il incombe à l'employeur de caractériser la faute qu'elle impute à son salarié. Or, force est de constater qu'aucune fiche de poste ou consignes de sécurité dûment signée par Mme [M] [K] n'est versé aux débats et que le cambriolage invoqué ainsi que l'absence de forçage dudit coffre ne sont justifiés en la cause par la moindre pièce.

S'il ressort enfin des productions que Mme [M] [K] a sollicité la directrice des ressources humaines le 19 février 2020 afin qu'elle déclare à son bénéfice un accident du travail, à la suite de l'avis d'arrêt de travail pour maladie du 14 février précédent, cette démarche, nonobstant le fait que les demandes de précisions sont demeurées sans suite de la part de la salariée, ne saurait constituer une faute et l'employeur émet de simples supputations lorsqu'il prétend que son contradicteur aurait manifestement tenté, ce faisant, de se prémunir d'une sanction disciplinaire à venir.

Il résulte de ce qui précède que la mise à pied disciplinaire prononcée à l'encontre de la salariée est injustifiée au regard des éléments produits et sera annulée, en sorte que le jugement déféré, qui en a retenu le caractère fondé et proportionné, sera infirmé de ce chef.

La société MAXI ZOO sera condamnée en conséquence à payer à sa salariée la somme de 212, 24 euros au titre de la retenue sur salaire opérée durant la mise à pied annulée.

III - Sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse au licenciement

Il résulte des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d'une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.

En vertu de l'article L.1235-1 du même code, le juge auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La charge de la preuve du caractère réel et sérieux ou non du licenciement n'incombe donc spécialement à aucune des parties et le juge ne peut se fonder exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié (Soc. 21 mai 2002 n°00-41.423).

Au cas particulier, Mme [M] [K] conteste chacun des faits fautifs qui lui sont imputés, lesquels ont, selon elle, été créés de toute pièce pour les besoins de la cause et affirme que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse. Elle prétend communiquer dix attestations contredisant les griefs adverses et d'autres relatant les pressions subies de la part de Mme [T] [L] (directrice régionale) pour attester en sa défaveur.

Elle fait observer que le magasin d'[Localité 3] avait les meilleurs chiffres d'affaires du groupe et qu'elle n'a reçu aucun reproche sur la qualité de son travail et de son management avant l'arrivée de cette nouvelle directrice en janvier 2019.

Elle affirme que celle-ci avait un management harcelant et que son licenciement avait été décidé avant même l'entretien préalable puisque les plannings de janvier, mars et avril 2021 l'y font figurer en tant que salariée 'absente autorisée payée'.

La société MAXI ZOO se prévaut pour sa part de manquements dans la gestion des stocks, en dépit de l'avertissement (ruptures de stocks, démarque non effectuée), dans le management des équipes (non suivi des plannings et absence de comptabilisations des heures supplémentaires, non déclaration d'un accident du travail) et d'une posture managériale non exemplaire (sept pauses cigarettes journalières, non respect des horaires, non usage des EPI, absence de cohésion de groupe).

En l'espèce, la lettre de licenciement du 25 janvier 2021 impute à la salariée les faits suivants, après avoir rappelé que celle-ci avait fait préalablement l'objet de rappels à l'ordre et de précédents disciplinaires :

- un non respect des procédures applicables à la gestion des stocks du magasin, la directrice générale ayant relevé lors du contrôle réalisé le 20 novembre 2020 d'une part que deux bacs de produits mis en vente en rayons étaient périmés l'un depuis trois semaines, l'autre depuis 4 jours et d'autre part que de nombreux produits d'alimentation pour chiens et chats de plusieurs marques étaient en rupture de stock alors que celles-ci livrent les commandes chaque semaine, soulignant qu'il s'agit de produits non remplaçables pour les clients, qui ne peuvent modifier les habitudes alimentaires de leur animal et qu'un tel constat ternit l'image de la société

- un non respect des procédures applicables en matière de gestion financière consistant en :

* un refus d'effectuer le double comptage des caissons constituant le fonds de caisse en dépit d'un avertissement décerné notamment sur ce motif le 4 novembre 2019.

* une non délivrance des clefs du magasin et du code individuel du coffre du magasin à deux salariés en CDI, alors même que ces règles internes lui ont été rappelées à l'occasion du cambriolage de février 2020 et que l'un d'eux est censé au vu des plannings avoir réalisé l'ouverture du magasin seule ou avec un employé non titulaire de ces clefs

- un non respect des procédures applicables à la gestion de l'équipe du magasin consistant en :

* un refus de comptabiliser les heures supplémentaires accomplies par les salariés sur le logiciel interne Kelio

* une absence de traitement de déclaration d'accident du travail pour un subordonné

* l'emploi de sa fille et d'une de ses amies, toutes deux mineures, en violation du règlement intérieur, afin de préparer le magasin à la venue de la directrice régionale

- une posture managériale en inadéquation avec ses fonctions consistant en :

* le fait de n'être pas porteuse de sa tenue et de ses chaussures de sécurité lors de la visite de contrôle du 20 novembre 2020 en violation des règles internes de sécurité et de son devoir d'exemplarité

* le fait de s'octroyer 6 à 7 pauses cigarettes dans la journée et de partir avant l'heure prévue sans modification de planning

* des moqueries à l'attention des passions visibles sur son compte Facebook de M. [S] [F], au point que celui-ci a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat exprimant son incapacité de continuer de travailler avec elle

* une absence d'animation de l'équipe nuisant à sa cohésion et donnant lieu à un important turn-over

Préalablement à l'examen ci-après des griefs ainsi articulés à l'encontre de Mme [M] [K], la cour relève que si celle-ci fait usage du terme 'harcèlement' dans le corps de ses écrits dans l'intitulé suivant : 'Sur la rupture abusive du contrat de travail et le harcèlement subi par Mme [K]', la cour n'est saisie d'aucune demande indemnitaire ou portant sur la nullité du licenciement fondée sur un harcèlement dont elle aurait été la cible.

En outre, si l'appelante prétend que la décision de la congédier avait été prise par son employeur avant même la notification de son licenciement et en veut pour preuve les plannings qu'elle dit verser aux débats pour janvier, mars et avril 2021, pour soutenir que de ce seul fait son licenciement serait dénué de cause réelle et sérieuse en déplorant que les premiers juges aient omis de répondre à ce moyen, celui-ci ne saurait être accueilli.

En effet, s'il est admis qu'une mesure de licenciement publiquement annoncée avant la tenue de l'entretien préalable équivaut à un licenciement verbal et se trouve ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse (Soc. 23 octobre 2019 n°17-28.800), la preuve d'une telle annonce ne résulte aucunement des éléments produits par l'appelante.

Ainsi, le planning de janvier 2021 qui porte mention d'une 'absence autorisée payée' de la salariée, n'est communiqué que partiellement (pièce n°57) pour la seule semaine 4, soit du lundi 25 - jour du courrier de notification du licenciement - au samedi 30 janvier 2021 et il n'est pas démontré qu'il aurait été édité avant la tenue de l'entretien préalable.

De la même manière, les deux courriels de la directrice régionale informant en interne ses interlocuteurs du 'départ prochain de [M] [K]' et diffusant le poste de responsable du magasin d'[Localité 3], sont datés du 1er février 2021 et sont donc postérieurs à la notification du licenciement.

Enfin, l'appelante ne peut valablement prétendre qu'elle n'aurait aucun passé disciplinaire antérieurement à l'arrivée de Mme [T] [L] en qualité de directrice régionale, dans la mesure où l'employeur communique aux débats, à titre purement informatif, les avertissements qui lui ont été décernés le 20 novembre 2015 et le 19 janvier 2016 alors qu'elle était assistante du responsable de magasin, non remis en cause aux termes d'une réponse circonstanciée de l'employeur à la suite d'une contestation de la salariée.

III-1 La gestion des stocks

Il résulte à suffisance de l'examen du compte-rendu de visite de contrôle du 20 novembre 2020, illustré par des photographies des rayons concernés, que certains produits d'alimentation pour chiens et chats sont en rupture de stock, alors que dans ce marché les propriétaires d'animaux domestiques ont coutume de respecter les habitudes alimentaires de leur chien ou de leur chat, étant observé que cette difficulté avait déjà été relevée lors d'un précédent contrôle le 16 juin 2020, à l'issue duquel il avait été souligné le travail important à accomplir au titre des commandes et des ruptures de stocks.

Ce fait est manifestement fautif par sa persistance mais aussi parce que ces produits sont par nature non substituables pour les clients. Il est également de nature à ternir l'image de l'enseigne, comme l'indique l'employeur.

III-2 La gestion financière

S'il résulte du témoignage de M. [S] [F] que l'appelante ne procédait pas systématiquement au double comptage des caissons constituant le fonds de caisse, celle-ci communique des témoignages d'anciens salariés attestant qu'il y était procédé.

En revanche, le grief tenant à la non délivrance des clefs et code d'accès au coffre n'est corroboré par aucun élément objectif.

III-3 La gestion de l'équipe du magasin

La pratique de la non comptabilisation d'heures supplémentaires effectuées par ses subordonnés est confirmée par plusieurs d'entre eux et non mis formellement en cause par l'appelante, alors qu'elle avait été invitée à mettre un terme à cette pratique lors d'un entretien de recadrage le 16 mai 2019. De même le défaut de formalisation dans les meilleurs délais d'une déclaration d'accident du travail survenu le 12 août 2020 au préjudice de M. [S] [F], à son retour de congés le 24 août est établie par les productions.

Le fait d'avoir fait travailler dans le magasin deux mineures, dont la fille de l'appelante, une veille de visite de contrôle afin de procéder à du rangement dans le magasin est confirmé par certains salariés qui en attestent en la cause, et constitue à l'évidence un fait fautif. Si Mme [M] [K] tente d'en limiter l'impact en produisant l'attestation d'une amie de sa fille qui relate que celle-ci aurait à cette occasion simplement expliqué certains aspects de son travail, ce témoignage, contredit par ceux de certains salariés, n'apparaît pas convaincant.

III-4 La posture managériale

Pour écarter le grief tenant aux moqueries qui lui sont imputées au détriment de M. [S] [F], l'appelante n'en conteste pas formellement l'existence mais prétend que ce salarié aurait attesté en sa faveur de pressions qu'il aurait subies de la part de Mme [T] [L] afin de témoigner à son soutien. Cependant la cour observe que l'intéressé n'atteste nullement en ce sens et ne remet pas en cause le courriel du 10 décembre 2020 produit par l'employeur mais relate simplement (pièce n°51) que la directrice régionale lui avait dit qu'elle ne serait pas licenciée 'car ça coûterait trop cher'.

Aux termes de son courriel précité, M. [S] [F] informait Mme [T] [L] de sa situation en ces termes : 'après avoir mûrement réfléchi, je ne me sens de retourner à [Localité 3]. C'est pourquoi je voudrais demander une rupture conventionnelle...Je comprends bien ... que tu fais ton maximum pour régler la situation mais personnellement je ne supporterai pas de travailler avec [M] et [D] (M. [B])' et une attestation circonstanciée permet en outre de comprendre le mal-être vécu au sein du magasin d'[Localité 3] du fait du management de Mme [M] [K], et la rupture conventionnelle qu'il a effectivement sollicitée.

Au-delà de cet exemple particulier, le déficit d'animation de l'équipe et les manquements dans la posture managériale transparaissent dans quelques témoignages de salariées communiqués par l'intimée, qui relatent un déficit de formation à l'arrivée des nouveaux salariés, des pressions pour parvenir à maintenir le classement du magasin.

Il doit cependant être relevé que ces témoignages sont contrebalancés par certains anciens stagiaires ou subordonnés de Mme [M] [K], qui attestent pour leur part de ses qualité managériales, ce qui est de nature à insinuer le doute quant à la généralité de ces manquements.

L'absence d'exemplarité de la responsable de magasin s'agissant du port de la tenue d'usage et des chaussures de sécurité n'est pas clairement démontrée et au contraire contredite par plusieurs témoignages d'anciens salariés.

Il est en revanche confirmé par plusieurs salariés d'un nombre important de pauses cigarettes (5 à 7) de l'appelante au cours de la journée, ceux-ci déplorant également que l'intéressée fume également dans son bureau au mépris de la réglementation.

* * *

Les développements qui précèdent, s'ils permettent d'écarter un certain nombre de griefs articulés à l'encontre de la salariée, comme étant insuffisamment caractérisés, conduisent néanmoins la cour à estimer qu'en dépit des entretiens de recadrage et d'évaluation, avertissement et conclusions des visites de contrôle, la persistance de certaines pratiques non conformes aux consignes de la part de Mme [M] [K] justifie la sanction prononcé d'un licenciement pour faute simple.

La décision entreprise en ce qu'elle a dit le licenciement proportionné et fondé sur une cause réelle et sérieuse mérite en conséquence confirmation de ce chef.

IV- Sur les demandes accessoires

Le jugement querellé doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

L'équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles d'appel.

Mme [M] [K] qui succombe en sa voie de recours sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Déboute la SAS MAXI ZOO FRANCE et Mme [M] [K] de leurs demandes d'indemnité de procédure d'appel.

Condamne Mme [M] [K] aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le onze juin deux mille vingt quatre et signé par Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller, pour le Président empêché, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LE CONSEILLER,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00162
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;23.00162 ?
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