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05/06/2024 | FRANCE | N°23/00199

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 05 juin 2024, 23/00199


Le copies exécutoires et conformes délivrées à

MW/FA











REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Minute n°

N° de rôle : N° RG 23/00199 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ETEV





COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale



ARRÊT DU 05 JUIN 2024





Décision déférée à la Cour : jugement du 18 janvier 2023 - RG N°2022000828 - TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANCON

Code affaire : 50B - Demande en paiement du prix ou tendant

à faire sanctionner le non-paiement du prix





COMPOSITION DE LA COUR :



M. Michel WACHTER, Président de chambre

Madame Anne-Sophie Willm et Monsieur Cédric Saunier, conseillers

Greffier...

Le copies exécutoires et conformes délivrées à

MW/FA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Minute n°

N° de rôle : N° RG 23/00199 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ETEV

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 05 JUIN 2024

Décision déférée à la Cour : jugement du 18 janvier 2023 - RG N°2022000828 - TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANCON

Code affaire : 50B - Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Michel WACHTER, Président de chambre

Madame Anne-Sophie Willm et Monsieur Cédric Saunier, conseillers

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant M. Michel Wachter, président, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour.

DELIBERE :

Monsieur Michel Wachter, président a rendu compte, conformément à l'article 786 du code de procédure civile aux autres magistrats :

Madame Anne-Sophie Willm et Monsieur Cédric Saunier, conseillers.

L'affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.C.I. SETTIME agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

Sise [Adresse 2]

Immatriculée au RCS de Besançon sous le numéro 753 575 141

Représentée par Me Anne-Sophie DE BUCY de la SELARL AITALI -GROS-CARPI-LE DENMAT-DE BUCY-BECHARI, avocat au barreau de BESANCON

ET :

INTIMÉE

S.A.S. TETRA Agissant poursuites et diligences de son président en exercice domicilié pour ce audit siège

Sise [Adresse 5]

Immatriculée au RCS de Besançon sous le numéro 329 855 530

Représentée par Me Elodie CHESNEAU, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représentée par Me Sophie VALAZZA, avocat au barreau de TOULON, avocat plaidant

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.

*************

Le 8 août 2013, les sociétés SA Natixis Lease et Batifranc, agissant en qualité de crédit-bailleurs, ont régularisé devant notaire un contrat de crédit-bail avec la SCI Settime, crédit-preneur pour un immeuble sis à Etalans (25).

Le même jour, la société Settime a donné à bail de sous-location la totalité de l'immeuble à la SAS Tetra.

Le 27 juillet 2019, la totalité des parts sociales de la société Tetra ont été cédées à la SASU S2P.

Par exploit du 23 mars 2022, la société Settime a fait assigner la société Tetra devant le tribunal de commerce de Besançon en paiement de la somme de 9 336 euros HT, soit 11 203,20 euros TTC, correspondant aux taxes foncières 2020 et 2021. Elle a fait valoir que le remboursement de la taxe foncière était prévue par le crédit-bail auquel renvoie le bail conclu entre elle-même et la société Setra, et que les remboursements n'avaient posé aucune difficulté jusque là.

La société Setra s'est opposée à la demande, en exposant que le remboursement de la taxe foncière par le preneur n'était pas prévue par le contrat de sous-location.

Par jugement du 18 janvier 2023, le tribunal de commerce de Besançon a :

- déclaré l'assignation recevable ;

- débouté la société Settime de toutes ses demandes ;

- condamné la SCI Settime à payer à la SAS Tetra la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SCI Setimme à tous les dépens ;

- liquidé les dépens du présent jugement à la somme de 69,59 euros.

Pour statuer ainsi, le tribunal de commerce a retenu :

- qu'au regard de l'article 1103 du code civil, et de l'antériorité du bail à la loi Pinel prévoyant la répartition des charges entre preneur et bailleur, le remboursement par le preneur devait nécessairement être expréssement prévu dans le bail ; que tel n'étant pas le cas, il n'était pas établi que la société Tetra était tenue de payer la taxe foncière ;

- que, certes, la taxe foncière était auparavant remboursée par le preneur, les sociétés Setra et Settime étant alors dirigées par la même personne, M. [K] ; que cet usage n'était toutefois pas opposable au nouveau dirigeant de la société Tetra en l'absence de stipulation expresse, même s'il en avait connaissance ;

- que le contrat de bail de sous-location renvoyait au crédit bail (article A.3.2) selon lequel le crédit-preneur à la charge exclusive des charges afférentes à l'immeuble ou supportées par le crédit-bailleur tel que l'impôt foncier ; que, toutefois, le contrat de crédit-bail n'avait pas été annexé au contrat de bail de sous-location ou transmis au cessionnaire lors de la négociation de l'acte de cession des parts sociales de la société Tetra.

La société Settime a relevé appel de cette décision le 13 février 2023.

Par conclusions récapitulatives transmises le 23 février 2024, l'appelante demande à la cour :

Vu notamment les articles 1103 et suivants, 1193 et 1217 du code civil,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* déclaré l'assignation recevable,

* liquidé les dépens du présent jugement à la somme de 69,59 euros ;

- d'infirmer le jugementdéféré en ce qu'il a :

* débouté la société Settime de toutes ses demandes,

* condamné la société Settime à payer à la société Tetra la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société Settime à tous les dépens ;

Statuant à nouveau :

- de condamner la SAS Tetra à payer à la SCI Settime la somme de 18 837 euros HT, soit 22 604,40 euros TTC, au titre des taxes foncières 2020, 2021, 2022 et 2023 relatives à l'immeuble à usage industriel sis [Adresse 4], cadastré section WK n°[Cadastre 3] à [Localité 1], dont la SCI Settime a fait l'avance ;

- de juger que la SAS Tetra devra rembourser annuellement la société Settime de la taxe foncière préalablement acquittée par elle, sur présentation de la facture correspondante ;

- de débouter la SAS Tetra de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- de condamner la SAS Tetra à payer à la SCI Settime la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la procédure de première instance ;

- de condamner la SAS Tetra à payer à la SCI Settime la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

- de condamner la SAS Tetra aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions récapitulatives n°2 transmises le 28 février 2024, la société Setra demande à la cour :

Vu l'article 1416 du code de procédure civile,

Vu les articles 1103, 1104, 1193 du code civil,

- de confirmer en tout point le jugement déféré ;

Et

- de débouter la SCI Settime de l'ensemble de ces demandes à l'encontre de la SAS Tetra ;

- de condamner la SCI Settime à payer à la SAS Tetra la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la SCI Settime aux entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 13 mars 2024.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Au soutien de son appel, la société Settime rappelle d'abord que le bail de sous-location litigieux est antérieur à la loi Pinel. Elle précise que la Cour de cassation a admis encore récemment que la stipulation générique, visant tous les impôts auxquels sont assujettis les lieux loués, suffit à permettre la refacturation de la taxe foncière. Elle ajoute que, selon le crédit-bail, les impôts et taxes, y compris ceux qui incombent normalement au propriétaire tel que l'impôt foncier, sont à la charge du crédit-preneur, et que, selon le contrat de sous-location, les parties déclarent vouloir se conformer expressément à toutes les dispositions du contrat de crédit-bail immobilier. La société Settime souligne que durant 6 années, elle a refacturé à la société Tetra la taxe foncière et que celle-ci a systématiquement, et sans formuler la moindre objection, payé la facture ainsi émise. La société Settime allègue que le repreneur de la société Tetra, M. [O], était au courant de cet accord dans la mesure où était annexé à l'acte de cession le bilan arrêté au 31 décembre 2018, faisant expressément apparaitre les taxes foncières réglées en 2017 et 2018, ainsi que la situation intermédiaire pour la période allant du 1er janvier 2019 au 30 juin 2019, mentionnant les taxes foncières, et que la taxe foncière 2019 avait été payée par la société Tetra moins de 10 jours avant la régularisation de l'acte de cession définitive. La société Settime souligne que l'accord sur la taxe foncière liait bien les sociétés Settime et Setra et pas seulement leurs représentant légaux, et ajoute qu'aux termes d'une assemblée générale du 30 septembre 2020, la société S2P, associée unique de la société Tetra, avait approuvé les comptes de l'exercice social clos le 31 décembre 2019 où apparaissait la taxe foncière, et que si la société Setra alléguait que le contrat de crédit bail ne lui avait jamais été remis, il était toutefois mentionné dans l'acte de cession de parts sociales.

La société Tetra demande pour sa part confirmation du jugement, exposant que si le locataire peut être amené à payer la taxe foncière, c'était sous réserve d'une disposition contractuelle expresse. Elle estime que le crédit-bail ne la concerne pas et qu'il ne prévoit pas le transfert de la charge de la taxe foncière au sous-locataire, que si des références au crédit-bail figurent dans le contrat de sous-location, l'article litigieux n'y était pas reproduit et qu'aucun exemplaire de ce contrat ne lui avait été remis. Elle indique encore que la prise en charge de la taxe foncière par la société Setra avant cession des parts relevait d'une pure convenance, probablement fiscale, mais ne pouvait laisser présumer de l'existence d'un accord intervenu entre les deux sociétés, qui avaient le même représentant légal. Elle précise que si le compte de résultat fait mention du paiement de la taxe foncière pour les années 2017 et 2018, il ne saurait constituer la preuve de l'acceptation de la prise en charge de cette taxe.

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L'article 1102 et 1194 du même code prévoient que le contenu contractuel est déterminé librement par les parties et que les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi.

Il est de jurisprudence constante que, pour les contrats antérieurs à la loi dite Pinel, comme c'est le cas en l'espèce, il appartient aux parties de déterminer la répartition des différentes charges et qu'en particulier, la prise en charge par le preneur de la taxe foncière doit être expréssement prévue. Toutefois, en application des articles susvisés, l'absence de stipulation peut être palliée par un accord sur la prise en charge de la taxe foncière par le preneur, étant observé par ailleurs qu'il n'existe pas d'usage constant relativement à la prise en charge de la taxe foncière par le preneur.

Il ressort des pièces versées aux débats que le contrat de sous-location, qui évoque le crédit-bail, ne fait pas expressément obligation à la société Tetra de s'acquitter de la taxe foncière, dès lors qu'il y est uniquement stipulé que la sous-locataire devra acquitter exactement ses impôts, contributions et taxes personnels et remboursera au bailleur les différentes charges récupérables. Si le contrat de crédit-bail immobilier du 8 août 2013 énonce en son article A.3.2 que toutes les charges afférentes à l'immeuble dont impôts et taxes, et en ce cas y compris ceux incombant normalement au propriétaire, comme l'impôt foncier, ce document n'est cependant pas signé ou paraphé par la société Tetra ou son représentant.

Il n'en demeure cependant pas moins qu'avant la cession de ses actions à la société S2P, la société Tetra s'acquittait entre les mains de la société Settime du remboursement de la taxe foncière règlée par celle-ci, ce qui n'est en soi pas contesté.

Par ailleurs, par le biais des documents annexés à l'acte de cession d'action, notamment le compte de résultat de la société Tetra pour les années 2017, 2018, et pour le premier semestre 2019, qui font clairement apparaître ces remboursements, la société Tetra, désormais sous le contrôle de la société S2P, a eu une parfaite connaissance de ce qu'en dépit des stipulations du contrat de sous-location, la société Tetra s'acquittait jusqu'alors de manière constante et régulière de la taxe foncière. Pour autant, elle n'a élevé aucune contestation sur ce point et a, au contraire, selon procès-verbal des décisions de l'associée unique du 30 septembre 2020, approuvé les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2019 faisant état du paiement de la taxe foncière.

Ces éléments démontrent suffisamment l'existence entre les sociétés Settime et Tetra d'un accord tenant au remboursement par la sous-locataire à la crédit-preneuse des sommes réglées par celle-ci au titre de la taxe foncière, qui perdure depuis l'origine du contrat de sous-location, et a été entériné lors de la cession des actions de la société Tetra à la société S2P.

Lejugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la société Settime de toutes ses demandes et, statuant à nouveau, la société Tetra sera condamnée au paiement de la somme de 18 837 euros HT, soit 22 604,40 euros TTC, au titre des taxes foncières 2020, 2021, 2022 et 2023.

Par ailleurs, il sera dit que, pendant toute la durée du contrat de sous-location, la société Tetra devra procéder annuellement au profit de la société Settime au remboursement des sommes que celle-ci justifiera avoir réglées au titre de la taxe foncière générée par l'immeuble sous-loué.

Le jugement entrepris sera infirmé s'agissant des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Tetra sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la société Settime la somme de 2 000 euros au titre de ses frais de défense irrépétibles de première instance, et celle de 2 500 euros au titre de ceux d'appel.

Par ces motifs

Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

Infirme le jugement rendu le 18 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Besançon sauf en ce qu'il a déclaré l'assignation recevable et liquidé les dépens à la somme de 69,59 euros ;

Statuant à nouveau, et ajoutant :

Condamne la SAS Tetra à payer à la SCI Settime la somme de 18 837 euros HT, soit 22 604,40 euros TTC, au titre des taxes foncières 2020, 2021, 2022 et 2023 relatives à l'immeuble à usage industriel sis [Adresse 4], cadastré section WK n°[Cadastre 3] à [Localité 1] ;

Dit que, pendant toute la durée du contrat de sous-location, la SAS Tetra devra procéder annuellement au profit de la SCI Settime au remboursement des sommes que celle-ci justifiera avoir réglées au titre de la taxe foncière relative à l'immeuble à usage industriel sis [Adresse 4], cadastré section WK n°[Cadastre 3] à [Localité 1] ;

Condamne la SAS Tetra aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la SAS Tetra à payer à la SCI Settime la somme de 2 000 euros au titre de la procédure de première instance et celle de 2 500 euros au titre de la procédure d'appel.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/00199
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;23.00199 ?
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