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04/06/2024 | FRANCE | N°23/01356

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 04 juin 2024, 23/01356


Le copies exécutoires et conformes délivrées à

MW/FA











REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Minute n°

N° de rôle : N° RG 23/01356 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EVP7





COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale



ARRÊT DU 04 JUIN 2024





Décisions déférées à la Cour : arrêt du 01 juin 2023 - RG N°402 F-D de la Cour de Cassation - arrêt du 12 octobre 2021 de la cour d'appel de Dijon - jugement du 4 février 2019

du TGI de Dijon

Code affaire : 97Z - Recours et actions exercés contre les décisions d'autres personnes publiques





COMPOSITION DE LA COUR :



M. Michel WACHTER, Président de chambre...

Le copies exécutoires et conformes délivrées à

MW/FA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Minute n°

N° de rôle : N° RG 23/01356 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EVP7

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 04 JUIN 2024

Décisions déférées à la Cour : arrêt du 01 juin 2023 - RG N°402 F-D de la Cour de Cassation - arrêt du 12 octobre 2021 de la cour d'appel de Dijon - jugement du 4 février 2019 du TGI de Dijon

Code affaire : 97Z - Recours et actions exercés contre les décisions d'autres personnes publiques

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Michel WACHTER, Président de chambre.

M. Cédric SAUNIER et Madame Bénédicte MANTEAUX, Conseillers.

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

L'affaire a été examinée en audience publique du 02 avril 2024 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, M. Cédric SAUNIER et Madame Bénédicte MANTEAUX, conseillers et assistés de Mme Fabienne ARNOUX, greffier.

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

L'affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES l'administration des Finances publiques, poursuites et diligences du Directeur régional des Finances Publiques de Provence Alpes Côtes d'Azur et des Bouches du Rhône, qui élit domicile en ses bureaux sis aux Centre des Finances publiques [Adresse 2]

Sise Centre des Finances publiques [Adresse 1]

Représentée par Me Anne LAGARRIGUE de la SELARL ANNE LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

ET :

INTIMÉS

Madame [K] [W] épouse [C]

née le 23 Mars 1953 à [Localité 4], de nationalité française,

demeurant [Adresse 5]

Monsieur [N] [C]

né le 22 Janvier 1949 à [Localité 6], de nationalité française,

demeurant [Adresse 5]

Représentés par Me Pierrick BECHE de la SARL PIERRICK BECHE - CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant

Représentés par Me Valentin RICHE, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat postulant

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.

*************

Faits, procédure et prétentions des parties

Ainsi qu'il résulte de l'attestation établie le 15 juin 2009, M. [N] [C] a souscrit le 12 juin précédent à une augmentation du capital social de la société Fineylia PMA à hauteur de soixante-trois actions d'une valeur nominale de 100 euros, soit 6 300 euros, dans le but notamment de lui permettre de bénéficier de la réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune à hauteur de 75 % de son investissement en application de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts.

A l'issue d'un contrôle fiscal, une proposition de rectification a été adressée le 24 septembre 2015 à M. [C] et Mme [K] [W] épouse [C], l'administration estimant qu'ils ne pouvaient lui opposer la prescription abrégée prévue par l'article L. 180 du livre des procédures fiscales et qu'au moment de la souscription au capital de la société susvisée, cette dernière ne pouvait être considérée comme une holding animatrice.

Après rejet par courrier du 15 juin 2016 de la contestation formée le 19 novembre 2015 par M. [C] et Mme [W], cette proposition a été suivie d'un avis de mise en recouvrement du 29 juillet 2016, visant des rappels de droits augmentés des intérêts de retard à hauteur de la somme totale de 6 161 euros.

Après rejet le 18 novembre 2016 de la réclamation contentieuse formée par les contribuables le 28 septembre précédent, ceux-ci ont, par acte d'huissier de justice signifié le 10 janvier 2017, assigné la Direction générale des finances publiques devant le tribunal de grande instance de Dijon en sollicitant :

- que soit déclarée non fondée la décision en date du 18 novembre 2016 de la Direction générale des finances publiques et que celle-ci soit annulée ;

- qu'il soit ordonné à la Direction générale des finances publiques de tirer les conséquences de cette annulation et de procéder au dégrèvement en principal, intérêts et pénalités de l'imposition contestée ;

- que celle-ci soit condamnée à leur rembourser les dépens mentionnés à l'article R. 207-1 du livre des procédures fiscales, ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a, par jugement rendu le 04 février 2019 :

- annulé la décision de rejet du recours contentieux en date du 18 novembre 2016 ;

- ordonné le dégrèvement en principal, intérêts et pénalités de l'imposition contestée ;

- ordonné le remboursement à M. [C] et Mme [W], par l'administration fiscale, des dépens dans les termes prévus à l'article R. 207-1 du livre des procédures fiscales ;

- débouté M. [C] et Mme [W] de leur demande présentée sur le fondement de l'article

700 du code de procédure civile.

Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré, 'sur le moyen tiré de la prescription' :

- qu'aux termes des articles L. 180 et L. 186 du livre des procédures fiscales, l'application de la prescription triennale suppose deux conditions cumulatives, à défaut desquelles la prescription de six ans est applicable, à savoir d'une part que l'administration ait eu connaissance de l'exigibilité des droits à l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration et, d'autre part, que l'exigibilité des droits soit suffisamment révélée par l'acte enregistré ou présenté à la formalité, sans qu'il soit nécessaire pour le service de procéder à des recherches ultérieures ;

- qu'il en résulte que la contestation de l'administration portant sur l'évaluation des biens et droits déclarés, ce qui est le cas en l'espèce, demeure soumise à la seule prescription triennale dès lors que les contribuables ont, s'agissant de l'impôt de solidarité sur la fortune, satisfait à leurs obligations déclaratives ;

- que dès lors, la proposition de rectification notifiée le 24 septembre 2015 est intervenue postérieurement à l'expiration du délai de reprise ouvert à l'administration, de sorte que la décision de rejet du recours contentieux introduit par les contribuables doit être annulée et que le dégrèvement en principal, intérêts et pénalités de l'imposition contestée doit être ordonné.

Par déclaration du 22 février 2019, l'administration des finances publiques a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

La cour d'appel de Dijon a, par arrêt rendu le 12 octobre 2021, confirmé le jugement dont appel, 'dit' que l'administration fiscale doit rembourser les dépens du second degré de juridiction à M. [C] et Mme [W] conformément à l'article R. 207-1 du livre des procédures fiscales et rejeté les prétentions formulées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur pourvoi de l'administration fiscale, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a, par arrêt rendu le 1er juin 2023, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Dijon, remis l'affaire et les parties sans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Besançon, en considérant :

- que l'état individuel remis au contribuable ayant souscrit au capital d'une société en application de l'article 299, septies, de l'annexe III du code général des impôts constitue une formalité nécessaire à l'obtention de l'avantage en cause mais ne suffit pas à démontrer que les conditions prévues à l'article 885-0, V, bis, sont réunies et ne confère aucun droit au contribuable à bénéficier de la réduction d'impôt à laquelle il prétend, fût-il de bonne foi ;

- qu'en application des articles L. 180 et L. 186 du livre des procédures fiscales dans leur version applicable à l'espèce, le droit de reprise de l'administration à l'égard des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière, des droits de timbre ainsi que des taxes, redevances et autres impositions assimilées se prescrit par six ans dès lors que la connaissance de l'exigibilité des droits ne résulte pas de manière certaine et directe du seul examen d'un acte enregistré ou présenté à la formalité et que des recherches ultérieures sont nécessaires ;

- que pour retenir la prescription, la cour d'appel retient qu'alors qu'elle ne conteste pas que les contribuables ont satisfait à leurs obligations déclaratives, l'administration fiscale ne caractérise pas en quoi leur déclaration et l'attestation de la souscription de soixante-trois actions de la société Fineylia PME, jointe à cette déclaration, auraient par elles-mêmes insuffisamment révélé l'exigibilité, au sens de l'article L. 180 du livre des procédures fiscales, de sorte qu'il aurait été nécessaire de procéder à des recherches ;

- qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'administration fiscale pouvait, au seul vu de la déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune déposée au titre de l'année 2009, et de l'attestation jointe, sans avoir à se livrer à des recherches ultérieures, s'assurer de ce que la société Fineylia PME remplissait les conditions requises pour qu'une souscription à son capital ouvre droit à la réduction d'impôt prévue à l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts, alors applicable, et ainsi prouver l'exigibilité des droits éventuellement omis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Par déclaration de saisine transmise le 11 septembre 2023, l'administration fiscale a sollicité de la cour l'infirmation du jugement rendu le 04 février 2019 par le tribunal de grande instance de Dijon et, selon ses dernières conclusions transmises le 11 octobre 2023, elle conclut à sa réformation en toutes ses dispositions et demande à la cour de confirmer la décision administrative de rejet du 21 novembre 2016 et de condamner les contribuables aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de son conseil, outre le versement à l'État de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

Concernant le délai de reprise :

- que le litige ne porte pas sur une 'évaluation de biens et droits déclarés' tel que retenu par le juge de première instance, mais sur une réduction d'impôt de solidarité sur la fortune, c'est-à-dire une diminution du montant de l'impôt lui-même suite à un investissement et non une modification de la valeur des biens imposables ;

- que le jugement dont appel ne répond pas à la question de savoir si le délai de prescription, en

matière de réduction d'imposition, est triennal ou sexennal ;

- qu'il résulte de l'article L. 180 du livre des procédures fiscales que la prescription abrégée de trois ans ne lui est opposable que lorsque les deux conditions suivantes sont satisfaites à savoir d'une part qu'elle ait eu connaissance des droits omis par le dépôt de la déclaration et d'autre part que l'exigibilité de ces droits soit établie d'une manière certaine par la déclaration, sans qu'il soit nécessaire de recourir à des recherches ultérieures ;

- qu'en l'espèce, l'examen de la déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune et de l'attestation jointe, non créatrice de droit, ne permettait pas au service de juger du bien-fondé de la réduction d'imposition, dans la mesure où le bénéfice de ladite réduction n'a pu être invalidé que par des recherches sur la société Fineylia PME elle-même, à savoir l'examen de ses bilans relatant notamment ses prises de participation ainsi que la composition de son capital social ;

Concernant la réduction d'imposition :

- qu'en application de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts issu de la loi n° 2007-1223 du 21 juillet 2007 dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, est susceptible de donner lieu à une réduction d'impôt l'investissement dans une société dite 'opérationnelle', c'est-à-dire qui exerce exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définies à l'article 885, O, quater, du même code ;

- qu'aux termes de l'article 26 du Bulletin officiel des impôts référencé BOI 7-S-3-08 commentant ce régime de réduction d'impôt ainsi que de la jurisprudence, sont assimilées à ces sociétés opérationnelles les sociétés holding détenant des participations à la date de la souscription et qui participent activement et de manière concrète et effective, à travers des moyens dédiés, à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales ;

- que ces filiales doivent être en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion au sens des lignes directrices ;

- qu'en l'espèce, la société Fineylia PME n'avait pas la qualité de société holding animatrice car elle ne détenait aucune participation dans une autre société à la date de l'investissement, comme l'ont reconnu les contribuables dans leurs écritures, étant observé que le détail du bilan clos au 30 juin 2010 est en contradiction avec le tableau 2059 G figurant au même bilan ;

- que par ailleurs, les contribuables échouent à rapporter la preuve que la société Fineylia PME exerçait une activité d'animatrice de groupe à la date de souscription, à défaut d'appartenir à un groupe de sociétés ;

- que cependant, seules les sociétés holdings ayant déjà la qualité de holding animatrice de leur groupe, peuvent être considérées comme en phase de croissance ou d'expansion lorsque les versements sont utilisés pour l'acquisition de participations nouvelles.

Mme [W] et M. [C] ont répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 16 novembre 2023 pour demander à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- de déclarer non fondée la décision de rejet de la réclamation contentieuse du 18 novembre 2016, de l'annuler et d'ordonner à l'administration fiscale 'de tirer les conséquences de cette annulation et de procéder au dégrèvement en principal, intérêts et pénalités de l'imposition contestée' ;

- de condamner l'appelante à leur verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils exposent :

Concernant le délai de reprise :

- que le moyen soutenu par l'administration aux termes duquel les rectifications litigieuses ne concernaient pas l'évaluation des biens et droits déclarés, comme l'a relevé à tort le juge de première instance, mais une réduction de l'imposition, ne démontre pas le bien-fondé de l'absence d'application de la prescription triennale ;

- qu'ils n'étaient tenus qu'à procéder à leur déclaration et à fournir l'attestation contenant les seules informations visées par les articles 885-O, V, bis, et 229 septies de l'annexe 3 du code général des impôts ;

- qu'il résulte de la date d'immatriculation de la société Fineylia PME portée à la connaissance de l'administration par ladite attestation, à savoir le 05 juin 2009, qu'elle ne pouvait détenir aucune participation à la date à laquelle eux-mêmes ont souscrit à son capital à savoir le 12 juin suivant ;

- que dès lors, le motif de la proposition de redressement ne nécessitait pas d'investigations complémentaires ;

- que l'article 24 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 a ajouté au II un alinéa aux termes duquel 'l'avantage fiscal prévu au I accordé au titre de l'année en cours et des précédentes fait l'objet d'une reprise au titre de l'année au cours de laquelle la société ou le redevable cesse de respecter l'une des conditions mentionnées aux deux premiers alinéas du 1 ou au dernier alinéa du 2", dont il résulte que la reprise de la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune ne s'effectue pas au titre de l'année au cours de laquelle la réduction est intervenue mais au titre de l'année où la condition de détention n'est plus respectée de sorte qu'il n'est donc pas nécessaire pour l'administration de bénéficier d'un délai de six ans pour constater la reprise de la réduction

d'impôts ;

- en tout état de cause, que l'administration n'établit pas que les conditions de l'exclusion de la prescription triennale sont réunies ;

Concernant les conditions requises pour bénéficier de la réduction d'impôt :

- que contrairement à ce que soutient l'administration, il figurait au bilan de l'exercice clos le 30 juin 2010 de la société Fineylia PME une prise de participation de contrôle dans la société MIHC bien supérieure aux créances et disponibilités, mentionnée dans le rapport du directoire à l'assemblée générale ordinaire du 07 décembre 2010 ;

- que la société Fineylia PME, qui a mis en place un comité d'investissement, a participé activement à la définition et à la mise en 'uvre de la stratégie du groupe constitué entre elle et sa filiale la société MIHC, dont l'objet est le financement de la construction et de l'exploitation d'un hôtel situé à [Localité 3], lesdites prestations effectuées en faveur de sa filiale ayant généré un chiffre d'affaires de 262 500 euros au titre de l'exercice clos le 30 juin 2010 et un résultat net de 6 981 euros ;

- qu'une convention d'animation a également été mise en place ;

- qu'il n'y a pas lieu d'écarter le degré de maturité de la société Fineylia PME qui peut être considérée comme une société holding animatrice de son groupe, assimilée à une société opérationnelle, en phase de croissance ou d'expansion au sens de l'instruction référencée BOI-7-S-3-08 dans la mesure où selon le paragraphe 91 de cette même instruction, peuvent être considérées comme étant en phase de croissance les sociétés holding animatrices de leur groupe, dès lors que les versements reçus sont utilisés pour l'acquisition de participations nouvelles, ce qui est le cas en l'espèce ;

- que précisément, l'article 38 de la loi de finances pour l'année 2011 du 29 décembre 2010 a modifié cette réglementation en prévoyant que les souscriptions réalisées au capital de holdings animatrices n'ouvrent droit à l'avantage fiscal que lorsque la société est constituée et contrôle au moins une filiale depuis un an au moins, de sorte que cette condition supplémentaire n'est pas applicable antérieurement ;

- qu'en conséquence, la phase préparatoire que la société Fineylia PME a conduite entre le moment de sa constitution et l'acquisition de sa première filiale peut bien être intégrée dans son activité commerciale ;

- que M. [U] [Z], anciennement président de la Commission des Finances à l'Assemblée Nationale, a confirmé dans un courrier du 22 décembre 2016 que la disposition relative au délai de carence ne s'appliquait qu'aux souscriptions effectuées dans des sociétés à compter du 13 octobre 2010 et conclut qu'"il était donc bien envisageable, avant cette date, de créer concomitamment une société holding animatrice ainsi qu'une et plusieurs filiales dans le seul but de bénéficier de conditions plus favorables pour les souscriptions réalisées dans le cadre de l'ISF-PME".

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 02 avril suivant et mise en délibéré au 04 juin 2024.

En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.

Motifs de la décision

En application de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts applicable à la date des souscriptions aux augmentations de capital en cause, le redevable peut, dans la limite de 50 000 euros, imputer sur l'impôt de solidarité sur la fortune 75 % des versements effectués au titre de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, en numéraire ou en nature à l'exception des actifs immobiliers et des valeurs mobilières, ainsi qu'au titre de souscriptions dans les mêmes conditions de titres participatifs dans des sociétés coopératives ouvrières de production définies par la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 ou dans d'autres sociétés coopératives régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.

Ces mêmes dispositions précisent que la société bénéficiaire des versements doit satisfaire aux conditions suivantes :

a) être une petite et moyenne entreprise au sens de l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 06 août 2008 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie) ;

b) exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l'article 885, O, quater, notamment celles des organismes de placement en valeurs mobilières, et des activités de gestion ou de location d'immeubles. Cette condition n'est pas exigée pour les entreprises solidaires au sens de l'article L. 443-3-2 du code du travail qui exercent une activité de gestion immobilière à vocation sociale ;

c) avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale ;

d) ses titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger;

e) être soumise à l'impôt sur les bénéfices dans les conditions de droit commun ou y être soumise dans les mêmes conditions si l'activité était exercée en France ;

f) être en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion au sens des lignes directrices concernant les aides d'Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises (2006/C194/02) ;

g) ne pas être qualifiable d'entreprise en difficulté au sens des lignes directrices communautaires concernant les aides d'Etat au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté ou relever des secteurs de la construction navale, de l'industrie houillère ou de la sidérurgie ;

h) le montant des versements mentionnés au premier alinéa ne doit pas excéder le plafond fixé par décret. Ce plafond ne peut excéder 1 500 000 euros par période de douze mois.

Par ailleurs, l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts que l'avantage fiscal s'applique également aux souscriptions en numéraire au capital d'une société satisfaisant aux conditions suivantes :

a) la société vérifie l'ensemble des conditions prévues au 1, à l'exception de celles prévues aux b, f et h ;

b) La société a pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant une des activités mentionnées au b du 1 ; [...]

Enfin, il résulte du bulletin officiel des impôts n° 41 du 11 avril 2008 référencé 7 S-3-08 que le bénéfice de ce dispositif a été admis pour les investissements réalisés dans des sociétés holding ne correspondant pas au caractère interposé susvisé mais qui assurent de manière effective un rôle d'animation de groupe de sociétés, selon le point 26 du bulletin précité ainsi libellé :

'Il est précisé que l'activité financière des sociétés holding les exclut normalement du champ d'application de la réduction.

Toutefois, pour l'application de ce dispositif, il convient d'assimiler les sociétés holding animatrices de leur groupe à des sociétés ayant une activité opérationnelle, si toutes les autres conditions prévues pour l'octroi de ce régime de faveur sont par ailleurs satisfaites.

Sont des sociétés holding animatrices les sociétés qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations :

- participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales;

- et rendent le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers (cf. DB 7 S 3323 n°16 et suivants).

Ces sociétés holding animatrices s'opposent aux sociétés holding passives qui sont exclues du bénéfice de la réduction d'impôt en tant que simples gestionnaires d'un portefeuille mobilier.'

- Sur le moyen tiré de la prescription du droit de reprise,

Aux termes de l'article L. 180 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable à la procédure litigieuse, le droit de reprise de l'administration s'exerce, pour l'impôt de solidarité sur la fortune, jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle de la déclaration.

Toutefois et en application de cette même disposition, ce délai triennal n'est opposable à l'administration que si l'exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le dépôt de la déclaration et des annexes, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures.

En application de l'article L. 186 du livre précité, le droit de reprise de l'administration s'exerce, à défaut de délai de prescription plus court ou plus long, jusqu'à l'expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l'impôt.

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que dès lors que la connaissance de l'exigibilité des droits ne résulte pas de manière certaine et directe du seul examen d'un acte enregistré ou présenté à la formalité et que des recherches ultérieures spécifiques sont nécessaires, la prescription du droit de reprise est de six ans.

En l'espèce, la cour rappelle que si en vertu de l'article 299, septies, de l'annexe III du code général des impôts dans sa version applicable au litige, la remise d'un état individuel de souscription au capital d'une société éligible au dispositif prévu par l'article 885-0, V, bis, du même code constitue une formalité nécessaire, elle est impropre à démontrer la réunion des conditions prévues par ce dernier texte et n'est créatrice d'aucun droit pour le contribuable même de bonne foi.

Contrairement aux affirmations de M. [C] et Mme [W] ainsi qu'aux motifs retenus par le juge de première instance, il ne peut donc être valablement déduit l'application du délai de reprise triennal de la seule exécution de leur obligation déclarative au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, en fournissant l'attestation de souscription au capital de la société Fineylia PME, la seule délivrance de ce document étant insuffisante à caractériser le droit au dispositif de défiscalisation susvisé.

Par ailleurs, alors même que ladite attestation ne précisait pas la date d'immatriculation au 05 juin 2009 de la société Fineylia PME, ce document est impropre à établir que cette entité ne pouvait détenir aucune participation à la date de souscription intervenue le lendemain, dans la mesure où les conditions d'immatriculation de la société, y compris l'existence d'éventuels actes préalablement effectués en son nom, restaient en tout état de cause inconnues tandis que seul l'examen des documents financiers relatifs à son activité est de nature à établir sa qualité d'actionnaire holding.

Ainsi, le seul examen de la déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune et de l'attestation jointe ne permettait pas à l'administration fiscale de juger du bien-fondé de la réduction d'imposition en considération de la nécessité de vérifier les conditions exigées par l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts relatives à la qualité de société opérationnelle bénéficiaire des versements ou de société de participations dans des sociétés opérationnelles, interposée ou d'animation.

Ainsi qu'il résulte des pièces produites et du motif de la proposition de redressement, l'appréciation de la régularité fiscale de la déclaration a nécessité pour l'administration d'effectuer diverses recherches relatives à la société Fineylia PME elle-même, à savoir l'examen de ses bilans relatant notamment ses prises de participation ainsi que la composition de son capital social.

Les dispositions de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 invoquées par M. [C] et Mme [W], entrées en vigueur postérieurement à la déclaration et à la procédure de vérification, sont sans incidence sur ce point.

Dès lors, l'administration fiscale ne pouvait, au seul vu de la déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune déposée au titre de l'année 2009 et de l'attestation jointe, sans avoir à se livrer à des recherches ultérieures, s'assurer de ce que la société Fineylia PME remplissait les conditions requises pour qu'une souscription à son capital ouvre droit à la réduction d'impôt prévue à l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts et ainsi prouver l'exigibilité des droits éventuellement omis.

Contrairement aux motifs retenus par le juge de première instance, l'application du délai de prescription sexennal sera donc retenu.

- Sur la décision de rejet du recours contentieux du 18 novembre 2016 et sur la demande tendant au dégrèvement de l'imposition contestée,

Au regard de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts susvisé, était instituée à l'époque des investissements réalisés une réduction d'impôt de solidarité sur la fortune à hauteur de 75 % du montant de la souscription directe au capital d'une société opérationnelle en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion, ou de la souscription au capital d'une société ayant pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés opérationnelles, dite société holding interposée, ou assurant de manière effective un rôle d'animation de groupe de sociétés.

En application de ces dispositions, si la qualification de société holding animatrice n'est pas subordonnée à une participation majoritaire au capital de sa filiale exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale, la fonction d'animation au sens des dispositions précitées est conditionnée par l'effectivité du contrôle et de l'animation du groupe exercés par la société holding indépendamment du seul cadre préalablement défini et présenté comme permettant à ladite société holding d'assurer ces missions, étant rappelé qu'il résulte du point 81 du BOI 7 S-3-08 susvisé qu'en cas d'investissement indirect via une société holding, la condition relative à la phase de développement de la société ne s'applique qu'à la société cible.

Ainsi et contrairement aux termes des écritures déposées au soutien des intérêts de M. [C] et Mme [W], seules les sociétés ayant déjà la qualité de holding animatrice de groupe à la date de la souscription litigieuse pouvaient être, déjà à l'époque alors que le raisonnement a contrario fondé sur les modifications introduites postérieurement par l'article 38 de la loi de finances n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 est dénué de pertinence, considérées comme étant en phase de croissance ou d'expansion lorsque les versements, correspondant à des souscriptions à son capital, étaient utilisés pour l'acquisition de participations nouvelles dans des sociétés filiales.

La cour observe sur ce point que dans sa réponse du 22 décembre 2016, M. [U] [Z], anciennement président de la Commission des Finances à l'Assemblée Nationale, tout en rappelant utilement que les modalités de ce type d'investissement 'ne relèvent pas directement du domaine de la loi, mais davantage de la doctrine fiscale', indique qu'"il était donc bien envisageable, avant [le 13 octobre 2010], de créer concomitamment une société holding animatrice ainsi qu'une et plusieurs filiales dans le seul but de bénéficier de conditions plus favorables pour les souscriptions réalisées dans le cadre de l'ISF-PME", alors même que cette situation ne correspond pas au cas d'espèce ne révèlant aucune concommitance entre ces deux opérations.

M. [C] et Mme [W] se bornent à produire, comme seul document comptable, un extrait du bilan au 30 juin 2010 de la société 'Fineylia', mentionnant à l'actif des participations chiffrées à la somme de 1 000 000 euros.

Cette prise de participation, annoncée dans le rapport de gestion à l'assemblée générale ordinaire de la société Fineylia PME du 07 décembre 2010 comme ayant été effectuée au capital de la société MIHC exploitant un hôtel à [Localité 3], n'est cependant pas datée dans ce document, ni dans le rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels daté du 03 novembre 2010.

La cour relève en outre que l'ensemble de ces documents sont postérieurs au 10 juin 2009.

De même, la mise en place d'un comité d'investissement au sein de la société Fineylia PME, ainsi que la convention de prestations de services entre les sociétés Fineylia PME et MIHC datée du 31 mai 2010, sont impropres à établir tant la date de prise de participation de la première dans la seconde, au demeurant non établie, que la qualité d'animation effective de la première.

Les considérations relatives à l' 'activité commerciale' de la société Fineylia PME, développées par M. [C] et Mme [W] pour considérer qu'elle englobe les préparatifs de cette dernière de sa prise de participation, sont sans incidence dans le cadre de l'application des dispositions litigieuses.

Ainsi, si une prise de participation de la société Fineylia PME dans une société filiale non identifiée résulte du bilan susvisé, M. [C] et Mme [W] n'invoquent ni ne produisent aucun élément de nature à établir qu'à la date de sa souscription au capital de la société Fineylia PME, soit le 12 juin 2009 ainsi qu'il résulte du registre des mouvements de titres et de l'attestation susvisée, cette dernière détenait une quelconque participation dans des sociétés opérationnelles ou exerçait une activité d'animatrice de groupe au sens des dispositions ci-avant rappelées, tandis qu'il n'est pas contesté qu'elle n'exerçait elle-même aucune activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Dès lors, les souscriptions effectuées par M. [C] à son capital n'étaient pas éligibles à la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l'année 2009.

Le jugement critiqué sera donc infirmé en ce qu'il a annulé la décision de rejet du recours contentieux en date du 18 novembre 2016 et a ordonné le dégrèvement en principal, intérêts et pénalités de l'imposition contestée.

M. [C] et Mme [W] seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu entre les parties le 04 février 2019 par le tribunal judiciaire de Dijon ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute M. [N] [C] et Mme [K] [W] épouse [C] de l'ensemble de leurs demandes ;

Les condamne aux dépens de première instance et d'appel ;

Accorde aux avocats de la cause qui l'ont sollicité, le droit de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute M. [N] [C] et Mme [K] [W] épouse [C] de leur demande et les condamne à payer à la Direction générale des finances publiques, poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, la somme de 1 500 euros, avec rejet de la demande formée par cette dernière pour le surplus.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/01356
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;23.01356 ?
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