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04/06/2024 | FRANCE | N°23/01299

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 04 juin 2024, 23/01299


ARRÊT N°

BUL/SMG



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 4 JUIN 2024



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 2 avril 2024

N° de rôle : N° RG 23/01299 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EVME



S/appel d'une décision

du Pole social du TJ de LONS LE SAUNIER

en date du 14 août 2023

Code affaire : 88A

Contestation d'une décision d'un organisme portant sur l'immatriculation, l'affiliation ou un refus de reconnaissance d'un droit



APPELANTE



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE HD, sise [Adresse 4]



représentée par Mme [E] [B], audienciére, selon pouvoir signé le 5 mars 2024 par Mme [I] [M], Directrice





INTIMÉE



Société [3], s...

ARRÊT N°

BUL/SMG

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 4 JUIN 2024

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 2 avril 2024

N° de rôle : N° RG 23/01299 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EVME

S/appel d'une décision

du Pole social du TJ de LONS LE SAUNIER

en date du 14 août 2023

Code affaire : 88A

Contestation d'une décision d'un organisme portant sur l'immatriculation, l'affiliation ou un refus de reconnaissance d'un droit

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE HD, sise [Adresse 4]

représentée par Mme [E] [B], audienciére, selon pouvoir signé le 5 mars 2024 par Mme [I] [M], Directrice

INTIMÉE

Société [3], sise [Adresse 1]

représentée par Me Guy DE FORESTA, avocat au barreau de LYON absent et substitué par Me Ghislain FREREJACQUES, avocat au barreau de DIJON, présent

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 2 Avril 2024 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER, Greffière

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 4 juin 2024 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCEDURE

Mme [E] [O], salariée de la société [3] en qualité de manutentionnaire, a établi le 23 juillet 2021 une déclaration de maladie professionnelle en raison d'une tendinopathie du supra-épineux et tendinopathie modérée du supra-épineux sur la base d'un certificat médical dressé le 13 juillet 2021 ainsi libellé : "Tab 57 : épaule droite tendinopathie supra-épineux".

Saisi par la Caisse primaire d'assurance maladie du Jura (ci-après la Caisse) d'une demande d'avis au motif que le délai de prise en charge était dépassé, le CRRMP de [Localité 2] a rendu le 1er février 2022 un avis favorable à la prise en charge à titre professionnel de la maladie professionnelle de Mme [E] [O].

Après notification de cette décision le 3 février 2022, la société [3] a saisi, le 4 avril 2022, la Commission de recours amiable de la Caisse qui, par décision du 7 septembre 2022 a rejeté son recours.

Par requête transmise sous pli recommandé expédié le 11 août 2022, la société [3] a saisi le tribunal judiciaire de Lons le Saunier, lequel, suivant jugement du 14 août 2023, a :

- dit que le principe du contradictoire a été violé par la CPAM du Jura lors de la phase d'instruction du dossier relative à la reconnaissance à titre professionnel de la maladie déclarée

- dit en conséquence inopposable à la société [3] la décision de prise en charge à titre professionnel de la maladie professionnelle de Mme [E] [O]

- dit n'y avoir lieu de désigner un deuxième CRRMP

- infirmé la décision de la CRA de la CPAM du Jura du 7 septembre 2022

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions

- condamné la CPAM du Jura aux dépens

Les premiers juges ont retenu en substance que la Caisse avait méconnu les dispositions de l'article R.461-10 du code de la sécurité sociale en indiquant par erreur que l'employeur pouvait consulter le dossier et le compléter jusqu'au 20 décembre 2021 alors que le délai expirait le 22 décembre à minuit, de sorte que l'employeur n'a pas bénéficié d'un délai de 30 jours imparti par ce texte.

Par déclaration transmise sous pli recommandé avec avis de réception le 25 août 2023, la CPAM a relevé appel de cette décision et par dernières conclusions visées le 26 mars 2024, demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions

- dire que la décision de prise en charge de la pathologie déclarée par Mme [E] [O] au titre de la législation professionnelle est opposable à la société [3]

- débouter la société [3] de ses entières demandes, notamment au titre des frais irrépétibles

- condamner l'intimée aux entiers dépens

Aux termes de ses écrits déposés le 22 mars 2024, la société [3] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions

- condamner la CPAM du Jura à lui verser une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions susvisées, développées oralement lors de l'audience de plaidoirie du 2 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article R.461-10 du code de la sécurité sociale issu du décret n°2019-356 du 23 avril 2019 dispose que :

'Lorsque la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, elle dispose d'un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

La caisse met le dossier mentionné à l'article R. 441-14, complété d'éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur pendant quarante jours francs. Au cours des trente premiers jours, ceux-ci peuvent le consulter, le compléter par tout élément qu'ils jugent utile et faire connaître leurs observations, qui y sont annexées. La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ce dossier. Au cours des dix jours suivants, seules la consultation et la formulation d'observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l'employeur.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'échéance de ces différentes phases lorsqu'elle saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

A l'issue de cette procédure, le comité régional examine le dossier. Il rend son avis motivé à la caisse dans un délai de cent-dix jours francs à compter de sa saisine.

La caisse notifie immédiatement à la victime ou à ses représentants ainsi qu'à l'employeur la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie conforme à cet avis'.

Au cas particulier, la caisse fait valoir au soutien de son appel que le délai de consultation de 40 jours francs de l'employeur en cas de saisine du CRRMP court à compter de la saisine de ce Comité et non de la réception de cette information par l'employeur, au risque de faire courir le délai précité à partir de dates différentes pour chaque partie concernée, et prétend que seule la mise à disposition du dossier pour consultation pendant 10 jours francs avant transmission au CRRMP est sanctionnable par une inopposabilité.

La société [3] réitère pour sa part son moyen tiré de l'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de sa salariée, Mme [E] [O], en raison de l'inobservation du principe contradictoire.

Elle considère à la suite des premiers juges que le délai de 40 jours prévu par le texte précité court à compter de la réception de l'information donnée par la caisse de la saisine du CRRMP et fait valoir qu'en l'occurrence elle n'a pas disposé du délai réglementaire pour compléter son dossier ou présenter des observations.

Elle fait en outre valoir que la Caisse ne lui a pas transmis l'intégralité des conclusions administratives, pourtant sollicitées le 30 novembre 2021, auxquelles a abouti le rapport établi par les services du contrôle médical, pourtant communicables de plein droit.

Selon l'article R.461-10 ci-dessus rappelé, la caisse, qui dispose d'un nouveau délai de cent vingt jours francs à compter de la saisine du CRRMP, est tenue d'informer de cette saisine la victime et l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information, ainsi que de toutes les dates d'échéances et notamment, de celles afférentes à la consultation du dossier.

Ainsi, la mise à disposition du dossier pendant 40 jours francs se décompose en un premier délai de 30 jours ouvrant droit à l'employeur, la victime, la caisse et le service du contrôle médical de compléter le dossier et en un second délai de 10 jours au cours duquel seules la consultation et la formulation d'observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l'employeur.

Le Comité se prononce ensuite à l'issue de la procédure de consultation par un avis motivé, émis dans un délai de 110 jours francs à compter de sa saisine.

Il est exact que seuls les points de départ du délai dans lequel le CRRMP doit se prononcer (110 jours francs à compter de sa saisine) et dans lequel la Caisse doit statuer sur le caractère professionnel de la maladie (120 jours francs à compter de cette saisine) sont mentionnés dans ce texte et que ce dernier ne précise pas le point de départ du délai de 40 jours imparti pour consulter et enrichir le dossier puis présenter des observations.

Pour autant, il ressort des dispositions susvisées que le pouvoir réglementaire a fixé à 30 jours calendaires le délai ouvert aux parties pour ajouter au dossier tous les éléments qu'elles jugent utile de porter à la connaissance du CRRMP, en plus de ceux déjà présents au dossier, délai auquel s'ajoutent 10 jours francs pour formuler des observations.

Or, ce délai ne présente d'utilité que si celui auquel il est imparti en a connaissance, de sorte qu'il ne court nécessairement qu'à compter de la réception par les destinataires de l'information communiquée par la Caisse, comme le laisse d'ailleurs entendre l'usage dans l'article R.461-10 de la formule 'par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information'.

A cet égard, le point de départ 'glissant' du délai induit par le recours à la lettre recommandée et aux aléas de son acheminement par la voie postale, duquel résulte la possibilité d'une date de clôture de la procédure différente d'une partie à l'autre ne saurait constituer un argument pertinent pour écarter l'objectif poursuivi par le texte applicable tenant au renforcement du respect d'une procédure d'instruction contradictoire.

Au cas particulier, la Caisse a informé la société [3] de la saisine du CRRMP par lettre recommandée avec avis de réception du 19 novembre 2021, qui a été réceptionnée par son destinataire le 22 novembre suivant, comme en atteste l'avis de réception versé aux débats. Ce pli informait l'employeur qu'il disposait d'un délai expirant le 20 décembre 2021 pour consulter et compléter le dossier puis d'un délai expirant le 31 décembre 2021 pour formuler des observations sans joindre de nouvelles pièces.

Il s'ensuit que, conformément aux règles de computation des délais prescrites aux articles 641 et 642 du code de procédure civile, la société [3] a bénéficié d'un délai de 28 jours utiles à compter de la réception de la lettre recommandée pour consulter et compléter le dossier.

Ainsi, la notification ne répond pas aux exigences de l'article R.461-10 précité, dès lors que la Caisse n'a pas mis l'employeur en mesure de bénéficier du délai de 30 jours imparti pour consulter et compléter le dossier.

Si la Caisse fait observer à juste titre que l'employeur disposait du pouvoir de compléter son dossier avant même la saisine du CRRMP, cet argument est inopérant dans la mesure où il doit disposer dans son entièreté du délai impératif complémentaire imparti par ce texte, dont la finalité est de permettre à l'employeur de verser au dossier, pour qu'elles soient prises en compte par le CRRMP et soumises à son examen, les pièces qu'il estime de nature à remettre en cause le lien entre la maladie et l'activité professionnelle de la salariée, dans le strict respect du caractère contradictoire de la procédure d'instruction.

Dans ces conditions, la sanction, certes non expressément prévue par le texte applicable, ne peut néanmoins qu'être celle de l'inopposabilité, à l'égard de l'employeur, de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Mme [E] [O] pour non-respect du caractère contradictoire de la procédure.

Il n'est donc point besoin d'examiner le second moyen tiré de la violation du contradictoire invoqué par l'intimée, tenant au défaut de transmission par la Caisse des conclusions du rapport du médecin du travail et du rapport établi par les services du contrôle médical.

La décision entreprise, qui a retenu l'inopposabilité de la décision de la Caisse à l'encontre de la société [3], sera confirmée de ce chef.

Le jugement querellé sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens et la société [3] sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et les dépens d'appel supportés par l'appelante.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement entrepris toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

REJETTE la demande d'indemnité de procédure de la SAS [3].

CONDAMNE la Caisse primaire d'assurance maladie du Jura aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le quatre juin deux mille vingt quatre et signé par Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller, pour le Président empêché, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LE CONSEILLER,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/01299
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;23.01299 ?
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