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04/06/2024 | FRANCE | N°23/00530

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 04 juin 2024, 23/00530


ARRÊT N°

BUL/CE/SMG



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 4 JUIN 2024



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 19 décembre 2023

N° de rôle : N° RG 23/00530 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ETZ5



Sur saisine aprés décision de la Cour de Cassation

en date du 1er mars 2023

Code affaire : 80L

Demande de prise d'acte de la rupture du contrat de travail



APPELANT



Monsieur [K] [Z] demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Cédri

c MENDEL, avocat au barreau de DIJON, présent





INTIMEE



S.A.S.U. ISERBA sise [Adresse 1]/FRANCE



représentée par Me Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON, présent









COMPOSITION DE LA CO...

ARRÊT N°

BUL/CE/SMG

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 4 JUIN 2024

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 19 décembre 2023

N° de rôle : N° RG 23/00530 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ETZ5

Sur saisine aprés décision de la Cour de Cassation

en date du 1er mars 2023

Code affaire : 80L

Demande de prise d'acte de la rupture du contrat de travail

APPELANT

Monsieur [K] [Z] demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Cédric MENDEL, avocat au barreau de DIJON, présent

INTIMEE

S.A.S.U. ISERBA sise [Adresse 1]/FRANCE

représentée par Me Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON, présent

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 19 Décembre 2023 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER, Greffière

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 12 Mars 2024 par mise à disposition au greffe. A cette date la mise à disposition de l'arrêt a été successivement prorogé jusqu'au 4 juin 2024.

**************

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [K] [Z] a été embauché par la société ISERBA le 25 avril 2016 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, en qualité de manager opérationnel- niveau 2 - statut cadre.

Le 22 avril 2017, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Estimant n'avoir eu d'autre choix que de prendre acte de la rupture de son contrat en raison d'un grand nombre d'heures supplémentaires non rémunérées, M. [K] [Z] a, par requête du 8 août 2017, saisi le conseil de prud'hommes de Dijon aux fins de voir dire que cette prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices et le paiement desdites heures supplémentaires.

Suivant jugement du 4 avril 2018 le conseil de prud'hommes de Dijon a':

- dit que M. [K] [Z] ne justifie pas de manquements graves de la société ISERBA ayant empêché la poursuite du contrat de travail

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission

- débouté M. [K] [Z] de l'ensemble de ses demandes

- débouté la société ISERBA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- dit que les dépens sont à la charge de M. [K] [Z]

Statuant sur l'appel relevé par le salarié le 4 mai 2018, la cour d'appel de Dijon a par arrêt du 4 février 2021 :

- confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions

- débouté M. [K] [Z] de ses demandes

Y ajoutant,

- condamné M. [K] [Z] à payer à la société ISERBA la somme de 800 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile

- rejeté la demande d'indemnité de procédure formée par M. [K] [Z] - condamné M. [K] [Z] aux dépens d'appel

Saisie d'un pourvoi par le salarié, la Cour de cassation a, par arrêt du 1er mars 2023, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel de Dijon, remis l`affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyés devant la cour d'appel de Besançon en condamnant la société ISERBA aux dépens.

La Cour retient ainsi que :

- au visa des articles L.3171-2 et suivants du code du travail, s'agissant du moyen pris en sa première branche, 'pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient notamment que l'intéressé n'étaie pas sa demande par la production d'un décompte précis énumérant ses diverses tâches au sein de l'entreprise, ni un relevé suffisamment détaillé mentionnant pour chaque journée de travail son horaire précis, permettant à l'employeur d'y répondre, alors qu'il résultait de ses constatations d'une part que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé

- au visa de l'article 1184 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, et de l'article L.1231-1 du code du travail, s'agissant du moyen pris en sa deuxième branche, 'pour débouter le salarié de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient, qu'à supposer que les prétentions du salarié eussent été justifiées, la prise d'acte a été pour le moins prématurée et qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que les manquements invoqués par le salarié n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés

Suite aux deux déclaration de saisine du 30 mars 2023 et du 7 avril 2023 transmises par M. [K] [Z], le magistrat en charge de la mise en état a, par ordonnance du 7 juillet 2023, ordonné la jonction des deux procédures en précisant qu'elles se poursuivraient sous le n° RG 23/530.

Aux termes de ses dernières conclusions du 5 décembre 2023, M. [K] [Z] demande à la cour de renvoi de':

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Dijon le 4 avril 2018

- dire que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner la société ISERBA à lui verser les sommes suivantes :

* 828,40 € bruts à titre d'indemnité légale de licenciement

* 10 000 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 15 409,20 € bruts au titre des heures supplémentaires, outre 1 540,92 € bruts au titre des congés payés afférents

* 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour dépassement de la durée maximale de travail

* 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société ISERBA à lui remettre les documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées, à savoir, une fiche de paie, une attestation POLE EMPLOI et un reçu pour solde de tout compte

- condamner la société ISERBA aux dépens de premier instance et d'appel

- débouter la société ISERBA de l'ensemble de ses demandes

Par ultimes écrits du 24 août 2023, la société ISERBA demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Dijon le 4 avril 2018 en ce qu'il a débouté M. [K] [Z] de toutes ses demandes

- l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

- dire que M. [K] [Z] a été systématiquement rémunéré en fonction du nombre d'heures réellement exécutées

- dire que la rupture par M. [K] [Z] de son contrat de travail produit les effets d'une démission

- dire que M. [K] [Z] est totalement défaillant dans la démonstration d'un quelconque préjudice

- condamner M. [K] [Z] à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. [K] [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I/ Sur les heures supplémentaires

M. [K] [Z] fait valoir, au visa des articles L.3171-2 et suivants du code du travail, qu'il a été contraint d'effectuer des heures supplémentaires, qui ne lui ont pas été rémunérées par la société ISERBA, et estime communiquer des éléments suffisamment précis, qui permettent à l'employeur, tenu de contrôler les horaires de travail de ses salariés, d'y répondre.

Il fait grief au jugement querellé d'avoir considéré qu'il ne lui soumettait pas des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires invoquées, au motif qu'il ne s'expliquerait pas systématiquement sur les dépassements horaires effectués certains jours et qu'il aurait relevé certaines contradictions entre le tableau Excel communiqué et ses déclarations à la barre.

La société ISERBA, pour sa part, s'étonne tout d'abord que le salarié n'ait émis aucune doléance pendant près d'une année portant sur un dépassement d'horaire conventionnel, affirme que sa charge de travail n'excédait pas celle d'un temps plein et qu'elle ne l'a jamais autorisé à accomplir de telles heures.

Elle considère ainsi que le document Excel a de toute évidence été établi pour les besoins de la cause et n'est corroboré par aucun élément objectif probant, estimant que les attestations communiquées par la partie adverse sont inexploitables car libellées en des termes vagues et généraux.

Elle rappelle enfin que M. [K] [Z] étant soumis à l'horaire collectif de travail, et non à un horaire individualisé, elle n'avait pas à procéder à un contrôle de son temps de travail.

Selon l'article L.3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures effectuées, l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toute mesure d'instruction qu'il estime utile.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient donc au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Soc. 27 janvier 2021, n°17-31046).

A l'appui de sa demande, l'appelant communique aux débats :

- un tableau Excel portant sur la période du 25 avril 2016, date de son embauche, au 4 juin 2017 faisant apparaître des heures d'arrivée à son poste et de départ en fin de journée ainsi que les temps de pause méridienne, les heures de travail effectuées chaque jour et le delta entre celles-ci et l'horaire de travail contractuel ainsi que quelques commentaires (déplacements divers, formation, absences, férié...)

- un tableau faisant le détail de l'indemnisation des heures supplémentaires pour chacune des semaines sur la même période, en fonction de la majoration (25%, 50%)

- une feuille à l'en-tête de 'ISERBA Maintenance immobilière' faisant apparaître manuscritement des noms de clients et heures d'intervention avec une ultime mention 'Appel de [K] à 7H02" à mettre en parallèle avec un document intitulé 'Bilan d'intervention - Astreinte' renseigné par le technicien 'KMUNO', mentionnant également à la date du 21 janvier un appel à 7H02 de '[Z]', qui ne précisent toutefois pas la teneur de l'appel et ne sont pas de nature à justifier que M. [K] [Z] se trouvait bien en situation de travail à ladite heure

- quatre attestations d'employés ou anciens employés de la société ISERBA témoignant que M. [K] [Z] arrivait le matin vers 7H00 ou 7H50 et faisait la fermeture de l'agence le soir vers 18H30/19H00, ne ménageait pas ses heures et effectuait parfois lui-même ou en soutien technique d'un de ses équipiers des interventions de maintenance, y compris le week-end

A cet égard il est incontestable que les pièces susvisées et en particulier les deux tableaux constituent des éléments suffisamment précis, qui permettent à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments (Soc. 8 juillet 2020, n°18-26385).

Il incombe dans ces conditions à la société ISERBA de démontrer que les horaires effectués par son salarié n'étaient pas ceux qu'il allègue et qu'aucune heure supplémentaire ne doit lui être rémunérée, ainsi qu'elle le soutient.

En premier lieu, si la société ISERBA objecte à son salarié qu'elle n'était pas tenue, en application de l'article L.3171-2 du code du travail, de contrôler la durée du travail de son salarié dès lors que l'ensemble de son personnel était soumis à un horaire collectif, il n'en demeure pas moins qu'en vertu de l'article L.3171-4 précité, il lui incombe de fournir à la cour les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par celui-ci, en présence d'un litige portant précisément sur les heures de travail accomplies.

Pour ce faire, elle communique aux débats deux attestations (celle de Mme [L] [D], responsable des ressources humaines, n'évoquant pas la situation de M. [K] [Z]), aux termes desquelles ce dernier n'aurait jamais exprimé à M. [T] [M], directeur opérationnel régional, et à M. [J] [U] (responsable des ressources humaines) de doléances ou de demande en paiement d'heures supplémentaires jusqu'à son courrier du 22 avril 2017 valant prise d'acte de la rupture de son contrat.

Cependant, ce seul constat et l'absence de justification par le salarié d'une revendication formelle en paiement d'heures supplémentaires de travail durant l'exécution de la relation de travail n'est pas une condition préalable et ne lui interdit pas de formaliser une telle demande en la cause.

L'examen des bulletins de salaire de l'intéressé, qui apparaissent conformes, s'agissant du nombre d'heures de travail effectuées et rémunérées, aux termes de son contrat de travail, savoir 151,67 heures outre un forfait de 13 heures supplémentaires au taux majoré de 25%, permet de relever qu'aucune heure supplémentaire, en sus dudit forfait, ne lui a été réglée par l'employeur.

La seule affirmation du supérieur hiérarchique de M. [K] [Z], selon laquelle 'la configuration de l'équipe rassemblée sur un seul site ([Localité 3]) et le volume d'activité affecté à [K] [Z], était dans la norme habituelle de la charge affectée à un manager opérationnel' ne saurait suffire à écarter l'existence des heures supplémentaires invoquées.

A cet égard il est en effet de jurisprudence constante que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées (Soc.14 novembre 2018, n°17-16959).

Or, en l'espèce, il ressort suffisamment des débats que M. [K] [Z], responsable d'agence, avait la charge d'ouvrir l'agence de [Localité 3] chaque matin et d'organiser les journées de travail des salariés en s'assurant de la remise des pièces nécessaires aux interventions de maintenance prévues pour chacun. Il apparaît en outre qu'après un debriefing au retour de chaque dépanneur en fin de journée, il assurait lui-même la fermeture de l'agence. Il effectuait en outre des déplacements réguliers.

Il suit de là qu'en l'état des pièces communiquées par l'employeur, la cour ne peut que faire le constat que l'employeur échoue dans la part de la charge probatoire qui lui incombe.

Contrairement à la juridiction de première instance, la cour ne décèle à la lecture des éléments communiqués, aucune incohérence particulière dans le détail des heures supplémentaires telles qu'elles résultent du tableau produit (pièce n°6), notamment en comparaison des attestations communiquées et de ses déclarations à l'audience devant la juridiction prud'homale.

Il en résulte en conséquence qu'il doit être fait droit à la demande de celui-ci à hauteur de la somme de 15 409,20 euros, outre 1 540,92 euros au titre des congés payés afférents.

Dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté purement et simplement la demande de M. [K] [Z] au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents et le jugement querellé sera donc infirmé de ce chef.

II- Sur le dépassement de la durée maximale de travail

M. [K] [Z] sollicite l'allocation d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à raison du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail et fait grief aux premiers juges d'avoir rejeté sa demande à ce titre.

En réponse, l'employeur affirme que son salarié effectuait 38 heures de travail hebdomadaire à la faveur du forfait d'heures supplémentaires et qu'il n'y a eu aucun dépassement de la durée maximale hebdomadaire et estime rapporter la preuve par la production du témoignage de M. [T] [M] de l'absence d'un tel dépassement.

En tout état de cause, il estime que la charge de la preuve d'un préjudice découlant du prétendu dépassement incombe à M. [K] [Z] et qu'à cet égard il échoue à justifier du bien fondé de sa demande, estimant encore que l'absence de doléances antérieures est de nature à démontrer l'absence de préjudice.

Selon l'article L.3121-20 du code du travail, 'Au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures'.

Si l'employeur ne disconvient pas que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur, c'est à tort qu'il estime rapporter suffisamment cette preuve, dans la mesure il ne communique aucune pièce à cet égard, et le simple témoignage peu circonstancié du supérieur hiérarchique direct de M. [K] [Z], ne saurait être considéré comme opérant, à cet égard.

Le salarié soutient pour sa part que pour l'année 2016, cette durée maximale a été dépassée pour les semaines 22, 23, 25, 26, 36, 37, 38, 40, 42, 43, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51 et 52 et pour l'année 2017, pour les semaines 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 et il ressort de l'examen des tableaux communiqués par l'appelant que ces dépassements sont établis, à l'exception de la semaine 9 de l'année 2017 pour laquelle l'intéressé indique avoir accompli 46,60 heures de travail.

Par ailleurs, contrairement aux affirmations de la société ISERBA, il est désormais admis que le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail cause nécessairement un préjudice au salarié (Soc. 26-1-2022 n° 20-21.636), de sorte que l'intéressé est fondé à demander réparation.

Au vu des faits de la cause et de la durée de la relation de travail, il y a lieu, ajoutant au jugement s'agissant d'une demande nouvelle, d'indemniser l'appelant à ce titre en lui octroyant une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

III - Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail et les demandes pécuniaires subséquentes

M. [K] [Z] fait valoir qu'en raison du non paiement de ses heures supplémentaires, il a été contraint de prendre acte de la rupture de son contrat de travail et soutient que ce manquement imputable à l'employeur rend impossible la poursuite de la relation de travail, de sorte qu'elle doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société ISERBA rappelle que pour produire les effets d'un tel licenciement, le salarié doit préalablement démontrer l'existence d'un ou plusieurs faits imputables à l'employeur d'une gravité suffisante propre à empêcher la poursuite de la relation contractuelle et que le doute sur l'existence d'un tel manquement profite à l'employeur.

Le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur lorsque ce dernier n'exécute pas ses obligations contractuelles. Si les faits le justifient, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et dans le cas contraire ceux d'une démission.

Dans le premier cas, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ne produit cependant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les manquements de l'employeur étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

Au cas particulier, il résulte de la lettre adressée sous pli recommandé le 22 avril 2017 par le salarié à la société ISERBA qu'il reprochait à son employeur ne n'avoir pas respecté ses engagements initiaux (sans autre précision) et de ne pas lui avoir payé ses heures supplémentaires. Or, M. [K] [Z] ne développe dans le corps de ses écrits que ce dernier grief.

Il a été précédemment démontré que la société ISERBA est effectivement redevable d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires réalisées par son salarié, de sorte que ce grief est caractérisé.

Cependant, pour permettre une qualification de la prise d'acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le manquement imputable à l'employeur doit par sa gravité rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle, or tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce.

En effet, M. [K] [Z] a exécuté son contrat de travail jusqu'à l'envoi de sa lettre du 22 avril 2017 sans justifier avoir antérieurement émis la moindre doléance ou revendication au titre d'heures supplémentaires non payées, alors même qu'il ressort des productions qu'il a réalisé de telles heures dès avril 2016 et jusqu'en mars 2017, et a attendu le 21 avril 2017 et un entretien avec son supérieur hiérarchique pour solliciter de manière officielle une régularisation salariale.

Cette situation n'a par conséquent manifestement pas empêché la collaboration professionnelle durant ces douze mois, à telle enseigne d'ailleurs qu'il informe spontanément son employeur dans son courrier de rupture qu'il réalisera son préavis d'un mois, alors que dans une telle hypothèse il n'y était pas tenu (Soc. 14 novembre 2018, 17-18.890).

Dans ces conditions, la cour considère qu'aucun manquement suffisamment grave de nature à faire obstacle ou de rendre impossible la poursuite entre les parties de l'exécution du contrat de travail n'est caractérisé, de sorte que la prise d'acte de la rupture doit en l'espèce produire les effets d'une démission et non d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement de première instance sera par conséquent confirmé en ce qu'il a ainsi statué.

IV- Sur les demandes accessoires

Il sera fait droit à la demande du salarié tendant à voir enjoindre à son employeur la remise des documents de fin de contrat dûment rectifiés.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il déboute la société ISERBA de sa demande d'indemnité de procédure mais infirmé en ce qu'il statue sur le surplus des frais irrépétibles et les dépens.

L'issue du litige à hauteur d'appel commande de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société ISERBA et de la condamner à verser à M. [K] [Z] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant sur renvoi de cassation, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 1er mars 2023,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Dijon le 4 avril 2018 sauf en ce qu'il rejette la demande en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, déboute M. [K] [Z] de sa demande d'indemnité de procédure et d'injonction de communiquer les documents de fin de contrat rectifiés et met les dépens à sa charge.

L'INFIRME de ces seuls chefs, statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SASU ISERBA à payer à M. [K] [Z] les sommes suivantes :

- 15 409,20 euros au titre du paiement des heures supplémentaires

- 1 540,92 euros au titre des congés payés afférents

- 1 000 euros en réparation du préjudice lié au dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire

ENJOINT à la SASU ISERBA de remettre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt à M. [K] [Z] une fiche de paie, une attestation France Travail (ex Pôle Emploi) et un solde de tout compte tenant compte des condamnations prononcées par le présent arrêt.

CONDAMNE la SASU ISERBA à payer à M. [K] [Z] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

REJETTE la demande d'indemnité de procédure formée par la SASU ISERBA.

CONDAMNE la SASU ISERBA aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le douze mars deux mille vingt quatre et signé par Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller, pour le Président empêché et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LE CONSEILLER,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00530
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;23.00530 ?
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