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04/06/2024 | FRANCE | N°19/02354

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 04 juin 2024, 19/02354


Le copies exécutoires et conformes délivrées à

MWFA











REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Minute n°

N° de rôle : N° RG 19/02354 - N° Portalis DBVG-V-B7D-EGHS





COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale



ARRÊT DU 04 JUIN 2024





Décision déférée à la Cour : jugement du 12 novembre 2019 - RG N°18/01145 - TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BESANCON - arrêt de la cour d'appel de Besançon du 30 mars 2021
>Code affaire : 74D - Demande relative à un droit de passage





COMPOSITION DE LA COUR :



M. Michel WACHTER, Président de chambre.

M. Cédric SAUNIER et Madame Bénédicte MANTEAUX, Conseiller...

Le copies exécutoires et conformes délivrées à

MWFA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Minute n°

N° de rôle : N° RG 19/02354 - N° Portalis DBVG-V-B7D-EGHS

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 04 JUIN 2024

Décision déférée à la Cour : jugement du 12 novembre 2019 - RG N°18/01145 - TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BESANCON - arrêt de la cour d'appel de Besançon du 30 mars 2021

Code affaire : 74D - Demande relative à un droit de passage

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Michel WACHTER, Président de chambre.

M. Cédric SAUNIER et Madame Bénédicte MANTEAUX, Conseillers.

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

L'affaire a été examinée en audience publique du 02 avril 2024 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, M. Cédric SAUNIER et Madame Bénédicte MANTEAUX, conseillers et assistés de Mme Fabienne ARNOUX, greffier.

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

L'affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

SARL 3 L IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié de droit en cette qualité audit siège social

Sise [Adresse 2]

Immatriculée au RCS de [Localité 24] sous le numéro 503 596 00023

Représentée par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON

ET :

INTIMÉES

Syndicat des copropriétaires [Adresse 16]

Sis [Adresse 17]

Représentée par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON

Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] pris en la personne de son syndic en exercice, la SAS PONTIM GESTION IMMOBILIERE, dont le siège social est [Adresse 3], pris en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié de droit en cette qualité audit siège

Sis [Adresse 9]

Immatriculé au RCS de [Localité 24] sous le numéro 333 844 769 00013

Représentée par Me Lucie TEIXEIRA, avocat au barreau de BESANCON

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.

*************

S'agissant de l'exposé des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions initiales des parties, il est expressément fait référence à l'arrêt du 30 mars 2021 ayant infirmé le jugement rendu le 12 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon en toutes ses dispositions, dit que le fonds cadastré section [Cadastre 22] sis [Adresse 4], propriété de la SARL 3L Immobilier, est enclavé en ce qu'il ne dispose pas actuellement d'un accès suffisant à la voie publique, et a sursis à statuer notamment sur les modalités de fixation du tracé et de l'assiette de la servitude, en ordonnant une expertise technique pour l'éclairer sur ce point.

L'expert judiciaire, M. [P] [U], a déposé le rapport de ses opérations le 4 juillet 2023.

Par conclusions récapitulatives transmises le 1er mars 2024, la société 3L Immobilier demande à la cour :

Vu les articles 682 et 684 du code civil, l'article 564 du code de procédure civile,

- de dire et juger irrecevable comme nouvelle les demandes du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 11]) d'indemnisation du droit de passage fixé, le cas échéant, sur son fonds cadastré section [Cadastre 20], et de l'en débouter ;

- de dire et juger irrecevables pour défaut de qualité à agir les demandes du syndicat des copropriétaires du [Adresse 19]) portant sur les parties privatives ou préjudices personnels des copropriétaires et notamment concernant les sèche-linges, la disparition alléguée de places de stationnements, la perte alléguée de valeur de l'immeuble, le prétendu préjudice de jouissance ;

Vu l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et le sursis prononcés le 30 mars 2021 par arrêt n°21/233 de la cour, statuant à nouveau sur les points non tranchés par l'arrêt mixte du 30 mars 2021 :

- de dire et juger que le fonds dominant cadastré section [Cadastre 22] sis [Adresse 5]), bénéficie d'une servitude légale de passage, par piétons et par véhicules :

* à titre principal, selon la proposition 3.4.1 du rapport de l'expert judiciaire, sur le fonds servant cadastré section [Cadastre 21] sis [Adresse 19]) ;

* à titre subsidiaire, sur l'un et/ou l'autre des fonds servants cadastrés section [Cadastre 20] sis [Adresse 11]) et/ou section [Cadastre 21] sis [Adresse 19]) ;

- de dire et juger que le propriétaires actuels et successifs du/des fonds servant(s) ne pourront ni modifier, ni supprimer la servitude de passage, sans l'accord exprès et préalable des propriétaires du fonds dominant ;

- de dire et juger que la SARL 3L Immobilier est autorisée à réaliser tous travaux sur le(s) fonds servant(s) pour créer l'ouverture en limite séparative, après toutes déclarations d'urbanisme préalables ;

- d'ordonner aux frais du propriétaire du/des fonds servant(s) la publication de l'arrêt à intervenir au service de publicité foncière territorialement compétent au rang des parcelles cadastrées section [Cadastre 20] et/ou [Cadastre 6] et [Cadastre 13], dans le délai maximum d'un mois, sous astreinte définitive de 150 euros / jour de retard passé ledit délai ;

- de débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 11]) et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 19]) de toutes demandes contraires ;

- de réduire le cas échéant, l'indemnité de désenclavement sollicitée par le(s) propriétaire(s) du/des fonds servant(s) à de plus justes proportions ;

- de condamner solidairement le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 11]) et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 19]) à payer à la SARL 3L Immobilier une somme de 8 940 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, le tout sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise judiciaire conformément aux dispositions de l'article 695, 4° du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 31 janvier 2024, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 10] demande à la cour :

Vu les articles 682 et 684 du code civil,

Vu l'article 564 du code de procédure civile,

Vu l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et le sursis prononcés le 30 mars 2021 par arrêt n°21/233 de la cour de céans,

Statuant à nouveau sur les points non tranchés par l'arrêt mixte du 30 mars 2021 :

- de juger que le fonds dominant cadastré section [Cadastre 22] sis [Adresse 5]), bénéficie d'une servitude légale de passage, par piétons et par véhicules selon la proposition 3.4.1 du rapport de l'expert judiciaire, sur le fonds servant cadastré section [Cadastre 21] sis [Adresse 19]) ;

- de débouter la société 3L Immobilier de sa demande formée à titre subsidiaire de servitude sur le fonds cadastré section [Cadastre 20] du syndicat de copropriétaires [Adresse 8] (3.4.3) à [Localité 25] ([Localité 12]) ;

A titre subsidiaire :

Si la cour devait juger que le fonds dominant cadastré section [Cadastre 22] sis [Adresse 5]), bénéficie d'une servitude légale de passage, par piétons et par véhicules sur le fonds servant cadastré section [Cadastre 20] sis [Adresse 11]),

- de juger recevables les demandes indemnitaires du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 11]) au titre de l'indemnisation du droit de passage fixé, le cas échéant, sur son fonds cadastré section [Cadastre 20] ;

- de condamner la société 3L Immobilier à indemniser le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 11]), compte tenu de la servitude de passage des préjudices suivants :

* 32 175 euros au titre de l'indemnité de désenclavement ;

* 30 000 euros au titre de la gestion de la circulation ;

* 4 000 euros au titre de la démolition des murs ;

- d'ordonner aux frais de la société 3L Immobilier, appelante, la publication de l'arrêt à intervenir au service de publicité foncière territorialement compétent au rang des parcelles cadastrées section [Cadastre 23] et[Cadastre 1] et [Cadastre 13] ;

- de débouter la société 3L Immobilier et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 19]) de toutes demandes contraires dirigées à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 11]) ;

- de condamner la société 3L Immobilier à régler au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 11]) la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de juger que les frais d'expertise judiciaire seront pris en charge par société 3L Immobilier, laquelle a intérêt à bénéficier d'un droit de passage sur un fonds voisin ;

- de condamner la société 3L Immobilier aux entiers dépens.

Par conclusions après expertise notifiées le 9 février 2024, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 16] demande à la cour :

A titre principal,

- de débouter la SARL 3L Immobilier de ses demandes dirigées contre le syndicat des copropriétaires [Adresse 14] visant à voir fixer l'assiette de droit de passage à son profit sur le fonds servant cadastré section [Cadastre 21] ;

- de condamner la SARL 3L Immobilier à régler au syndicat des copropriétaires [Adresse 14] une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

- de condamner la SARL 3L Immobilier à régler au syndicat des copropriétaires [Adresse 14] les sommes de :

* privation d'usage de l'assiette de la servitude 30 525 euros

* disparition du séchoir 6 000 euros

* disparition du jardin 1 700 euros HT

* déplacement du stockage container 1 680 euros HT

* perte des places de stationnement 106 600 euros

* gestion de la circulation 30 000 euros

* démolition des murs 4 000 euros HT

* perte de valeur 200 000 euros

* préjudice de jouissance 15 000 euros

- de condamner la SARL 3L Immobilier à régler au syndicat des copropriétaires [Adresse 14] la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de débouter les parties du surplus de leurs demandes dirigées contre le syndicat des copropriétaires [Adresse 15] ;

- de condamner la SARL 3L Immobilier aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire.

La clôture de la procédure a été prononcée le 12 mars 2024.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

A titre liminaire, la cour rappellera qu'elle n'est pas saisie des demandes de 'dire et juger' qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des demandes.

Sur la détermination de l'assiette de la servitude de passage

L'article 682 du code civil dispose que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a, sur la voie publique, aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.

L'article 683 ajoute que le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique. Néanmoins il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé.

En l'espèce, après avoir exposé pour chaque solution les surfaces concernées, les avantages et les inconvénients, l'expert judiciaire a indiqué que pouvaient être envisagées 6 solutions de désenclavement, qu'il a désignées sous les numéros 3.4.1 à 3.4.6, et qui se présentent ainsi qu'il suit :

- 3.4.1 : passage à double sens sur la cour nord du fonds de la copropriété [Adresse 16] (cour située à l'arrière du bâtiment d'habitation) ;

- 3.4.2 : passage à double sens sur la cour sud du fonds de la copropriété [Adresse 16] (cour située à l'avant du bâtiment d'habitation) ;

- 3.4.3 : passage à double sens par le fonds de la copropriété [Adresse 8] (passage sous le porche) ;

- 3.4.4 : passage à sens unique sur le fonds de la copropriété [Adresse 16], en empruntant la cour sud (avant du bâtiment d'habitation) pour l'entrée, et la cour nord (arrière du bâtiment d'habitation) pour la sortie ;

- 3.4.5 : passage à sens unique empruntant la cour nord du fonds de la copropriété [Adresse 16] (cour située à l'arrière du bâtiment d'habitation) pour l'entrée, et le fonds de la copropriété [Adresse 8] (passage sous le porche) pour la sortie ;

- 3.4.6 : passage à double sens par le fonds de la copropriété [Adresse 8] (passage sous le porche) pour les accès courants, et passage sur la cour nord du fonds de la copropriété [Adresse 16] (cour située à l'arrière du bâtiment d'habitation) pour les accès exceptionnels.

Il convient d'emblée d'écarter la proposition 3.4.3. Il résulte en effet sans ambiguïté du rapport d'expertise que le gabarit du porche édifié sur le fonds de la copropriété14A-14B-16 [Adresse 26], qui permettrait, depuis le fonds enclavé, d'accéder à la voie publique, n'autorise que le passage de véhicules légers, et en aucun cas celui de véhicules plus volumineux, tels notamment les véhicules de secours, dont l'accès au fonds enclavé doit nécessairement être assuré.

Doivent également être exclues les propositions 3.4.5 et 3.4.6, en ce qu'elles impliquent un passage à la fois sur le fonds de la copropriété14A-14B-16 [Adresse 26] et sur celui de la copropriété [Adresse 14], ce qui contrevient d'évidence à l'exigence d'une moindre dommageabilité, puisqu'elle aboutit à créer des contraintes pour plusieurs fonds contigus.

Restent en conséquence les trois propositions grevant le fonds de la copropriété [Adresse 14]. Parmi celles-ci, la solution 3.4.1 doit être privilégiée, dès lors qu'elle correspond au passage le moins dommageable, en ce qu'à la différence de la proposition 3.4.4, elle ne grève qu'une seule des deux cours présentes sur le fonds, et en ce qu'à la différence de la proposition 3.4.2, elle situe le passage à l'arrière du bâtiment d'habitation, et ne créé donc aucun risque concernant la sécurité de l'accès piétonnier à l'entrée principale du bâtiment d'habitation.

Il y a lieu en conséquence de dire que le fonds cadastré commune de [Localité 25] section [Cadastre 22], appartenant à la société 3L Immobilier, bénéficie d'une servitude légale de passage, par piétons et véhicules, s'exerçant sur le fonds cadastré commune de [Localité 25] section [Cadastre 21] appartenant à la copropriété du [Adresse 16], selon l'assiette fixée au titre de la proposition 3.4.1 contenue au rapport d'expertise judiciaire de M. [U], dont une copie des pages 46 à 56 restera annexée à l'arrêt.

Le présent arrêt fera l'objet d'une publication au service de la publicité foncière aux frais de la société 3L Immobilier, dont le fonds est reconnu bénéficiaire de la servitude.

Sur l'indemnité de désenclavement

1° sur la privation d'usage de l'assiette de la servitude

La copropriété sollicite à ce titre l'allocation d'un montant de 30 525 euros.

La société 3L Immobilier conclut à la réduction de ce montant à de plus justes proportions, en considérant que la somme réclamée correspond à la valeur vénale du terrain d'assiette, dont la propriété n'était pourtant pas aliénée.

La surface affectée par le passage pris selon la proposition 3.4.1 qui a été précédemment retenue est de 195 m². L'expert judiciaire, se référant aux données disponibles concernant le marché considéré, a évalué la valeur vénale de cette surface à la somme de 42 900 euros. La société 3L Immobilier ne fournit aucun élément sérieux de nature à remettre en cause cette évaluation, qui doit dès lors être retenue comme pertinente. M. [U] a ensuite considéré que la privation de l'usage de l'assiette de la servitude constituait un dommage représentant entre 2/3 et 3/4 de la valeur vénale, soit un montant de 28 600 à 32 175 euros. Cette évaluation n'est pas sérieusement contestable au regard de la nature de la servitude et de sa fréquence prévisible d'utilisation.

Il convient dès lors de fixer l'indemnité à un montant médian de 30 390 euros, somme que la société 3L Immobilier sera condamnée à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 16].

2° sur la disparition du séchoir à linge

Le syndicat des copropriétaires réclame une somme de 6 000 euros au titre de la suppression du séchoir à linge présent à l'arrière du bâtiment d'habitation, cette somme correspondant au coût de l'achat de 8 sèche-linges à 750 euros l'unité.

La société 3L Immobilier soulève l'irrecevabilité de cette demande, au motif qu'elle vise à réparer un préjudice personnel de chacun des copropriétaires, alors que le syndicat de copropriété n'a pas qualité pour agir à ce titre. Subsidiairement, elle conclut au rejet de la demande, considérant que l'installation destinée à disparaître était vétuste et inutilisée, et que son évaluation était sans commune mesure avec la réalité, le coût unitaire d'un sèche-linge retenu à hauteur de 750 euros étant totalement disproportionné avec le prix habituellement constaté pour ce type d'équipement.

Dès lors que la demande tend à compenser la disparition d'un équipement collectif mis à disposition de la communauté des copropriétaires, que représente le syndicat de copropriété, la demande n'est pas irrecevable, peu important que son chiffrage soit établi par référence au coût cumulé d'équipements devant profiter à chaque copropriétaire de manière individuelle.

Il ressort néanmoins des pièces produites aux débats que le séchoir à linge implanté le long de la façade arrière de l'immeuble est manifestement vétuste, et aucune des photographies versées ne fait apparaître la présence de linge sur cet équipement, ce dont il doit être déduit qu'il ne fait manifestement plus l'objet d'une utilisation régulière.

Dans ces conditions, le préjudice résultant de sa suppression sera suffisamment compensé par l'allocation d'un montant de 1 000 euros.

3° sur la disparition du jardin

Le syndicat de copropriété réclame à ce titre une somme de 1 700 euros HT, montant que la société 3L Immobilier estime disproportionné avec la réalité du préjudice subi.

Il résulte des pièces du dossier qu'un jardinet d'agrément comportant quelques végétaux est implanté sur le fonds de la copropriété du [Adresse 16], le long du mur séparatif avec la propriété à désenclaver, de sorte que l'ouverture de l'accès à cette dernière en entraînera nécessairement la disparition. Il en résulte nécessairement un préjudice pour la copropriété, qui sera réparé par l'allocation de la somme de 1 641 euros HT, montant auquel l'expert judiciaire, aux termes d'un calcul détaillé qui n'est pas utilement remis en cause par la société 3L Immobilier, a chiffré le coût de création d'un jardinet équivalent à un autre emplacement de la parcelle.

4° sur le déplacement du stockage du container à ordures ménagères

Le syndicat des copropriétaires sollicite à ce titre un montant de 1 680 euros HT.

Toutefois, la société 3L Immobilier fait à juste titre valoir, ainsi qu'il résulte des pièces produites, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que le container concerné est actuellement positionné dans la cour sud, soit à l'avant du bâtiment d'habitation, de sorte qu'il ne sera aucunement impacté par la servitude fixée au profit du fond enclavé, dont l'assiette affecte exclusivement la cour nord.

Cette demande ne pourra ainsi qu'être rejetée.

5° sur la perte de places de stationnement

Le syndicat des copropriétaires, s'appuyant sur le rapport d'expertise, réclame une somme de 106 600 euros en compensation de la perte des places de stationnement actuellement utilisées par les copropriétaires dans la cour nord.

La société 3L Immobilier soulève l'irrecevabilité de cette demande faute de qualité du syndicat de copropriété pour agir en réparation d'un préjudice subi par les copropriétaires, subsidiairement conclut au rejet de la prétention en faisant valoir qu'il n'existe formellement aucune place de stationnement, en l'absence de toute mention au règlement de copropriété et de toute matérialisation physique. Elle ajoute que cette indemnité fait double emploi avec l'indemnité pour perte de jouissance, et que son montant est en tout état de cause sans commune mesure avec la réalité du préjudice.

Il est constant que le règlement de copropriété ne mentionne aucune place de stationnement sur la cour nord, et il n'est par ailleurs pas contesté qu'aucun emplacement de stationnement n'est matérialisé sur la surface de cette cour. Pour autant, il ressort clairement des photographies versées aux débats, mais aussi des constatations de l'expert judiciaire, que cette cour est régulièrement utilisée par les occupants de l'immeuble d'habitation pour y stationner leurs véhicules, étant observé qu'aucun aménagement particulier ne fait obstacle à cet usage.

Il en résulte qu'il existe manifestement une tolérance accordée à la communauté des copropriétaires, que représente le syndicat de copropriété, d'utiliser l'espace de la cour aux fins de stationnement, précision étant faite qu'aucun copropriétaire ne dispose à cet égard d'un emplacement personnellement attribué.

S'agissant ainsi de la disparition d'un équipement collectif mis à disposition de la communauté des copropriétaires, le syndiat de copropriété est recevable à agir en indemnisation.

Par ailleurs, dès lors que la disparition des emplacements de stationnement constitue un dommage spécifique, il doit donner lieu à indemnisation particulièreau titre du désenclavement, sans qu'il y ait double emploi avec l'indemnité compensant la simple perte de jouissance du terrain d'assiette.

L'expert a fixé à 7 le nombre de places de stationnement perdues du fait de l'assiette exigée par la mise en oeuvre de la proposition 3.4.1, savoir 5 places de stationnement longitudinal le long du mur séparatif de la propriété voisine, et deux places de stationnement perpendiculaires au droit de la rue. Il a évalué le préjudice en résultant à 103 600 euros, outre frais d'actes, sur la base du coût d'acquisition d'une place de parking couvert ou en box tel que résultant de l'observatoire notarial sur la communauté de communes du grand [Localité 25], après déduction des coûts d'infrastructure.

Toutefois, il doit être relevé à l'examen des pièces versées aux débats, et notamment des nombreuses photographies figurant au rapport d'expertise, que le nombre de véhicules stationnés simultanément sur l'assiette de la servitude est le plus souvent réduit à 2 ou 3, aucune photographie ni aucune autre pièce ne faisant apparaître le stationnement simultané de 7 véhicules, étant rappelé à cet égard que l'immeuble de la copropriété dispose de plusieurs garages en rez-de chaussée. Il doit d'ailleurs être constaté au vu de ces mêmes documents qu'en extrémité du bâtiment, côté rue, le stationnement ne se fait jamais de manière perpendiculaire à cette dernière, comme le matérialise l'expert sur son plan, mais de manière parallèle à la rue et au côté du bâtiment, ce qui limite à cet endroit l'impact de la servitude au maximum à une seule place de stationnement.

D'autre part, ces places de stationnement ne disposent d'aucun aménagement particulier matérialisant ou favorisant leur utilisation ou leur accès, de sorte qu'elles ne peuvent en l'état être assimilées aux emplacements spécifiquement affectés et aménagés à cet usage, tels que ceux dont le prix est pris en considération pour l'évaluation du préjudice.

Au regard de ces éléments, le préjudice résultant de la perte d'emplacements de stationnement devra être évalué à 50 000 euros, que la société 3L Immobilier sera condamnée à payer au syndicat des copropriétaires.

6° sur la gestion de la circulation

Le syndicat de copropriété met en compte une somme de 30 000 euros pour la gestion de la circulation sur l'emprise de la servitude par la mise en place d'une signalisation lumineuse, ce à quoi la société 3L Immobilier s'oppose.

Au regard des éléments de la cause, notamment de la surface de l'assiette et de la configuration des lieux, la nécessité de la mise en place d'une signalisation lumineuse pour gérer les circulations n'apparaît pas démontrée.

Cette demande sera donc rejetée.

7° sur la démolition des murs

Le syndicat des copropriétaires sollicite l'octroi d'une somme de 4 000 euros HT au titre des frais de démolition du mur séparant sa propriété du fonds enclavé.

La société 3L Immobilier conteste cette prétention, en faisant valoir qu'elle procèderait elle-même à la démolition du mur, dès lors que celui-ci est sa propriété.

Le syndicat ne démontre pas être propriétaire du mur dont elle sollicite l'indemnisation, étant observé que l'expert judiciaire a indiqué ne pas être en mesure de déterminer la propriété de cet ouvrage, et qu'eu égard à la configuration des propriétés voisines, à savoir que le sol de la propriété de la société 3L Immobilier se trouve à une altitude supérieure à celle du fonds de la copropriété du [Adresse 16], le mur apparaît avoir une fonction de soutènement qui laisse présumer que la société appelante en est la propriétaire.

Dans ces conditions, cette demande devra être rejetée.

8° sur la perte de valeur

Le syndicat des copropriétaires réclame une somme de 200 000 euros destinée à compenser la perte de valeur des appartements du fait de l'exercice de la servitude.

C'est toutefois à bon droit que la société 3L Immobilier soulève l'irrecevabilité de cette demande faute de qualité pour agir, la perte de valeur des appartements appartenant privativement à chaque copropriétaire constituant en effet un préjudice personnel à chacun de ces derniers, dont le syndicat des copropriétaires n'a pas qualité pour réclamer l'indemnisation.

Cette demande sera donc déclarée irrecevable.

9° sur le préjudice de jouissance

Enfin, le syndicat des copropriétaires sollicite la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des désagréments qui seront générés par les travaux d'aménagement.

La société 3L Immobilier oppose à cette demande une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir, et conclut subsidiairement à son rejet, pour cause de double emploi avec l'indemnité de privation de la jouissance de l'assiette.

Il est incontestable que l'exécution des travaux d'aménagement de la servitude de passage, mais aussi la réalisation des travaux de construction sur le fonds de la société 3L Immobilier, impliqueront le passage répété de véhicules de chantier, ce qui génèrera pendant la durée des travaux, au préjudice de la communauté des copropriétaires, que le syndicat de copropriété est recevable à défendre, un trouble de jouissance spécifique, distinct de la perte de jouissance de l'assiette de la servitude.

La cour dispose au regard des circonstances de la cause des éléments suffisants pour chiffrer ce préjudice à la somme de 5 000 euros, que la société 3L Immobilier sera condamnée à payer au syndicat.

Sur les demandes du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 10]

Il résulte de la solution de désenclavement adoptée que la demande d'indemnité formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 8], non concernée par la servitude de passage, est dépourvue d'objet, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner l'irrecevabilité soulevée à cet égard par la société 3L Immobilier.

Sur les autres dispositions

Les entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire, seront supportés par moitié par la société 3L Immobilier, d'une part, et par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 16], d'autre part.

Les demandes formées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Par ces motifs

Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

Vu l'arrêt de la cour de céans du 30 mars 2021,

Dit que le fonds cadastré commune de [Localité 25] section [Cadastre 22], appartenant à la SARL3L immobilier, bénéficie d'une servitude légale de passage, par piétons et véhicules, s'exerçant sur le fonds cadastré commune de [Localité 25] section [Cadastre 21] appartenant à la copropriété de l'immeuble du [Adresse 18], selon l'assiette fixée au titre de la proposition 3.4.1 contenue au rapport d'expertise judiciaire de M. [U], dont une copie des pages 46 à 56 restera annexée au présent arrêt ;

Dit que le présent arrêt sera publié au service de la publicité foncière territorialement compétent par et aux frais de la SARL 3L Immobilier ;

Condamne la SARL 3L Immobilier à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 18], à titre d'indemnité de désenclavement, la somme globale de 88 031 euros, selon détail suivant :

* privation d'usage de l'assiette de la servitude 30 390 euros

* disparition du séchoir à linge 1 000 euros

* disparition du jardin 1 641 euros HT

* perte de places de stationnement 50 000 euros

* préjudice de jouissance 5 000 euros

Déclare irrecevable la demande d'indemnisation formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 18] au titre de la perte de valeur des appartements ;

Rejette les demandes formées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 18] au titre :

* du déplacement du container à ordures ;

* de la gestion de la circulation ;

* de la démolition des murs ;

Rejette les demandes formées par la SARL 3L Immobilier à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 10] ;

Dit sans objet la demande d'indemnité de désenclavement formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 10] ;

Dit qu'il sera fait masse des dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire, et qu'ils seront supportés par la SARL 3L Immobilier et par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 18], chacun pour moitié ;

Rejette les demandes formées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19/02354
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;19.02354 ?
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