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31/05/2024 | FRANCE | N°23/01136

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 31 mai 2024, 23/01136


ARRET N° 24/

BUL/XD



COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 31 MAI 2024



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 03 Mai 2024

N° de rôle : N° RG 23/01136 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EVBH



S/appel d'une décision

du POLE SOCIAL DU TJ DE LONS LE SAUNIER

en date du 28 juin 2023

code affaire : 89E

A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse





APPELANTE



CPAM HD, Service Juridique - [Adresse 3]


r>représentée par Mme [X] [T] en vertu d'un pouvoir général





INTIMEE



S.A.S.U. [2], sise [Adresse 1]



Non représentée





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 ...

ARRET N° 24/

BUL/XD

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 31 MAI 2024

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 03 Mai 2024

N° de rôle : N° RG 23/01136 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EVBH

S/appel d'une décision

du POLE SOCIAL DU TJ DE LONS LE SAUNIER

en date du 28 juin 2023

code affaire : 89E

A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse

APPELANTE

CPAM HD, Service Juridique - [Adresse 3]

représentée par Mme [X] [T] en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE

S.A.S.U. [2], sise [Adresse 1]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile l'affaire a été débattue le 03 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame UGUEN-LAITHIER Bénédicte, conseiller, entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Christophe ESTEVE, président de chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseiller

Madame Florence DOMENEGO, conseiller

qui en ont délibéré,

M. Xavier DEVAUX, directeur de greffe

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 31 Mai 2024 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCEDURE

La Société [2] a embauché Mme [E] [V] à compter du 3 février 2020.

Le 6 octobre 2021, la salariée a été victime d'un accident au temps et au lieu de son travail, que la Caisse primaire d'assurance maladie du Jura (ci-après la Caisse) a pris en charge au titre de la législation professionnelle, au visa du certificat médical initial du docteur [U] du 6 octobre 2021 mentionnant une 'contusion épaule droite', et a notifié sa décision à la société [2] le 20 octobre 2021.

Mme [E] [V] a bénéficié :

- d'arrêts de travail et de soins du 6 octobre 2021 au 29 avril 2022

- uniquement de soins du 30 avril au 17 octobre 2022

Le médecin conseil de la Caisse a déclaré l'état de santé de la salariée consolidé à la date du 17 octobre 2022 et un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 8% lui a été attribué.

Le 23 décembre 2022, la Caisse a été destinataire d'un certificat médical de rechute et a pris en charge cette rechute au titre de la législation professionnelle.

L'état de santé de la salariée a été considéré consolidé par le médecin conseil de la Caisse à la date du 12 janvier 2023 et un taux d'IPP de 8% lui a été attribué au titre de ses séquelles.

Le 3 mai 2022, la société [2] a saisi la Commission médicale de recours amiable afin de contester la longueur des arrêts de travail prescrits à sa salariée.

En l'absence de réponse de ladite commission dans le délai imparti, l'employeur a, par requête transmise sous pli recommandé expédié le 23 janvier 2023, saisi le tribunal judiciaire de Lons le Saunier aux fins de se voir déclarer inopposables les soins et arrêts de travail dont a bénéficié Mme [E] [V] postérieurement au 24 octobre 2021.

Par jugement du 28 juin 2023, ce tribunal, au visa du rapport médical du docteur [J] [G] reçu le 8 juin 2023 après consultation sur pièces du dossier médical de Mme [E] [V], a :

- infirmé la décision implicite de rejet de la Commission médicale de recours amiable

- déclaré inopposables à la société [2] les arrêts de travail et soins dont Mme [E] [V] a bénéficié postérieurement au 24 octobre 2021, 'en lien avec l'accident du travail du 6 octobre 2021"

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires

- condamné la Caisse primaire d'assurance maladie du Jura aux éventuels dépens

Suivant déclaration transmise sous pli recommandé expédié le 24 juillet 2023, la Caisse a relevé appel de la décision et aux termes de ses écrits visés le 19 février 2024 demande à la cour de :

- constater que la preuve n'est pas rapportée, y compris par l'expertise, que les arrêts de travail postérieurs au 24 octobre 2021 ont été prescrits pour une cause totalement et exclusivement étrangère à l'accident du travail de Mme [E] [V]

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

- dire que l'intégralité des soins et arrêts de travail prescrits à l'assurée sont opposables à la société [2]

- si la cour entendait cependant confirmer la décision entreprise, dire que les arrêts de travail inopposables à la société [2] sont ceux prescrits à compter du 21 avril 2022

- si la cour s'estimait insuffisamment éclairée, ordonner une expertise par consultation sur pièces afin de déterminer si certains des arrêts de travail ont été prescrits pour une cause totalement et exclusivement étrangère à l'accident du travail du 6 octobre 2021

- condamner la société [2] aux dépens

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l'exposé des moyens de l'appelante, à ses conclusions susvisées, auxquelles elle s'est rapportée lors de l'audience et qu'elle a justifié avoir transmises à l'intimée par la voie de son conseil constitué en première instance.

Bien que régulièrement convoquée par lettre recommandée avec avis de réception signé le 18 septembre 2023, la société [2] n'a adressé à la cour aucun écrit et n'a pas comparu ni ne s'est fait représenter à l'audience du 3 mai 2024, de sorte que le présent arrêt est réputé contradictoire.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des articles L.411-1, L.431-1 et L.433-1du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité s'applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident du travail ou la maladie professionnelle, pendant toute la période d'incapacité, précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement aux soins destinés à prévenir une aggravation et plus généralement, à toutes les conséquences directes de l'accident du travail ou la maladie professionnelle.

Il en résulte que, même en l'absence de continuité parfaite des symptômes et des soins à compter de l'accident initial, l'incapacité et les soins en découlant sont présumés imputables à celui-ci sauf pour l'employeur, dans ses rapports avec la Caisse, à rapporter la preuve de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie professionnelle ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts postérieurs (Civ. 2ème 12 mai 2022 n°20-20.655, 22 juin 2023 n°21-18.446).

Ainsi la disproportion apparente entre la lésion initiale et la durée des arrêts de travail ne suffit pas à laisser présumer que ceux ci ne sont pas la conséquence de l'accident initial ou à accréditer la thèse d'une cause étrangère.

En l'espèce, les premiers juges se sont fondés, pour considérer que les arrêts de travail et soins postérieurs au 24 octobre 2021 étaient inopposables à l'employeur, sur l'avis médical du docteur [J] [G], désignée en qualité de médecin consultant, laquelle rappelle que l'accident du travail subi par Mme [E] [V] le 6 octobre 2021 a consisté en un choc par contact physique de l'épaule droite de la salariée avec un patient qu'elle tentait de rattraper alors qu'il chutait, qui a généré une douleur.

Elle relève en outre que l'intéressée présente un état antérieur sous la forme d'une capsulite rétractile sur la même épaule avec arthrose acromio-claviculaire importante, qui a nécessité des soins à compter de 2015 avec limitation douloureuse légère des mouvements de l'épaule en rétropulsion en rotation externe, ainsi qu'une tendinopathie non traumatique.

Après avoir indiqué qu''il n'y a pas eu lors de l'accident de torsion du membre supérieur droit mais un contact avec le patient', elle conclut en ces termes : 'Je ne suis pas en possession du compte-rendu opératoire. Selon moi, il n'est pas incohérent de comprendre que la chirurgie pratiquée le 20/04/2022 est en lien avec l'état antérieur et n'est pas imputable à l'accident du 6 octobre 2021. Seul les arrêts de travail en lien certain et direct avec le certificat médical initial établi le 06/10/2021 sont ceux qui courent du 06/10/2021 au 24/10/2021 (fin du 2ème arrêt de travail prescrit). Les soins ultérieurs dont la kinésithérapie et la chirurgie sont en lien avec l'état antérieur'.

Cependant, il est admis qu'un état antérieur aggravé par l'accident du travail bénéficie de la présomption d'imputabilité et que, pour la renverser, l'employeur doit démontrer que l'aggravation ou l'évolution de l'état antérieur est indépendante de l'accident du travail. (Civ. 2ème 28 avril 2011 n°10-15.835).

Au cas particulier, le certificat médical initial et la déclaration d'accident du travail font état d'un contact physique de l'épaule droite de la salariée avec un tiers dans un geste d'évitement d'une chute, ayant généré une douleur et une contusion à l'épaule droite et justifié un premier arrêt de travail du 6 au 10 octobre 2021.

Cet arrêt a fait l'objet de plusieurs prolongations jusqu'à un certificat médical final prescrivant un arrêt jusqu'au 15 octobre 2022 visant au titre des lésions constatées 'tendinopathie de la coiffe épaule droite' et concluant à un 'guérison apparente avec possibilité de rechute ultérieure'. Il est dans ces conditions difficilement explicable de limiter au second avis d'arrêt de travail le lien avec l'accident du travail litigieux, comme le propose le docteur [G], sans précision particulière, dès lors que l'arrêt de travail qui suit mentionne le même motif médical.

Un certificat médical de rechute du 23 décembre 2022, pris en charge comme tel par la Caisse, prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 6 janvier 2023, prolongé une fois jusqu'au 15 janvier 2023 leur ont fait suite.

Or l'épaule droite de Mme [E] [V] est précisément le siège de l'état antérieur relevé par le médecin consultant, consistant en une capsulite rétractile avec arthrose acromio-claviculaire et une tendinopathie de la coiffe prédominant sur le supra-épineux sans rupture transfixiante.

S'il ressort de la consultation du docteur [G] que l'IRM de l'épaule droite du 10 octobre 2021, contemporaine de l'accident du travail, exclut tout argument en faveur d'une récidive de capsulite, il n'en demeure pas moins que cet examen met également en évidence une tendinopathie de la coiffe prédominant sur le supra-épineux avec fissuration mais sans rupture transfixiante évidente ni amyotrophie.

A cet égard, il est rappelé qu'à partir du second certificat de prolongation jusqu'à celui prescrivant un arrêt jusqu'au 15 octobre 2022, et à l'exception de deux (absence de motif médical mentionné), ces avis d'arrêt de travail mentionnent tous une tendinopathie de la coiffe de l'épaule droite.

Ces éléments laissent présumer que l'accident du 6 octobre 2021 a ravivé la tendinopathie préexistante, qui jusqu'alors n'entraînait pas elle-même d'incapacité et si le docteur [G] considère que l'IRM réalisée le 20 octobre 2021 ne montre pas de signe traumatique ce seul constat, non étayé, ne permet pas d'exclure une aggravation de l'état antérieur, l'absence de torsion qu'elle souligne n'excluant pas un contact violent de l'épaule avec un tiers et une précipitation de l'évolution de l'état préexistant précité.

En tout état de cause, la société [2], qui supporte la charge probatoire, est défaillante à renverser la présomption d'imputabilité et à établir que les soins et arrêts de travail litigieux se rapporteraient exclusivement à un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte et a fortiori à une cause postérieure totalement étrangère, et qu'ils seraient sans lien avec l'accident.

Les conclusions du médecin consultant ne suffisent pas davantage à démontrer que l'accident du travail n'a joué aucun rôle dans l'évolution ou l'aggravation de cet état antérieur ou que cette évolution est complètement détachable de l'accident.

La présomption d'imputabilité n'étant pas renversée, la cour ne peut que constater que les soins et arrêts de travail consécutifs à l'accident du travail du 6 octobre 2021 sont opposables à l'employeur, en ce compris au titre de la rechute du 23 décembre 2022.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a dit que les arrêts de travail et soins consécutifs à l'accident du travail postérieurs au 24 octobre 2021 inclus sont inopposables à l'employeur.

En revanche, il n'appartient pas au juge judiciaire de confirmer ni d'infirmer une décision de la Commission de recours amiable de la Caisse.

La société [2] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et le jugement querellé infirmé en ce qui'il a mis les dépens à la charge de la Caisse.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que les arrêts de travail et soins prescrits à Mme [E] [V] ensuite de l'accident du travail survenu le 6 octobre 2021 et ce, à compter du 6 octobre 2021 et jusqu'au 15 janvier 2023 inclus sont opposables à la SASU [2].

Condamne la SASU [2] aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe le trente et un mai deux mille vingt quatre et signé par Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseiller, pour le président de chambre empêché, et Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe.

LE GREFFIER, LE CONSEILLER,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/01136
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;23.01136 ?
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