La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/05/2024 | FRANCE | N°23/01122

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 31 mai 2024, 23/01122


ARRET N° 24/

BUL/XD



COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 31 MAI 2024



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 03 Mai 2024

N° de rôle : N° RG 23/01122 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EVAF



S/appel d'une décision

du POLE SOCIAL DU TJ DE BESANCON

en date du 04 juillet 2023

code affaire : 88L

Majeur handicapé - Contestation d'une décision relative à l'attribution d'un taux.





APPELANT



Monsieur [Y] [I], demeurant [Adresse 2]
r>

représenté par Me Isabelle TOURNIER, avocat au barreau de BESANCON substitué par Me Fabien STUCKLE, avocat au barreau de BESANCON





INTIMEE



MDPH DU DOUBS, sise [Adresse 1]



représentée par M. [F...

ARRET N° 24/

BUL/XD

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 31 MAI 2024

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 03 Mai 2024

N° de rôle : N° RG 23/01122 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EVAF

S/appel d'une décision

du POLE SOCIAL DU TJ DE BESANCON

en date du 04 juillet 2023

code affaire : 88L

Majeur handicapé - Contestation d'une décision relative à l'attribution d'un taux.

APPELANT

Monsieur [Y] [I], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Isabelle TOURNIER, avocat au barreau de BESANCON substitué par Me Fabien STUCKLE, avocat au barreau de BESANCON

INTIMEE

MDPH DU DOUBS, sise [Adresse 1]

représentée par M. [F] [H] en vertu d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile l'affaire a été débattue le 03 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame UGUEN-LAITHIER Bénédicte, conseiller, entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Christophe ESTEVE, président de chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseiller

Madame Florence DOMENEGO, conseiller

qui en ont délibéré,

M. Xavier DEVAUX, directeur de greffe

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 31 Mai 2024 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCEDURE

M. [Y] [I] a sollicité le 12 avril 2021 auprès de la Maison départementale des personnes handicapées du Doubs (MDPH), l'attribution d'une allocation pour adulte handicapé (AAH) ainsi qu'une carte mobilité inclusion (CMI) mention 'invalidité'/ "priorité".

Par décision du 22 octobre 2021, la CDAPH lui a attribué le bénéfice de :

- une CMI en raison d'un taux d'incapacité permanente inférieure à 80 % avec station debout reconnue pénible, refusant implicitement la mention 'invalidité'

- une AAH du fait de l'attribution d'un taux d'incapacité supérieur à 50% et strictement inférieur à 80% avec reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi

Le 12 juillet 2022, M. [Y] [I] a formé auprès de la Maison départementale des personnes handicapées du Doubs (MDPH) un recours administratif préalable obligatoire et par décision du 23 septembre 2022, son recours a été rejeté.

Suivant requête du 2 décembre 2022, M. [Y] [I] a saisi le tribunal judiciaire de Besançon aux fins de contester cette décision et solliciter un nouvel examen de sa situation au regard de l'appréciation de son taux d'incapacité, qu'il estime supérieur à 80%.

Après avoir confié une mesure de consultation au docteur [X] [J], conformément à l'article R.142-16 du code de la sécurité sociale, ce tribunal a par jugement du 4 juillet 2023 :

- déclaré recevable en la forme le recours de M. [Y] [I]

- confirmé la décision de la CDAPH du 22 octobre 2021

- débouté M. [Y] [I] de ses demandes

Par déclaration du 25 juillet 2023, M. [Y] [I] a relevé appel de la décision et aux termes de ses écrits visés le 23 avril 2024 demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel s'agissant du taux d'incapacité

- dire que son taux d'incapacité est d'au moins 80% et qu'il subit une restriction substantielle et durable à l'emploi

- condamner la MDPH du DOUBS à lui verser une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

Par conclusions visées le 25 mars 2024, la MDPH conclut à la confirmation de la décision querellée, au rejet des demandes adverses et demande à la cour de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres frais, abstraction faite des éventuels frais de consultation et d'expertise à la charge de la Caisse nationale de l'assurance maladie.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions susvisées auxquelles elles se sont expressément rapportées lors de l'audience du 3 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article L.821-2 du code de la sécurité sociale 'l'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes :

1° Son incapacité permanente, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L.821-1, est supérieure ou égale à un pourcentage fixé par décret ;

2° La commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par décret'.

L'article D.821-1 du même code précise que :

- pour l'application de l'article L. 821-1, le taux d'incapacité permanente exigé pour l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés est d'au moins 80 %

- pour l'application de l'article L. 821-2 ce taux est de 50 %

Au cas particulier, pour confirmer la décision de la CDAPH du Doubs et reconnaître ainsi à M. [Y] [I] un taux d'incapacité compris entre 50 et 79% tout en retenant une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, les premiers juges se sont notamment appuyés sur l'avis du médecin consultant, qu'ils ont désigné, lequel, après examen de l'intéressé et des éléments médicaux, a conclu dans les termes suivants :

'Monsieur [Y] [I] est un homme âgé de 62 ans ayant présenté une néoplasie ORL ayant nécessité une laryngectomie totale. Une prothèse phonatoire a été mise en place mais malgré celle-ci il persiste des troubles sévères de la communication.

Monsieur [I] fait notamment appel à un ami pour pouvoir échanger au téléphone. Du fait de cette pathologie il existe par ailleurs une asthénie plus ou moins importante mais avec un périmètre de marche estimé à environ 500 mètres.

Il existe également une dysphagie en raison de laquelle Monsieur [I] indique qu'il y aurait eu une perte de poids importante.

Malgré ces éléments, Monsieur [I] présente une autonomie pour les gestes essentiels de la vie quotidienne. Il nécessite essentiellement une aide pour les soins qui sont apportés par une infirmière et pour la communication qui est apportée, comme cela été dit précédemment, par un ami.

Dans ce contexte, le taux d'incapacité est bien compris entre 50 et 79 %. Il existe par ailleurs une restriction substantielle et durable à l'accès à l'emploi évidente chez Monsieur [I]'.

Il est admis qu'un taux d'incapacité de 50% à 79% correspond à des troubles importants générant une gêne notable dans la vie sociale de la personne associée néanmoins au maintien de son autonomie pour les actes de la vie ordinaire alors qu'un taux de 80% ou plus correspond à des troubles graves générant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne associée à une atteinte à son autonomie individuelle.

Au cas particulier, il ressort des éléments médicaux versés par l'appelant que M. [Y] [I] a fait l'objet d'une laryngectomie totale avec pose d'une prothèse phonatoire le 24 février 2021 et fait usage d'un dispositif médical pour patient trachéotomisé sans ventilation.

A l'appui de son appel, il fait observer que la laryngectomie est une chirurgie particulièrement mutilante et génératrice d'un poly-handicap visible et intriguant pour autrui et très contraignant pour celui qui l'a subie, justifiant la reconnaissance d'un taux d'incapacité supérieur à 80%.

La cour relève que selon l'article 2 (absence de voix) du paragraphe III (déficiences vocales) du chapitre IV (déficiences du langage et de la parole) du guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles, il est prévu pour une 'absence de voix', qui peut prendre les formes suivantes :

- absence de larynx fonctionnel, possibilité de compensation par rééducation, aides vocales

- laryngectomie totale entraînant des troubles sévères de la communication

- laryngectomie partielle et/ ou totale avec implantation d'une prothèse interne

- laryngectomie reconstructive,

un taux d'incapacité entre 50 à 75%, en fonction du caractère définitif et/ou permanent de l'absence de voix et de la prise en compte éventuelle, comme pour les autres déficiences, des retentissements de la maladie causale et de ses traitements (par exemple conséquences respiratoires, circulatoires, sensorielles et psychiques).

Or, en dépit des séquelles non négligeables consécutives à cette intervention chirurgicale et aux contraintes qu'elle génère, qui sont évidentes, M. [Y] [I] a conservé, à la faveur d'un dispositif prothétique, qui lui permet de communiquer oralement, certes difficilement tout en compensant par une communication écrite, une certaine autonomie dans les actes essentiels de la vie quotidienne, même s'il préfère avoir recours à l'aide ponctuelle d'un ami pour effectuer les appels téléphoniques importants.

Si l'appelant présente également une difficulté pour effectuer des déplacements en extérieur en raison d'une asthénie qui limite son périmètre de marche à 500 mètres, au-delà desquels il est contraint de faire une pause, il est en capacité de marcher sans accompagnateur pendant une durée néanmoins limitée à 3 heures, en raison de la nécessité d'utiliser au-delà de cette durée sa machine lui insufflant de l'air purifié.

Les productions font enfin apparaître qu'il est en capacité de vivre seul et de réaliser les travaux ménagers et de la vie quotidienne sans difficulté ni aucune aide ou avec difficulté mais sans aide humaine selon les cas (alimentation, hygiène, courses, travaux ménagers, tâches administratives...).

Il résulte des développements qui précèdent que c'est à juste titre que les premiers juges et au demeurant la CDAPH ont retenu que les troubles importants constitués par les séquelles susvisées lui occasionnaient une gêne notable justifiant le taux d'incapacité retenu.

Selon l'article D.821-1-2 du code de la sécurité sociale 'La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :

a) Les déficiences à l'origine du handicap

b) Les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences

c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap

d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités

En l'espèce la MDPH du Doubs a attribué à M. [Y] [I] la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable à l'emploi, laquelle n'est pas critiquée à hauteur d'appel.

Il suit de là que le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

M. [Y] [I] échouant en ses prétentions, il sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Conformément à la demande de l'intimée, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

DEBOUTE M. [Y] [I] de sa demande d'indemnité de procédure.

DIT chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Ledit arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe le trente et un mai deux mille vingt quatre et signé par Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseiller, pour le président de chambre empêché, et Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe.

LE GREFFIER, LE CONSEILLER,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/01122
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;23.01122 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award