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31/05/2024 | FRANCE | N°23/00494

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 31 mai 2024, 23/00494


ARRET N° 24/

CE/XD



COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 31 MAI 2024



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 15 Décembre 2023

N° de rôle : N° RG 23/00494 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ETX5



S/appel d'une décision

du POLE SOCIAL DU TJ DE BESANCON

en date du 06 mars 2023

code affaire : 89E

A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse





APPELANTE



S.A.R.L. [3], sise [Adresse 1]

représentée par

Me Isabelle MADOZ, avocat au barreau de BESANCON





INTIMEE



CPAM DU DOUBS, sise [Adresse 2]

représentée par Mme [E] [I] en vertu d'un pouvoir spécial







COMPOSITION DE LA COUR :



En application d...

ARRET N° 24/

CE/XD

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 31 MAI 2024

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 15 Décembre 2023

N° de rôle : N° RG 23/00494 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ETX5

S/appel d'une décision

du POLE SOCIAL DU TJ DE BESANCON

en date du 06 mars 2023

code affaire : 89E

A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse

APPELANTE

S.A.R.L. [3], sise [Adresse 1]

représentée par Me Isabelle MADOZ, avocat au barreau de BESANCON

INTIMEE

CPAM DU DOUBS, sise [Adresse 2]

représentée par Mme [E] [I] en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur ESTEVE Christophe, président de chambre, entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Christophe ESTEVE, président de chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseiller

Madame Florence DOMENEGO, conseiller

qui en ont délibéré,

M. Xavier DEVAUX, directeur de greffe

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 16 février 2024 par mise à disposition au greffe. Le délibéré a été prorogé à plusieurs reprises jusqu'au 31 mai 2024.

**************

Statuant sur l'appel interjeté le 28 mars 2023 par la société à responsabilité limitée [3] d'un jugement rendu le 6 mars 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire de Besançon, qui dans le cadre du litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs a':

- confirmé la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable et dit que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du travail survenu le 14 février 2020 au préjudice de Mme [D] [H] demeure opposable à la société [3],

- débouté la société [3] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Vu les conclusions visées par le greffe le 13 décembre 2023 aux termes desquelles la société [3], appelante, demande à la cour de':

- infirmer le jugement entrepris,

- juger inopposable à l'EURL [3] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs du 25 août 2020 au terme de laquelle la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs reconnaît le caractère professionnel du sinistre déclaré par Mme [D] [H] en date du 14 février 2020,

- débouter la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs aux dépens d'appel, avec droit, pour Maître [B] [S], de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les conclusions visées par le greffe le 22 novembre 2023 aux termes desquelles la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs, intimée, demande à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris en toute ses dispositions,

- débouter la société [3] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société [3] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La cour faisant expressément référence, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qui ont été soutenues à l'audience,

SUR CE

EXPOSE DU LITIGE

Employée au sein de la société [3] depuis le 26 août 2019 en tant qu'assistante PME/PMI, Mme [D] [H] aurait été victime le 14 février 2020 d'un accident du travail.

Elle a envoyé le 14 février 2020 à 13h38 à son employeur un message téléphonique aux termes duquel elle indiquait qu'elle ne se sentait pas bien et qu'elle ne serait donc pas présente l'après-midi.

Un avis d'arrêt de travail simple a été établi le 14 février 2020 par le docteur [A] [U], qui l'a prolongé le 21 février puis le 4 mars 2020 jusqu'au 27 mars 2020.

Ce même praticien a délivré le 14 février 2020 un certificat médical initial d'accident du travail survenu le même jour, pour «'syndrome anxiodépressif réactionnel à un conflit au travail avec l'employeur'», prescrivant des soins jusqu'au 30 juin 2020 et un arrêt de travail jusqu'au 30 mars 2020, ledit certificat, qui n'a été reçu par la caisse que le 1er juin 2020, portant la mention «'Duplicata 28/05/2020'».

Le 25 mars 2020, l'employeur a établi une déclaration d'accident du travail avec réserves formulées en ces termes': «'la salariée ne nous a jamais fait part d'un accident survenu sur son lieu de travail. Elle nous a d'ailleurs fait parvenir un simple arrêt de travail dans un premier temps'».

Dans un courrier annexé à cette déclaration, l'employeur expose qu'il a reçu un arrêt de travail puis deux avis de prolongation, avant paradoxalement de recevoir le 19 mars 2020 un certificat d'accident du travail daté du 14 février 2020 et allant jusqu'au 30 mars 2020.

Après instruction du dossier, la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs a notifié le 25 août 2020 à la société [3] sa décision de prendre en charge l'accident du travail au titre de la législation professionnelle.

Le 2 novembre 2020, la société [3] a saisi d'un recours la commission de recours amiable, qui n'a pas statué dans le délai qui lui est imparti.

C'est dans ces conditions que le 1er mars 2021, la société [3] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Besançon de la procédure qui a donné lieu le 6 mars 2023 au jugement entrepris.

MOTIFS

Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

L'accident du travail se définit comme un événement soudain ou une série d'événements soudains survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle ou psychique quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

Le salarié bénéficie ainsi d'une présomption d'imputabilité au travail de tout accident survenu aux temps et lieu de travail, à condition que soit établie la matérialité du fait accidentel, c'est-à-dire un événement précis et soudain ayant entraîné l'apparition d'une lésion.

L'existence de ce fait accidentel ne peut dépendre des seules allégations de la victime, qui doivent être corroborées par des éléments objectifs, étant précisé que s'agissant de la preuve d'un fait juridique, cette preuve est libre et peut donc être rapportée par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes.

Par ailleurs, l'article L. 441-1 du code de la sécurité sociale dispose que la victime d'un accident du travail doit, dans un délai déterminé, sauf le cas de force majeure, d'impossibilité absolue ou de motifs légitimes, en informer ou en faire informer l'employeur ou l'un de ses préposés.

Selon l'article R. 441-2 du même code, la déclaration à laquelle la victime d'un accident du travail est tenue conformément à l'article L. 441-1 doit être effectuée dans la journée où l'accident s'est produit ou au plus tard dans les vingt-quatre heures.

Au cas présent, la caisse soutient qu'il ressort de son instruction qu'un conflit a éclaté le 14 février 2020 entre Mme [H] et son employeur, de sorte que l'événement survenu à cette date peut être retenu pour caractériser l'accident du travail.

Elle en veut pour preuve la plainte déposée le 6 mars 2020 par l'intéressée pour des faits de harcèlement moral commis à son endroit depuis le mois d'octobre 2019 par son employeur et l'attestation établie le 23 avril 2020 par M. [M] en deux exemplaires (le second portant mention manuscrite des dispositions de l'article 441-7 du code pénal).

Elle fait valoir en outre que la description des faits survenus le 14 février 2020 semble tout à fait plausible dans la mesure où quatre témoins décrivent le comportement agressif et humiliant de l'employeur M. [W] ainsi que les propos dégradants qu'il a pu tenir à de multiples reprises.

Elle ajoute que la série d'événements précis, datés et décrits de manière très circonstanciée par ces témoins a atteint son paroxysme le 14 février 2020, que ce dernier fait accidentel survenu aux temps et lieu de travail a entraîné une lésion médicalement constatée le jour même et que dans ces conditions, la présomption d'imputabilité au travail «'tend à s'appliquer'».

Cependant, par-delà les déclarations faites par Mme [H] lors de son dépôt de plainte, qui ne se suffisent pas à elles-mêmes, il ressort des témoignages de M. [P], qui au demeurant a démissionné de son emploi le 13 septembre 2019 avec effet au 29 septembre 2019, de Mme [L] et de M. [K], tous deux prestataires de services, que ces trois personnes n'étaient pas présentes le 14 février 2020 dans les locaux de l'entreprise et qu'ils ne font état d'aucun fait concernant Mme [H] qui serait survenu à cette date.

Aux termes de l'attestation en double exemplaire datée du 23 avril 2020 (pièces n° 11 et 12 de la caisse), M. [M] relate certes les faits suivants':

«'le 14 février le matin, a été la fois de trop. M. [W] s'en est pris à nous, furieux, agressif sans aucunes raisons.

les propos de M. [W]':

- [D] ne sait rien faire, une incapable'!

- Vous êtes des moins que rien'!

- Ca se saurait si on avait des intellectuels ici'!

Il nous rabaisse sans cesse.'»

Mais dans une autre attestation en date du 18 février 2021 communiquée par l'employeur (sa pièce n° 17), M. [M] écrit «'j'atteste par la présente que je n'ai jamais fait, de ma main, d'attestation à l'encontre de [X] [Z] [W] aux [3] le 23 avril 2020

[X] [Z] n'est pas un harceleur'».

Une simple comparaison entre les attestations manuscrites des 23 avril 2020 et 18 février 2021 révèle que la première n'a manifestement pas été rédigée par M. [M]. Elle présente en revanche, sur le plan graphologique, des similitudes avec celles de Mme [L] (pièces n° 7, 8 et 9 de la caisse).

Dès lors que M. [M] ne peut être regardé comme ayant rédigé l'attestation du 23 avril 2020, il ne saurait être tiré argument du fait qu'il n'est pas revenu «'sur ses propos initiaux'» et qu'il «'n'a jamais affirmé que rien ne s'était passé ce jour-là'».

La cour ne peut dans ces conditions accorder aucune valeur probante à l'attestation du 23 avril 2020 prétendument établie par M. [M].

Force est de constater également que le médecin traitant ayant pris en charge Mme [H] le 14 février 2020 a d'abord délivré un arrêt de travail simple, puis deux avis de prolongation, avant d'établir, près de trois mois plus tard, un certificat d'accident du travail, ce document étant manifestement antidaté au 14 février 2020 dans la mesure où il n'a été reçu par la caisse que le 1er juin 2020 et porte la mention «'Duplicata 28/05/2020'».

Par ailleurs, l'employeur indique dans son courrier de réserves qu'il n'a été informé de l'accident du travail que le 19 mars 2020. Il produit par ailleurs un certificat médical rédigé par le même praticien le 16 mars 2020, qui certifie «'avoir examiné ce jour Mme [H] [D] née le 31.7.95 dans le cadre d'un conflit avec son employeur. Mme [H] présente ce jour un syndrome anxio-dépressif réactionnel à ce conflit. Ce syndrome nécessite la mise en place d'un traitement. ITT = 0 jrs'» (pièce n° 26 de l'appelante), de sorte qu'il est impossible de déterminer à quelle date exacte le docteur [U] a posé le diagnostic de syndrome anxio-dépressif réactionnel à un conflit avec l'employeur.

En outre, il résulte manifestement de ces circonstances qu'en violation des dispositions susvisées la salariée a déclaré très tardivement l'accident du travail à son employeur.

Considérant l'ensemble des développements qui précèdent, la matérialité de l'accident ou de l'événement soudain qui serait survenu le 14 février 2020 au préjudice de Mme [H] n'est pas établie.

Le jugement querellé sera donc infirmé de ces chefs et statuant à nouveau, la cour déclarera inopposable à la société [3] la décision notifiée le 25 août 2020 par la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs de prendre en charge l'accident du travail qui serait survenu le 14 février 2020 au préjudice de Mme [D] [H].

La caisse, qui succombe, n'obtiendra aucune indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens de première instance, sur lesquels les premiers juges n'ont pas statué, ainsi que les dépens d'appel.

La procédure étant orale, il ne peut être fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare inopposable à la société [3] la décision notifiée le 25 août 2020 par la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs de prendre en charge l'accident du travail qui serait survenu le 14 février 2020 au préjudice de Mme [D] [H]';

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le trente-et-un mai deux mille vingt-quatre et signé par M. Christophe ESTEVE, président de chambre, et M. Xavier DEVAUX, directeur de greffe.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00494
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;23.00494 ?
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