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31/05/2024 | FRANCE | N°22/00339

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 31 mai 2024, 22/00339


ARRET N° 24/

CE/XD



COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 31 MAI 2024



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 15 Décembre 2023

N° de rôle : N° RG 22/00339 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EPNI



S/appel d'une décision

du POLE SOCIAL DU TJ DE LONS-LE-SAUNIER

en date du 05 janvier 2022

code affaire : 89E

A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse





APPELANTE



Société [6], sise [Adresse 1] - [Localité 3

]



représentée par Me Jessica LORENZO, avocat au barreau de NANTES substituée par Me Isabelle MADOZ, avocat au barreau de BESANCON





INTIMEE



CPAM DU JURA, sise [Adresse 4] - [Localité 2]



Repr...

ARRET N° 24/

CE/XD

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 31 MAI 2024

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 15 Décembre 2023

N° de rôle : N° RG 22/00339 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EPNI

S/appel d'une décision

du POLE SOCIAL DU TJ DE LONS-LE-SAUNIER

en date du 05 janvier 2022

code affaire : 89E

A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse

APPELANTE

Société [6], sise [Adresse 1] - [Localité 3]

représentée par Me Jessica LORENZO, avocat au barreau de NANTES substituée par Me Isabelle MADOZ, avocat au barreau de BESANCON

INTIMEE

CPAM DU JURA, sise [Adresse 4] - [Localité 2]

Représentée par Mme [W] [U], munie d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur ESTEVE Christophe, président de chambre, entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Christophe ESTEVE, président de chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseiller

Madame Florence DOMENEGO, conseiller

qui en ont délibéré,

M. Xavier DEVAUX, directeur de greffe

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 16 Février 2024 par mise à disposition au greffe. Le délibéré a été prorogé à plusieurs reprises jusqu'au 31 mai 2024.

**************

Statuant sur l'appel interjeté le 21 février 2022 par la société par actions simplifiée [6] d'un jugement rendu le 5 janvier 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier, qui dans le cadre du litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Jura a':

- dit que la maladie de Mme [I] [T] [P] doit être qualifiée de maladie professionnelle au regard du tableau n° 98,

- déclaré opposable à la société [6] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Mme [I] [T] [P] le 29 avril 2020,

- rejeté les autres demandes des parties pour le surplus,

- condamné la société [6] aux dépens de l'instance,

Vu l'arrêt avant dire droit rendu le 16 mai 2023 par la cour de céans, qui a désigné le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Lyon Rhône Alpes (le CRRMP) avec mission de donner son avis motivé sur la question de savoir si la maladie déclarée le 18 mai 2020 par Mme [I] [T] [P], désignée par le tableau n° 98 des maladies professionnelles, a directement été causée par le travail habituel de la victime, et a renvoyé l'affaire à l'audience du 15 décembre 2023,

Vu l'avis du CRRMP de la région Auvergne-Rhône-Alpes rendu le 12 juillet 2023,

Vu les dernières conclusions visées par le greffe le 15 décembre 2023 aux termes desquelles la société [6], appelante, demande à la cour de':

- infirmer le jugement entrepris,

avant dire droit':

- désigner un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles,

sur le fond':

- dire et juger que la maladie de Mme [I] [T] [P] ne saurait être qualifiée de maladie professionnelle,

- annuler la décision de la commission de recours amiable de la caisse notifiée à la société par courrier du 15 mars 2021,

- déclarer inopposable à la société [6] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Mme [I] [T] [P],

en tout état de cause':

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie du Jura au paiement d'une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens,

étant précisé que ces conclusions sont celles-là mêmes qui avaient été déposées en vue de la précédente audience du 24 février 2023 et qu'à l'audience du 15 décembre 2023, l'appelante a déclaré s'en tenir auxdites conclusions,

Vu les dernières conclusions visées par le greffe le 13 décembre 2023 aux termes desquelles la caisse primaire d'assurance maladie du Jura, intimée, demande à la cour de':

- prendre acte de l'avis rendu par le CRRMP de la région AuRA le 12 juillet 2023 qui confirme l'avis du CRRMP de [Localité 7] du 24 novembre 2020,

- juger que la pathologie déclarée par Mme [P] le 18 mai 2020 est d'origine professionnelle,

- juger que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie déclarée par Mme [P] le 18 mai 2020 au titre du tableau 98 des maladies professionnelles est opposable à la société [6],

- en conséquence confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lons le Saunier le 15 décembre 2021,

- débouter la société [6] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société [6] aux entiers dépens de l'instance,

La cour faisant expressément référence, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qui ont été soutenues à l'audience,

SUR CE

EXPOSE DU LITIGE

Embauchée le 2 mai 2017 par la société [6] sur un poste d'opérateur de transformation de viandes (pareuse), Mme [I] [T] [P] a établi le 18 mai 2020 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle en lien avec une «'sciatique par hernie discale'», sur la base d'un certificat médical initial du 29 avril 2020 constatant une «'lombosciatique droite sur hernie discale (') L5 S1 avec conflit radiculaire'».

Après instruction contradictoire et enquête, la caisse a constaté que la condition liée à la durée d'exposition n'était pas remplie, son service administratif s'étant toutefois également interrogé sur la condition relative à la manutention manuelle habituelle de charges lourdes.

Par courrier du 14 septembre 2020, la caisse a informé l'employeur de la possibilité de consulter le dossier avant sa transmission au comité régional de reconnaissances des maladies professionnelles.

Le comité de reconnaissance des maladies professionnelles de Bourgogne Franche-Comté a rendu le 24 novembre 2020 un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée sur la base du tableau n°98 des maladies professionnelles, en retenant l'existence d'un lien direct entre la pathologie de Mme [I] [T] [P] et ses activités professionnelles exercées pour différents employeurs depuis le 18 août 2015, «'la durée d'exposition (4 ans 1 mois et 21 jours versus 5 ans) ne pouvant pas être opposée à l'assurée'».

Par courrier du 26 novembre 2020 réceptionné le 3 décembre 2020, la caisse a notifié à l'employeur sa décision de prise en charge de la maladie de Mme [I] [T] [P] au titre de la législation professionnelle, inscrite dans le tableau n° 98 « Affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes'».

Par courrier du 2 février 2021, la société [6] a saisi d'un recours la commission de recours amiable, qui par décision du 10 mars notifiée le 15 mars 2021 l'a rejeté.

C'est dans ces conditions que la société [6] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier le 12 mai 2021 de la procédure qui a donné lieu au jugement entrepris.

Par arrêt avant dire droit du 16 mai 2023, la cour de céans a saisi un second CRRMP conformément aux dispositions de l'article R. 142-17-2 du code de la sécurité sociale.

Le CRRMP de la région Auvergne-Rhône-Alpes a rendu son avis le 12 juillet 2023.

MOTIFS

Sur le caractère professionnel de la maladie de Mme [I] [T] [P]':

Le tableau n° 98 des maladies professionnelles concerne les affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes et prévoit les conditions de prise en charge suivantes':

DÉSIGNATION DES MALADIES

DÉLAI de prise en charge

LISTE LIMITATIVE DES TRAVAUX SUSCEPTIBLES de provoquer ces maladies

Sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante. Radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante.

6 mois (sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans)

Travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués : - dans le fret routier, maritime, ferroviaire, aérien ; - dans le bâtiment, le gros ouvre, les travaux publics ; - dans les mines et carrières ; - dans le ramassage d'ordures ménagères et de déchets industriels ; - dans le déménagement, les garde-meubles ; - dans les abattoirs et les entreprises d'équarrissage ; - dans le chargement et le déchargement en cours de fabrication, dans la livraison, y compris pour le compte d'autrui, le stockage et la répartition des produits industriels et alimentaires, agricoles et forestiers ; - dans le cadre des soins médicaux et paramédicaux incluant la manutention de personnes ; - dans le cadre du brancardage et du transport des malades ; - dans les travaux funéraires.

A l'appui de ses prétentions, la société [6] continue à soutenir que':

- la condition relative à la liste limitative des travaux prévue par le tableau n° 98 n'est pas remplie, dans la mesure où la salariée effectue des travaux de découpe, c'est-à-dire des opérations de deuxième transformation, dans un atelier de découpe et non dans un abattoir, et dans la mesure où elle n'a pas à porter les pièces de viande acheminées par un convoyeur principal, mais seulement à les rapprocher d'elle à l'aide d'un crochet';

- la condition relative à la durée d'exposition (cinq ans) n'est pas remplie, même en tenant compte de son emploi en qualité d'intérimaire au sein de la société [5] du 18 août 2015 au 10 mars 2017.

Mais c'est précisément parce que toutes les conditions prévues par le tableau n° 98 n'étaient pas remplies qu'en application de l'alinéa 6 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale la caisse a saisi un CRRMP et qu'en application de l'article R. 142-17-2 du même code la cour de céans a saisi un second CRRMP.

Or d'une part, le premier comité saisi a conclu que l'existence d'un lien direct entre la pathologie de Mme [I] [T] [P] et ses activités professionnelles exercées pour différents employeurs depuis le 18 août 2015 pouvait être retenue, «'la durée d'exposition (4 ans 1 mois et 21 jours versus 5 ans) ne pouvant pas être opposée à l'assurée'», et ce après avoir rappelé que la salariée avait dû cesser le travail à la suite d'un arrêt de travail en rapport avec la pathologie considérée délivré le 3 février 2020.

A cet égard, il ressort de la concertation médico-administrative en date du 28 août 2020 que le médecin conseil a fixé au 3 février 2020, date de cet arrêt, celle de la première constatation médicale de la maladie, sur la base d'une IRM du rachis lombaire réalisée le 13 mars 2020.

D'autre part, le second comité saisi a également retenu un lien direct entre la maladie et l'activité professionnelle, après avoir relevé une exposition forte à de la manutention manuelle habituelle de charges de niveau lésionnel pendant une durée suffisante pour expliquer l'apparition de la maladie, en précisant qu'à cela s'ajoutaient des postures contraignantes pour le rachis.

Par ailleurs, c'est vainement que l'employeur se prévaut des décisions rendues par la caisse concernant deux autres de ses salariés, M. [M] [D] et Mme [B], leur situation respective n'étant pas analogue à celle de Mme [T] [P] ainsi qu'en justifie la caisse (pièces n° 13 et 14).

La cour s'approprie les conclusions concordantes des deux CRRMP, qui sont motivées, claires et précises.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a dit que la maladie de Mme [I] [T] [P] doit être qualifiée de maladie professionnelle au regard du tableau n° 98, déclaré opposable à la société [6] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Mme [I] [T] [P] le 29 avril 2020 et rejeté les autres demandes des parties pour le surplus,

Sur les frais irrépétibles et les dépens':

La décision attaquée sera aussi confirmée en ce qu'elle a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La société [6], qui succombe en son appel, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris';

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne la société [6] aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le trente-et-un mai deux mille vingt-quatre et signé par M. Christophe ESTEVE, président de chambre, et M. Xavier DEVAUX, directeur de greffe.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00339
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;22.00339 ?
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