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07/05/2024 | FRANCE | N°22/01832

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 07 mai 2024, 22/01832


Le copies exécutoires et conformes délivrées à

CS/LZ











REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Minute n°

N° de rôle : N° RG 22/01832 - N° Portalis DBVG-V-B7G-ESOG





COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale



ARRÊT DU 07 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : jugement du 02 novembre 2022 - RG N°21/00568 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON

Code affaire : 38E - Autres actions en respons

abilité exercées contre un établissement de crédit





COMPOSITION DE LA COUR :



M. Michel WACHTER, Président de chambre.

M. Cédric SAUNIER et Mme Anne-Sophie WILLM, Conseillers.



Greffi...

Le copies exécutoires et conformes délivrées à

CS/LZ

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Minute n°

N° de rôle : N° RG 22/01832 - N° Portalis DBVG-V-B7G-ESOG

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 07 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : jugement du 02 novembre 2022 - RG N°21/00568 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON

Code affaire : 38E - Autres actions en responsabilité exercées contre un établissement de crédit

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Michel WACHTER, Président de chambre.

M. Cédric SAUNIER et Mme Anne-Sophie WILLM, Conseillers.

Greffier : Melle Leila ZAIT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

L'affaire a été examinée en audience publique du 07 mai 2024 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, M. Cédric SAUNIER et Mme Anne-Sophie WILLM, conseillers et assistés de Melle Leila ZAIT, greffier.

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

L'affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT

CAISSE DE CREDIT MUTUEL GRAND [Localité 5] OUEST

RCS de BESANCON n° 778 288 571

sise [Adresse 4]

Représentée par Me Serge PAULUS de la SCPA STORCK - PAULUS - SCHMITT, avocat au barreau de STRASBOURG

Représentée par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON

ET :

INTIMÉE

APPELANTE SUR APPEL INCIDENT

Madame [C] [L]

née le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Elodie CHESNEAU, avocat au barreau de BESANCON

Représentée par Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Melle Leila ZAIT, greffier lors du prononcé.

*************

Faits, procédure et prétentions des parties

Entre le 19 juin 2017 et le 28 novembre 2017, Mme [C] [L] a, depuis son compte bancaire Eurocompte confort n° [XXXXXXXXXX01] ouvert auprès de la SCCV Caisse de Crédit Mutuel Grand [Localité 5] Ouest, anciennement dénommée Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 5] Saint Ferjeux Saint Vit, effectué dix règlements par carte bancaire et virements bancaires ayant pour finalité l'achat de diamants d'investissement auprès de l'entité Diamselection.

S'estimant victime de faits d'escroqueries, Mme [L] s'est constituée partie civile devant le juge d'instruction du pôle financier du tribunal judiciaire de Paris dans le cadre d'une information judiciaire ouverte contre X des chefs d'escroqueries en bande organisée et de blanchiment en bande organisée d'escroqueries commises en bande organisée portant, aux termes du rapport d'enquête préliminaire établi le 10 juillet 2018 par la Brigade de répression de la délinquance astucieuse de la préfecture de police de Paris à la suite d'un signalement Tracfin, sur des investissements financiers en diamants virtuels par l'intermédiaire de diverses entités utilisant notamment la plate-forme de vente par internet 'Diamoneo.com'.

Selon acte signifié le 25 mars 2021, Mme [L] a par ailleurs assigné la banque devant le tribunal judiciaire de Besançon en sollicitant l'indemnisation de son préjudice aux motifs :

- à titre principal, d'un manquement à son obligation de surveillance et à son devoir de vigilance prévus par les articles L. 561-4-1, L. 561-10 et L. 561-10-2 du code monétaire et financier ;

- subsidiairement, de sa faute contractuelle résultant de l'absence de contrôle de la légalité des placements litigieux portant sur un produit ne bénéficiant d'aucune autorisation de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) ;

- plus subsidiairement, d'une faute liée au manquement à son obligation d'information.

Elle sollicitait ainsi la condamnation de l'établissement bancaire à lui verser les sommes de :

- 47 241,69 euros au titre du remboursement de son investissement réalisé auprès de la société Diamselection, en réparation de son préjudice matériel ;

- 9 448,34 euros correspondant à 20 % du montant de l'investissement, au titre de l'indemnisation de ses préjudices moral et de jouissance ;

- 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La banque concluait au fond au rejet des demandes formées à son encontre et invoquait, à titre subsidiaire, le fait que le préjudice subi ne peut consister qu'en une perte de chance de 10 % de ne pas investir tandis que Mme [L] est responsable, par sa faute, à hauteur de 90 % de son préjudice.

Par jugement rendu le 02 novembre 2022, le tribunal a :

- condamné la société Caisse de Crédit Mutuel Grand [Localité 5] Ouest à verser à Mme [L] la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel ;

- débouté Mme [L] de sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral et de jouissance ;

- condamné la société Caisse de Crédit Mutuel Grand [Localité 5] Ouest à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :

Sur la responsabilité de la banque :

- qu'elle est tenue, en sa qualité de dépositaire des fonds et de mandataire de son client donneur d'ordre, à une obligation de non-ingérence, sauf disposition légale ou contractuelle contraire, de sorte qu'il ne lui appartient pas de contrôler l'usage des fonds dont sa cliente a la libre disposition;

- qu'elle est par ailleurs tenue à une obligation de résultat dans l'exécution des ordres donnés ;

- que les obligations imposées aux banques par les articles L. 561-4-1 à L. 561-50 du code monétaire et financier au titre de la législation anti-blanchiment n'ont pas pour finalité la protection d'intérêts privés, la victime d'agissements frauduleux ne pouvant donc s'en prévaloir pour fonder une demande indemnitaire ;

- qu'au regard de la date des règlements effectués, ceux-ci étaient soumis aux articles L. 133-1 et suivants du code monétaire et financier et non au régime juridique applicable aux services de paiements bancaires prévu par les articles L. 133-12 et suivants du même code entrés en vigueur le 13 janvier 2018 ;

- qu'il en résulte que la banque n'était tenue qu'à une obligation contractuelle de vigilance et d'information en cas d'anomalie ou d'irrégularité apparentes ;

- que cependant, les ordres de paiement litigieux sont authentiques et ne présentent aucune anomalie matérielle, tandis que l'identité des destinataires n'est pas discutée ;

- qu'elle même n'ayant pas servi d'intermédiaire, elle n'était tenue à aucune obligation de conseil;

- que si les paiements en ligne d'un montant total de 7 008 euros effectués les 1er septembre 2017 et 04 septembre 2017, rejetés, ne comportaient pas d'anomalie apparente, le conseiller clientèle était informé de ce que le virement du 12 septembre 2017 constituant une nouvelle présentation des deux opérations susvisées était destiné à l'achat de diamants tandis qu'au mois de novembre 2017, Mme [L] a clôturé l'intégralité de son plan épargne logement pour procéder à l'achat d'un seul diamant ;

- que dans ces conditions, la banque était tenue à compter du 08 septembre 2017, en dépit du principe de non ingérence, à une obligation de vigilance et d'informer sa cliente des risques liés aux diamants d'investissement, ce d'autant qu'elle disposait depuis le 24 juillet 2017 de la liste noire établie par l'AMF ;

- que dès lors, l'intitulé et le montant des virements demandés les 21 octobre, 10 novembre et 28 novembre 2017 auraient également dû être considérés par la banque comme des anomalies apparentes intellectuelles lui imposant la même obligation de vigilance et d'information ;

- que ni le témoignage de son propre salarié, ni la capture d'écran, ne sont de nature à établir le contenu de l'information délivrée par la banque, en l'absence de tout document écrit signé par sa cliente ;

- que dès lors, la banque a manqué à son obligation de vigilance et commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle s'agissant des placements susvisés ;

Sur l'indemnisation des préjudices :

- que le préjudice de Mme [L] est certain, dans la mesure où au regard de l'ancienneté des faits, elle n'a aucune chance d'obtenir le remboursement de l'intégralité des sommes qu'elle a versées sans contrepartie, même dans l'hypothèse où les auteurs seraient retrouvés et jugés ;

- que seul le défaut d'information de la banque est fautif, dans la mesure où il ne peut lui être reproché de ne pas avoir refusé d'exécuter les ordres de virement de sa cliente, ce dont il résulte que le préjudice subi par Mme [L] relève d'une perte de chance de ne pas effectuer les versements litigieux et ne saurait être équivalent au montant des virements réalisés ;

- que le simple fait, pour un profane, de ne pas s'être suffisamment renseigné sur les placements envisagés et de ne pas avoir tenu compte des alertes émises par l'AMF ne saurait être considéré comme fautif, de sorte que le préjudice de perte de chance fixé à la somme de 15 000 euros doit être indemnisé en totalité par la banque ;

- qu'il n'existe cependant pas de lien de causalité directe entre le manquement de la banque à son obligation d'information et l'escroquerie susceptible de lui avoir causé un préjudice moral ;

- qu'il en est de même concernant la perte de chance de réaliser un meilleur placement, Mme [L] ayant été abusée par des promesses de rentabilité très importante et n'aurait pas investi les fonds, dont une grande partie était déjà placée sur un plan épargne logement, sur des placements sécurisés, si elle n'avait pas été démarchée.

Par déclaration du 02 décembre 2022, la banque a interjeté appel de ce jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral et de jouissance et, selon ses dernières conclusions transmises le 12 février 2024, elle conclut à son infirmation et demande à la cour de :

- rectifier l'omission de statuer liée au fait que le tribunal judiciaire de Besançon ne s'est pas prononcé sur sa demande tendant à 'juger' que Mme [L] a commis des fautes à l'origine de son préjudice et qu'elle est responsable à 90 % de celui-ci, et de la débouter de son appel incident ;

- statuant à nouveau, de débouter Mme [L] de l'intégralité de ses demandes en l'absence de faute de sa part et subsidiairement de preuve d'un préjudice ;

- à titre très subsidiaire, de 'juger' que le préjudice de cette dernière consiste en 'une perte de chance de 10 % de ne pas investir la somme de 47 241,69 euros' et que Mme [L] est responsable à 90 % de son préjudice, de sorte qu'elle même ne lui est redevable que de la somme de 472,41 euros, et de débouter cette dernière du surplus de ses demandes ;

- en tout état de cause, de condamner Mme [L] au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et de 5 000 euros au titre de la procédure d'appel, outre les dépens.

Elle fait valoir :

Concernant ses obligations en qualité de prestataire de service de paiement :

- qu'aux termes des dispositions ayant opéré transposition de la directive 2007/64/CE du 13 novembre 2007 dite DSP 1, entrées en vigueur le 1er novembre 2009, elle n'était tenue par aucune obligation de mise en garde, d'alerte, ou d'information spécifique ;

- que ce régime de responsabilité européen spécifique est exclusif de tout autre, notamment de l'application du droit commun ;

- qu'ainsi, sa responsabilité n'est encourue qu'en cas d'opération non autorisée ou d'opération mal exécutée en application des articles L. 133-18 et L. 133-21 du code monétaire et financier;

- que dès lors le devoir de vigilance du banquier teneur de compte, étranger aux produits d'investissement, qui exécute un ordre de virement se limite exclusivement à la vérification de l'authenticité de l'ordre de virement, de l'absence d'anomalie, et non à son objet ;

Concernant la faute lui étant reprochée :

- qu'il est constant que les paiements et les ordres de virement ont été effectués par sa cliente et ont été adressés au destinataire désigné par celle-ci, de sorte que Mme [L] se borne à lui reprocher d'avoir exécuté les opérations litigieuses ;

- qu'elle est au contraire obligée d'exécuter les ordres donnés par son client et de libérer les fonds, dès lors qu'il n'est pas soutenu qu'ils auraient été faux ou formellement irréguliers ;

- que les opérations ne peuvent être qualifiées de non-autorisées :

. au motif que l'identité du bénéficiaire de l'opération n'était pas celle que sa cliente croyait, alors qu'en l'absence de faux IBAN, le compte sur lequel le virement était effectué appartenait à la personne à laquelle le virement aurait dû être adressé, Mme [L] ne contestant pas que l'identité du bénéficiaire et les montants des opérations sont bien ceux qu'elle avait communiqués à sa banque ;

. au motif du non respect de l'article L. 133-44 du code monétaire et financier, alors que ce texte ne s'applique pas dès lors que Mme [L] n'a pas communiqué à un tiers les informations permettant à ce dernier de procéder à une opération non autorisée par ses soins, mais a elle-même effectué les opérations de sorte que sa banque n'est pas tenue de justifier de l'authentification forte ;

- qu'en application du principe de non-ingérence du banquier vis-à-vis de son client, la notion d'anomalie apparente doit être strictement appréciée au regard des circonstances de l'espèce, du fait que le solde disponible du compte permette l'opération, du caractère licite de son objet et du principe de libre disposition des fonds ;

- qu'au surplus, elle a expressément déconseillé à sa cliente de maintenir ses investissements à deux reprises, en lui faisant part du risque d'escroquerie dans les circonstances suivantes :

. d'abord, suite au rejet de deux virements d'un montant de 3 000 euros chacun au mois de septembre 2017, elle a contacté sa cliente en lui demandant la nature de ceux-ci et en lui déconseillant d'envoyer des fonds à l'étranger, mais que celle-ci a sollicité deux nouveaux virements par courriel du 12 septembre 2017 en communiquant à sa banque un RIB au nom de la société Moorwand LTD ne comportant aucune référence à l'entité Diamoneo ;

. ensuite, lors d'un rendez-vous le 10 novembre 2017 au cours duquel Mme [L] a souhaité clôturer son Plan Epargne Logement (PEL) et procéder au virement de la somme de 22 713 euros sur un compte établi à l'étranger, son conseiller lui a de nouveau fait part du risque d'escroquerie et lui a déconseillé l'opération ainsi qu'il résulte de l'attestation qu'il a rédigée et de la prise de note informatique résultant de la capture d'écran du logiciel interne de la banque, étant précisé qu'aucune disposition ne prévoit une obligation de rédiger un document écrit relatif à l'information sur les risques encourus;

- que l'AMF n'a inscrit la société Diamselection sur sa liste noire que le 21 décembre 2017, le fait que la société Diamoneo ait été inscrite le 24 juillet précédent étant sans incidence dans la mesure où Mme [L] n'a jamais été en relations d'affaires avec cette dernière qui n'apparaît sur aucun ordre de virement, étant observé que les paiements par carte bancaire effectués au profit de cette société Diamoneo les 19 juin et 18 juillet 2017 sont antérieurs à l'inscription de celle-ci sur la liste noire ;

Concernant son absence de manquement aux obligations de déclaration Tracfin :

- que les dispositions prévues aux articles L. 561-5 à L. 561-22 du code monétaire et financier ont pour seule finalité la lutte contre le blanchiement et le financement du terrorisme ;

- que dès lors, il est constant que la victime d'agissements frauduleux ne peut pas se prévaloir de l'inobservation par un organisme financier de l'obligation de vigilance lui étant imposée au titre de la lutte contre le blanchiment de capitaux pour lui réclamer des dommages-intérêts ;

Concernant l'absence de préjudice de Mme [L] :

- que la preuve de ce préjudice n'est pas rapportée dès lors que sa cliente ne démontre pas la réalité des détournements dont elle prétend avoir été victime, aucune pièce n'établissant la perte définitive des fonds litigieux ;

- subsidiairement, que le préjudice ne saurait correspondre aux sommes versées volontairement à la société Diamselection mais uniquement à une perte de chance de ne pas investir cette somme, étant observé que le tribunal ne pouvait indemniser une telle perte de chance alors que la demande qui était formulée consistait en l'indemnisation du montant des sommes investies ;

- qu'en considération de la volonté manifeste de Mme [L] de réaliser un investissement spéculatif très important, elle ne peut sérieusement soutenir qu'elle aurait renoncé à y procéder si sa banque lui avait communiqué plus d'informations, de sorte que la perte de chance de ne pas investir doit être considérée comme nulle, sa cliente n'attestant au surplus d'aucun lien de causalité et des modalités de calcul du préjudice invoqué ;

- qu'indépendamment des informations lui ayant été communiquées par son conseiller, l'AMF avait émis plusieurs alertes sur ce type d'investissement les 06 janvier et 14 juin 2017, de sorte qu'elle a commis une faute en s'abstenant de collecter le minimum de recherches qu'elle était la seule à être en mesure de mener, justifiant une responsabilité à hauteur de 90 % dans la survenance de son préjudice.

Par conclusions transmises le 19 mai 2023, Mme [L] a interjeté appel incident à l'encontre du jugement critiqué concernant le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la banque et a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 08 février 2024 pour demander à la cour d'infirmer le jugement entrepris des chefs susvisés et statuant à nouveau :

A titre principal,

- de condamner la banque à lui rembourser la somme de 47 241,69 euros correspondant à la totalité de son investissement, en réparation de son préjudice matériel ;

- la condamner à lui verser la somme de 9 448,34 euros, correspondant à 20 % du montant de

l'investissement, au titre du préjudice moral et de jouissance ;

A titre subsidiaire,

- de 'juger et retenir' qu'elle n'a pas respecté son obligation d'information à son égard et qu'elle est responsable de ses préjudices ;

A titre infiniment subsidiaire,

- de 'juger et retenir' que la banque est responsable de plein droit en matière d'opérations de paiement non autorisées, aux termes des dispositions des articles L. 133-17 et suivants du code monétaire et financier ;

- de 'juger et retenir' qu'elle n'a pas respecté son obligation de remboursement des fonds suite à des opérations de paiement non autorisées, conformément aux articles L. 133-18 et suivants du code monétaire et financier ;

En tout état de cause, de condamner la banque à lui verser :

- la somme de 47 241,69 euros correspondant à la totalité de son investissement, en réparation de son préjudice matériel ;

- la somme de 9 448,34 euros correspondant à 20 % du montant de l'investissement, au titre du préjudice moral et de jouissance ;

- la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Elle expose :

Concernant le fondement de ses demandes :

- que les paiements litigieux ayant bien été ordonnés par ses soins, les dispositions prévues aux articles L. 133-18 et suivants du code monétaire et financier ne s'appliquent pas dans la mesure où elles ne concernent que les opérations de paiements non ordonnées ou mal exécutées ;

- qu'ayant été victime d'une escroquerie, le caractère volontaire ou non desdits paiements est 'inepte' ;

- que l'obligation pour la banque de réaliser les opérations ordonnées par sa cliente a comme limite l'exercice de son obligation de vigilance ;

- que dès lors, indépendamment du régime de responsabilité spécifique ci-avant exposé, la responsabilité de la banque peut être engagée par son client lorsqu'il est lui-même à l'origine d'opérations de paiement, sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle prévue aux articles 1231-1 et 1992 du code civil et sur les obligations de vigilance et de contrôle à l'égard de la clientèle édictées par les articles L. 561-1 et suivants du code monétaire et financier ;

- que l'article L. 133-10 du code précité autorise la banque à refuser une opération sollicitée par un client en raison de son caractère inhabituel ou anormal, sous réserve d'en expliciter la raison;

Sur le manquement de la banque à son obligation de vigilance :

- que cette obligation découle des articles L. 561-1, L. 561-10 et L. 561-10-2 du code monétaire et financier, en fonction de l'évaluation des risques présentés par leurs activités en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ;

- que la jurisprudence de la Cour de cassation empêchant aux consommateurs de se prévaloir de ces dispositions n'est pas juridiquement fondée ;

- qu'en tout état de cause, une banque reste tenue à une obligation de vigilance et de contrôle en application de l'article 1231-1 du code civil, y compris lorsqu'elle agit en simple prestataire de services de paiement et indépendamment de la fourniture d'un identifiant unique correct, en cas d'anomalie affectant les opérations ;

- qu'en l'espèce, la banque a failli à cette obligation alors que les opérations de sa cliente présentaient un caractère atypique, que la mention 'Diamoneo' apparaissait dès le premier virement réalisé le 19 juin 2017, que l'AMF a depuis le mois de mai 2014 alerté sur l'investissement dans les sociétés de diamants et que l'établissement indique lui-même avoir alerté sa cliente sur le risque attaché à ce type d'investissement ;

- que la société Diamselection doit être assimilée à la société Diamoneo inscrite dès le 24 juillet 2017 sur la liste noire de l'AMF ;

- qu'au regard de leur importance, les opérations concernées ne correspondaient pas aux revenus dont elle disposait et présentaient un caractère exhorbitant sur une période de cinq mois, alors que ses dépenses étaient par ailleurs relativement modestes ;

- qu'il en résultait un fonctionnement anormal du compte bancaire ;

- qu'elle n'avait jamais effectué des investissements via des comptes situés à l'étranger, au surplus avec de nouveaux bénéficiaires ;

- qu'au surplus, les mouvements pouvaient présenter un caractère potentiellement frauduleux ;

- qu'il suffisait à la banque d'effectuer un simple contrôle sur le site internet 'diamoneo.com' ainsi que sur les listes publiées par l'AMF pour découvrir que les opérations étaient suspectes et risquaient d'être liées à une escroquerie internationale ;

Subsidiairement, sur le manquement de la banque à son obligation d'information :

- que cette dernière est débitrice vis-à-vis de ses clients d'une obligation générale d'information découlant des articles 1112-1 et 1231-1 du code civil ;

- qu'elle est par ailleurs tenue d'une obligation d'information spéciale en matière d'investissements financiers lorsque les biens acquis peuvent faire l'objet d'actes de blanchiment ou sont liés au financement du terrorisme ;

- que cette obligation d'information est particulièrement justifiée dans le cadre d'une opération exceptionnelle caractérisée notamment par des mouvements de fonds importants à une fréquence régulière vers une destination étrangère, telle que celles réalisées en matière de placements financiers frauduleux, ces éléments caractérisant une anomalie intellectuelle et l'existence d'un risque pour le client ;

- que la charge de la preuve de l'accomplissement de cette obligation repose sur l'établissement bancaire, dans la mesure où il appartient à celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'un devoir d'information ou de conseil d'établir qu'il a satisfait à son obligation ;

- que cependant, la banque ne produit aucune attestation écrite de mise en garde datée et signée démontrant qu'elle l'a effectivement informée des risques connus sur ce type de placement ;

- en tout état de cause, qu'une telle information aurait été sans incidence dans la mesure où une banque doit, à défaut de contrôle et de vigilance satisfaisants, bloquer toute opération de paiement en application des articles L. 133-10 et L. 561-8 du code monétaire et financier ;

A titre infiniment subsidiaire, en considérant que seuls les articles L. 133-18 et suivants du code monétaire et financier seraient applicables au litige :

- que les opérations en cause, en ce qu'elles n'ont pas été réalisées avec son consentement concernant l'identité du bénéficiaire et le montant de l'opération dans la mesure où elle pensait investir dans des diamants au sein des structures Diamoneo et Diamselection, doivent être considérées comme non autorisées ;

- que sans qu'il ne soit nécessaire d'établir une faute de la banque, l'article L. 133-18 du code monétaire et financier impose le remboursement des sommes soustraites ;

- que la banque n'établit ni la commission d'agissements frauduleux par ses soins, ni des manquements ou négligences graves de sa cliente, seules ces causes étant exonératoires en application de l'article L. 133-19 du code précité ;

Concernant ses préjudices :

- que son préjudice matériel, dont la banque est intégralement responsable, est chiffré au montant des opérations d'investissement litigieuses, soit la somme de 47 241,69 euros dont a été déduite celle de 6 858 euros portée au crédit de son compte le 08 septembre 2017 ;

- qu'il ne s'agit pas d'une perte de chance d'investir dans la mesure où la banque était légalement autorisée et contrainte à porter atteinte à son droit de propriété dans pareilles circonstances ;

- qu'elle subit par ailleurs un préjudice moral et de jouissance correspondant à la perte de chance de réaliser un meilleur placement.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 05 mars suivant et mise en délibéré au 07 mai 2024.

En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.

Motifs de la décision

A titre liminaire, la cour observe que la demande tendant à l'annulation du jugement de première instance figurant dans la déclaration d'appel transmise par la banque n'est pas soutenue.

- Sur la demande de la banque fondée sur une omission de statuer du juge de première instance,

Aux termes de l'article 462 du code de procédure civile, seules les erreurs et omissions revêtant un caractère matériel qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

Etant rappelé que le juge n'est pas tenu de statuer sur les demandes de «'donner acte'», de «'constater'» ou de «'dire et juger'» si celles-ci ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes, la cour observe que le juge de première instance a, dans les motifs de sa décision, examiné le moyen tiré d'une faute de Mme [L] invoqué par la banque pour l'écarter et retenir une indemnisation intégrale de son préjudice par cette dernière.

Dès lors, en l'absence d'omission matérielle affectant le jugement critiqué dans la mesure où les chefs de dispositif invoqués par la banque, à savoir de 'juger' que Mme [L] a commis des fautes étant à l'origine de son préjudice et de 'juger' que celle-ci est responsable à 90% de son propre préjudice, ne constituent pas des demandes au sens précité, sa demande de rectification sera rejetée.

- Sur le régime de responsabilité applicable,

En application de l'article L. 133-18 du code monétaire et financier, le prestataire de services de paiement du payeur doit, en cas d'opération de paiement non autorisée signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24, rembourser au payeur le montant de l'opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l'opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s'il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l'utilisateur du service de paiement et s'il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l'état où il se serait trouvé si l'opération de paiement non autorisée n'avait pas eu lieu.

Lorsque l'opération de paiement non autorisée est initiée par l'intermédiaire d'un prestataire de services de paiement fournissant un service d'initiation de paiement, le prestataire de services de paiement gestionnaire du compte rembourse immédiatement, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, au payeur le montant de l'opération non autorisée et, le cas échéant, rétablit le compte débité dans l'état où il se serait trouvé si l'opération de paiement non autorisée n'avait pas eu lieu. La date de valeur à laquelle le compte de paiement du payeur est crédité n'est pas postérieure à la date à laquelle il avait été débité.

Si le prestataire de services de paiement qui a fourni le service d'initiation de paiement est responsable de l'opération de paiement non autorisée, il indemnise immédiatement le prestataire de services de paiement gestionnaire du compte, à sa demande, pour les pertes subies ou les sommes payées en raison du remboursement du payeur, y compris le montant de l'opération de paiement non autorisée.

Le payeur et son prestataire de services de paiement peuvent décider contractuellement d'une indemnité complémentaire.

L'article L. 133-21 du même code prévoit qu'un ordre de paiement exécuté conformément à l'identifiant unique fourni par l'utilisateur du service de paiement est réputé dûment exécuté pour ce qui concerne le bénéficiaire désigné par l'identifiant unique.

Si l'identifiant unique fourni par l'utilisateur du service de paiement est inexact, le prestataire de services de paiement n'est pas responsable de la mauvaise ou de la non-exécution de l'opération de paiement.

Toutefois, le prestataire de services de paiement du payeur s'efforce de récupérer les fonds engagés dans l'opération de paiement. Le prestataire de services de paiement du bénéficiaire communique au prestataire de services de paiement du payeur toutes les informations utiles pour récupérer les fonds. Si le prestataire de services de paiement du payeur ne parvient pas à récupérer les fonds engagés dans l'opération de paiement, il met à disposition du payeur, à sa demande, les informations qu'il détient pouvant documenter le recours en justice du payeur en vue de récupérer les fonds.

Si la convention de compte de dépôt ou le contrat-cadre de services de paiement le prévoit, le prestataire de services de paiement peut imputer des frais de recouvrement à l'utilisateur de services de paiement.

Si l'utilisateur de services de paiement fournit des informations en sus de l'identifiant unique ou des informations définies dans la convention de compte de dépôt ou dans le contrat-cadre de services de paiement comme nécessaires aux fins de l'exécution correcte de l'ordre de paiement, le prestataire de services de paiement n'est responsable que de l'exécution de l'opération de paiement conformément à l'identifiant unique fourni par l'utilisateur de services de paiement.

Si ces régimes sont seuls applicables aux prestataires de services de paiement dans les hypothèses spécifiques d'une opération de paiement non autorisée ou en cas d'opération de paiement mal exécutée, il n'ont pas pour effet de limiter la responsabilité de la banque aux seuls cas dans lequel les opérations litigieuses n'ont pas été autorisées ou ont été mal exécutées.

Dès lors, un utilisateur de services de paiement peut engager la responsabilité du prestataire de ces services sur le fondement du régime de responsabilité contractuelle de droit commun à raison des éventuelles fautes commises par ce dernier.

Il est néanmoins constant que les articles L. 561 et suivants du code précité, relatifs à la réglementation Tracfin, ont pour seul objet la protection de l'intérêt général et ne peuvent fonder une action en responsabilité à l'encontre de la banque engagée par son client, lequel constitue l'objet même de l'obligation de surveillance et de déclaration dont il n'est donc pas bénéficiaire et dont il ne peut, le cas échéant, invoquer le défaut d'exécution.

Enfin, contrairement aux termes des écritures de l'intimée, la cour rappelle que l'article L. 133-10 du code monétaire et financier n'a pas pour objet de réglementer la possibilité pour un établissement financier de refuser d'exécuter une opération de paiement, mais se limite à régir l'obligation du prestataire de services de paiement de notifier à l'utilisateur les motifs d'un tel refus.

- Sur les fautes reprochées à la banque,

Il est constant entre les parties que les dix opérations de paiement litigieuses ont été ordonnés par Mme [L], de sorte que les dispositions prévues aux articles L. 133-18 et suivants du code monétaire et financier ne sont pas applicables en l'espèce à défaut de paiements non ordonnés ou mal exécutés au sens des dispositions susvisées.

L'article 1231-1 du code civil prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Par ailleurs, il résulte du premier alinéa de l'article 1992 du même code que le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion.

Etant rappelé que la méconnaissance des obligations imposées aux banques par la réglementation Tracfin ne constitue pas la violation d'une obligation contractuelle entre les parties, Mme [L] ne peut valablement invoquer le fait que les investissements qu'elle a entendu effectuer relevaient d'un fonctionnement anormal du compte bancaire imposant une obligation particulière de vigilance à sa banque, alors même que la nature desdits investissements supposait des versements d'épargne importants, et non des opérations courantes relevant des dépenses quotidiennes, effectués nécessairement à destination de nouveaux bénéficiaires présentés à Mme [L] comme commercialisant des produits diamantaires, domiciliés à l'étranger.

Par ailleurs, s'il résulte des pièces produites par Mme [L] que l'AMF a mis en garde le 24 juillet 2017 les investisseurs concernant le site 'www.diamoneo.com', cette publication est postérieure aux deux paiements effectués par Mme [L] par carte bancaire les 19 juin et 17 juillet 2017.

L'entité 'www.diamselection.com', n'apparaissant pas dans le cadre des opérations de virement postérieures mais uniquement dans les échanges de courriels entre Mme [L] et M. [R] [G] dont la première n'établit pas que sa banque en a eu connaissance avant l'exécution desdits ordres de virement, n'a été inscrite sur la liste noire de l'AMF, selon les mêmes pièces, qu'à la date du 06 avril 2018 soit postérieurement à l'ensemble des opérations litigieuses dont la dernière a été réalisée le 28 novembre 2017.

Indépendamment de l'objet comparable des deux entités concernées, Mme [L] ne fonde son affirmation aux termes de laquelle 'la société Diamselection doit être assimilée à la société Diamoneo' sur aucun élément, alors même qu'elle fonde cette assimilation sur des publications de l'AMF, mais aussi sur des pièces d'enquête judiciaire établies postérieurement à la date des investissements.

Dès lors, il ne peut valablement être reproché à la banque de ne pas avoir tenu compte des publications de l'AMF.

Concernant le manquement de la banque à son obligation générale d'information, Mme [L] convient de différents contacts avec son conseiller M. [M] [X] à compter du mois de juillet 2017, ainsi qu'il résulte de son courrrier daté du 09 janvier 2018 adressé à sa banque, mais en contestant avoir été destinataire de la moindre information ou mise en garde concernant les opérations d'investissement en diamants à l'étranger.

Alors même qu'aucune modalité de preuve de l'accomplissement de son obligation d'information ne s'impose à la Caisse de Crédit Mutuel, à laquelle il appartient d'établir qu'elle a satisfait à son obligation, le compte-rendu d'entretien du 10 novembre 2017 enregistré informatiquement dans le logiciel client de la banque mentionne spécifiquement 'Virement 22 KE sur banque étrangère pour achat diamants sous forme papier. Ai prévenu la cliente du risque sur ce genre d'opérations.'

M. [X] a attesté le 06 mai 2021 de la chronologie des échanges ainsi que la teneur de cet entretien, cette pièce constituant certes un élément de preuve établi par un salarié de la banque, mais qui est néanmoins seul en mesure, avec Mme [L], de témoigner du contenu de leurs échanges.

La date du 10 novembre 2017 correspond précisément à celle à laquelle Mme [L] indique avoir eu un entretien avec son conseiller pour procéder à la clôture de son PEL et au virement du solde pour investir en diamants, élément qui a été relaté par le médiateur du Crédit Mutuel dans son courrier du 03 mai 2018 soit près de deux ans avant l'assignation en première instance, cet élément excluant que le compte-rendu informatique de l'entrevue concernée ait été établi postérieurement pour les besoins de la défense en justice.

Au surplus, le courriel d'accompagnement de l'ordre de virement d'un montant de 7 008 euros au profit de la société Moorwand Ltd adressé le 12 septembre 2017 par Mme [L] à sa banque précise 'je vais réfléchir à votre proposition', cette précision étant suprenante au regard de son affirmation constante de l'absence de tout échange avec son conseiller au sujet de ses projets d'investissements.

Etant rappelé que le devoir de conseil du banquier ne saurait remettre en cause le principe de non-ingérence dans les affaires de son client, la cour constate enfin que Mme [S] a fait preuve d'une détermination certaine dans sa volonté d'investissement, celle-ci ayant placé une somme totale de 47 241,69 euros sur une période limitée de cinq mois, soit un montant conséquent en considération des revenus dont elle atteste, en ordonnant la réitération des opérations débitrices suite au rejet de virements les 04 et 06 septembre 2017 lié au caractère erroné des coordonnées bancaires de destination et enfin en mettant un terme à l'intégralité de son précédent placement en PEL. L'importance de ces investissements contraste au surplus avec la modicité des informations échangées par Mme [L] avec son contact au sein de l'entité Diamselection, qui lui a transmis des RIB mentionnant des entités distinctes de celle qu'il prétendait représenter, puis des factures et des certificats mentionnant de nouveau des entités différentes, étant observé que seule cette dernière, à l'exclusion de la banque, avait connaissance de ces derniers éléments.

Par ailleurs, les pièces issues du dossier de l'information judiciaire communiquées par Mme [L], si elles sont susceptible de corroborer, a posteriori, la commission de faits d'escroqueries en bande organisée et de blanchiment de ces infractions dans le cadre des investissements effectués par Mme [L], ne comportent aucun élément de nature à caractériser une faute de son établissement bancaire.

Il en est de même des illustrations de mises en garde adressées par différentes banques à leurs clients dans le cadre de projets d'investissements, lesquels se rapportent à des périodes et des types d'investissements différents dans un contexte qui reste inconnu de la cour.

Enfin, si Mme [L] invoque à titre infiniment subsidiaire que les opérations en cause doivent être considérées comme non autorisées en ce qu'elles n'ont pas été réalisées avec son consentement concernant l'identité du bénéficiaire et le montant de l'opération dans la mesure où elle pensait investir dans des diamants au sein des structures Diamoneo et Diamselection, la cour relève, indépendamment du caractère contradictoire de ce moyen avec son argumentation principale, qu'elle n'établit cependant aucunement le caractère erroné du destinataire des virements alors même que ces opérations ont été expressément sollicitées par ses soins pour les montants exécutés.

Ces virements ne peuvent donc être qualifiés d'opérations non-autorisées au sens de l'article L. 133-18 du code monétaire et financier, Mme [L] ne les ayant d'ailleurs jamais considérés comme tels ainsi qu'il résulte de l'absence de signalement dans les conditions prévues à l'article L. 133-24 du même code aux fins d'en obtenir le remboursement.

Dès lors, aucune faute de la banque n'est caractérisée par Mme [L], de sorte que le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a condamné la Caisse de Crédit Mutuel à l'indemniser de son préjudice matériel et que la demande de Mme [L] sera rejetée.

La cour rappelle qu'aucun appel n'a été interjeté à l'encontre du jugement critiqué en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires formées par cette dernière au titre de ses préjudices moral et de jouissance, Mme [L] n'ayant en effet pas sollicité, dans le dispositif de ses écritures, l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ces demandes.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Constate que la demande tendant à l'annulation du jugement rendu entre les parties le 02 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Besançon n'est pas soutenue ;

Déboute la SCCV Caisse de Crédit Mutuel Grand [Localité 5] Ouest de sa demande de rectification d'omission de statuer ;

Infirme, dans les limites de l'appel, le jugement précité ;

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute Mme [C] [L] de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel ;

La condamne aux dépens d'appel ;

Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, la déboute de sa demande et la condamne à payer à la SCCV Caisse de Crédit Mutuel Grand [Localité 5] Ouest la somme de 1 500 euros au titre de la première instance et de 1 500 euros au titre de la procédure d'appel, avec rejet pour le surplus de ses demandes.

Le greffier, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/01832
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;22.01832 ?
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