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07/05/2024 | FRANCE | N°22/01154

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 07 mai 2024, 22/01154


Le copies exécutoires et conformes délivrées à

ASW/LZ











REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Minute n°

N° de rôle : N° RG 22/01154 - N° Portalis DBVG-V-B7G-ERBN





COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale



ARRÊT DU 07 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : jugement du 31 mai 2022 - RG N°21/00186 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON

Code affaire : 54Z - Autres demandes relatives à

un contrat de réalisation de travaux de construction





COMPOSITION DE LA COUR :



M. Michel WACHTER, Président de chambre.

M. Cédric SAUNIER et Madame Anne-Sophie WILLM, Conseillers.



Gr...

Le copies exécutoires et conformes délivrées à

ASW/LZ

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Minute n°

N° de rôle : N° RG 22/01154 - N° Portalis DBVG-V-B7G-ERBN

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 07 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : jugement du 31 mai 2022 - RG N°21/00186 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON

Code affaire : 54Z - Autres demandes relatives à un contrat de réalisation de travaux de construction

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Michel WACHTER, Président de chambre.

M. Cédric SAUNIER et Madame Anne-Sophie WILLM, Conseillers.

Greffier : Melle Leila ZAIT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

L'affaire a été examinée en audience publique du 05 mars 2024 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, M. Cédric SAUNIER et Madame Anne-Sophie WILLM, conseillers et assistés de Melle Leila ZAIT, greffier.

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

L'affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS

INTIMÉS SUR APPEL INCIDENT

Monsieur [N] [E]

né le 06 Juin 1966 à [Localité 4] (25)

de nationalité française, demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Isabelle TOURNIER de la SCP CODA, avocat au barreau de BESANCON

Madame [V] [E] épouse [E]

née le 01 Avril 1977 à [Localité 4] (25)

de nationalité française, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Isabelle TOURNIER de la SCP CODA, avocat au barreau de BESANCON

ET :

INTIMÉS

APPELANTS SUR APPEL INCIDENT

Maître Pascal GUIGON

en qualité de mandataire judiciaire de la société MAISON STECO anciennement dénommée IDEAL BATIR

demeurant [Adresse 3]

N'ayant pas constitué avocat

S.A. COMPAGNIE QBE

RCS de Nanterre n°842 689 556

sise [Adresse 1]

Représentée par Me Annie CHARLOT, avocat au barreau de BESANCON

ARRÊT :

- DEFAUT

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Melle Leila ZAIT, greffier lors du prononcé.

*************

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS

Par acte sous seing privé du 11 juin 2015, M. [N] [E] et Mme [V] [E] ont conclu un contrat de construction d'une maison individuelle dans le lotissement [Adresse 5]) avec la SARL Maisons Idéal Bâtir, devenue SARL Maison Steco, pour un montant de 160 097,56 euros.

La société QBE Insurance Europe Limited s'était portée garante de la livraison de la construction à prix et délai convenus selon acte de cautionnement du 12 octobre 2015.

Le chantier a été déclaré ouvert le 5 octobre 2015 et les travaux ont cessé en mars 2016.

Saisi par M. et Mme [E], le juge des référés du tribunal de grande instance de Besançon a, par ordonnance du 4 octobre 2016, notamment condamné la société Idéal Bâtir à reprendre les travaux.

Le chantier étant une nouvelle fois arrêté, M. et Mme [E] ont saisi le juge des référés qui a, le 4 juillet 2017, ordonné à la société Maison Steco de reprendre et de poursuivre les travaux sous astreinte.

Une expertise judiciaire a été ordonnée le 19 septembre 2017 et M. et Mme [E] se sont vus accorder une provision de 15 317,19 euros au titre des pénalités de retard prévues au contrat de construction.

Les opérations d'expertise ont été rendues communes et opposables à la société QBE Insurance Europe Limited et l'expert a déposé son rapport le 21 mars 2019.

Par ordonnance du 16 avril 2019, le juge des référés, saisi par les époux [E], a condamné la société QBE Insurance Europe Limited à leur verser une provision de 4 500 euros au titre des sommes à valoir sur les pénalités de retard.

Parallèlement, en raison de la liquidation judiciaire de la société Maison Steco le 21 février 2018, la société QBE Insurance Europe Limited a saisi la société Douze & Associés en tant que repreneur de l'ouvrage, et une convention de reprise a été signée le 29 avril 2019 avec un ordre de service régularisé le même jour prévoyant un délai d'exécution des travaux de quatre mois à compter du 13 mai 2019.

La société QBE Insurance Europe Limited a transmis son portefeuille non-vie à la société QBE Europe SA/NV.

La réception des travaux est intervenue le 11 décembre 2019 et les réserves mentionnées au

procès-verbal ont été levées le 29 mars 2021.

Par actes des 27 et 28 janvier 2021, M. et Mme [E] ont fait assigner Maître [C] [W] en qualité de mandataire judiciaire de la SARL Maison Steco, ainsi que la société QBE Europe SA/NV devant le tribunal judiciaire de Besançon aux fins de la voir condamnée, en sa qualité d'assureur garant de livraison de la SARL Maison Steco, au paiement de pénalités de retard et à les indemniser de leurs préjudices.

-oOo-

Par jugement rendu le 31 mai 2022, le tribunal judiciaire de Besançon a :

- débouté M. et Mme [E] de leurs demandes au titre :

. des pénalités de retard,

. des préjudices matériels (loyer de l'appartement, remboursement des cuvettes des toilettes),

. de la perte de chance de mobiliser les garanties sur mobilier et électroménager,

. des factures d'électricité,

. du préjudice de jouissance,

. du préjudice moral,

. de la prise en charge de la totalité des frais et sommes dues pour le remplacement des

huisseries de la maison,

- condamné la SA/NV QBE Europe à verser à M. et Mme [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA/NV QBE Europe aux dépens, qui comprennent le coût de l'expertise judiciaire resté à la charge des demandeurs, soit la somme de 3 000 euros,

- fixé ces créances, au profit de la SA/NV QBE Europe, au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Maison Steco.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

Sur la demande au titre des pénalités de retard

- qu'en l'absence d'élément produit par les demandeurs sur la date de début des travaux, il convenait de retenir la date reconnue par la partie défenderesse, savoir le 12 octobre 2015,

- que la réception des travaux était intervenue le 11 décembre 2019, date que les parties retenaient pour déterminer le terme du délai faisant courir les pénalités de retard,

- que le retard provoqué par la mesure d'expertise, lorsqu'elle confirme l'existence de malfaçons, n'était pas imputable au maître d'ouvrage,

- que l'expert judiciaire confirmait l'existence de nombreuses malfaçons, ainsi que des non-conformités et des travaux inachevés,

- que dès lors le retard résultant des opérations d'expertise n'était pas imputable aux maîtres de

l'ouvrage,

- que les pénalités de retard étaient donc dues sur la période du 12 octobre 2016 au 11 décembre

2019 à hauteur de la somme de 53,37 euros par jour de retard, soit un total de 60 788,43 euros,

- qu'il n'était pas discuté que M. et Mme [E] avaient déjà reçu une somme de 46 175 euros à ce titre,

- que la somme restant due après compensation entre le solde des pénalités de retard et le montant dû par les maîtres de l'ouvrage au titre du marché s'élevait à 52 568,26 euros,

- que le garant qui fait effectuer les travaux d'achèvement est en droit d'exiger de percevoir directement les sommes correspondant aux travaux effectués dues par le maître de l'ouvrage aux différents stades de la construction,

- que M. et Mme [E] ne justifiaient pas de leur paiement,

- qu'en raison de la compensation sollicitée entre le solde des pénalités de retard (14 613 euros) et le solde du marché (52 568,26 euros), les époux [E] étaient déboutés de leur demande en paiement ;

Sur les dommages et intérêts

- que M. et Mme [E] se contentaient de solliciter l'indemnisation des préjudices résultant des loyers exposés à raison du retard dans la livraison, de la perte de chance de mobiliser les garanties sur le mobilier et l'électroménager qu'ils avaient acquis pour leur logement et qui a été installé avec retard, du coût de l'électricité pendant la période de retard de livraison, d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral sans rapporter la preuve, ni même invoquer les

manquements commis par le garant,

- que celui-ci avait désigné un entrepreneur pour reprendre les travaux le 29 avril 2019 et que l'ouvrage avait été livré le 11 décembre 2019,

- que les loyers exposés ne pouvaient s'analyser en un supplément de prix au sens de l'article L. 231-6 I b du code de la construction et de l'habitation,

- que M. et Mme [E] ne pouvaient en conséquence qu'être déboutés de leurs demandes ;

Sur le remboursement de l'achat de cuvettes de toilettes

- que n'ayant fait aucune réserve sur ce point lors de la réception, ce qui tendait à démontrer que les toilettes avaient été livrées et posées après le rapport d'expertise judiciaire, M. et Mme [E] devaient être déboutés de leur demande ;

Sur le remboursement des frais de justice

- que ces demandes ne relevaient pas de la garantie de livraison, mais des demandes accessoires ;

Sur le changement des huisseries

- que l'ensemble des réserves mentionnées au titre du lot 'menuiseries extérieures' avaient été levées le 29 mars 2021,

- que si la société QBE Europe SA/NV était tenue, dans le cadre de la garantie de livraison, d'achever les travaux conformément aux prévisions du contrat, les éléments produits étaient insuffisants à démontrer que le remplacement de l'ensemble des huisseries de la maison, tel que sollicité par M. et Mme [E], était nécessaire pour permettre à l'ouvrage de répondre à

la norme RT 2012.

-oOo-

Par déclaration du 18 juillet 2022, M. et Mme [E] ont formé appel du jugement en ce qu'ils ont été déboutés de leurs demandes au titre des pénalités de retard, des préjudices matériels (loyer de l'appartement, remboursement des cuvettes de toilettes), de la perte de chance de mobiliser les garanties sur mobilier et électroménager, du préjudice de jouissance, du préjudice moral, et de la prise en charge de la totalité des frais et sommes dues pour le remplacement des huisseries de la maison.

Aux termes de leurs uniques conclusions transmises le 4 avril 2023, ils demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes au titre :

. des pénalités de retard,

. des préjudices matériels (loyer de l'appartement, remboursement des cuvettes de toilettes),

. de la perte de chance de mobiliser les garanties sur mobilier et électroménager,

. du préjudice de jouissance,

. du préjudice moral,

. de la prise en charge de la totalité des frais et sommes dues pour le remplacement des huisseries de la maison,

Statuant à nouveau et y faisant droit,

- de condamner la société QBE Europe SA/NV à leur verser les sommes suivantes :

. au titre des pénalités de retard : 15 243,87 euros,

. au titre du préjudice matériel :

- loyer appartement : 34 000 euros,

- cuvettes toilettes : 350 euros,

. au titre des frais de justice : 9 650 euros,

. au titre de la perte de chance de mobiliser les garanties sur mobilier et électroménager : 3 000 euros,

. au titre des factures d'électricité : 1 300 euros,

. au titre du préjudice de jouissance : 40 000 euros,

. au titre du préjudice de moral : 30 000 euros,

- de condamner la société QBE Europe SA/NV à prendre à sa charge la totalité des frais et sommes dues au titre du remplacement des huisseries de leur maison,

- de débouter la société QBE Europe SA/NV de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- de condamner solidairement la société QBE Europe SA/NV à leur verser une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

-oOo-

Aux termes de ses uniques conclusions transmises le 17 juillet 2023, la société QBE Europe SA/NV demande à la cour :

A titre principal

- de juger l'appel de M. et Mme [E] recevable mais non fondé,

- de confirmer le jugement rendu le 31 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Besançon en ce qu'il a :

. débouté M. et Mme [E] de leurs demandes au titre de :

- des pénalités de retard,

- des préjudices matériels (loyer de leur appartement, remboursement des cuvettes des

toilettes),

- de la perte de chance de mobiliser les garanties sur le mobilier et électroménager,

- des factures d'électricité,

- du préjudice de jouissance,

- du préjudice moral,

- de la prise en charge de la totalité des frais et sommes dues pour le remplacement des

huisseries de la maison,

. opéré la compensation des sommes dues entre les parties,

. fixé les créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Maison Steco,

- d'infirmer le jugement entrepris au titre du calcul du montant des pénalités de retard,

Statuant à nouveau

- de juger qu'il devra être déduit du montant des pénalités de retard, la somme de 4 500 euros

déjà versée par le garant et non prise en compte,

- de juger que le garant a vocation à opposer une franchise de 5% d'un montant de 8 004,87 euros,

En toute hypothèse

- d'ordonner la compensation entre les créances respectives des parties,

A titre subsidiaire, si la cour devait pouvoir estimer faire droit aux demandes des époux [E] à son encontre,

- de condamner la société Maison Steco à la garantir et la relever indemne de toutes condamnations qui seraient prononcées par la cour au bénéfice de M. et Mme [E],

- de fixer la créance au passif de la liquidation de la société Maison Steco représentée par Maître [C] [W], es qualité de liquidateur,

En toute hypothèse

- de condamner les consorts [E] à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Annie Charlot-Kohler, avocat au barreau de Besançon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

-oOo-

La déclaration d'appel a été signifiée à Maître [C] [W] en qualité de mandataire judiciaire de la société Maison Steco par acte du 24 août 2022 remis à domicile.

Maître Pascal Guigon n'a pas constitué avocat.

Il sera statué par arrêt de défaut.

La clôture a été ordonnée le 13 février 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 5 mars 2024.

Elle a été mise en délibéré au 7 mai 2024.

Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

I. Sur la demande au titre des pénalités de retard

M. et Mme [E] soutiennent que la date d'ouverture du chantier à retenir est celle du 1er octobre 2015, et ils renvoient aux dispositions des articles 7 et 15 du contrat de construction pour indiquer que la livraison aurait dû intervenir au plus tard le 30 septembre 2016, alors que le chantier a été livré le 11 décembre 2019. Ils font valoir que les pénalités de retard doivent être calculées à compter du 1er octobre 2016 et qu'elles s'élèvent à la somme de 61 418,87 euros, de laquelle il faut déduire celle de 46 175 euros qu'ils ont déjà perçue, de sorte qu'il leur reste dû un solde de 15 243,87 euros. Ils contestent la compensation qui a été opérée par le tribunal en indiquant que le garant ne peut plus solliciter le règlement du solde du contrat de construction en raison de la prescription de deux ans fondée sur l'article L. 218-2 du code de la consommation qui est acquise depuis le 11 décembre 2021. Ils concluent en outre au débouté de la demande d'application de la franchise contractuelle de 5 % prévue au contrat.

La société QBE Europe SA/NV constate que les époux [E] reconnaissent qu'il convient de déduire de la somme qu'ils réclament au titre des pénalités de retard celle de 46 175 euros qu'ils ont déjà perçue. Elle soutient que la date du 30 septembre 2016 que les époux [E] fixent comme étant celle du point de départ du délai de livraison n'est pas justifiée, et souligne que si la déclaration d'ouverture de chantier fait mention du 5 octobre 2015, les travaux n'ont débuté que le 12 octobre 2015. Elle précise que les pénalités de retard ont pour terme la livraison et non la levée des réserves consignées à la réception, de sorte qu'elles doivent courir du 12 octobre 2016 au 19 septembre 2019. Elle indique que le tribunal a omis de prendre en compte un versement de 4 500 euros déjà effectué par elle et observe que les époux [E] n'ont pas justifié des montants qu'ils ont versés au constructeur, expliquant que les appels de fonds révèlent qu'ils n'ont réglé que 75% du prix convenu. Elle soutient que c'est une somme de 56 288,43 euros qui est en conséquence due au titre des pénalités de retard, explique être en droit de solliciter l'application de la franchise contractuelle de 5 % dès lors qu'il n'est pas question de supplément de prix et qu'elle peut également opposer compensation des sommes dues de part et d'autre. Elle conteste la prescription qui lui est opposée en expliquant que la créance n'est devenue exigible qu'à compter de la levée des réserves conformément à l'article R. 231-7 du code de la construction et de l'habitation.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation dans sa version applicable au litige, en cas de défaillance du constructeur, le garant prend à sa charge les pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant trente jours, le montant et le seuil minimum de ces pénalités étant fixés par décret, et il est en droit d'exiger de percevoir directement les sommes correspondant aux travaux qu'il effectue ou fait effectuer dus par le maître de l'ouvrage.

Par ailleurs, le point de départ du délai d'exécution dont le non-respect est sanctionné par des pénalités de retard prévues par l'article L. 231-2, i, du code de la construction et de l'habitation est la date indiquée au contrat pour l'ouverture du chantier.

En outre, les pénalités de retard ont pour terme la livraison de l'ouvrage, et non sa réception, avec ou sans réserves.

Sur le montant des pénalités de retard

Le contrat de construction mentionne en son article 7 :

'Les parties conviennent que les conditions suspensives devront être réalisées dans un délai de 5 mois après la signature du contrat, à condition que le Client ait remis les dossiers y afférents au Constructeur dans le délai de 1 mois à compter de la signature du contrat.

Les travaux commenceront dans le délai de 60 jours à compter de la réalisation des conditions suspensives.

Les travaux commenceront en conséquence au plus tard à la date sous réserve de l'exécution par le Client de tous les travaux préalables à la construction : bornage du terrain, branchement d'électricité et d'eau avec robinet et accès du terrain possible par un camion de 35 tonnes.

La durée d'exécution des travaux sera de 12 mois à compter de la date de début des travaux'.

Il ressort de la déclaration d'ouverture de chantier que M. [N] [E] a indiqué que les travaux ont débuté le 5 octobre 2015, et il n'est établi par aucun autre élément que cette date, qui marque donc le point de départ du délai d'exécution, pourrait être différente, de sorte que les travaux auraient dû être achevés dans le délai de 12 mois à compter du 5 octobre 2015, soit le 5 octobre 2016.

L'article 15 dudit contrat prévoit qu'en cas de retard dans l'achèvement de la construction, une pénalité de 1/3000 du prix convenu de la construction par jour de retard est due par le constructeur.

Il est constaté :

- qu'une mesure d'expertise a été diligentée le 19 septembre 2017,

- que suite à la liquidation judiciaire de la société Maison Steco, la société QBE Insurance Europe Limited, aux droits de laquelle intervient la société QBE, a pris attache auprès de la SAS Douze & associés dans le cadre de la mobilisation de sa garantie et qu'une convention de reprise et d'exécution des travaux a été passée entre celles-ci le 29 avril 2019,

- qu'un ordre de service a été signé le même jour entre ces sociétés pour un délai d'exécution des travaux fixé à quatre mois à compter du 13 mai 2019,

- que la réception des travaux a été prononcée avec réserves le 11 décembre 2019, la levée intégrale des réserves ayant été validée par les maîtres de l'ouvrage le 29 mars 2021.

Acune pièce ne permettant de retenir une autre date que celle du 11 décembre 2019 pour déterminer la livraison de l'ouvrage, les pénalités de retard ont en conséquence couru du 5 octobre 2016 au 11 décembre 2019.

Les parties s'accordant sur l'évaluation du jour de retard à la somme de 53,37 euros, les pénalités de retard qui sont donc dues sur 1156 jours s'élèvent à 61 695,72 euros.

La demande des époux [E] étant fixée à la somme de 61 418,87 euros, elle sera dès lors retenue.

Il n'est pas discuté que les époux [E] ont déjà perçu un montant de 46 175 euros au titre des pénalités de retard, et la société QBE n'est pas contredite lorsqu'elle indique que la somme de 4 500 euros, qui correspond à la provision versée en exécution de l'ordonnance de référé du 16 avril 2019, doit être déduite du total dû qui s'élève en conséquence à 56 918,87 euros duquel doit être retranchée la somme de 46 175 euros, ce qui fait un solde de 10 743,87 euros.

Sur la somme restant due au titre des travaux

Les époux [E] ne contredisent pas la société QBE lorsqu'elle mentionne qu'ils restent devoir, au titre du marché, la somme de 52 568,26 euros au motif qu'ils n'ont réglé que 75 % de son prix.

Sur ce point, l'article 22 du contrat de construction prévoit que le solde du prix est payable, lorsque le client ne se fait pas assister par un professionnel pour la réception, dans les huit jours qui suivent la remise des clés consécutive à la réception si aucune réserve n'a été formulée, ou alors à la levée de celles-ci.

Le procès-verbal de réception n'indiquant pas que les époux [E] se sont faits assister par un professionnel lors de la réception dont les réserves ont été levées le 29 mars 2021, la demande de règlement du solde su marché, formée au plus tard dans les conclusions récapitulatives N°4 de la société QBE notifiées le 20 octobre 2021 ainsi que mentionné au jugement entrepris, soit dans les deux ans de la levée des réserves, n'est en conséquence pas prescrite.

Par ailleurs, si la société QBE soutient être en droit d'appliquer une franchise de 5 % du prix convenu à sa garantie, elle ne démontre par aucun élément que ce prix a été dépassé en raison des travaux rendus nécessaires à l'achèvement de la construction.

Compte-tenu de ces éléments, le solde du prix des travaux que la société QBE est en droit d'exiger de percevoir directement des époux [E] s'élève en conséquence à la somme de 52 568,26 euros.

Sur la compensation des créances

La connexité des créances résultant du contrat de construction, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a ordonné la compensation du solde des pénalités de retard (10 743,87 euros) avec le solde du marché (52 568,26 euros) et débouté les époux [E] de leur demande en paiement au titre des pénalités de retard.

II. Sur les demandes indemnitaires

M. et Mme [E] font valoir que l'inaction de la société QBE Europe SA/NV est fautive en ce qu'elle les a contraints à engager de nombreuses actions judiciaires pour obtenir la reprise du chantier.

La société QBE Europe SA/NV rappelle qu'elle ne peut répondre que de ses manquements pour la mise en 'uvre de sa garantie et qui sont distincts des préjudices en lien avec la défaillance du constructeur. Elle soutient que la preuve d'une faute qui lui est personnelle n'est pas rapportée et indique n'avoir commis aucun manquement dans la mise en 'uvre de ses obligations légales, expliquant qu'elle a désigné un repreneur dès qu'elle a été avertie de la défaillance du constructeur, et que l'ouvrage a été repris et achevé.

Réponse de la cour :

Le garant peut être sanctionné, indépendamment des condamnations à payer l'achèvement ou des

pénalités de retard de construction, à raison de sa faute commise dans la mise en oeuvre du processus de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation.

Sur le loyer

M. et Mme [E] indiquent que les loyers qu'ils ont versés constituent un supplément de prix au coût de leur construction dont ils doivent être indemnisés.

La société QBE Europe SA/NV indique que la demande fait doublon avec les pénalités de retard fixées au contrat et que les loyers ne peuvent être considérés comme des suppléments de prix.

Réponse de la cour :

Il est constaté que les époux [E] ne démontrent par aucune pièce que la société QBE aurait commis une faute dans sa mission de désignation de la personne pour terminer les travaux.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté les époux [E] de leur demande de ce chef.

Sur les cuvettes des toilettes

M. et Mme [E] demandent à être remboursés de l'achat de deux cuvettes de toilettes non fournies, renvoyant sur ce point au rapport d'expertise.

La société QBE Europe SA/NV répond qu'il n'est pas démontré que les cuvettes de toilettes auraient été volées avant la reprise du chantier et qu'il n'est pas non plus établi qu'elles n'ont pas été posées depuis l'expertise, relevant que les éléments d'équipement n'ont fait l'objet d'aucune réserve lors de la réception.

Réponse de la cour :

Le procès-verbal de réception ne faisant mention d'aucune réserve au titre des cuvettes des toilettes et les consorts [E] ne démontrant pas que la société QBE aurait failli à ses obligations sur ce point, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les frais de justice

M. et Mme [E] indiquent qu'ils ne sauraient supporter le poids financier des frais qu'ils ont engagés en raison de la défaillance du constructeur.

La société QBE Europe SA/NV fait valoir que les dépens et les demandes de frais d'avocats ne relèvent pas de la garantie de livraison.

Réponse de la cour :

Les sommes réclamées par les consorts [E] entrant dans le champ des articles 700 et 695 du code de procédure civile, ils n'ont donc pas la nature de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé sur ce point.

Sur la perte de chance de mobiliser les garanties sur le mobilier et l'électroménager

M. et Mme [E] soutiennent que le retard de livraison de leur maison les a privés de la possibilité de faire valoir les garanties du mobilier et de l'électroménager qui n'ont pu être installés ni testés durant la procédure.

La société QBE Europe SA/NV rappelle que les conséquences du retard de livraison sont indemnisées par les pénalités de retard. Elle ajoute que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue, et qu'elle ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Elle conclut en soutenant qu'aucun préjudice lui étant imputable n'est démontré.

Réponse de la cour :

La preuve d'une faute de la société QBE dans la mise en oeuvre de la garantie n'étant pas rapportée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [E] de leur demande sur ce point.

Sur les factures d'électricité

M. et Mme [E] indiquent avoir dû régler un abonnement d'électricité de 20 euros mensuel à compter du 1er octobre 2016 jusqu'à leur emménagement le 1er mars 2020.

La société QBE Europe SA/NV conclut au rejet de la demande en soutenant qu'en tant que garant, elle ne saurait supporter les frais qui incombent aux époux [E].

Réponse de la cour :

La société QBE n'ayant commis aucune faute à l'égard des consorts [E], sa responsabilité n'est donc pas engagée et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur le préjudice de jouissance

M. et Mme [E] sollicitent une indemnisation au titre d'un préjudice de jouissance qu'ils évaluent à 500 euros chacun sur une durée de 40 mois.

La société QBE Europe SA/NV rappelle que les pénalités de retard ont pour vocation de compenser les préjudices subis, et mentionne que cette demande fait doublon avec les pénalités de retard.

Réponse de la cour :

La responsabilité de la société QBE n'étant pas engagée, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le préjudice moral

M. et Mme [E] indiquent avoir été atteints moralement, et que leur rêve d'accéder à la propriété est devenu une source d'angoisses et de désillusions.

La société QBE Europe SA/NV s'oppose à la demande en observant qu'il ne ressort pas de l'attestation du docteur [O] du 23 septembre 2021 que le trouble mentionné est directement lié à la construction de la maison et pour lequel elle est étrangère.

Réponse de la cour :

La société QBE n'ayant commis aucune faute à l'encontre des consorts [E], le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le remplacement des huisseries

M. et Mme [E] indiquent que les portes fenêtres visées au rapport d'expertise n'ont pas été changées et que cela a une incidence en regard de la perméabilité à l'air, renvoyant à un rapport de mesure produit en pièce N°23.

La société QBE Europe SA/NV indique que les réserves portant sur les huisseries ont été levées le 29 mars 2021, que l'attestation de conformité RT 2012 est venue valider le test de perméabilité à l'air, et qu'il n'est pas établi qu'il conviendrait de changer les huisseries.

Réponse de la cour :

Les réserves mentionnées au titre du lot menuiseries extérieures ayant été levées le 29 mars 2021 et les mesures relatives à la perméabilité à l'air produites en pièce N°23 ayant été réalisées avant la levée des réserves, le désordre invoqué n'est donc pas établi.

Le jugement entrepris déboutant les époux [E] de leurs demande de ce chef, sera en conséquence confirmé.

III. Sur la garantie de la société Maison Steco et la fixation de la créance

La société QBE Europe SA/NV indique subsidiairement qu'en sa qualité de caution, elle dispose d'un recours avant et après paiement à l'encontre de la société Maison Steco dont l'objet est identique au recours subrogatoire qu'elle tient des dispositions du code civil. Elle sollicite la condamnation de la société Maison Steco à la garantir et à la relever indemne de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au profit des époux [E], y compris au titre des frais irrépétibles et des dépens, et demande que sa créance soit fixée au passif de la société Maison Steco.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article L. 443-1 du code des assurances : 'Les entreprises d'assurance habilitées à pratiquer les opérations de caution ayant fourni un cautionnement, un aval ou une garantie, que ces derniers soient d'origine légale, réglementaire ou conventionnelle, disposent de plein droit et dans tous les cas d'un recours contre le client donneur d'ordre de l'engagement, ses coobligés et les personnes qui se sont portées caution et, pour les paiements effectués au titre de leur engagement, de la subrogation dans les droits du créancier prévue à l'article 1346 du code civil.'

En l'espèce, aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre la société QBE en sa qualité de caution, la demande est en conséquence sans objet.

IV. Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.

Les époux [E] seront condamnés aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître Annie Charlot-Kohler, avocate au barreau de Besançon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les consorts [E] seront en outre condamnés à payer à la société QBE la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et ils seront déboutés de leur demande sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par défaut, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME, dans les limites de l'appel, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Besançon le 31 mai 2022 en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT

CONDAMNE M. [N] [E] et Mme [V] [E] aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître Annie Charlot-Kohler, avocat au barreau de Besançon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [N] [E] et Mme [V] [E] à payer à la société QBE Europe SA/NV la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE M. [N] [E] et Mme [V] [E] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/01154
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;22.01154 ?
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