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07/05/2024 | FRANCE | N°22/00987

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 07 mai 2024, 22/00987


Le copies exécutoires et conformes délivrées à

ASW/LZ











REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Minute n°

N° de rôle : N° RG 22/00987 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EQWY





COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale



ARRÊT DU 07 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : jugement du 23 mars 2022 - RG N°18/00616 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MONTBELIARD

Code affaire : 70E - Demande relative aux murs

, haies et fossés mitoyens





COMPOSITION DE LA COUR :



M. Michel WACHTER, Président de chambre.

M. Cédric SAUNIER et Madame Anne-Sophie WILLM, Conseillers.



Greffier : Melle Leila ZAIT...

Le copies exécutoires et conformes délivrées à

ASW/LZ

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Minute n°

N° de rôle : N° RG 22/00987 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EQWY

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 07 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : jugement du 23 mars 2022 - RG N°18/00616 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MONTBELIARD

Code affaire : 70E - Demande relative aux murs, haies et fossés mitoyens

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Michel WACHTER, Président de chambre.

M. Cédric SAUNIER et Madame Anne-Sophie WILLM, Conseillers.

Greffier : Melle Leila ZAIT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

L'affaire a été examinée en audience publique du 05 mars 2024 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, M. Cédric SAUNIER et Madame Anne-Sophie WILLM, conseillers et assistés de Melle Leila ZAIT, greffier.

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

L'affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS

INTIMÉS SUR APPEL INCIDENT

Monsieur [C] [X]

de nationalité française, demeurant [Adresse 10]

Représenté par Me Estelle BROCARD de la SELARL BROCARD-GIRE, avocat au barreau de BESANCON

Madame [Y] [W] épouse [X]

de nationalité française, demeurant [Adresse 10]

Représentée par Me Estelle BROCARD de la SELARL BROCARD-GIRE, avocat au barreau de BESANCON

ET :

INTIMÉS

APPELANTS SUR APPEL INCIDENT

Monsieur [I] [P]

né le 03 Avril 1972 à [Localité 15] (25)

de nationalité française, demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Denis LEROUX de la SELARL LEROUX ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON

Madame [M] [Z] épouse [P]

née le 28 Juin 1973 à [Localité 12] (70)

de nationalité française, demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Denis LEROUX de la SELARL LEROUX ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON

INTERVENANTE VOLONTAIRE OU FORCÉE

Société D&D

RCS de Belfort n°821263688

sise [Adresse 9]

Représentée par Me Denis LEROUX de la SELARL LEROUX ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Melle Leila ZAIT, greffier lors du prononcé.

*************

Le 31 janvier 2000, M. [C] [X] et son épouse Mme [Y] née [W] ont acquis de M. [N] un terrain situé à [Localité 14], cadastré lieudit '[Localité 13]' section AC numéro [Cadastre 8], d'une contenance de 11 a 76 ca, ayant accès à la rue de [Localité 16] par un chemin privé.

Ils étaient déjà propriétaires d'une parcelle [Cadastre 3] d'une contenance de 10 ares qui leur avait été vendue par M. [N] le 6 avril 1982.

La parcelle [Cadastre 8] provenait de la division de la parcelle [Cadastre 2] devenue également :

- [Cadastre 7], vendue à M. [I] [P] et son épouse Mme [M] [Z],

- [Cadastre 6], cédée à M. et Mme [F].

La parcelle [Cadastre 8] avait été acquise par M. [N] sous le numéro cadastral 250, lequel avait été divisé en deux nouveaux numéros :

- [Cadastre 3], vendu à M. et Mme [X],

- 327, parcelle divisée depuis en numéro [Cadastre 4] cédé à la commune de [Localité 14], et [Cadastre 5] devenu [Cadastre 6] (acquis par M. et Mme [F]) et [Cadastre 8].

L'acte de vente portant sur la parcelle [Cadastre 8] rappelait :

- que la vente relative à la parcelle [Cadastre 3] avait constitué, au profit de celle-ci, une servitude de passage sur une bande de terrain d'une largeur constante de 4 mètres située tout le long de la limite sud de la parcelle [Cadastre 2],

- que l'acte de vente de la parcelle [Cadastre 6] vendue à M. et Mme [F] avait constitué, au profit de celle-ci, un droit de passage sur l'extrémité sud antérieurement cadastrée [Cadastre 2].

Par acte reçu le 8 septembre 2012, M. et Mme [X] ont fait donation à leur fils, M. [A]

[X], de la nue propriété de deux parcelles de terrain sur la commune de [Localité 14], dont celle

cadastrée [Cadastre 8], ainsi que d'une maison d'habitation située sur la parcelle [Cadastre 3].

Par ailleurs, M. [I] [P] et son épouse Mme [M] [Z] avaient acquis de M. [N] la parcelle section AC numéro [Cadastre 7], d'une contenance de 10 a 69 ca.

Ils ont vendu cette parcelle à la SCI D&D par acte du 12 avril 2023.

En décembre 1999, les époux [P] avaient obtenu un permis de construire sur la parcelle [Cadastre 7] pour y édifier leur maison d'habitation, et depuis ce temps, les relations entre les époux [X] et les époux [P] étaient émaillées de tensions.

Ainsi, par ordonnance du 9 septembre 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Montbéliard avait notamment ordonné aux époux [X] de démonter sous astreinte une clôture faisant grief aux époux [P].

-oOo-

Par acte signifié le 12 juin 2018, M. et Mme [X] ont fait assigner M. et Mme [P] devant le tribunal judiciaire de Montbéliard aux fins de les voir condamner à leur verser la somme de 2 491,50 euros au titre de la remise en état de leur chemin, à réaliser des travaux, ainsi qu'à leur régler des dommages et intérêts.

Parallèlement, saisi par acte du 30 octobre 2020 par les époux [P] aux fins de voir ordonner la constitution d'une servitude de passage à leur profit, le juge des référés du tribunal judiciaire de Montbéliard, par ordonnance du 3 février 2021, avait notamment rejeté les demandes en reconnaissance d'un trouble manifestement illicite empêchant l'accès à la propriété [P] et en existence d'un dommage imminent, et il s'était déclaré incompétent pour constituer une servitude de passage.

-oOo-

Faisant suite à l'assignation du 12 juin 2018, le tribunal judiciaire de Montbéliard a, par jugement

rendu le 23 mars 2022 :

Sur les demandes principales

- condamné solidairement M. et Mme [P] à verser à M. [A] [X], M. [C] [X] et Mme [Y] [W] épouse [X] la somme de 4 119,44 euros au titre de la remise en état du chemin,

- condamné solidairement M. et Mme [P] à verser à M. [A] [X], M. [C] [X] et Mme [Y] [W] épouse [X] la somme de 110 euros au titre de la réfection du regard situé sur le chemin de servitude,

- condamné solidairement M. et Mme [P] à mettre fin à l'empiètement des piliers E et F à la limite fixée par le géomètre dans son rapport du 15 avril 2016 à partir du bornage réalisé le 26 novembre 1999 ce dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision,

- dit n'y avoir lieu à astreinte,

- débouté les consorts [X] de leur demande de condamnation solidaire des époux [P] :

. à la réalisation d'une aire de retournement,

. à la réfection de la couvertine de leur mur de soutènement et de leur pilier et à l'installation d'un caniveau vers le portillon du côté sud de leur propriété,

. au déplacement de leur zone de compostage ou à la réalisation d'une dalle,

. au surplus de leurs demandes,

- débouté les consorts [X] de leur demande de condamnation solidaire des époux [P] à la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la violation de leur propriété, au titre de la servitude de tour d'échelle, au titre de la dégradation de leur grillage, au titre de l'absence d'entretien des abords du chemin de servitude et au titre de l'absence de remise en état de la bande d'un mètre après travaux,

Sur les demandes reconventionnelles

- débouté M. et Mme [P] de leur demande à ce que soit retiré le fil barbelé situé au droit de l'aire de retournement dès la signification de la décision à intervenir, sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard,

- condamné les époux [X] et M. [A] [X] à déplacer leurs canalisations situées sur la propriété des époux [P] et ce dans le délai de six mois à compter de la signification de la décision,

- dit n'y avoir lieu à astreinte,

- débouté les époux [P] du surplus de leur demande,

- condamné in solidum M. et Mme [P] aux entiers dépens, incluant la moitié du coût des deux procès-verbaux de constat dressés le 22 mai 2017 et le 3 février 2020 par la SCP Degeneve & Troutier (350 euros / 2= 175 euros + 360,09 euros / 2 = 180,04 euros) et la moitié du coût du

constat de l'expert-géomètre (soit 516 euros), avec distraction au profit de la SCP Chaton-Grillon- Brocard-Gire en vertu de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. et Mme [P] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire, frais et dépens compris.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :

Sur l'existence de la servitude

- que les époux [X] et les époux [P] avaient acquis respectivement les parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 3],

- que les titres mentionnaient la servitude de passage consentie par M. [L] [N] au profit de la parcelle numéro [Cadastre 3],

- que cette servitude avait été consentie au profit de l'ensemble des fonds ayant été vendus par M. [N], dont la parcelle [Cadastre 7] acquise par les époux [P],

- qu'une servitude devant être consentie par le fonds servant, elle existait donc au profit du fonds

appartenant aux époux [P] et son existence était constatée ;

Sur l'entretien du chemin de servitude

- que si le titre constituant la servitude de passage faisait état d'un chemin empierré, il précisait également que les frais d'aménagement ultérieurs étaient à la charge des consorts [X], lesquels allèguaient avoir recouvert le chemin d'un revêtement bitumé,

- qu'il ressortait des constats d'huissier qu'une partie du chemin était recouverte d'un revêtement de couleur noire sur une longueur d'une cinquantaine de mètres, et de couleur grise à d'autres endroits, qui s'avérait être une ancienne émulsion bitumée,

- que ces constatations permettaient de confirmer les dires des consorts [X] relatifs au fait qu'à l'origine il existait un revêtement bitumeux sur la totalité du chemin réalisé par leur soin,

- qu'ainsi l'entretien et la réfection ultérieure à la charge des fonds dominant et servant devaient être réalisés conformément à cet aménagement,

- que le chemin de servitude était aujourd'hui extrêmement dégradé du fait d'un défaut d'entretien au niveau de la propriété des deux voisins des consorts [X] alors qu'il était en bon état au niveau de leur propriété,

- que M. et Mme [P] devaient en conséquence être condamnés au paiement de la somme de 4 119,44 euros pour l'entretien du chemin ;

Sur l'empiètement des piliers

- que le constat du géomètre-expert faisait état d'un empiètement des piliers de la propriété des

consorts [P] et le rapport d'expertise du 5 septembre 2016 concluait à un dépassement de 1cm au niveau des piliers E et F par rapport à la ligne passant par les bornes 2 et 3,

- que le constat d'huissier du 3 février 2020 mentionnait que si les piliers avaient été rabotés en partie haute, les fondations avaient été laissées en place et donc en dépassement,

- que le trouble ainsi causé n'avait donc pas cessé ;

Sur l'aire de contournement

- que l'action était prescrite dans la mesure où les consorts [X] avaient eu connaissance de l'absence d'aire de contournement dès l'origine des travaux ;

Sur la demande relative à l'écoulement des eaux pluviales

- que le muret retenant les eaux était situé à 5 cm en retrait par rapport aux piliers séparateurs de la propriété,

- que les époux [P] avaient effectué des travaux relatifs à l'écoulement des eaux pluviales,

- que les consorts [X] ne démontraient pas que les eaux pluviales issues de la propriété des

époux [P] s'écoulaient sur leur propriété ;

Sur la demande de déplacement de la zone de compostage

- que la preuve de nuisances olfactives ou de l'écoulement de fluides sur la propriété des consorts

[X] n'était pas rapportée ;

Sur la demande relative à la réfection du regard

- que le titre constituant la servitude stipulait que dans l'assiette du droit de passage pourraient passer toutes conduites et canalisations devant desservir la construction projetée par l'acquéreur, et que les frais de travaux d'entretien, de réparation ou de réfection à la charge des fonds dominant et servant couvraient également les conduites et canalisations,

- que le regard donnant accès à la canalisation des eaux usées desservant la maison des consorts

[X] se trouvait partiellement sur le chemin de servitude,

- que cette partie du regard présentait des traces de passage de véhicules,

- que les époux [P] devaient être condamnés au paiement de la somme de 110 euros ;

Sur la demande de dommages-intérêts

- que les pièces produites corroboraient un simple passage ponctuel sur le chemin de 1 mètre longeant le chemin de servitude, à des fins d'entretien, ce qui ne saurait créer un dommage,

- que le seul passage d'un camion à des fins de livraison ne démontrait pas la réalisation de travaux ayant causé un dommage,

- que la photographie versée ne permettait pas de déduire que la dégradation du grillage était le fait du fils des époux [P],

- que les constats produits n'évoquaient pas le défaut d'entretien des abords du chemin de servitude,

- que la preuve des autres griefs imputables aux époux [P] n'était pas rapportée ;

Sur les demandes reconventionnelles des époux [P] :

Sur la demande de constitution d'une servitude de passage

- qu'une servitude de passage avait bien été consentie au profit du fonds des époux [P],

Sur la demande d'enlèvement du fil barbelé

- qu'il n'était pas démontré que le fil barbelé avait été posé sur l'assiette du droit de passage,

- que le fil posé par les consorts [X] pour fermer l'accès à leur propriété avait été retiré,

Sur la demande de déplacement des canalisations

- qu'il ressortait des éléments produits et de la reconnaissance des consorts [X] que des canalisations demeuraient en partie sur la propriété des époux [P] sans qu'aucun titre, même recognitif, ne le prévoit,

- que les canalisations devaient en conséquence être déplacées.

-oOo-

Par déclaration du 17 juin 2022, M. [C] [X] et Mme [Y] [X] née [W] ont formé appel du jugement du tribunal judiciaire de Montbéliard du 23 mars 2022 en ce qu'il :

- a condamné solidairement M. et Mme [P] à leur verser, ainsi qu'à M. [A] [X], la somme de 4 119,44 euros au titre de la remise en état du chemin,

- a dit n'y avoir lieu à astreinte concernant la condamnation solidaire de M. et Mme [P] à mettre fin à l'empiètement des piliers E et F à la limite fixée par le géomètre dans son rapport du 15 avril 2016 à partir du bornage réalisé le 26 novembre 1999 et ce, dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

- les a déboutés de leur demande de condamnation solidaire des époux [P] à la réalisation

d'une aire de retournement, à la réfection de la couvertine de leur mur de soutènement, de leur pilier et à l'installation d'un caniveau vers le portillon du côté sud de leur propriété, au déplacement de leur zone de compostage ou à la réalisation d'une dalle, au surplus de leur demande,

- les a déboutés de leur demande de condamnation solidaire des époux [P] à la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la violation de leur propriété, au titre de la servitude de tour d'échelle, au titre de la dégradation de leur grillage, au titre de l'absence

d'entretien des abords du chemin de servitude et au titre de l'absence de remise en état de la bande d'un mètre après travaux,

- les a condamnés, ainsi que M. [A] [X], à déplacer leurs canalisations situées sur la

propriété des époux [P] et ce dans le délai de six mois à compter de la signification de la décision à intervenir.

-oOo-

Par ordonnance de référé du 28 novembre 2022, la conseillère délégataire de la première présidente de la cour d'appel de céans a débouté les époux [X] de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement du 23 mars 2022 et les a condamnés à verser aux époux [P] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

-oOo-

Par conclusions transmises le 28 juin 2023, la SCI D&D, venant aux droits de M. et Mme [P], est intervenue volontairement dans la procédure.

-oOo-

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 novembre 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 21 novembre 2023, puis mise en délibéré au 23 janvier 2024.

Par arrêt du 23 janvier 2024, la cour d'appel, constatant que, manifestement en raison d'une erreur matérielle, le dispositif des dernières conclusions déposées le 27 octobre 2023 par M. [I] [P], Mme [M] [P] née [Z] et la SCI D&D ne tenait plus compte de l'intervention volontaire de cette dernière puisqu'il reprenait intégralement la formulation du dispositif des conclusions qui avaient été transmises le 15 décembre 2022, alors pourtant que les conclusions d'intervention volontaire déposées le 28 juin 2023 avaient quant à elles pris en considération la SCI D&D s'agissant de la formulation des demandes, a ordonné la réouverture des débats, renvoyé l'affaire à l'audience du 5 mars 2024, réservé les dépens et invité les intimés à modifier le dispositif de leurs dernières écritures en les mettant en conformité avec l'intervention volontaire de la SCI D&D.

-oOo-

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 25 octobre 2023, M. [C] [X] et Mme [Y] [X] née [W] (les consorts [X]) demandent à la cour :

- de confirmer le jugement du 23 mars 2022 en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme

[P] à leur verser la somme de 4 119,44 euros indexée sur le coût de la construction au titre

de la remise en état du chemin, les consorts [X] se réservant le droit d'actualiser leurs demandes sur ce point compte tenu de la hausse des matériaux de construction et de la hausse de la main d''uvre,

- de confirmer le jugement du 23 mars 2022 en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme

[P] à leur verser la somme de 110 euros au titre de la réfection du regard situé sur le chemin de servitude,

- de confirmer le jugement du 23 mars 2022 en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme

[P] à mettre fin à l'empiètement des piliers E et F à la limite fixée par le géomètre dans son rapport du 15 avril 2016 à partir du bornage réalisé le 26 novembre 1999 et ce, dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

- de confirmer le jugement du 23 mars 2022 en ce qu'il a débouté M. et Mme [P] de leur

demande à ce que soit retiré le fil barbelé situé au droit de l'aire de retournement dès la signification de la décision à intervenir sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard,

- de confirmer le jugement du 23 mars 2022 en ce qu'il a débouté M. et Mme [P] de leur

demande tendant à ce que leur soit reconnue une servitude de passage de 5 mètres,

- de confirmer le jugement du 23 mars 2022 en ce qu'il a condamné in solidum M. et Mme [P] aux entiers dépens de l'instance, incluant la moitié du coût des deux procès-verbaux de constat dressés le 22 mai 2017 et le 3 février 2020 par la SCP Degeneve & Troutier (350,00 euros / 2 = 175,00 euros + 360,09 euros /2 = 180,04 euros) et la moitié du coût du constat de l'expert-géomètre (soit 516 euros) avec distraction au profit de la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire en vertu de l'article 699 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné in solidum M. et Mme [P] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence et prenant en considération l'intervention volontaire de la SCI D&D et l'actualisation des demandes en cause d'appel,

- de condamner solidairement M. et Mme [P] et la SCI D&D à leur verser la somme de 5 493,34 euros indexée sur le coût de la construction au titre de la remise en état du chemin suivant devis de l'entreprise Climent du 16 mars 2023,

- de condamner solidairement M. et Mme [P] et la SCI D&D à leur verser la somme de 110 euros au titre de la réfection du regard situé sur le chemin de servitude,

- de condamner solidairement M. et Mme [P] et la SCI D&D à mettre fin à l'empiètement des piliers E et F à la limite fixée par le géomètre dans son rapport du 15 avril 2016 à partir du bornage réalisé le 26 novembre 1999 et ce, dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

- de condamner solidairement M. et Mme [P] et la SCI D&D aux entiers dépens de l'instance, incluant la moitié du coût des deux procès-verbaux de constat dressés le 22 mai 2017 et le 3 février 2020 par la SCP Degeneve & Troutier (350,00 euros = 175,00 euros + 360,09 euros = 180,04 euros) et la moitié du coût du constat de l'expert-géomètre (soit 516 euros) avec distraction au profit de la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire en vertu de l'article 699 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné in solidum M. et Mme [P] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'infirmer le jugement du 23 mars 2022 en ce qu'il les a déboutés de leur demande de condamnation solidaire des époux [P] :

. à la réalisation d'une aire de contournement,

. à la réfection de la couvertine de leur mur de soutènement, de leur pilier et à l'installation

d'un caniveau vers le portillon du côté sud de leur propriété,

. au déplacement de la zone de compostage ou à la réalisation d'une dalle,

. au versement de la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la

violation de leur propriété, au titre de la servitude de tour d'échelle, au titre de la dégradation

de leur grillage, au titre de l'absence d'entretien des abords du chemin de servitude et au titre

de l'absence de remise en état de leur bande d'un mètre après travaux,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a condamnés ainsi que M. [A] [X] à

déplacer leurs canalisations situées sur la propriété des époux [P] et ce, dans le délai de 6 mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

En conséquence, statuant à nouveau :

- de condamner solidairement M. et Mme [P] et la SCI D&D à réaliser l'aire de contournement prescrite par leur autorisation d'urbanisme et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la décision à intervenir, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 50 euros par jour de retard,

- de condamner solidairement M. et Mme [P] et la SCI D&D à refaire la couvertine de leur mur de soutènement et de leur pilier et à installer un caniveau vers le portillon du côté sud de leur propriété de façon à ce que les eaux pluviales s'écoulent sur leur propriété et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la décision à intervenir, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 50 euros par jour de retard,

- de condamner solidairement M. et Mme [P] et la SCI D&D à déplacer leur zone de compostage de façon à ce qu'ils ne subissent plus de nuisances ou à défaut à ce qu'ils soient condamnés solidairement à réaliser ou à faire réaliser une dalle ainsi qu'un entourage de bloc

maçonnés afin de contenir les effluves de la décomposition et ce, dans le délai de deux mois à

compter de la signification de la décision à intervenir, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 50 euros par jour de retard,

- de condamner solidairement M. et Mme [P] et la SCI D&D à leur verser la somme la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la violation de leur propriété, au titre de la servitude de tour d'éche1le, au titre de la dégradation de leur grillage, au titre de l'absence d'entretien des abords du chemin de servitude et au titre de l'absence de remise en état de la bande d'un mètre après travaux,

- de débouter M. et Mme [P] et la SCI D&D de leur demande tendant à ce qu'ils soient

condamnés à déplacer leurs canalisations situées sur la propriété des époux [P] et de la SCI D&D, cette demande étant prescrite et à défaut mal fondée,

- de débouter M. et Mme [P] et la SCI D&D de leur demande tendant à ce qu'il soit jugé que la contribution à l'entretien du chemin se fait au prorata de son utilisation,

- de débouter M. et Mme [P] et la SCI D&D de leur demande tendant à ce qu'ils soient

condamnés à ne régler que la somme de 2 746,29 euros au titre de la réfection du chemin et correspondant au tiers du coût total selon devis fourni par eux,

- de débouter M. et Mme [P] et la SCI D&D de leur demande tendant à ce qu'il soit jugé

qu'une servitude de passage est constituée au profit des époux [P] d'une largeur de 4 mètres,

- de débouter M. et Mme [P] et la SCI D&D de leur demande tendant à ce qu'ils soient

condamnés à leur verser la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure

civile,

- de condamner solidairement M. et Mme [P] et la SCI D&D à leur verser une somme de 6 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction

sera autorisée au profit de la SELARL BROCARD-GIRE, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

-oOo-

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 5 février 2024, la SCI D&D demande à la cour :

- de déclarer l'appel interjeté par les époux [X] mal fondé,

- de juger l'intervention volontaire de la SCI D&D recevable et bien fondée,

- de juger que la SCI D&D vient au droit des époux [P],

- de déclarer l'appel incident interjeté par la SCI D&D, venant aux droits des époux [P] recevable et bien fondé,

En conséquence et prenant en considération l'intervention volontaire de la SCI D&D et l'actualisation des demandes en cause d'appel :

- de confirmer partiellement les dispositions du jugement du 23 mars 2022 rendu par le tribunal

judiciaire de [Localité 15] en ce qu'il a :

' condamné solidairement les époux [P], désormais la SCI D&D, à verser aux consorts [X] la somme de 110 euros au titre de la réfection du regard situé sur le chemin de servitude,

' condamné solidairement les époux [P], désormais la SCI D&D, à mettre fin à l'empiétement des piliers E et F à la limite fixée par le géomètre dans son rapport du 15 avril 2016 à partir du bornage réalisé le 26 novembre 1999 ce, dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

' dit n'y avoir lieu à astreinte,

' débouté les époux [X] de leur demande de condamnation solidaire des époux [P] désormais la SCI D&D :

. à la réalisation d'une aire de retournement,

. à la réfection de la couvertine de leur mur de soutènement, de leur pilier et à l'installation d'un caniveau vers le portillon du côté Sud de leur propriété, au déplacement de leur zone de compostage ou à la réalisation d'une dalle,

. au surplus de leurs demandes,

' débouté les époux [X] de leur demande de condamnation solidaire des époux [P], désormais la SCI D&D, à la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la violation de leur propriété, au titre de la servitude de tour d'échelle, au titre de la dégradation de leur grillage, au titre de l'absence d'entretien des abords du chemin de servitude et au titre de l'absence de remis en état de la bande d'un mètre après travaux,

' débouté les époux [P], désormais la SCI D&D, de leur demande à ce que soit retiré le fil barbelé situé au droit de l'aire de retournement dès la signification de la décision à intervenir, sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard,

' condamné les époux [X] à déplacer leurs canalisations situées sur la propriété des époux [P], désormais la SCI D&D, et ce, dans le délai de six mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

' dit n'y avoir lieu à astreinte,

' débouté les époux [P], désormais la SCI D&D, du surplus de leur demande,

' condamné les époux [P] aux entiers dépens outre au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire,

- d'infirmer partiellement les dispositions du jugement du 23 mars 2022 rendu par le tribunal

judiciaire de [Localité 15] en ce qu'il a :

. condamné solidairement les époux [P], désormais la SCI D&D, à verser aux consorts [X] la somme de 4 119,44 euros au titre de la remise en état du chemin,

. omis de statuer sur la demande de constitution d'une servitude de passage au profit des époux [P], désormais la SCI D&D,

En conséquence, et statuant à nouveau :

- de juger que la contribution à l'entretien du chemin se fait au prorata de son utilisation,

- de condamner la SCI D&D à régler la somme de 2 746,29 euros aux époux [X] au titre de la réfection de chemin et correspondant au tiers du coût total selon devis fourni par les époux

[X],

- de juger qu'une servitude de passage est constituée au profit de la SCI D&D d'une largeur de 4 mètres,

- de débouter les époux [X] de l'intégralité de leurs prétentions,

- de condamner les époux [X] à verser à la SCI D&D la somme de 4 500 euros au titre de

l'article 700 du code de procédure civile, outre à la prise en charge des entiers frais et dépens.

-oOo-

A l'audience du 5 mars 2024, l'affaire a été appelée et mise en délibéré au 7 mai 2024.

Pour l'exposé complet des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

I. Sur la demande de condamnation au titre de la remise en état du chemin

M. et Mme [X] renvoient à l'acte de vente de la parcelle numéro [Cadastre 8] pour indiquer que tous les frais d'entretien, de réparation et de réfection du chemin objet de la servitude sont à la charge des fonds dominant et servant dans la proportion de leur utilisation respective. Ils soutiennent que lors de la construction de leur maison, les époux [P] avaient dégradé le chemin et que depuis, il n'ont jamais participé à son entretien. Ils se réfèrent à un constat d'huissier du 22 mai 2017 à la suite duquel M. et Mme [P] ont effectué une déclaration de sinistre auprès de leur compagnie d'assurance dont l'expert avait fait établir un devis d'un montant de 2 808 euros avec une répartition du coût des travaux qu'ils expliquent avoir refusée compte tenu des dégradations reprochées aux époux [P] et qu'il n'était pas prévu la pose d'un revêtement bitumineux qui existait auparavant. Ils demandent que les époux [P] et la SCI D&D soient désormais solidairement condamnés à leur verser la somme de 5 493,34 euros sur le fondement d'un devis actualisé, et rétorquent qu'il n'est pas démontré que les travaux qu'ils avaient réalisés sur le chemin en 2001 avaient fragilisé le terrain, le mur de soutènement ainsi que les piliers longeant la propriété des époux [P]. Ils expliquent également que la construction de leur garage, qui a eu lieu de 2013 à 2015, ne peut pas être à l'origine des dégradations du chemin, et ils renvoient à leur pièce N°33 pour démontrer qu'ils ont toujours entretenu leur portion de chemin.

M. et Mme [P] ainsi que la SCI D&D soutiennent avoir procédé à la remise en état du chemin longeant leur propriété durant les 10 premières années par du tout-venant, renvoyant à leur pièces N°33 et 34. Ils font valoir que les époux [X] ont fait réaliser, en 2001, l'installation de canalisations au droit de l'assiette du passage de 4 mètres et que la tranchée qui avait été creusée à cette occasion avait fortement fragilisé le terrain, le mur de soutènement ainsi que les piliers longeant leur propriété. Ils indiquent que M. et Mme [X] avaient également fait édifier un mur et un double garage et que le chemin avait alors été endommagé. Ils soutiennent que le chemin n'a jamais été revêtu de bitume, se référant ainsi à leur pièce N°35, et demandent qu'une répartition des charges au tiers soit appliquée.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article 686 du code civil : 'Il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n'aient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public. L'usage et l'étendue des servitudes ainsi établies se règlent par le titre qui les constitue ; à défaut de titre, par les règles ci-après.'

En l'espèce, l'acte notarié du 31 janvier 2000 relatif à la vente de la parcelle [Cadastre 8] à M. et Mme [X] énonce au paragraphe 'Rappel de conditions particulières' (pièce [X] N°1) :

- que figure dans l'acte de vente [N]/[X] du 6 avril 1982 portant sur la parcelle cadastrée [Cadastre 3] la constitution d'un droit de passage à pied et avec tous véhicules, et ce à titre de servitude réelle et perpétuelle, sur une bande de terrain d'une largeur constante de quatre mètres tout le long de la limite sud de la parcelle [Cadastre 2] de 32 a 20 ca appartenant à M. [N],

- que le droit de passage ainsi constitué profitera tant à M. [X], acquéreur, qu'à tout propriétaire successif du surplus de la propriété appartenant à M. [N],

- que ce droit de passage s'exercera en tout temps et à toute heure, concurremment avec tout propriétaire successif du surplus de la propriété appartenant au vendeur et par tout moyen,

- que les propriétaires du fonds dominant et du fonds servant devront laisser la partie de terrain grevée libre de toutes personnes et choses de leur fait pour permettre la libre circulation et le libre exercice du droit de passage,

- que tous frais d'aménagement de la bande de terrain constituant l'assiette du droit de passage, en chemin empierré, seront supportés par M. [X] qui s'y oblige, à ses frais, risques et périls,

- que par la suite, tous frais de travaux d'entretien, réparations, réfection ultérieure dudit chemin, comme des canalisations seront à la charge des fonds dominants et servant dans la proportion de leur utilisation respective,

- que figure dans l'acte de vente [N]/[F] du même jour portant sur la parcelle [Cadastre 6], un droit de passage constitué au profit de cette parcelle, sur l'extrémité sud de la parcelle et tout le long de cette parcelle,

- que ce droit de passage s'exerce aux conditions de l'acte de vente [N]/[X].

L'acte de vente passé le 30 décembre 1999 entre M. [N] et les consorts [P] rappelle également la servitude de passage constituée par l'acte du 6 avril 1982, et il mentionne que l'acquéreur déclare faire son affaire personnelle de toutes relations avec le propriétaire de la parcelle [Cadastre 3] pour l'utilisation du chemin, des conduites et canalisations faisant l'objet de la constitution de la servitude.

L'acte de vente du 12 avril 2023 conclu entre les époux [P] et la SCI D&D reprend les mêmes dispositions.

Il est constaté que ni l'obligation de contribuer à l'entretien du chemin objet de la servitude de passage, ni les dégradations invoquées, dont il n'est pas établi qu'elles résultent exclusivement de l'action des époux [X], ne font l'objet de contestations de la part des époux [P] et de la SCI D&D.

Cependant, s'ils soutiennent que le chemin n'a jamais été revêtu de bitume, il ressort :

- du procès-verbal de constat du 22 mai 2017, qu'en descendant en direction de l'ouest pour longer la partie terrain d'agrément de la propriété [P], le chemin se présente encore habillé de l'ancien bitume posé sur la bande de circulation,

- des photographies figurant au procès-verbal de constat du 3 février 2020 ainsi que des observations de l'huissier, que le chemin se trouve recouvert, sur une cinquantaine de mètres, d'un revêtement de couleur noire qui s'avère être une ancienne émulsion bitumée, que ce revêtement est également présent dans la partie la plus à l'ouest du chemin et qu'il en est relevé des traces assez nettes à hauteur des marmites remplies d'eau telles que formant une strate recouverte par du tout-venant.

Ces éléments, qui ne sont contredits par aucune pièce, témoignent en conséquence de l'existence d'un revêtement bitumeux sur le chemin de la servitude, recouvert de tout-venant par endroits.

Le devis auquel se réfèrent les époux [X] pour la réfection de ce chemin, qui porte sur la réalisation d'un enduit bicouche en gravillons silico-calcaires lavés, sera donc retenu, et conformément à la clause instituant la servitude de passage, son montant de 8 238,89 euros sera supporté par les fonds fonds dominant et servant dans la proportion de leur utilisation respective, soit un tiers pour la SCI D&D.

Le jugement entrepris sera dès lors infirmé sur ce point et la SCI D&D, venant aux droits des époux [P], sera condamnée à payer aux époux [X] la somme de 2 746,29 euros au titre de la remise en état du chemin.

II. Sur la demande de réalisation de l'aire de retournement

M. et Mme [X] font valoir que le permis de construire de M. et Mme [P] avait été délivré sous la réserve que l'aire de retournement devait rester accessible en permanence. Ils soutiennent que cette aire devait être réalisée sur la parcelle des époux [P] et que sa non-réalisation leur cause préjudice, expliquant être confrontés au stationnement de véhicules sur l'assiette de la servitude ainsi qu'à des manoeuvres effectuées sur leur propriété. Ils font valoir que la prescription de cinq ans qui leur est opposée n'est pas fondée dans la mesure où les premiers dommages liés à la non réalisation de cette aire se sont manifestés en 2017 lors des travaux effectués par les époux [P], alors que leur action a été introduite en 2018.

La SCI D&D oppose la prescription de la demande en expliquant que les travaux de construction ont été achevés le 15 janvier 2001 et que depuis, les époux [X] n'ont jamais contesté l'absence de réalisation de l'aire de retournement. Elle soutient que M. et Mme [X] avaient parfaitement connaissance de cette prescription, et renvoie à deux courriers de la Direction départementale des territoires de 2011 et 2015 que ces derniers avaient sollicitée sur ce point, ainsi qu'à une lettre que M. [X] avait adressée aux époux [P] en 2011.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article 2224 du code civil : 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'

En l'espèce, il est constaté que le permis de construire qui a notamment été accordé aux époux [P] pour leur projet de construction sous réserve que l'aire de retournement reste accessible en permanence a été délivré le 23 décembre 1999, et par courrier du 4 février 2011, la Direction départementale des territoires, faisant suite à deux lettres des époux [X], a indiqué s'être penchée sur la non réalisation de l'aire de retournement et qu'à ce titre, la déclaration d'achèvement des travaux ayant été déposée le 15 janvier 2011, les consorts [X] ne se trouvaient plus dans les délais pour agir en justice sur cette question.

L'assignation des époux [X] ayant été signifiée le 12 juin 2018, leur demande de ce chef se heurte donc à la prescription, et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

III. Sur la demande au titre de la couvertine et du caniveau

M. et Mme [X] soutiennent que la couvertine qui est posée sur le mur de soutènement et que le pilier appartenant à M. et Mme [P] ne respectent pas les prescriptions de l'article 681 du code civil. Ils indiquent que les eaux pluviales s'écoulent sur leur propriété et font le reproche de l'absence de mise en place d'un caniveau. Ils font état d'une dégradation au niveau du portail coulissant situé à l'entrée de leur propriété, et renvoient sur ce point au constat d'huissier du 3 février 2020.

La SCI D&D indique que les travaux relatifs à l'écoulement des eaux pluviales ont été effectués et se réfère à ce titre au rapport d'expertise du cabinet Elex du 29 décembre 2016. Elle explique que les travaux de VRD sur la propriété ont été réalisés en 2000, et qu'en 2017, il a été procédé à l'installation de trois puits de récupération des eaux pluviales.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article 681 du code civil : 'Tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique ; il ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin.'

Selon l'article 1240 du code civil : 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'

En l'espèce, il est constaté que si le procès-verbal de constat du 3 février 2020 mentionne l'absence d'équipement ou d'ouvrage au sol venant capter les eaux pluviales qui circulent dans la pente du terrain [P], il n'établit pas que les eaux pluviales issues du fonds de la SCI D&D s'écoulent sur la propriété des époux [X].

La présence d'un égout bordant la propriété de la SCI D&D est par ailleurs constatée par l'huissier, et l'affirmation selon laquelle la couvertine sur le mur de soutènement de la SCI D&D laisse s'écouler les eaux sur le fonds voisin n'est corroborée par aucun élément.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté les époux [X] de leur demande de ce chef.

IV. Sur la demande au titre du compostage

M. et Mme [X] reprochent aux époux [P] d'avoir installé leur zone de compostage à proximité immédiate de leur propriété et indiquent qu'ils y déposent des éléments fécaux et végétaux, ce qui occasionne des nuisances olfactives et provoque l'écoulement de fluides sur leur propriété. Ils mentionnent que ces nuisances ont été relevées dans le constat d'huissier du 3 février 2020.

La SCI D&D soutient que la seule zone de compostage se situe à 36 mètres de la propriété des époux [X] et à l'arrière de leur parcelle. Elle indique par ailleurs que la preuve des nuisances invoquées n'est pas rapportée.

Réponse de la cour :

Selon l'article 1240 du code civil : 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'

Il est constaté que le procès-verbal d'huissier du 3 février 2020 auquel les époux [X] renvoient ne comporte aucune observation relative au compost ou aux nuisances invoquées, et il n'est pas contredit que la seule zone de compostage de la SCI D&D se situe à 36 mètres du fonds des époux [X].

La preuve des nuisances alléguées n'étant pas rapportée, le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté les époux [X] de leur demande sur ce point.

V. Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la violation de la propriété, de la servitude de tour d'échelle, de la dégradation du grillage, de l'absence d'entretien des abords du chemin et de l'absence de remise en état de la bande d'un mètre

M. et Mme [X] indiquent avoir constaté que les époux [P] pénétraient sur leur propriété sans leur autorisation, et plus précisément sur la bande de terrain d'un mètre non soumise au droit de passage et dont ils sont propriétaires. Ils précisent qu'il existe une servitude de tour d'échelle sur cette bande et expliquent que si les époux [P] ont le droit d'y marcher, c'est à la condition que ce soit provisoire, non dommageable et soumis à leur accord. Ils font en outre valoir que leur grillage côté sud a été endommagé par le fils des époux [P], que les travaux effectués par ces derniers ont dégradé le grillage et les piquets du côté de la bande de terrain d'un mètre, et que les abords du chemin de servitude et de la propriété ne sont pas entretenus.

La SCI D&D soutient que la preuve des faits reprochés n'est pas rapportée. Elle indique que les époux [P] avaient demandé, le 22 mai 2014, l'autorisation de pouvoir se rendre sur la bande de terrain pour ramasser des tailles d'arbustes, et qu'aucune suite n'avait été donnée. Elle fait également valoir que la preuve de la dégradation du grillage et des piquets par le fait des époux [P] n'est pas rapportée.

Réponse de la cour :

Selon l'article 1240 du code civil : 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'

En l'espèce, il est constaté que les photographies produites en pièce [X] N°20 ne témoignent pas de dégradations causées par le fait des consorts [P] sur la bande de terrain d'un mètre, que les photographies versées en pièces [X] N°21 ainsi que le constat d'huissier du 22 mai 2017 n'établissent pas que l'état du grillage et des piquets serait le fait des époux [P] ou de leur fils, et il est observé que les époux [P] avaient sollicité l'autorisation des époux [X] de pouvoir accéder à la bande de terrain en litige afin d'y tailler des arbustes et de l'entretenir (pièce N°29).

Le reproche fait aux époux [P] et à la SCI D&D de ne pas entretenir la bande d'un mètre bordant leur propriété, et par là même les abords du chemin, n'est donc pas justifié.

La preuve d'une faute imputable à la SCI D&D ou aux époux [P] n'étant pas rapportée, les époux [X] seront déboutés de leur demande et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

VI. Sur la constitution d'une servitude de passage

La SCI D&D soutient que le dispositif du jugement entrepris a omis de reprendre la motivation en ce qu'il a été constaté l'existence d'une servitude au profit des époux [P].

M. et Mme [X] font valoir qu'il n'a pas été omis de statuer dans la mesure où les époux [P] sollicitaient que leur soit reconnue une servitude de passage sur le chemin d'une largeur de 5 mètres au lieu des quatre mètres originels. Ils indiquent par ailleurs n'avoir jamais soutenu que les époux [P] ne bénéficiaient pas d'un droit de passage sur leur parcelle cadastrée [Cadastre 11] dans la mesure où ce droit est mentionné dans leur titre de propriété du 31 janvier 2000 qui rappelle la teneur de l'acte de vente du 6 avril 1982. Ils expliquent être ainsi débiteurs d'une servitude de passage au profit des parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 7] vendues par M. [N] aux époux [F] et [P], et précisent que ce droit de passage s'exerce sur une bande de 4 mètres à partir de la limite sud de la parcelle de terrain de 5 mètres de large cadastrée [Cadastre 11]. Ils ajoutent que le juge des référés, dans sa décision du 9 septembre 2019, avait bien reconnu que M. et Mme [P] bénéficiaient d'un droit de passage.

Réponse de la cour :

Les époux [X] ne s'opposant pas à la demande en rappelant que le droit de passage institué et revendiqué figure dans leur titre de propriété et qu'il se trouve rappelé dans l'acte de vente passé le 30 décembre 1999 entre M. [N] et les époux [P] ainsi que dans celui conclu le 12 avril 2023 au profit de la SCI D&D, la cour, ajoutant au jugement entrepris, constate en conséquence l'existence d'une servitude de passage constituée au profit de la SCI D&D d'une largeur de 4 mètres.

VII. Sur la demande de déplacement des canalisations des époux [X]

La SCI D&D fait valoir que les époux [X] ne possèdent aucun titre de servitude sur sa propriété de sorte que les canalisations qui leur appartiennent ne devraient pas s'y trouver. Elle s'oppose à la prescription de la demande qui est soulevée, expliquant que la servitude de passage des canalisations constitue une servitude continue non apparente qui relève de la prescription trentenaire. Elle sollicite en conséquence la condamnation des époux [X] à déplacer les canalisations situées sur sa propriété.

M. et Mme [X] soulèvent la prescription de la demande sur le fondement de l'article 2224 du code civil, expliquant que les canalisations avaient été installées par M. [N] et qu'elles étaient donc présentes sous la propriété des époux [P] avant qu'ils ne l'acquièrent. Ils indiquent que M. et Mme [P] étaient informés dès l'origine de la présence de ces canalisations dès lors qu'ils avaient effectué leur raccordement en eau potable et implanté un regard pour les eaux usées. Ils indiquent avoir néanmoins déplacé leurs canalisations tout en prenant soin que les époux [P] continuent à être alimentés en eau potable et qu'ils puissent évacuer leurs eaux usées, conformément à leurs demandes. Ils soutiennent en outre qu'ils sont en droit de se prévaloir de l'acquisition de la servitude par destination du père de famille dans la mesure où les fonds ont appartenu initialement au même propriétaire, qu'il n'existe pas, dans les titres de propriété, de volonté contraire au maintien de la servitude, et qu'il ressort d'un rapport que le fait de maintenir cette demande d'enlèvement dessert les intérêts des intimés.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article 2227 du code civil : 'Le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'

Par ailleurs, selon l'article 692 du code civil : 'La destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes continues et apparentes.'

L'article 693 du même code dispose qu'il 'n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude' et selon l'article 694,

'si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné.'

En l'espèce, il est constaté que le rapport d'expertise établi le 15 mars 2023 par la protection juridique des consorts [X], les courriers des 31 janvier 2001 et 20 février 2001 et la lettre du 23 août 2001 témoignent que les époux [P] avaient connaissance de l'existence des canalisations en litige au moins depuis le 31 janvier 2001.

Leur demande formée reconventionnellement à l'action engagée par les consorts [X] par assignation du 12 juin 2018 ne se trouve donc pas atteinte par la prescription qui est de 30 ans à compter du jour où ils ont connu les faits permettant d'exercer leur droit, soit depuis le 31 janvier 2001.

Par ailleurs, il résulte des actes de propriété des consorts [P] et [X] que les parcelles qu'ils ont acquises appartenaient toutes, à l'origine, au même propriétaire qui était M. [L] [N], et il n'est pas contesté que la canalisation des eaux usées en litige préexistait à la division du fonds.

Il est en outre observé que les actes notariés originels valant titre de propriété des 30 décembre 1999 et 31 janvier 2000 ne contiennent aucune stipulation contraire au maintien d'une servitude d'écoulement des eaux usées, et les signes apparents de la servitude ne sont pas discutés.

Il découle de ces éléments que M. et Mme [X] sont titulaires d'une servitude par destination du père de famille au titre des canalisations d'eaux usées se situant sous la propriété de la SCI D&D, et le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il les a condamnés à déplacer leurs canalisations situées sur la propriété des époux [P], désormais la SCI D&D.

VII. Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI D&D sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Brocard-Gire, avocat, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande de ne pas mettre à la charge de l'une des parties une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [X] et la SCI D&D seront en conséquence déboutés de leurs demandes respectives de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME, dans les limites de l'appel, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Montbéliard le 23 mars 2022, sauf en ce qu'il a :

- condamné solidairement M. et Mme [P] à verser à M. [A] [X], M. [C] [X] et Mme [Y] [W] épouse [X] la somme de 4 119,44 euros au titre de la remise en état du chemin,

- condamné les époux [X] et M. [A] [X] à déplacer leurs canalisations situées sur la propriété des époux [P] et ce dans le délai de six mois à compter de la signification de la décision ;

L'INFIRME en conséquence sur ces points ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT

CONDAMNE la SCI D&D à payer à M. [C] [X] et à Mme [Y] [W] épouse [X] la somme de 2 746,29 euros au titre de la remise en état du chemin ;

REJETTE la demande de la SCI D&D aux fins de condamnation de M. [C] [X] et à Mme [Y] [W] épouse [X] à déplacer leurs canalisations ;

CONSTATE qu'une servitude de passage est constituée au profit de la SCI D&D d'une largeur de quatre mètres ;

CONDAMNE la SCI D&D aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Brocard-Gire, avocat, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00987
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;22.00987 ?
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