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30/04/2024 | FRANCE | N°23/01942

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 30 avril 2024, 23/01942


Le copies exécutoires et conformes délivrées à

MW/FA











REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Minute n°

N° de rôle : N° RG 23/01942 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EWXP





COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale



ARRÊT DU 30 AVRIL 2024





Décision déférée à la Cour : jugement du 08 novembre 2023 - RG N°23/00518 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE LONS LE SAUNIER

Code affaire : 50G - Demande relative

à l'exécution d'une promesse unilatérale de vente ou d'un pacte de préférence ou d'un compromis de vente





COMPOSITION DE LA COUR :



M. Michel WACHTER, Président de chambre.



Madame Bé...

Le copies exécutoires et conformes délivrées à

MW/FA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Minute n°

N° de rôle : N° RG 23/01942 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EWXP

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 30 AVRIL 2024

Décision déférée à la Cour : jugement du 08 novembre 2023 - RG N°23/00518 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE LONS LE SAUNIER

Code affaire : 50G - Demande relative à l'exécution d'une promesse unilatérale de vente ou d'un pacte de préférence ou d'un compromis de vente

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Michel WACHTER, Président de chambre.

Madame Bénédicte MANTEAUX et M. Cédric SAUNIER, Conseillers.

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

L'affaire a été examinée en audience publique du 27 février 2024 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, Madame Bénédicte MANTEAUX et M. Cédric SAUNIER, conseillers et assistés de Mme Fabienne ARNOUX, greffier.

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

L'affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [S] [D]

née le 26 Décembre 1939 à [Localité 11], demeurant [Adresse 2] - [Localité 4]

Représentée par Me Boris LASSAUGE de la SELARL SENTINELLE AVOCATS, avocat au barreau de JURA, avocat postulant

Représentée par Me Jocelyn RIGOLLET, avocat au barreau de VIENNE, avocat plaidant

ET :

INTIMÉES

Madame [P] [D]

née le 24 Février 1942 à [Localité 11]

de nationalité française, demeurant [Adresse 7] - [Localité 3]

Défaillante, à qui l'assignation à jour fixe a été signifiée le 8 janvier 2024

S.C.I. 2BR

Sise [Adresse 9] - [Localité 5]

Inscrite au RCS de Lons le Saunier sous le numéro 908 972 565

Représentée par Me Jean Marie LETONDOR de la SCP LETONDOR - GOY LETONDOR - MAIROT, avocat au barreau de JURA

ARRÊT :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.

*************

Mme [S] [D] et Mme [P] [D], copropriétaires indivises d'un tènement immobilier sis à [Localité 11] (39), ont souhaité procéder à la vente de celui-ci.

Par procuration établie le 10 novembre 2021, Mme [S] [D] a donné pouvoir à tout collaborateur de l'étude de Me [H] [W], notaire à [Localité 8] (69), de vendre le dit bien à la SARL les Constellations moyennant le prix de 105 000 euros.

Le 3 janvier 2022, une promesse de vente comportant faculté de substitution a été régularisée au profit de la société les Constellations, pour une durée expirant le 15 janvier 2022, Mme [S] [D] ayant été représentée à cet acte en vertu de la procuration du 10 novembre 2021.

Par avenant du 10 janvier 2022, le délai d'option a été prorogé au 5 avril 2022.

Par acte sous seing privé du 6 février 2022, la SCI 2BR s'est substituée à la société les Constellations dans les droits résultant de la promesse de vente du 3 janvier 2022.

La régularisation de l'acte de vente a été fixée au 15 avril 2022 à 18h00. Par acte extra-judiciaire délivré le 15 avril 2022 à 15h14, Mme [S] [D] a dénoncé la procuration antérieurement consentie, et a refusé toute représentation dans le cadre de la vente projetée, à laquelle elle n'a pas consenti.

Par assignation à jour fixe délivrée le 6 juillet 2023 sur autorisation du président du tribunal judiciaire de [Localité 11], la SCI 2BR a fait assigner Mme [S] [D] et Mme [P] [D] devant cette juridiction afin que la vente du tènement immobilier soit jugée parfaite, que Mme [S] [D] soit condamnée à comparaître en l'étude du notaire aux fins de régularisation de la vente dans les deux mois de la signification de la décision, et qu'à défaut il soit jugé que la décision à intervenir vaudra vente. La SCI 2BR a sollicité en outre la condamnation de Mme [S] [D] à lui payer une somme de 10 500 euros à titre de dommages et intérêts, à parfaire après détermination du taux d'intérêts du prêt de financement, ou de surseoir à statuer sur ce point.

La demanderesse a fait valoir que Mme [S] [D] s'était définitivement engagée à la vente, et qu'elle avait été dûment informée de la faculté de substitution préalablement à son engagement.

Mme [S] [D] a sollicité l'annulation de la procuration du 10 novembre 2021 pour dol, l'inopposabilité de la promesse de vente du 3 janvier 2022, et, en conséquence, le rejet des demandes de la SCI 2BR, et la condamnation de celle-ci à lui verser 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral. A titre subsidiaire, elle a soulevé la nullité de la promesse de vente du 3 janvier 2022, ou a minima celle de la clause de substitution, et, en conséquence, le rejet des demandes de la SCI 2BR, et la condamnation de celle-ci à lui verser 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral. A titre infiniment subsidiaire, elle a conclu à la caducité de la promesse de vente faute de levée d'option dans les délais, ainsi qu'à la condamnation de la SCI 2BR au paiement de la somme de 5 250 euros correspondant à la moitié de l'indemnité d'immobilisation, ainsi que celle de 10 500 euros au titre des pénalités contractuelles. En tout état de cause, elle a réclamé la nullité des sommations des 3 et 6 février 2023 comme ne respectant pas les termes de la promesse de vente.

Mme [S] [D] a notamment exposé au soutien de sa position qu'elle avait consenti à la vente pour un prix inférieur à celui du marché car le gérant de la société les Constellations était son neveu, et qu'elle n'avait jamais consenti à la stipulation d'une clause de substitution, que le notaire avait intégrée à la promesse de vente en violation du mandat exprès qui lui avait été donné. Elle a exposé qu'il apparaissait que la substitution était manifestement prévue dès l'origine, et que l'intervention de la société de son neveu n'était qu'un stratagème pour obtenir une vente à moindre prix.

Par jugement rendu le 8 novembre 2023 en l'absence de comparution de Mme [P] [D], le tribunal a :

- débouté Mme [S] [D] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné Mme [S] [D] d'avoir à comparaître en l'étude de Me [H] [W], notaire associé, [Adresse 1] [Localité 8] en vue de régulariser, par acte authentique, la vente du tènement immobilier situé à [Localité 11] [Adresse 6] à [Localité 11], cadastré section [Cadastre 10] lieudit "[Adresse 6]" pour une superficie de 2a 85ca, au prix de 105 000 euros et cela dans un délai de 2 mois à compter de la signification de la présente décision ;

- dit qu'à défaut de comparution de Mme [S] [D], en l'étude de Me [H] [W], dans le délai ordonné, le jugement à intervenir vaudra, en conséquence, acte de vente aux conditions ci-dessus énoncées, et sera ainsi publié comme tel auprès du service de la publicité foncière du Jura par le conseil de la SCI 2BR ;

- débouté la SCI 2BR de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 10 500 euros ;

- dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ;

- condamné Mme [S] [D] à payer à la SCI 2BR la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclaré irrecevable la demande de nullité de la sommation adressée à Mme [P] [D] le 3 février 2023 ;

- dit que les frais de sommations des 3 et 6 février 2023 resteront à la charge de la SCI 2BR ;

- condamné Mme [S] [D] aux entiers dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

- que Mme [S] [D] ne caractérisait ni l'élément matériel, ni l'élément intentionnel du dol qu'aurait commis le notaire pour la conduire à lui donner procuration dans les termes de celle-ci ; qu'à le considérer comme démontré, le fait pour le notaire de ne pas avoir transmis à l'intéressée le projet de promesse en amont de la signature du mandat ne constituait ni un mensonge, ni une manoeuvre, ni une dissimulation dolosive dans la mesure où Mme [S] [D] ne démontrait pas le caractère intuitu personae qu'elle alléguait, ni le fait que le notaire en ait eu connaissance ; qu'elle n'établissait donc pas que la qualité du cocontractant était déterminante de son consentement et que le notaire, informé de ce fait, se soit sciemment abstenu de communiquer le projet d'acte contenant clause de substitution, en vue de la conduire à lui donner mandat ; que le dol n'étant pas démontré, les demandes tendant à la nullité de la procuration et à l'inopposabilité de la vente devaient être rejetées ;

- qu'en l'absence de preuve du caractère intuitu personae de la vente projetée, les conditions essentielles du mandat portaient sur la chose et sur le prix, de sorte que le fait d'avoir inséré une clause de substitution dans la promesse de vente ne constituait pas un excès de pouvoir de la part du mandataire, auquel étaient donnés les plus larges pouvoirs pour instrumenter ;

- qu'aux termes de l'avenant du 22 janvier 2022, la promesse de vente avait été consentie jusqu'au 5 avril 2022 à 16h00 ; qu'il était stipulé que la levée de l'option pouvait être tacite ; que le notaire chargé d'instrumenter avait informé le notaire de Mme [S] [D] le 27 mars 2022 du fait que l'acquéreur avait obtenu son prêt et que la vente pouvait être régularisée avant le 5 avril 2022, mais que le notaire de Mme [D] avait répondu ne pas être disponible avant le 15 avril 2022, de sorte qu'il devait être considéré que l'option avait été levée dans le délai, et qu'en conséquence la promesse de vente n'était pas caduque ;

- que Mme [S] [D] devait donc comparaître en l'étude de Me [W] pour régulariser l'acte de vente, à défaut de quoi le jugement en tiendrait lieu ;

- que le prix de vente avait été versé par la SCI 2BR en la comptabilité du notaire en vue de la vente, et que les fonds lui avaient été ultérieurement restitués du fait de la défection de Mme [S] [D] ; qu'à la date de la sommation d'avoir à comparaître en l'étude du notaire délivrée à Mme [D] le 6 février 2023, le prix de vente n'avait pas encore été reversé au notaire, de sorte que les conditions d'application de la stipulation de pénalité n'étaient pas réunies ; que la demande indemnitaire de la SCI 2BR devait donc être écartée ;

- que Mme [S] [D] devait être déboutée de sa demande de dommages et intérêts, le défaut de réitération de la vente lui étant imputable ;

- que Mme [S] [D] n'était pas recevable à solliciter l'annulation d'une sommation délivrée à sa soeur, et ne pouvait obtenir l'annulation de la sommation qui lui avait été personnellement délivrée, faute de fonder sa prétention sur ce point.

Mme [S] [D] a relevé appel de cette décision le 30 novembre 2023.

Par ordonnance du 7 décembre 2023, elle a été autorisée à procéder à jour fixe sur son appel.

Elle a fait délivrer assignation d'avoir à comparaître à l'audience du 27 février 2024 à 9h00 à la SCI 2BR par acte du 5 janvier 2024 et à Mme [P] [D] par acte du 8 janvier 2024.

Par conclusions n°2 transmises le 12 février 2024, l'appelante demande à la cour :

Vu l'article 1992 du code civil,

Vu les articles 1130 et suivants du code civil,

Vu l'article 1156 du code civil,

Vu les articles 1984 et suivants du code civil,

Vu l'article 1124 du code civil,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il :

* débouté Mme [S] [D] de l'intégralité de ses demandes,

* condamné Mme [S] [D] d'avoir à comparaître en l'étude de Me [H] [W], notaire associé, [Adresse 1] [Localité 8] en vue de régulariser, par acte authentique, la vente du tènement immobilier situé à [Localité 11] [Adresse 6] à [Localité 11], cadastré section [Cadastre 10] lieudit « [Adresse 6] » pour une superficie de 2a 85ca, au prix de 105 000 euros et cela dans un délai de 2 mois à compter de la signification de la présente décision ;

* dit qu'à défaut de comparution de Mme [S] [D], en l'étude de Me [H] [W], dans le délai ordonné, le jugement à intervenir vaudra, en conséquence, acte de vente aux conditions ci-dessus énoncées, et sera ainsi, publié comme tel auprès du service de la publicité foncière du Jura par le conseil de la SCI 2BR ;

* débouté la SCI 2BR de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 10 500 euros ;

* dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ;

* condamné Mme [S] [D] à payer à la SCI 2BR la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

* déclaré irrecevable la demande de nullité de la sommation adressée à Mme [P] [D] le 3 février 2023,

* condamné Mme [S] [D] aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

A titre principal :

- de prononcer la nullité du mandat du 10 novembre 2021, en raison du dol civil qui y est attaché, ainsi que l'inopposabilité de la promesse de vente du 3 janvier 2022 à Mme [S] [D] ;

- de condamner la SCI 2BR à payer à Mme [S] [D] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral ;

A titre subsidiaire :

- de prononcer la nullité de la promesse de vente du 3 janvier 2022 ou, a minima, de la clause de substitution comprise dans la promesse, en raison du détournement de pouvoir commis par le mandataire ;

- de condamner la SCI 2BR à payer à Mme [S] [D] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral ;

A titre infiniment subsidiaire :

- de prononcer la caducité de la promesse de vente, aucune levée d'option n'ayant été formulée dans les délais requis ;

- de condamner la SCI 2BR au paiement de la moitié de l'indemnité d'immobilisation à hauteur de 5 250 euros ;

- de condamner la SCI 2BR au paiement des pénalités contractuelles à hauteur de 10 500 euros ;

En tout état de cause :

- de déclarer nulle et sans effet la sommation datée du 6 février 2023 comme ne respectant pas les termes de la promesse de vente du 3 février 2022 ;

- de débouter la SCI B2R de l'ensemble de ses demandes, notamment les demandes formulées au titre de son appel incident, outre les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la SCI 2BR au paiement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la SCI 2BR au entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 5 janvier 2024, la SCI 2BR demande à la cour :

Vu les articles 1103-1104 du code civil,

Vu l'article 1124 du code civil,

Vu les articles 1583 et 1589 du code civil,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* débouté Mme [S] [D] de l'intégralité de ses demandes,

* condamné Mme [S] [D] d'avoir à comparaître en l'étude de Me [H] [W], notaire associé, [Adresse 1] [Localité 8] en vue de régulariser, par acte authentique, la vente du tènement immobilier situé à [Localité 11] [Adresse 6] à [Localité 11], cadastré section [Cadastre 10] lieudit « [Adresse 6] » pour une superficie de 2a 85ca, au prix de 105 000 euros et cela dans un délai de 2 mois à compter de la signification de la présente décision ;

* dit qu'à défaut de comparution de Mme [S] [D], en l'étude de Me [H] [W], dans le délai ordonné, le jugement à intervenir vaudra, en conséquence, acte de vente aux conditions ci-dessus énoncées, et sera ainsi, publié comme tel auprès du service de la publicité foncière du Jura par le conseil de la SCI 2BR ;

* dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ;

* condamné Mme [S] [D] à payer à la SCI 2BR la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

* déclaré irrecevable la demande de nullité de la sommation adressée à Mme [P] [D] le 3 février 2023,

* condamné Mme [S] [D] aux entiers dépens ;

- de débouter purement et simplement, Mme [S] [D] de l'ensemble de ses fins demandes et prétentions ;

- de juger recevable et fondée la SCI 2BR en son appel incident ;

En conséquence :

- de réformer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI 2BR de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 10 500 euros à l'encontre de Mme [S] [D] et en ce qu'il a dit que les frais de sommation des 3 et 6 février 2023 resteront à charge de la SCI 2BR ;

En conséquence et statuant à nouveau :

- de condamner Mme [S] [D] d'avoir à payer la SCI 2BR la somme de 10 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

- de condamner Mme [S] [D] à régler à la SCI 2BR, les frais de sommation des 3 et 6 février 2023 ;

- de condamner Mme [S] [D] d'avoir payer à la SCI 2BR la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 code de procédure civile ;

- de condamner Mme [S] [D] aux entiers dépens d'appel.

Mme [P] [D] a été assignée à sa personne. Elle n'a pas constitué avocat.

Il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Sur la demande en annulation de la procuration

A titre principal, Mme [S] [D] sollicite l'annulation de la procuration du 10 novembre 2021 en raison d'un dol qui aurait été commis par Me [W], et, par voie de conséquence, que soit constatée l'inopposabilité à son égard de la promesse de vente signée en vertu de la procuration annulée.

La SCI 2BR fait observer à juste titre qu'il appartenait à l'appelante d'appeler en la cause Me [W].

En effet, la demande tendant à l'annulation d'un acte passé entre deux parties ne peut être utilement examinée qu'à la condition que l'ensemble de ces parties soient appelées en cause pour pouvoir faire valoir leurs positions respectives. Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce s'agissant d'une demande d'annulation d'un mandat pour dol commis par le mandataire, alors que ce mandataire n'a pas été attrait à l'instance, ni en première instance, ni en appel.

La sanction de cette absence de mise en cause n'est pas le rejet de la demande, comme le sollicite l'intimée, mais son irrecevabilité, sans examen au fond.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée de ce chef, la prétention principale de Mme [S] [D] devant être déclarée irrecevable, en ce qu'elle tend à l'annulation de la procuration et à l'inopposabilité de la promesse de vente, mais aussi en ce qu'elle tend en conséquence à l'octroi de dommages et intérêts.

Sur la demande en nullité de la promesse de vente pour détournement de pouvoir

A titre subsidiaire, l'appelante poursuit l'annulation de la promesse de vente du 10 novembre 2021, ou à tout le moins celle de la clause de substitution y figurant, pour détournement de pouvoir de la part du notaire.

Elle fait valoir qu'investi d'un mandat l'autorisant à conclure une promesse de vente au profit d'un acquéreur désigné, sans possibilité de substitution, Me [W] avait outrepassé les pouvoirs qui lui avaient ainsi été confiés en insérant dans l'acte litigieux une clause prévoyant une faculté de susbtitution.

Il sera constaté que Mme [S] [D] fonde expressément ses prétentions, non pas sur le défaut ou le dépassement de pouvoir, lesquels entraînent l'inopposabilité de l'acte, sauf croyance légitime du tiers en la réalité du pouvoir, et non sa nullité, mais sur le détournement de pouvoir, ce que confirme le fait qu'elle cite in extenso dans ses écritures les dispositions du seul article 1157 du code civil selon lequel, lorsque le représentant détourne ses pouvoirs au détriment du représenté, ce dernier peut invoquer la nullité de l'acte accompli si le tiers avait connaissance du détournement ou ne pouvait l'ignorer.

Or, le détournement de pouvoir suppose que le mandataire ait agi sciemment au détriment du mandant en poursuivant un intérêt personnel.

Dès lors ainsi que l'annulation de la promesse de vente est formée en conséquence d'un manquement contractuel imputé au seul mandataire, il ne peut être statué sans que ce dernier ait été appelé en la cause pour être mis en mesure de faire valoir sa position quant au comportement préjudiciable qui lui est reproché.

Etant rappelé que le notaire incriminé n'a en l'occurrence pas été attrait à la cause, la demande subsidiaire est elle-aussi irrecevable, en ce qu'elle tend à l'annulation de la promesse de vente ou à celle de la clause de substitution, mais aussi en ce qu'elle tend en conséquence à l'octroi de dommages et intérêts.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes au fond.

Sur la demande en caducité de la promesse de vente

A titre très subsidiaire, l'appelante sollicite que soit constatée la caducité de la promesse de vente pour défaut de levée de l'option dans le délai contractuellement stipulé. Elle fait valoir à cet égard qu'alors qu'en vertu de l'avenant du 10 janvier 2022 le délai d'option avait été prorogé au 5 avril 2022, la levée n'était intervenue qu'à la date du 15 avril 2022, date fixée pour la régularisation de la vente, soit après l'expiration du délai convenu pour ce faire.

Toutefois, le premier juge a pertinemment rappelé que la promesse de vente stipule que 'les parties conviennent expressément que la levée de l'option puisse être tacite', et observé en conséquence que ce n'était qu'à défaut de levée d'option antérieure que la date devait en être fixée à celle de la signature de l'acte de vente. Il a ensuite à juste titre retenu à l'examen des pièces produites qu'il devait être considéré que l'option avait été tacitement levée le 27 mars 2022, date à laquelle Me [W] a informé par mail le notaire de Mme [S] [D] de ce que le prêt de financement était désormais en place, et qu'il convenait de fixer le rendez-vous pour la réitération de la vente. Dès lors ainsi que la levée de l'option est intervenue dans le délai, il importe peu que le rendez-vous de réitération de la vente ait été convenu postérieurement.

C'est vainement que l'appelante se prévaut d'une renonciation à la levée de l'option tirée du fait, pour la SCI 2BR, de s'être vue restituer le prix de vente qu'elle avait versé entre les mains du notaire, alors qu'il résulte de la chronologie des faits que la restitution du prix n'est intervenue à l'initiative du notaire qu'en conséquence de la manifestation par Mme [S] [D] de son refus de régulariser la vente.

Le tribunal sera donc approuvé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à la caducité de la promesse de vente et celles tendant à l'octroi d'une indemnité d'immobilisation et d'une indemnité contractuelle.

Sur la vente

La décision déférée sera confirmée en ce que, tirant les conséquences de la promesse de vente, il a ordonné la comparution de Mme [S] [D] en l'étude de Me [W] aux fins de régularisation de l'acte de vente, dans un délai qu'il convient de porter à deux mois à compter de la signification du présent arrêt, et en ce qu'il a retenu qu'à défaut, le jugement vaudrait acte de vente.

Sur les sommations des 3 et 6 février 2023

Le jugement n'est pas remis en cause en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de Mme [S] [D] tendant à l'annulation de la sommation délivrée le 3 février 2023 à sa soeur.

C'est vainement que Mme [S] [D] poursuit l'annulation de la sommation de payer qui lui a été délivrée le 6 février 2023, au motif erroné qu'elle ne respecterait pas les termes de la promesse de vente. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Les sommations n'ayant dû être délivrées que du seul fait du refus de l'appelante de régulariser la vente, étant observé qu'il est démontré par les pièces produites par l'intimée que Mme [P] [D] a constamment réitéré sa volonté de voir aboutir cette cession, c'est à bon droit que la SCI réclame la condamnation de l'appelante à en supporter le coût. La décision entreprise sera infirmée en ce sens.

Sur la demande indemnitaire de la SCI 2BR

L'intimée forme appel incident du chef de la décision entreprise l'ayant déboutée de sa demande d'indemnité contractuelle, et fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la condition tenant au versement du prix était dûment remplie.

La promesse de vente comporte une clause de stipulation de pénalité libellée dans les termes suivants : 'au cas où, toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes seraient remplies, et dans l'hypothèse où l'une des parties ne régulariserait pas l'acte authentique ne satisfaisant pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie la somme de 10 500 euros à titre de dommages et intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1231-5 du code civil. Le juge peut modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Il peut également la diminuer si l'engagement a été exécuté en partie. Sauf inexécution définitive, la peine n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure. La présente stipulation de pénalité ne peut priver, dans la même hypothèse, chacune des parties de la possibilité de poursuivre l'autre en exécution de la vente.'

Mme [S] [D] a été mise en demeure le 6 février 2023 d'avoir à se présenter le 21 février 2023 à 9h00 en l'étude de Me [W] pour régulariser l'acte de vente.

C'est bien à la date fixée pour la régularisation, et non à celle de la sommation, que doit s'apprécier la défaillance de l'appelante, de sorte que c'est à cette date qu'il ya lieu de vérifier que les conditions nécessaires à la régularisation étaient remplies.

Or, si le prix de vente, qui avait été antérieurement restitué à la SCI 2BR, n'avait certes pas été reversé par celle-ci entre les mains du notaire à la date de délivrance de la sommation, il est en revanche établi au moyen des pièces produites par l'intimée, et en particulier par le relevé de compte de Me [W] (pièce n°30), que ce prix a été reversé entre les mains du notaire au moyen de deux règlements intervenus respectivement le 17 février 2023 (versement de 81 000 euros par le Crédit Agricole au titre du prêt) et le 20 février 2023 (versement de 33 644,12 euros de M. [N] au titre de l'apport personnel).

Il en résulte qu'à la date du 21 février 2023, à laquelle la vente devait être régularisée, et à laquelle le notaire a établi un procès-verbal de carence du fait de l'absence de Mme [S] [D], le prix de vente était intégralement détenu par Me [W].

C'est ainsi à tort que le premier juge a considéré que, faute de reversement du prix, les conditions de mise en oeuvre de l'indemnité contractuelle n'étaient pas réunies.

En application des stipulations contractuelles, il y a lieu de condamner l'appelante à payer à la SCI 2BR la somme de 10 500 euros à tire de pénalité, laquelle n'apparaît pas manifestement excessive.

Sur les autres dispositions

Le jugement sera confirmé s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

L'appelante sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la SCI 2BR la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Statuant par arrêt réputé contradictoire, après débats en audience publique,

Infirme le jugement rendu le 8 novembre 2023 par le tribunal judiciaire de [Localité 11] en ce qu'il a :

* débouté Mme [S] [D] de l'intégralité de ses demandes ;

* débouté la SCI 2BR de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 10 500 euros ;

* dit que les frais de sommations des 3 et 6 février 2023 resteront à la charge de la SCI 2BR ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus, sauf à dire que le délai de deux mois dans lequel Mme [S] [D] devra comparaître en l'étude de Me [H] [W], notaire associé, en vue de régulariser la vente par acte authentique, courra à compter de la signification du présent arrêt ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et ajoutant :

Déclare irrecevables les demandes de Mme [S] [D] tendant à l'annulation de la procuration du 10 novembre 2021, à l'inopposabilité corrélative de la promesse de vente et à l'octroi de dommages et intérêts ;

Déclare irrecevables les demandes de Mme [S] [D] tendant à l'annulation de la promesse de vente ou à tout le moins de la faculté de substitution, et à l'octroi de dommages et intérêts ;

Rejette les demandes de Mme [S] [D] tendant à la caducité de la promesse de vente, et au paiement d'une indemnité d'immobilisation et d'une pénalité contractuelle ;

Condamne Mme [S] [D] à payer à la SCI 2BR le coût des sommations respectivement délivrées à Mme [P] [D] le 3 février 2023 et à Mme [S] [D] le 6 février 2023 ;

Condamne Mme [S] [D] à payer à la SCI 2BR la somme de 10 500 euros au titre de la pénalité contractuelle ;

Condamne Mme [S] [D] aux dépens d'appel ;

Condamne Mme [S] [D] à payer à la SCI 2BR la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/01942
Date de la décision : 30/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-30;23.01942 ?
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