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05/07/2023 | FRANCE | N°22/00972

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 05 juillet 2023, 22/00972


ARRÊT N°



MW/LZ



COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 05 JUILLET 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE







Audience publique du 03 Mai 2023

N° RG 22/00972 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EQVV



S/appel d'une décision du Juge de la mise en état de BESANCON en date du 03 février 2022 [RG N° 21/00866]

Code affaire : 29Z- Autres demandes en matière de libéralités



S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT C/ [R] [H], [C] [H] <

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PARTIES EN CAUSE :





S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT

RCS de Paris n°B827 865 361

sise [Adresse 2]



Représentée par Me Jean-françois PUGET de la SELA...

ARRÊT N°

MW/LZ

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 05 JUILLET 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Audience publique du 03 Mai 2023

N° RG 22/00972 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EQVV

S/appel d'une décision du Juge de la mise en état de BESANCON en date du 03 février 2022 [RG N° 21/00866]

Code affaire : 29Z- Autres demandes en matière de libéralités

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT C/ [R] [H], [C] [H]

PARTIES EN CAUSE :

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT

RCS de Paris n°B827 865 361

sise [Adresse 2]

Représentée par Me Jean-françois PUGET de la SELARL CVS, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Yannick GAY, avocat au barreau de JURA

APPELANTE

ET :

Monsieur [R] [H]

né le 05 Mars 1996 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Laure FROSSARD de la SCP CODA, avocat au barreau de BESANCON

Représenté par Me Cécile PION de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [C] [H]

née le 23 Octobre 1997 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Laure FROSSARD de la SCP CODA, avocat au barreau de BESANCON

Représentée par Me Cécile PION de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

MAGISTRAT RAPPORTEUR : Monsieur Michel WACHTER, Président de Chambre, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.

GREFFIER : Madame Leila Zait, Greffier.

Lors du délibéré :

Monsieur Michel WACHTER, Président de Chambre, a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :

Monsieur Jean-François LEVEQUE et Monsieur Cédric SAUNIER, conseillers.

L'affaire, plaidée à l'audience du 03 mai 2023 a été mise en délibéré au 05 juillet 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

La SA Banque Patrimoine et Immobilier, aux droits de laquelle se trouve désormais la SA Crédit Immobilier de France Développement (CIFD) a consenti à M. [W] [H] et son épouse, née [L] [G], quatre prêts authentiques portant sur les sommes de 239 000 euros, 180 000 euros, 91 000 euros et 91 000 euros, afin de financer l'acquisition de quatre appartements en l'état futur d'achèvement destinés à la location dans des immeubles situés à [Localité 3] et à [Localité 4].

Ces acquisitions se sont faites par l'intermédiaire de la société Apollonia, à l'encontre de laquelle une instruction judiciaire pour escroquerie a été ouverte à [Localité 5].

Par acte de donation-partage du 6 mai 2009, les époux [H] ont fait donation à leurs enfants [R] et [C] de la nue-propriété d'un bien immobilier sis [Adresse 1] (25).

Par exploits du 20 mai 2021, la SA CIFD a fait assigner M. [R] [H] ainsi que Mme [C] [H] devant le tribunal judiciaire de Besançon, afin que lui soit déclaré inopposable, sur le fondement de l'article 1341-2 du code civil, l'acte de donation-partage du 6 mai 2009, et qu'elle soit déclarée fondée à réaliser sur l'immeuble concerné par cet acte toute mesure d'exécution pour obtenir paiement de la créance issue des contrats de prêt. La demanderesse a exposé avoir découvert qu'en fraude de ses droits et dans le but d'organiser leur insolvabilité, les époux [H] avaient consenti à leurs enfants une donation-partage sur leur bien.

Les consorts [H] ont saisi le juge de la mise en état d'une fin de non-recevoir tirée de la prescription, exposant que la donation-partage litigieuse avait été publiée à la conservation des hypothèques le 15 mai 2009, de sorte que l'action paulienne aurait dû être exercée dans les cinq années de cette date.

La société CIFD a conclu à la recevabilité de son action, au motif que les consorts [H] avaient agi par fraude, laquelle corrompait tout, et qu'elle n'avait eu connaissance de l'acte litigieux que le 19 juillet 2019, dans le cadre de la procédure en paiement de sa créance.

Par ordonnance du 3 février 2022, le juge de la mise en état a déclaré l'action de la SA CIFD irrecevable, et l'a condamnée à payer à chacun des consorts [H] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a retenu :

- que l'acte argué de fraude avait été publié au bureau des hypothèques le 15 mai 2009, que la publicité foncière avait notamment pour objet de permettre aux tiers d'avoir connaissance des actes de mutation des droits immobiliers ;

- que la société CIFD n'invoquait aucune manoeuvre frauduleuse de nature à l'empêcher d'exercer son action, se contentant de faire état du caractère frauduleux de l'acte litigieux

- que l'action ayant été introduite plus de cinq ans après la publication, elle était irrecevable comme prescrite.

La société CIFD a relevé appel de cette décision le 14 juin 2022.

Par conclusions transmises le 26 juillet 2022, l'appelante demande à la cour :

Vu les articles 1341-2 et 2224 du code civil,

Vu le principe selon lequel la fraude corrompt tout,

- d'infirmer l'ordonnance déférée ;

En conséquence,

- de déclarer la société CIFD recevable en son action paulienne ;

- de renvoyer les parties au fond devant le tribunal judiciaire de Besançon ;

- de condamner in solidum M. [R] [H] et Mme [C] [H] à 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident.

Par conclusions notifiées le 25 août 2022, les consorts [H] demandent à la cour :

Vu l'article 2224 du code civil,

- de confirmer l'ordonnance déférée ;

- de rejeter les demandes du Crédit Immobilier de France Développement en ce qu'elles sont prescrites ;

Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,

- de condamner le Crédit Immobilier de France Développement à payer à M. [R] [H] et à Mademoiselle [C] [H] une somme de 1 500 euros chacun pour procédure abusive ;

- de condamner le Crédit Immobilier de France Développement à payer à M. [R] [H] et à Mademoiselle [C] [H] une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner le Crédit Immobilier de France Développement aux entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 18 janvier 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

L'exercice de l'action paulienne par un créancier est soumis à la prescription de l'article 2224 du code civil, selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Les parties sont en désaccord sur le point de départ de cette prescription.

Le créancier exerçant l'action paulienne est réputé avoir connaissance de l'acte de son débiteur dès la date de sa publication au service chargé de la publicité foncière. Dans le souci d'assurer la sécurité juridique, celle-ci a en effet pour objet de porter à la connaissance de tous l'acte publié, de sorte que cette connaissance doit être considérée comme acquise dès la date de la publication.

Il importe peu à cet égard que le créancier n'ait, comme il est soutenu en l'espèce, matériellement découvert l'existence de l'acte qu'à l'occasion de la procédure en paiement, dès lors qu'il lui appartenait de faire toutes démarches utiles à l'identification du patrimoine de ses débiteurs, et de veiller à sa conservation en vue de garantir le recouvrement de sa créance, ce qui était d'autant moins hors de portée de l'appelante qu'elle est une société financière disposant des services et outils nécessaires.

Il ne suffit pas à la société CIFD de se prévaloir du fait que l'acte litigieux ait pu léser ses droits de créancier, encore faut-il qu'elle établisse que ses débiteurs ont agi au moyen d'une fraude, c'est-à-dire en lui cachant l'opération et en la mettant dans l'impossibilité d'exercer son action paulienne. Or une telle preuve n'est aucunement rapportée en l'espèce, où l'acte a été dûment publié, et où il n'est établi à la charge des consorts [H] aucune manoeuvre de nature à en cacher l'existence à l'appelante. Celle-ci ne démontre notamment pas en quoi le fait pour les enfants de ses débiteurs de ne pas habiter le bien concerné serait de nature à accréditer l'hypothèse d'une fraude, étant rappelé que la donation-partage n'a porté que sur la nue-propriété de ce bien, ce qui suffit à justifier qu'il demeure occupé par les donateurs, qui s'en sont réservés l'usufruit.

En l'occurrence, l'acte de donation-partage argué de fraude a été régulièrement publié au service de publicité foncière le 15 mai 2009, de sorte que la société CIFD disposait à compter de cette date d'un délai de cinq ans pour engager son action paulienne. En ne délivrant assignation à cette fin que le 20 mai 2021, l'appelante a agi alors que la prescription était acquise.

La confirmation s'impose.

Les consorts [H] ne démontrant pas le caractère abusif de l'action de la société CIFD, qui ne saurait se déduire du seul fait qu'elle a été déclarée irrecevable, leur demande de dommages et intérêts devra être rejetée.

L'appelante sera condamnée aux dépens d'appel, et à payer à chacun des intimés la somme de 1 500 euros en application de l'artile 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 3 février 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Besançon ;

Y ajoutant :

Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par M. [R] [H] et Mme [C] [H] ;

Condamne la SA Crédit Immobilier de France Développement aux dépens d'appel ;

Condamne la SA Crédit Immobilier de France Développement à payer à M. [R] [H] et à Mme [C] [H] la somme de 1 500 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par Monsieur Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et par Madame Leila Zait, greffier.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00972
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;22.00972 ?
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