ARRÊT N°
CS/FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 04 JUILLET 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 02 mai 2023
N° de rôle : N° RG 22/01830 - N° Portalis DBVG-V-B7G-ESOC
S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON en date du 03 mai 2022 [RG N° 21/01071] et ordonnance du 22 novembre 2022
Code affaire : 97Z Recours et actions exercés contre les décisions d'autres personnes publiques
[F] [O], [V] [S] épouse [O] C/ DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE PACA ET BOUCHES DU RHONE
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [F] [O]
né le 20 Juin 1943 à [Localité 1] ([Localité 1]), de nationalité française, retraité,
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Franck BOUVERESSE, avocat au barreau de BESANCON
Madame [V] [S] épouse [O]
née le 02 Juin 1942 à [Localité 1] ([Localité 1]),de nationalité française, retraité,
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Franck BOUVERESSE, avocat au barreau de BESANCON
APPELANTS
ET :
DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE PACA ET BOUCHES DU RHONE
Sis [Adresse 5]
Représentée par Me Anne LAGARRIGUE de la SELARL ANNE LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE
INTIMÉE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, président de chambre
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, conseiller et Cédric SAUNIER, magistrat rédacteur.
L'affaire, plaidée à l'audience du 02 mai 2023 a été mise en délibéré au 04 juillet 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Faits, procédure et prétentions des parties
Par jugement rendu le 3 mai 2022, le tribunal judiciaire de Besançon, saisi par M. [F] [O] et Mme [V] [S] épouse [O], a :
- rejeté la demande en annulation de l'assignation délivrée le 2 juillet 2021 à l'encontre de la direction régionale des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône ;
- rejeté la demande en annulation de la procédure de rectification fiscale et de l'avis de recouvrement du 31 août 2017, ainsi que de la décision de rejet du 4 mai 2021 rendue par le directeur départemental des finances publiques ;
- rejeté la demande d'expertise formée subsidiairement par M. [O] et Mme [S] ;
- prononcé la réduction des impositions et intérêts de retard mis à la charge de ces derniers dans l'avis de recouvrement du 31 août 2017 au titre de la donation-partage du 19 juin 2014 dans la mesure suivante :
. 114 417 euros de reprise au titre de la valeur vénale des parts de la SCI [Adresse 3];
. 174 956 euros de reprise au titre de la valeur vénale des parts de la SCI [Adresse 4];
- prononcé la décharge de la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts ;
- 'dit' que l'administration procédera à un nouveau calcul des droits d'enregistrement et intérêts de retard sur la base de ces deux montants de reprise et après déduction de la majoration de 40 %
appliquée à l'ensemble des rectifications ;
- rejeté la demande de dégrèvement des taxes, majorations et intérêts formée par M. [O] et Mme [S] pour le surplus ;
- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la direction régionale des finances publiques aux dépens.
Par déclaration du 2 septembre 2022, M. [O] et Mme [S] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
- rejeté la demande en annulation de la procédure de rectification fiscale et de l'avis de recouvrement du 31 août 2017, ainsi que de la décision de rejet du 4 mai 2021 rendue par le directeur départemental des finances publiques ;
- rejeté la demande d'expertise formée subsidiairement par M. [O] et Mme [S] ;
- prononcé la réduction des impositions et intérêts de retard mis à la charge de ces derniers dans l'avis de recouvrement du 31 août 2017 au titre de la donation-partage du 19 juin 2014 dans les limites susvisées ;
- rejeté la demande de dégrèvement des taxes, majorations et intérêts formée par M. [O] et Mme [S] pour le surplus ;
- condamné la direction régionale des finances publiques aux dépens.
Par conclusions transmises le 28 septembre 2022, la direction régionale des finances publiques a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident visant à déclarer irrecevable l'appel formé par M. [O] et Mme [S] pour avoir été formé plus d'un mois après la signification du jugement entrepris intervenue le 1er juin 2022, outre leur condamnation à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens distraits dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions transmises le 20 octobre 2022, M. [O] et Mme [S] sollicitaient du conseiller de la mise en état le rejet de la demande formée par la direction régionale des finances publiques et sa condamnation à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en faisant valoir la recevabilité de leur appel dans la mesure où le délai n'a pas commencé à courir en raison de la nullité de l'acte de signification remis à étude sans que l'huissier de justice n'ait réalisé aucune diligence en ce qu'il s'est contenté de sonner à leur porte.
Par l'ordonnance déférée à la cour rendue le 22 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a :
- dit M. [O] et Mme [S] irrecevables en leur appel ;
- constaté le dessaisissement de la cour ;
- condamné M. [O] et MmeMasson aux dépens d'appel avec distraction ;
- les a condamnés à payer à la direction régionale des finances publiques la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa décision, le conseiller de la mise en état a retenu :
- qu'il résulte des articles 654 et 655 du code de procédure civile que la signification doit être faite à personne et que ce n'est que si elle s'avère impossible que l'huissier de justice pourra recourir aux autres modes de signification, soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence ;
- qu'en application de ces mêmes dispositions, l'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer une signification à personne et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification ;
- que l'article 656 du code de procédure civile dispose que si personne ne peut recevoir l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il est fait mention dans l'acte, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, alors l'huissier de justice laisse un avis de passage mentionnant que la copie de l'acte peut être retirée dans le plus bref délai à son étude, l'obligation de moyen renforcée de vérification de l'adresse s'imposant à l'huissier de justice n'étant applicable qu'aux cas de signification à la dernière adresse connue prévue par l'article 659 du code de procédure civile ;
- que l'acte de signification délivré le 1er juin 2022 à M. [O] et Mme[S] a été remis à étude pour chacun des époux et mentionne : « Personne ne répondant à nos appels et après avoir vérifié la certitude du domicile du destinataire sur la boîte aux lettres et la présence du nom du destinataire sur l'interphone, la signification à personne et à domicile étant impossible, la copie du présent est déposée en mon étude » ;
- que si la seule mention du fait que le nom des destinataires de l'acte figure sur la boîte aux lettres ou sur l'interphone n'est pas de nature à établir la réalité du domicile du destinataire de l'acte et ne satisfait pas aux exigences de l'article 656 du code de procédure civile, la réalité du domicile des destinataires n'est pas contestée en l'espèce, de sorte que l'huissier de justice n'avait, après avoir vérifié que les destinataires demeuraient toujours à l'adresse mentionnée dans les actes de procédure et avoir fait mention de cette vérification, pas d'autres diligences à opérer que de tenter de leur remettre l'acte à leur personne ou, à défaut à domicile, ou, à défaut, à résidence, en mentionnant de quelle manière il a tenté cette remise à leur personne ;
- que dès lors, le jugement ayant été régulièrement signifié à M. [O] et Mme [S] le 1er juin 2022, leur appel formé le 2 septembre suivant est irrecevable comme tardif.
Par requête transmise le 2 décembre 2022 et leurs ultimes écritures transmises le 5 décembre suivant, M. [O] et Mme [S] ont déféré l'ordonnance susvisée à la cour en sollicitant son infirmation en toutes ses dispositions et demandent à celle-ci, statuant à nouveau :
- de prononcer la nullité de la signification effectuée par la direction régionale des finances publiques ;
- de 'dire et juger' que leur appel est recevable ;
- de condamner la direction régionale des finances publiques à leur payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de la condamner aux entiers dépens.
Ils font valoir :
- que le principe étant la signification de l'acte à personne, l'huissier de justice doit donc personnellement trouver le destinataire de l'acte et lui remettre celui-ci ;
- que ce n'est qu'après avoir réalisé des investigations pour remettre l'acte à personne, lesquelles doivent être précisées dans celui-ci, que l'huissier est autorisé à remettre l'acte à l'étude ;
- qu'en l'espèce, l'huissier de justice n'a réalisé aucune diligence et s'est contenté de sonner à la porte, sans aucune investigation supplémentaire téléphonique ou de voisinage, de sorte que l'acte de signification est nul et que le délai d'appel n'a pas débuté ;
- que par ailleurs, l'huissier de justice ne pouvait pas confirmer la réalité du domicile au moment de la signification, date à laquelle il convient de se placer pour évaluer la régularité de celle-ci, dès lors qu'il n'avait pas réalisé d'autres recherches tel que relevé dans l'ordonnance critiquée ;
- que si cette dernière retient le fait que l'huissier de justice a vainement tenté de rencontrer les appelants, la preuve de cette allégation n'est pas rapportée.
La direction régionale des finances publiques a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 23 décembre 2022 pour demander à la cour de :
- rejeter la requête en déféré ;
- confirmer l'irrecevabilité de l'appel initié par les M. [O] et Mme [S] ;
- les condamner au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux entiers dépens avec distraction.
Elle expose :
- que l'ensemble des échanges intervenus avec M. [O] et Mme [S] ainsi que les pièces de procédure ont tous été adressés au [Adresse 2] à [Localité 1] et ont tous été réceptionnés par ceux-ci ;
- qu'aucun litige n'existe concernant leur adresse, laquelle a au surplus été vérifiée par l'huissier de justice de sorte que la signification du jugement critiquée a été valablement effectuée.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 2 mai suivant et mise en délibéré au 4 juillet 2023.
En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
Motifs de la décision
Aux termes de l'article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne.
L'article 655 du même code prévoit que si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
Le commissaire de justice doit dans ce cas relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.
La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire, à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.
Le commissaire de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.
Aux termes de l'article 656 du code précité, si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par le commissaire de justice, dont doit être fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, le commissaire de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude du commissaire de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.
Enfin, alors que l'article 528 du code de procédure civile prévoit que le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement, l'article 538 du même code fixe, en matière contentieuse, le délai de recours par une voie ordinaire à un mois.
Il résulte de ces dispositions que par d'exacts motifs, tirés d'une part des vérifications effectuées par l'huissier, devenu commissaire de justice et consignées dans ses procès-verbaux de signification établis le 1er juin 2022 ainsi que, d'autre part, de l'absence de toute contestation relative à la réalité du domicile de M. [O] et Mme [S], non remis en cause en appel et que la cour adopte, le conseiller de la mise en état a déclaré ces derniers irrecevables en leur appel interjeté le 2 septembre 2022, soit plus d'un mois après la signification du jugement rendu le 3 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Besançon.
Dès lors, l'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme, dans les limites de l'appel, l'ordonnance d'incident rendue entre les parties le 22 novembre 2022 par le conseiller de la mise en état de la première chambre civile et commerciale de la cour d'appel de Besançon ;
Condamne M. [F] [O] et Mme [V] [S] épouse [O] aux dépens d'appel ;
Accorde aux avocats de la cause qui l'ont sollicité, le droit de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute M. [F] [O] et Mme [V] [S] épouse [O] de leur demande et les condamne à payer à la direction régionale des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône la somme de 2 000 euros.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président de chambre,