La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2023 | FRANCE | N°22/00508

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 04 juillet 2023, 22/00508


ARRÊT N°



JFL/FA







COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 04 JUILLET 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE









Contradictoire

Audience publique du 02 mai 2023

N° de rôle : N° RG 22/00508 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EPYI



S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE LONS-LE-SAUNIER en date du 10 décembre 2021 [RG N° 2020J00054]

Code affaire : 59B Demande en paiement relative à un autre contrat


<

br>

S.A.R.L. TRIMADEL C/ S.A.S. TABLETTERIE TOURNERIE FROISSARD, Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, S.A. MMA IARD SA







PARTIES EN CAUSE :





S.A.R.L. TRIMADEL

Sise [Adresse 1]

RCS de ...

ARRÊT N°

JFL/FA

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 04 JUILLET 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 02 mai 2023

N° de rôle : N° RG 22/00508 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EPYI

S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE LONS-LE-SAUNIER en date du 10 décembre 2021 [RG N° 2020J00054]

Code affaire : 59B Demande en paiement relative à un autre contrat

S.A.R.L. TRIMADEL C/ S.A.S. TABLETTERIE TOURNERIE FROISSARD, Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, S.A. MMA IARD SA

PARTIES EN CAUSE :

S.A.R.L. TRIMADEL

Sise [Adresse 1]

RCS de Besançon sous le numéro 478 915 416

Représentée par Me Isabelle MADOZ, avocat au barreau de BESANCON

APPELANTE

ET :

S.A.S. TABLETTERIE TOURNERIE FROISSARD prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés pour ce audit siège - SAS immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 398 231 571

[Adresse 3]

Représentée par Me Laure-Cécile PACIFICI de la SELARL TACOMA, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

Représentée par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés pour ce audit siège - société d'assurance Mutuelle à cotisations fixes, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de LE MANS sous le numéro 775 652 126, dont le siège social

Sise [Adresse 2]

Représentée par Me Laure-Cécile PACIFICI de la SELARL TACOMA, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

Représentée par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

S.A. MMA IARD SA prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés pour ce audit siège - Société Anonyme, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de LE MANS sous le numéro 440 048 882

Sise [Adresse 2]

Représentée par Me Laure-cécile PACIFICI de la SELARL TACOMA, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

Représentée par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

INTIMÉES

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, magistrat rédacteur et Cédric SAUNIER, conseiller.

L'affaire, plaidée à l'audience du 02 mai 2023 a été mise en délibéré au 04 juillet 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

Exposé du litige

La SAS Hermès Sellier (la société Hermès), qui projetait au cours de l'année 2017 de commercialiser un coffret en bois contenant des produits d'entretien du cuir et qui se fournissait déjà en tels produits auprès de la SARL Trimadel, a confié la conception du coffret à celle-ci, qui en a sous-traité la fabrication à la SARL Tabletterie Tournerie Froissard (la société Froissard).

Après validation du prototype par la société Hermès le 2 janvier 2018, la société Hermès a commandé le 12 février suivant 350 coffrets à la société Froissard, mais en conditionnant le lancement de la production, par mails du 28 février, à la validation préalable de six têtes de séries.

La société Trimadel, à son tour, a commandé les 350 unités à la société Froissard, par bon de commande du 7 mars 2018 ne mentionnant pas la condition de validation préalable des têtes de série. Cette condition a fait l'objet d'un mail envoyé par la société Trimadel à la société Froissard le 20 juin 2018, qui a été suivi de l'envoi de têtes de séries que la société Hermès n'a pas validées, déplorant neuf défauts à retravailler, auquel la société Froissard, par mail du 18 juillet suivant, à répondu ne pas pouvoir remédier pour sept d'entre eux.

Estimant la qualité inacceptable, apprenant que les 350 exemplaires avaient été fabriqués avant validation de la qualité et ne parvenant pas à s'entendre sur les suites à donner avec la société Froissard, la société Trimadel s'est tournée vers un autre fabriquant, la société Souvet VMB, qui lui a fourni les exemplaires avec la qualité requise, mais pour un prix supérieur.

L'expert judiciaire désigné le 19 novembre 2018 a examiné six têtes de séries et a déposé le 30 avril 2019 un rapport selon lequel les règles de l'art n'ont pas été respectées, les exemplaires présentant des traces de brûlure du bois au détourage et de très nombreux défauts d'ajustement, causant à la société Trimadel un préjudice constitué de 40 745,40 euros au titre de la commande mal exécutée, de 38 150 euros au titre du surcoût d'approvisionnement, et de 2 595,40 euros au titre du prix de 380 clous de selle de marque Hermès inutilement commandés.

Sur assignation délivrée le 4 septembre 2020 par la société Trimadel à la société Froissard en réparation de son préjudice, et sur demande reconventionnelle en paiement de la facture, le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier, par jugement du 10 décembre 2021, a :

- dit n'y avoir lieu à nouvelle expertise ;

- déclaré recevable l'intervention volontaire des sociétés MMA IARD Assurance Mutuelle et MMA IARD (les sociétés MMA), assureurs de la société Froissard ;

- dit la demande de la société Trimadel partiellement bien fondée ;

- constaté que la société Froissard avait rempli ses obligations contractuelles en réalisant les 350 coffrets commandés ;

- dit qu'elle a avait manqué à son obligation de résultat en réalisant des coffrets présentant des malfaçons et des défauts rédhibitoires ;

- ordonné la destruction par incinération des 350 coffrets, sous contrôle d'huissier, aux frais de la société Froissard et sous astreinte de 100 euros par jour à compter de 35 jours de la signification du jugement ;

- ordonné la restitution des clous de selle Hermès par la société Froissard à la société Trimadel, sous même astreinte ;

- condamné la société Froissard à payer à la société Trimadel la somme de 10 309,25 euros HT, soit 12 371,10 euros TTC, au titre de sa participation partielle à la réalisation de son préjudice ;

- condamné la société Froissard à payer à la société Trimadel la somme de 2 390,50 euros HT, soit 2 898,60 euros TTC en réparation du préjudice lié à la fourniture des clous de selle ;

- débouté la société Trimadel de ses demandes en réparation d'un préjudice sur les commandes à venir et en réparation de sa perte d'image et de l'impact financier consécutif ;

- débouté la société Froissard de sa demande reconventionnelle ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Froissard à payer à la société Trimadel la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- partagé par moitié les dépens, comprenant les frais de constat, d'assignation en référé et d'expertise ;

- rejeté toute demande contraire.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :

sur l'exécution du contrat,

- que la société Trimadel avait commandé les 350 coffrets par bon de commande du 7 mars 2018 avec le libellé 'Coffret oblong en chêne - Hermès - Quantité 350",sans plus de précision, ni consignes claires et précises, notamment quant à l'exigence de faire valider six têtes de série formulée par le client principal le 28 février précédent, la société Trimadel n'établissant au demeurant pas avoir informé le prestataire de cette exigence avant d'avoir passé commande, ne l'ayant fait que trois mois plus tard le 20 juin 2018, alors qu'en tout logique la production était déjà lancée ;

- qu'ainsi la société Froissard avait rempli ses obligations en exécutant de bonne foi le contrat sans avoir connaissance de la demande de validation préalable des têtes de séries ;

- que toutefois l'expertise établissait que l'ensemble des coffrets étaient affectés de graves malfaçons caractérisant un manquement à l'obligation de résultat dont était tenu le sous-traitant envers son donneur d'ordre, en application de l'article 1147 du code civil ;

- que la demande de destruction des coffrets mal réalisés sous contrôle d'huissier, conformément aux attentes de la société Hermès, était légitime et justifiée ;

sur les préjudices,

- que le préjudice subi au titre de la commande passée, limité au surcoût résultant sur prix supérieur convenu avec le nouveau sous-traitant, n'est indemnisable que pour moitié, dès lors la société Trimadel aurait dû informer son sous-traitant de la nécessité de faire valider les têtes de séries préalablement à la production, ce qui aurait permis de corriger les lacunes ou de trouver un autre fournisseur, de sorte qu'aucune des deux parties n'a honoré totalement ses engagements et que les torts sont en conséquence partagés ;

- que le préjudice subi au titre des commandes futures n'est pas établi par la société Trimadel qui n'apporte pas la preuve d'un engagement ferme de la société Hermès pour un marché pluriannuel, ni la preuve que le préjudice futur invoqué était prévisible ;

- que les vacations des dirigeants de la société Trimadel, ainsi que l'a relevé l'expert, ne constituent pas des dépenses supplémentaires et ne peuvent être prises en compte au titre de préjudice ;

- qu'en revanche le prix d'achat des clous de selle destinés à orner les 350 coffrets était perdu et constituait donc un préjudice indemnisable ;

- que le préjudice de perte d'image n'est pas démontré, l'expert relevant au demeurant que la société Trimadel n'avait pas perdu le marché, ni son référencement auprès de la société Hermès ;

- que les malfaçons et défauts rédhibitoires qui affectent les coffrets, ainsi que la nécessité de les détruire, font obstacle à la demande reconventionnelle en paiement du solde de la facture. 

La société Trimadel a interjeté appel de cette décision contre la société Froissard et les sociétés MMA par déclaration parvenue au greffe le 23 mars 2022. L'appel critique expressément le jugement en ce qu'il a :

- dit la demande de la société Trimadel partiellement bien fondée ;

- constaté que la société Froissard avait rempli ses obligations contractuelles en réalisant les 350 coffrets commandés ;

- condamné la société Froissard à payer à la société Trimadel la somme de 10 309,25 euros HT, soit 12 371,10 euros TTC, au titre de sa participation partielle à la réalisation de son préjudice ;

- débouté la société Trimadel de ses demandes en réparation d'un préjudice sur les commandes à venir ;

- débouté la société Trimadel de ses demandes en réparation de sa perte d'image et de l'impact financier consécutif ;

- partagé par moitié les dépens, comprenant les frais de constat, d'assignation en référé et d'expertise ;

- rejeté les demandes contraires de la société Trimadel.

Par conclusions transmises le 13 décembre 2022 visant les articles 1231 et suivants du code civil, l'appelante demande à la cour de :

- juger la demande de nouvelle expertise irrecevable et en tout état de cause mal fondée ;

- infirmer les chefs de jugement critiqués ;

- juger que la société Froissard n'a pas rempli ses obligations contractuelles ;

- juger que ce défaut d'exécution est seul à l'origine du préjudice de la société Trimadel ;

- condamner la société Froissard à lui payer les sommes de :

* au titre de la facture de la société Souvet 38 150 euros HT

* en réparation de la perte de marge sur la commande 20 618,50 euros HT

* en réparation du préjudice futur sur vingt ans 478 999,60 euros HT

* au titre des frais inhérents au litige 20 000 euros HT

* au titre de la perte d'image et d'un impact financier 208 000 euros HT

* et l'intégralité des dépens de première instance comprenant notamment les frais de constat, d'expertise judiciaire et d'assignations ;

- débouter les intimés de leurs demandes pour frais irrépétibles ;

- condamner la société Froissard à lui payer 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens, dont distraction au profit de Me Isabelle Madoz, avocat.

L'appelante soutient :

- que la société Froissard a manqué à ses engagements d'abord en ne livrant jamais les 350 coffrets qu'elle avait fabriqués, puis en fabriquant des coffrets présentant des malfaçons, et ce d'autant qu'elle connaissait dès l'origine le nom prestigieux du client final ;

- que l'engagement de la société Froissard était de livrer 350 coffrets oblongs en chêne massif, correspondant au prototype qu'elle avait réalisé et au cahier des charges qu'elle avait établi elle-même, et pour le tarif qu'elle avait elle-même proposé ;

- que l'expert a décrit les importantes malfaçons qui proviennent selon lui d'un opérateur incompétent ou dépourvu de toute conscience professionnelle, d'un outil de production mal entretenu, mal suivi ou mal paramétré, et d'un responsable incompétent ou dépourvu de toute conscience professionnelle au contrôle de production et qualité et au service d'expédition, l'expert allant jusqu'à s'interroger sur une volonté de nuire ;

- que l'intimée reconnaît qu'elle devait réaliser des têtes de série, et donc attendre la validation du client avant de lancer la production ;

- que si véritablement la société Froissard avait fabriqué des exemplaires exempts de défauts, on ne comprend pas pourquoi elle s'est abstenue d'envoyer ceux-ci comme têtes de séries, préférant envoyer des exemplaires défectueux, dont elle a au demeurant soutenu qu'elle ne pouvait pas les améliorer après le refus opposé par la société Hermès ;

- qu'une expertise réalisée plus de quatre ans après serait sans intérêts, aucune certitude ne pouvant être acquise sur le fait de savoir si les coffrets expertisés seraient bien les coffrets fabriqués initialement  ;

- que la société Froissard était informée dès le mois de mars de la nécessité d'attendre la validation des têtes de série par le client ;

- qu'en outre elle a nécessairement fabriqué les coffrets après le 22 juin 2018, date à laquelle elle admet qu'elle était informée de la condition de validation des têtes de série,

- que du reste il est indifférent de savoir si la fabrication a été lancée sans que le sous-traitant ait été informé de la condition de validation des têtes de série puisqu'elle n'était pas capable de produire un coffret différent des têtes de série refusées, de sorte que seuls les manquements du sous-traitant restent à l'origine des préjudices.

L'appelante ajoute :

- que le préjudice comprend le prix de la prestation du fabricant de remplacement, qui a été payé pour pallier la carence du fabricant initial ;

- que le prix du fabricant de remplacement, double du prix demandé par la société Froissard, dépasse le prix d'achat par la société Hermès, de sorte que la société Trimadel lui vend les coffrets à perte et a perdu les marges qu'elle aurait pu réaliser pendant les vingt années de commercialisation du produit, sur la base d'une marge brute de 70,40 euros par coffret fabriqué au prix demandé par la société Froissard et de deux coffrets par an dans chacun des 310 magasins exclusifs Hermès, diminuée de la marge subsistante après l'augmentation tarifaire acceptée par la société Hermès sur trois ans, soit une marge effective de 33,23 euros HT, soit au total 478 999,60 euros ;

- que constitue un préjudice le temps consacré à la gestion du litige par deux des trois personnes composant la société et la désorganisation de celle-ci qui en est résulté ;

- que constitue un autre préjudice la baisse de chiffre d'affaire liée au non-encaissement de la vente des coffrets et le surcoût de leur fabrication, qui vont générer une perte des indicateurs positifs qui sont primordiaux pour une TPE, avec une incidence sur les fournisseurs, les banques, les collectivités et les organismes institutionnels à qui ne pourront pas être produits de bilans satisfaisants, l'impact financier subséquent étant évalué à 208 000 euros par la société Céfidec ;

- que la société Froissard ne peut conditionner la remise des coffrets pour destruction au paiement du solde de sa facture, alors qu'elle n'a jamais livré les coffrets et que le paiement n'est donc pas dû ;

- que la société Froissard ne peut soutenir que la livraison a été refusée, alors au contraire que c'est elle qui a refusé de remettre les coffrets qui lui étaient demandés pour les trier un par un et envoyer à la société Hermès ceux qui auraient été réussis.

Par conclusions transmises le 30 janvier 2023 portant appel incident visant les articles 1231 et suivants du code civil, les intimées demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il :

- dit la demande de la société Trimadel partiellement bien fondée ;

- dit qu'elle a avait manqué à son obligation de résultat en réalisant des coffrets présentant des malfaçons et des défauts rédhibitoires ;

- ordonné la destruction par incinération des 350 coffrets, sous contrôle d'huissier, aux frais de la société Froissard et sous astreinte de 100 euros par jour à compter de 35 jours de la signification du jugement ;

- ordonné la restitution des clous de selle Hermès par la société Froissard à la société Trimadel, sous même astreinte ;

- condamné la société Froissard à payer à la société Trimadel la somme de 10 309,25 euros HT, soit 12 371,10 euros TTC, au titre de sa participation partielle à la réalisation de son préjudice ;

- condamné la société Froissard à payer à la société Trimadel la somme de 2 390,50 euros HT, soit 2 898,60 euros TTC en réparation du préjudice lié à la fourniture des clous de selle ;

- débouté la société Froissard de sa demande reconventionnelle ;

- condamné la société Froissard à payer à la société Trimadel la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- partagé par moitié les dépens, comprenant les frais de constat, d'assignation en référé et d'expertise ;

- rejeté toute demande contraire ;

- ordonner une expertise judiciaire relative à l'examen de tous les coffrets ;

- débouter la société Trimadel de l'ensemble de ses demandes ;

- la condamner à lui payer 21 480,21,80 euros au titre du solde de sa facture ;

- la condamner à payer aux sociétés MMA la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens.

Les intimées soutiennent

- que les coffrets réalisés sont parfaits, contrairement aux affirmations erronées de l'expert, dont les investigations n'ont porté que sur les têtes de série et non sur la production et sont conformes à la commande, rédigée succinctement et dépourvue de détails ou précisions particulières ;

- que la société Trimadel lui avait caché que les coffrets étaient destinés à la société Hermès ;

- qu'elle n'a été avertie de la condition de validation des têtes de séries que le 20 juin 2018, alors que tous les coffrets avaient été fabriqués ;

- qu'aucun préjudice n'est subi au titre du surcoût résultant du sous-traitant de remplacement car la société Froissard paye le prix qu'elle aurait dû payer à l'origine pour atteindre la qualité attendue par la société Hermès ;

- que la société Trimadel est responsable de son propre préjudice, faute d'avoir prévenu à temps qu'il était nécessaire de produire six têtes de séries, ce qui aurait permis d'apporter les améliorations nécessaires avant de lancer la production ;

- que les préjudices invoqués par la société Trimadel sont hypothétiques ;

- que la société Trimadel ne peut à la fois obtenir le coût de la fabrication par le nouveau sous-traitant, la dispense de payer le prix dû au premier, et la récupération des premiers produits fabriqués.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été clôturée le 17 avril 2023. L'affaire a été appelée à l'audience du 2 mai 2023 mise en délibéré au 4 juillet suivant.

Motifs de la décision

Sur la demande de nouvelle expertise

Le rejet de la demande d'expertise par le premier juge n'est pas dévolue à la cour, n'étant pas critiquée par l'appel principal ni par un appel incident. La même demande présentée à la cour, qui n'est pas fondée sur une circonstance nouvelle, sera donc réjetée.

Sur la prestation commandée à société Froissard

L'obligation contractée par la société Froissard résulte d'un bon de commande daté du 7 mars 2018 qui indique seulement que la commande porte sur 350 coffrets oblongs en chêne Hermès, sans mention du prix ni précisions quant aux modalités de livraison ou de paiement. Aucune clause notamment ne conditionne la livraison au paiement préalable du prix. La société Froissard ne peut soutenir qu'elle ignorait devoir fabriquer un produit de haute qualité, dès lors que le nom de la société Hermès, dont elle ne pouvait ignorer qu'elle commercialise des produits de luxe, figurait sur le bon de commande, et avait au demeurant été apposé par la société Froissard elle-même sur le prototype.

Le bon de commande ne fait pas mention de la vérification préalable des têtes de série exigée par la société Hermès, qui avait elle-même commandé les 350 unités à la société Trimadel le 12 février 2008 mais qui lui avait demandé le 28 février suivant l'envoi de six têtes de séries pour validation avant démarrage de la production. Il ne résulte d'aucune pièce que cette condition ait été transmise rapidement par la société Trimadel à la société Froissard, le seul écrit relayant cette demande étant un mail envoyé avec un retard de près de quatre mois le 20 juin 2018. La société Froissard était ainsi fondée à lancer la production dès réception du bon de commande, ainsi que l'a retenu le premier juge.

La société Froissard n'a toutefois jamais livré les 350 coffrets à la société Trimadel, hormis douze têtes de série dont la piètre qualité résulte tant de leur refus circonstancié par le client final que d'un procès-verbal d'huissier du 3 octobre 2018, ainsi que du rapport d'expertise judiciaire du 30 avril 2019. L'expert relève en effet que les évidements pratiqués dans la pièce de bois pour former les logements destinés à recevoir les produits d'entretien portent des traces de brûlures laissées par un outil de détourage émoussé ou non maîtrisé, à quoi s'ajoutent de nombreux défauts d'ajustement, dus à l'utilisation d'un bois insuffisamment sec et stabilisé, l'exécution étant tellement mauvaise que l'expert a envisagé qu'elle puisse procéder d'une intention de nuire.

La société Froissard, notamment, n'a pas accepté de remettre sa production à la société Trimadel lorsque celle-ci, par mail du 13 septembre 2018, l'a informée que les douze têtes de séries étaient jugées de qualité insuffisante par la société Hermès et lui a demandé en conséquence de lui remettre les 350 coffrets afin de les vérifier un par un et de voir si leur qualité était meilleure.

Dès lors, en application de l'article 1217 du code civil dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat, suivant lequel la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, la société Trimadel est fondée à refuser de payer le prix de coffrets qu'elle avait commandés à la société Froissard, à l'exception du prix du prototype, dont ne sont contestées ni la fourniture ni la qualité. Le rejet de la demande en paiement du marché sera en conséquence confirmé au titre des 350 unités, mais infirmé au titre du prototype, dont le prix était de 320 euros HT, que la société Trimadel sera condamnée à payer à la société Froissard.

Sur l'indemnisation de la société Trimadel par la société Froissard au titre de la commande effective

La défaillance de la société Froissard dans l'exécution de la seule commande intervenue entre les parties a contraint la société Trimadel, elle-même engagée envers la société Hermès, à se tourner vers un autre fabriquant, la société Souvet VMB, dont toutefois elle n'a pas obtenu des conditions aussi favorables que celles de la société Froissard.

Le prix convenu entre la société Hermès et la société Trimadel était de 114,40 euros HT pièce, soit pour les 350 unités un prix total de 40 040 euros.

Le prix convenu entre la société Froissard et la société Trimadel était initialement de 44 euros HT pièce, puis avait été augmenté de 6,09 euros en raison du renchérissement des matières première, ce qui élevait le coût unitaire à 50,09 euros HT et le coût total pour les 350 coffrets à 17 531,50 euros, outre 320 euros au titre de la réalisation du prototype.

Plus élevé, le prix convenu avec la société Souvet VMB était de 38 150 euros HT, ce qui constitue pour la société Trimadel un surcoût de 20 618,50 euros (38 150 - 17 531,50). Ce surcoût constitue un préjudice pour la société Trimadel qui n'aurait pas eu à le supporter si la société Froissard avait honoré ses obligations. Le reste du prix payé à la société Souvet VMB ne constitue pas un préjudice dès lors qu'elle correspond au prix que la société Trimadel aurait payé à la société Froissard et que finalement elle ne lui payera pas, ainsi que précédemment jugé, de sorte qu'elle ne subit à ce titre ni perte ni manque à gagner. La demande indemnitaire présentée au titre de la facture du second fabricant ne peut donc être satisfaite qu'à hauteur de 20 618,50 euros HT.

Ce montant, venant s'imputer sur la marge commerciale réalisée par la société Trimadel, constitue la perte de marge dont elle demande par ailleurs la réparation, laquelle aboutirait cependant à la double indemnisation du même préjudice et doit en conséquence lui être refusée.

Aucune faute commise par la société Trimadel ne vient réduire son droit à indemnisation dès lors que si elle a commis une négligence en informant tardivement la société Froissard qu'elle ne devait pas démarrer la production avant validation des têtes de séries par la société Hermès, cette faute n'est pas à l'origine de la défaillance de la société Froissard. En effet, celle-ci affirme non sans contradiction d'une part qu'elle a réalisé des coffrets parfaits, ce qui rend indifférente à leur qualité la négligence de la société Trimadel, et d'autre part qu'elle aurait pu éliminer les défauts de qualité des coffrets si elle avait connu à temps la nécessité d'attendre la validation des têtes de série, cette éventualité étant toutefois anéantie par son propre mail du 18 juillet 2018 dans lequel elle répond point pas point aux neuf observations formulées par la société Hermès sur les têtes de série, en expliquant pour sept d'entre elles n'avoir aucune possibilité d'amélioration. Il en résulte que la négligence commise par la société Trimadel n'a pu avoir d'effet sur le défaut de livraison que lui a opposé la société Froissard, dont les raisons restent obscures.

En conséquence, infirmant le jugement en ce qu'il a condamné la société Froissard à payer à la société Trimadel la somme de 10 309,25 euros HT, soit 12 371,10 euros TTC, au titre de sa participation partielle à la réalisation de son préjudice, la cour la condamnera à lui payer la somme de 20 618,50 euros, déboutant la société Trimadel du surplus de sa demande indemnitaire au titre de la commande effective.

Sur l'indemnisation de la société Trimadel au titre des commandes à venir

Le seul contrat passé entre les parties portait sur la commande de 350 coffrets précédemment examinée, sans que soit démontré par la société Trimadel un engagement pris par la société Froissard de répondre à des commandes identiques ultérieures, comme l'a exactement relevé le premier juge. L'éventualité de telles commandes était en réalité inexistante dès lors que la société Froissard n'aurait pas été en capacité de produire les coffrets dans la qualité souhaitée pour le prix convenu, trop faible, ainsi que l'a observé l'expert et ainsi que l'a confirmé l'impossibilité dans laquelle s'est trouvée la société Trimadel de trouver un autre fabriquant au même niveau de prix. L'impossibilité pour la société Trimadel de vendre à la société Hermès d'autres coffrets fabriqués par la société Froissard à la qualité requise et au prix initial ne constitue donc pas un grain perdu, ni même la perte d'une chance de gain.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Trimadel de sa demande indemnitaire au titre des commandes ultérieures manquées.

Sur l'indemnisation de la société Trimadel au titre du préjudice d'image

La société Trimadel ne démontre pas avoir subi un préjudice d'image, dès lors d'une part qu'elle a conservé le marché des coffrets passé avec Hermès grâce au second fabriquant à qui elle a sous-traité leur fabrication, et dès lors d'autre part que l'impact financier lié à la baisse de ses indicateurs de performances, lui-même induit par la perte de rentabilité causée par le recours à ce second fabriquant plus onéreux, n'est pas établi par l'étude d'impact Cefidec qui repose sur l'hypothèse, précédemment écartée comme inexacte, selon laquelle la société Froissard aurait été capable de produire des coffrets de haute qualité à faible prix pendant plusieurs années.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Trimadel de ses demandes en réparation de sa perte d'image et de l'impact financier consécutif.

Sur l'indemnisation de la société Trimadel au titre du coût de gestion du litige

Si la gestion des difficultés rencontrées par la société Trimadel avec la société Froissard, puis la recherche d'un fabriquant de substitution ont nécessairement consommé du temps de travail pour le dirigeant et par sa collaboratrice, il n'est pas pour autant démontré que la société elle-même en a subi un préjudice, a plus forte raison de 20 000 euros tel que l'évalue péremptoirement l'auteur de l'étude d'impact Cefidec.

Sur la destruction des coffrets

Sera infirmé le chef de jugement qui a ordonné la destruction par incinération des 350 coffrets, sous contrôle d'huissier, aux frais de la société Froissard et sous astreinte de 100 euros par jour à compter de 35 jours de la signification du jugement, que les intimées critiquent au motif qu'elle serait désormais dépourvue de sens au regard des autres demandes de la société Trimadel, et dont surtout la demande ne repose sur aucun fondement juridique, la société Trimadel n'en invoquant d'ailleurs aucun à ce titre.

Sur la restitution des clous de selle

La société Trimadel ne pouvant obtenir à la fois la restitution des clous de selle fournis à la société Froissard pour la fabrication des coffrets et le remboursement de la valeur des mêmes clous de selle, ce qui aboutirait à une double indemnisation de son préjudice, la cour, observant qu'il résulte des photographies qu'au moins une partie des clous ont été mis en oeuvre et ne sont plus restituables dans leur état d'origine, infirmera le jugement en ce qu'il a ordonné la restitution des clous de selle Hermès par la société Froissard à la société Trimadel, déboutera celle-ci de ce chef, et confirmera la condamnation de la société Froissard à payer à la société Trimadel la somme de 2 390,50 euros HT, soit 2 898,60 euros TTC en réparation du préjudice lié à la fourniture des clous de selle.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Rejette la nouvelle demande d'expertise ;

Infirme partiellement le jugement rendu entre les parties le 10 décembre 2021 en ce qu'il a :

- débouté la société Tabletterie tournerie Froissard de sa demande en paiement du prix du coffret prototype ;

- condamné la société Tabletterie tournerie Froissard à payer à la société Trimadel la somme de 10 309,25 euros HT, soit 12 371,10 euros TTC ;

- ordonné la destruction par incinération des 350 coffrets, sous contrôle d'huissier, aux frais de la société Tabletterie tournerie Froissard et sous astreinte de 100 euros par jour à compter de 35 jours de la signification du jugement ;

- ordonné la restitution des clous de selle Hermès par la société Tabletterie tournerie Froissard à la société Trimadel ;

Confirme le surplus des chefs de jugement critiqués ;

statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;

Condamne la société Trimadel à payer à la société Tabletterie tournerie Froissard la somme de 320 euros HT ;

Condamne la société Tabletterie tournerie Froissard à payer à la société Trimadel la somme de 20 618,50 euros HT ;

Ordonne compensation entre les deux précédentes condamnations ;

Déboute la société Trimadel du surplus de sa demande indemnitaire au titre de la commande effective ;

La déboute de sa demande en destruction des coffrets réalisés par la société Tabletterie tournerie Froissard ;

La déboute de sa demande en restitution des clous de selle ;

Déboute les parties de leurs demandes pour frais irrépétibles ;

Condamne in solidum la société Trimadel et les sociétés MMA IARD Assurance Mutuelle et MMA IARD à payer la moitié des dépens d'appel et la société Tabletterie tournerie Froissard à en payer l'autre moitié ;

Accorde aux avocats qui l'ont demandé le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

La greffière Le président de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00508
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;22.00508 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award