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04/07/2023 | FRANCE | N°22/00262

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 04 juillet 2023, 22/00262


ARRÊT N° 23/

FD/XD



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 4 JUILLET 2023



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 16 mai 2023

N° de rôle : N° RG 22/00262 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EPH6



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BESANCON

en date du 20 janvier 2022

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution



APPELANT

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Monsieur [P] [L], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Isabelle TOURNIER, avocat au barreau de BESANCON





INTIMEE



S.A.R.L. R'LAN sise [Adresse 5]



représentée par Me Camille BEN D...

ARRÊT N° 23/

FD/XD

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 4 JUILLET 2023

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 16 mai 2023

N° de rôle : N° RG 22/00262 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EPH6

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BESANCON

en date du 20 janvier 2022

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANT

Monsieur [P] [L], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Isabelle TOURNIER, avocat au barreau de BESANCON

INTIMEE

S.A.R.L. R'LAN sise [Adresse 5]

représentée par Me Camille BEN DAOUD, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 16 Mai 2023 :

Monsieur Christophe ESTEVE, président de chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseiller

Madame Florence DOMENEGO, conseiller

qui en ont délibéré,

Madame MERSON GREDLER, greffière lors des débats

en présence de Mme [V] [J], greffière stagiaire

Monsieur [A] [W], directeur de greffe lors de la mise à disposition

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 4 Juillet 2023 par mise à disposition au greffe.

**************

RG 22 - 262 [L]

Statuant sur l'appel interjeté le 15 février 2022 par M. [P] [L] du jugement rendu le 20 janvier 2022 par le conseil de prud'hommes de Besançon qui, dans le cadre du litige l'opposant à la SARL R'LAN, a :

- dit que les avertissements prononcés à l'encontre de M. [P] [L] en date des 24 janvier et 2 avril 2019 sont fondés

- débouté M. [L] de sa demande d'annulation des avertissements et de sa demande d'indemnisation

- constaté que la convocation en entretien préalable en date du 3 juillet 2019 et la notification du licenciement pour faute grave adressée le 19 juillet 2019 sont intervenues dans les deux mois de la connaissance des faits reprochés au salarié, ces derniers ayant été découverts le 22 mai 2019 par l'employeur

- dit que le licenciement reposait sur une faute grave

- débouté en conséquence M. [L] de ses demandes indemnitaires

- constaté que M. [L] était prescrit à agir en demande de réparation d'un éventuel préjudice d'anxiété résultant d'une exposition à l'amiante

- débouté M. [L] de sa demande en paiement des heures supplémentaires

- débouté M. [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. [L] aux dépens ;

Vu les dernières conclusions transmises le19 octobre 2022, aux termes desquelles M. [P] [L], appelant, demande à la cour de :

- à titre principal :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- juger que les avertissements prononcés à son encontre les19 janvier et 02 avril 2019 sont infondés,

- constater la prescription des griefs ayant donné lieu à licenciement,

- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- juger que la société R'LAN a violé l'obligation de sécurité dont elle était débitrice à son égard, en ce qu'elle a exposé ce dernier à l'amiante sans prendre aucune mesure de nature à la prévenir, l'interdire, ou même à en limiter les effets,

- à titre subsidiaire :

- juger que les avertissements prononcés à son encontre les 19 janvier et 02 avril 2019 sont infondés,

- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- juger que la SARL R'LAN a violé l'obligation de sécurité dont elle était débitrice à son égard, en ce qu'elle a exposé ce dernier à l'amiante sans prendre aucune mesure de nature à la prévenir, l'interdire, ou même à en limiter les effets,

- condamner en conséquence la SARL R'LAN à lui verser la somme de 3 500 euros net, à titre d'indemnisation en suite de l'annulation des avertissements infondés,

- condamner la société R'LAN à lui verser la somme de 20 000 euros net en réparation du préjudice d'anxiété subi du fait de l'exposition à l'amiante,

- condamner la SARL R'LAN à lui verser la somme de 3 499,93 euros brut au titre des heures supplémentaires de 2017 (semaine 25) à 2019 (semaine 21), outre 349,99 euros brut au titre des congés-payés afférents,

- juger à titre principal que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable,

- condamner en conséquence la SARL R'LAN à lui verser les sommes suivantes, à titre d'indemnisation :

- 40 780,35 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- 5 437,38 euros brut à titre d'indemnité de préavis, outre 543,74 euros au titre des congés payés afférents

- 8156,07 euros brut à titre d'indemnité de licenciement

- 10 874,76 euros net à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral en raison du caractère vexatoire entourant les conditions du licenciement

- subsidiairement condamner la SARL R'LAN à lui verser les sommes suivantes, à titre d'indemnisation :

- 29 905,59 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 5 437,38 euros brut à titre d'indemnité de préavis, outre 543,74 euros brut au titre des congés payés afférents

- 8 156,07 euros brut à titre d'indemnité de licenciement

- 10 874,76 euros net à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral en raison du caractère vexatoire entourant les conditions du licenciement

- 5 000 euros à tite de dommages-intérêts au titre des conséquences financières de la perte injustifiée de l'emploi

- 3 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la perte du niveau de vie

- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de l'humiliation du chômage

- assortir l'ensemble des sommes accordées des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- assortir le jugement à intervenir de l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article R1454-28 du code du travail et de l'article 515 du code de procédure civile

- condamner la SARL R'LAN à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions transmises le 24 avril 2023, aux termes desquelles la SARL R'LAN, intimée, demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer le jugement en toutes ses dispositions

- à titre subsidiaire ;

- dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse

- en conséquence, limiter le montant des indemnités dues à :

- 8 156,07 euros au titr de l'indemnité de licenciement

- 5 437,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 543,74 euros au titre des congés payés afférents

- débouter M. [L] de l'ensemble de ses autres demandes indemnitaires

- constater qu'il n'a pas été exposé à l'amiante et ne justifie pas de l'existence d'un préjudice personnellement subi et résultant du risque élevé de développer une pathologie grave et le débouter de toute demande

- à titre infiniment subsidiaire,

- limiter les indemnisations allouées à :

- 8 156,07 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 5 437,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 543,74 euros au titre des congés payés afférents

- débouter M. [L] de l'ensemble de ses autres demande indemnitaires

- condamner M. [L] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- le condamner aux entiers dépens ;

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 4 mai 2023 ;

SUR CE ;

EXPOSE DU LITIGE :

Selon contrat à durée indéterminée en date du 15 avril 2008, M. [P] [L] a été engagé par la SARL R'LAN, spécialisée dans les réseaux radio pour les opérateurs internet, en qualité de technicien de production puis a été promu chef d'équipe position 2.2, par avenant en date du 14 mars 2013 portant sa rémunération à 2 500 euros bruts, pour une durée hebdomadaire de 39 heures.

Le 24 janvier 2019, l'employeur a notifié à M. [L] un avertissement pour un manque d'investissement au cours de l'une de ses missions ayant entraîné une insuffisance de résultats.

Le 2 avril 2019, l'employeur a adressé à M. [L] plusieurs avertissements lui reprochant l'utilisation du véhicule de service à des fins personnelles, une mise en situation de danger lors de l'utilisation d'un véhicule VOLKSWAGEN T5 et les difficultés commerciales rencontrées avec un client.

Dans un courrier du 8 avril 2019, M. [L] a contesté ces derniers avertissements auprès de l'employeur qui les a cependant maintenus.

Le 3 juillet 2019, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable et a été licencié pour faute grave le 19 juillet 2019, l'employeur lui reprochant de ne pas avoir informé sa direction de la situation de danger créée par le camion nacelle NISSAN et d'avoir utilisé ce dernier en dépit des règles d'exploitation prévues au CACES et sans veiller à son entretien.

Contestant les conditions d'exécution de son contrat de travail et les motifs de sa rupture, M. [L] a saisi le 30 juin 2020 le conseil de prud'hommes de Besançon pour voir annuler les avertissements délivrés, voir dire sans cause réelle et sérieuse son licenciement et obtenir diverses indemnisations, saisine qui a donné lieu au jugement entrepris.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I - Sur les avertissements :

Aux termes des articles L 1331-1 et suivants du code du travail, l'employeur dispose à l'égard de ses salariés d'un pouvoir disciplinaire pour sanctionner leurs comportements fautifs.

En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié en application de l'article L 1333-1 du code du travail.

Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

- sur l'avertissement du 24 janvier 2019 :

En l'espèce, M. [L] a fait l'objet d'un avertissement le 24 janvier 2019, l'employeur lui reprochant son manque d'investissement dans la gestion de la commande de la Ville de [Localité 3] ayant eu pour conséquence une insuffisance de résultats.

Pour en justifier, l'employeur rappelle que seul M. [L] avait la charge de ce chantier, pour lequel un repérage avait été effectué le 11 juillet 2018 (pièces 97 et 98), et soutient que malgré les termes du devis du 5 novembre 2018 (pièce 100), ce dernier n'a pas effectué le deuxième repérage qui s'imposait avant la réalisation des travaux avec tout le sérieux nécessaire et en respect des consignes données.

L'employeur se prévaut ainsi d'une part de l'attestation de M. [M] (pièce 20), lequel a constaté l'absence de réalisation des repérages des chambres avec test et aiguillage des fourreaux avant l'intervention du 20 décembre, et d'autre part, des échanges entre M. [X], directeur, et M. [L] du 24 décembre 2018 (pièces 15 et 16), confirmant l'absence de toute préparation adéquate du chantier préalablement à la venue sur site le 18 décembre 2018 et le blocage subséquent de l'équipe les 20 et 21 décembre 2018, contraignant à la programmation d'une nouvelle intervention les 2, 3 et 4 janvier 2019 (pièces 18 et 19), contrairement aux prévisions du devis.

Si M. [L] conteste de tels faits, ce dernier ne justifie cependant aucunement avoir contredit ces derniers préalablement à la saisine du conseil de prud'hommes.

S'il soutient par ailleurs que le chantier ne pouvait être réalisé dans les deux jours impartis des 20 et 21 décembre 2018, le salarié ne s'explique cependant aucunement sur l'absence de réalisation des travaux préparatoires qu'il devait exécuter le 18 décembre 2018 et sur l'absence de tout retour des difficultés à son employeur préalablement au 24 décembre 2018, date à laquelle M. [X] les a découvertes et l'a sommé de lui apporter les éléments de réponse utiles.

La justification d'un tel comportement ne saurait en aucune façon provenir du fait qu'il s'agissait de 'son premier chantier de passage de fibre', dès lors que M. [L] présentait manifestement les compétences requises pour y procéder et pour répondre de l'organisation du chantier confié.

L'avertissement notifié le 24 janvier 2019, dans le délai de deux mois de la connaissance qu'a eue l'employeur des faits commis les 18, 20 et 21 décembre 2018, était enconséquence parfaitement justifié et proportionné à la faute commise.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [L] de sa demande d'annulation de cet avertissement.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

- sur les avertissements du 2 avril 2019 :

En l'espèce, M. [L] a fait l'objet de trois avertissements distincts :

- le premier pour utilisation à des fins personnelles d'un véhicule de service le vendredi 1er mars 2019 ayant empêché M. [F] de travailler en l'absence de véhicule de service

- le deuxième pour défaut de suivi de l'entretien du véhicule VOLKSWAGEN T5, lequel présentait une usure totale de ses freins arrière le 28 février 2019, alors qu'il avait été informé par le garage, suite à la révision du véhicule le 8 juin 2018, de la nécessité de contrôler régulièrement ces derniers

- le troisième pour manque d'investissement dans le dossier du Conseil départemental de Haute-Marne, qui a conduit à la suspension de toutes les commandes par ce client.

Pour en justifier, l'employeur se prévaut d'une note de service en date du 10 octobre 2017 (pièce 70) rappelant 'que les véhicules de services sont réservés à l'usage strict du service' et soutient que si elle a pu ponctuellement autoriser M. [L] à utiliser son véhicule de service, une telle dérogation était cependant soumise préalablement à son accord.

En l'état, M. [L] ne démontre pas avoir bénéficié d'une autorisation d'utilisation à des fins personnelles de son véhicule de service le 1er mars 2019, alors même qu'il se trouvait en journée de récupération à son domicile. Par ailleurs, si les échanges de courriers produits (pièce 49) témoignent qu'il effectuait les trajets domicile-travail avec son véhicule de service en accord avec son employeur qui y voyait ' des trajets de service', une telle tolérance était cependant concédée à raison d'un aller et retour par jour et manifestement les seuls jours travaillés et non chômés par le salarié de manière à ne pas désorganiser l'entreprise et de la priver d'un véhicule.

Ce fait fautif, manifestement non prescrit, est bien établi.

Quant à l'entretien du véhicule VOLKSWAGEN, l'employeur rappelle que le contrat de travail imposait à M. [L] de veiller au bon entretien du véhicule de service confié et se prévaut du contrôle déjà tardif pour le changement des freins avant en mai 2018 (pièce 30) et de l'alerte qui avait été donnée le 9 juin 2018 sur l'état des freins arrière, pour illustrer la particulière négligence dont a fait preuve le salarié en matière de sécurité.

Si M. [L] ne disconvient pas de ce mauvais état, il soutient cependant que l'employeur a sciemment limité les frais d'intervention sur le véhicule et ne l'a au surplus pas informé des comptes-rendus des révisions dont il n'était pas destinataire directement par les garages.

De telles allégations sont manifestement démenties par les courriels produits par l'employeur (pièce 36) et par sa propre pièce 53 (courriel par lequel il communique lui-même à la direction différents devis de garage), témoignant que seul le salarié, qui amenait son véhicule au garage et organisait avec ce dernier les différentes réparations à mener (pièce 33), était réellement informé de l'état du véhicule de service qui lui était confié. Aucune pièce ne vient par ailleurs démontrer que l'employeur aurait cherché à limiter les frais dans l'attente 'du remplacement du véhicule', ce dernier ne présentant au demeurant qu'un kilométrage de 85 603 pour une mise en circulation datant du 9 avril 2015.

M. [L] ne peut en conséquence utilement se prévaloir d'un défaut d'information de l'usure des plaquettes arrière pour voir écarter sa responsabilité.

Il ne peut pas plus invoquer les obligations que M. [F] et M. [R], autres salariés, avaient pu eux-même contracter vis-à-vis de ce véhicule, dès lors d'une part, qu'aux termes de l'avenant à son contrat de travail en date du 14 mars 2013, il était expressément en charge du site de [Localité 7] dont il assurait l'organisation et la direction, et par conséquence la gestion de son parc automobile, l'employeur ayant pour sa part son siège social dans la Sarthe, et que d'autre part, ses propres plannings (pièce 44) attestent de l'utilisation dudit véhicule VOLKSWAGEN T5.

Ce fait fautif, manifestement non prescrit, est bien établi.

Enfin, quant à la commande du conseil départemental de Haute-Marne, l'employeur soutient que malgré son ancienneté, M. [L] ne lui transmettait plus les DOE à la fin de chaque chantier mais bien postérieurement et souvent incomplets, ce qui avait conduit à la perte du marché avec le conseil départemental.

Pour en justifier, l'employeur produit différents courriels desquels il résulte qu'au 14 mars 2019 (pièces 21, 22 et 22 bis), M. [L] n'avait toujours pas transmis, malgré plusieurs rappels en suite de la lettre de mécontentement du commanditaire le 17 janvier 2019, les DOE complets des chantiers des collèges de [6] et [Localité 8] réalisés les 20 et 21 août 2018.

Si M. [L] soutient avoir au contraire rempli ses obligations, ce dernier ne s'explique pas sur la tardiveté reprochée au regard de la date de réalisation des travaux et sur l'incomplétude des pièces ainsi transmises, alors même que dans son courriel du 14 mars 2019, il admet lui-même à cette date la nécessité de compléter les DOE des collèges de [6] et d'[2] à [Localité 8] et transmet le DOE du chantier Ortiz, dont les travaux ont été achevés le 18 février 2019.

Il importe peu en l'état que M. [L] n'ait pas lui-même procédé aux mises en services, dès lors que l'établissement des DOE est obligatoire et doit être préparé par la personne en charge du chantier, avant sa vérification par l'employeur et sa transmission au client.

Ce fait fautif, manifestement non prescrit pour avoir perduré dans le temps jusqu'au 14 mars 2019, est établi.

L'avertissement notifié le 2 avril 2019, dans le délai de deux mois de la connaissance qu'a eue l'employeur des faits commis, était en conséquence parfaitement justifié et proportionné à la faute commise.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [L] de sa demande d'annulation desdits avertissements.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

II - Sur la rupture du contrat de travail :

Aux termes de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse et il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du motif l'ayant conduit à se séparer du salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, la SARL R'LAN reproche à M. [L], dans sa lettre de licenciement du 19 juillet 2019, d'avoir :

- omis de procéder au contrôle technique du camion nacelle NISSAN immatriculé [Immatriculation 4] depuis le 3 octobre 2018

- omis de procéder à la vérification générale périodique du camion nacelle NISSAN immatriculé [Immatriculation 4] depuis le 2 avril 2019

- utilisé le camion nacelle NISSAN immatriculé [Immatriculation 4] en l'absence de contrôle technique obligatoire à onze reprises comme le stipule le rapport d'activité

- utilisé le camion nacelle NISSAN immatriculé [Immatriculation 4] en l'absence de vérification générale périodique obligatoire à quatre reprises

- manqué à son obligation d'informer la direction d'une situation de danger dont il y a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa santé ou sa vie, pour celle du collaborateur dont il a la responsabilité, et celle des piétons et autres automobilistes

- manqué à sa responsabilité lors de l'utilisation et de l'exploitation du camion nacelle NISSAN immatriculé [Immatriculation 4], malgré sa formation CACES

- manqué à ses obligations contractuelles spécifiées par l'article IV du contrat de travail indiquant qu'il devait veiller au bon entretien courant du véhicule,

faits caractérisant une faute grave selon l'employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

Pour en justifier, l'employeur produit le certificat d'immatriculation du véhicule NISSAN immatriculé [Immatriculation 4] (pièce 41) et la dernière facture de vérification générale périodique du 2 octobre 2018 (pièce 16), desquels il résulte que ce camion devait faire l'objet d'un contrôle technique au plus tard le 3 octobre 2018 et d'une vérification générale périodique au 2 avril 2019 conformément aux règles en vigueur (pièce 93), démarches non-accomplies au 21 mai 2019.

Si M. [L] soulève la prescription de tels faits, ces derniers ont cependant été portés à la connaissance de l'employeur le 22 mai 2019, après la découverte par M. [L] du dépassement de la date du contrôle technique et l'organisation de ce dernier en urgence le 21 mai 2019 (pièce 50), comme en témoignent ses propres conclusions et les courriels de M. [H] du 22 mai 2019 prenant acte du contrôle technique et sollicitant la prise d'un rendez-vous pour procéder à la vérification générale périodique échue (pièces 51 et 52).

Les faits reprochés au salarié ne sont en conséquence aucunement prescrits.

Ces derniers sont par ailleurs parfaitement imputables à M. [L], dès lors que contrairement à ce que ce dernier soutient, il était non seulement conducteur du camion-nacelle mais également chef d'équipe et responsable du site de [Localité 7] de telle sorte qu'il était tenu contractuellement de procéder aux vérifications usuelles du bon entretien et de l'état des véhicules présents sur le site et devaient procéder aux contrôles techniques et aux vérifications générales périodiques nécessaires, lesquels nécessitaient au surplus une mention expresse sur le cahier de sécurité tenu au sein de l'établissement. (pièce 93)

Il importe peu en l'état que le camion nacelle n'ait pas effectué 40 000 kilomètres entre les deux visites périodiques ou que M. [L] et M. [F] n'aient observé aucun dysfonctionnement du véhicule, la mise en danger étant caractérisée indépendamment du nombre de kilomètres parcourus et des potentiels ressentis des conducteurs.

Tout autant est sans emport le fait que l'employeur ait à sa disposition une copie des certificats d'immatriculation ou que préalablement à l'acquisition en 2015 du camion nacelle, l'employeur ait privilégié la location, M. [L] ayant contracté en sa qualité de responsable de site une obligation d'entretien et de sécurité que reprenait le registre de sécurité (pièce 111) et dont il devait répondre.

Il en est de même des prétendus manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, le fait que ce dernier ait envoyé M. [L] à deux reprises loin de son domicile alors que son épouse était enceinte ou l'ait rappelé pour finir une mission durant ses vacances de fin d'année, étant sans aucune incidence sur la nature et l'importance des fautes aujourd'hui reprochées au salarié.

Au contraire, l'ensemble des courriels et des diverses sanctions prises par l'employeur témoigne que ce dernier était parfaitement concerné par la sécurité de ses salariés et vigilant pour éviter toute situation de danger, sans qu'une telle situation ne puisse s'apparenter 'à un acharnement de l'employeur à son égard' et à une 'volonté de se débarrasser de son salarié', comme le soulève en dernier lieu le salarié. Si M. [L] a certes présenté un état anxio-dépressif et un épuisement professionnel le 31 mai 2019, aucun élément ne permet cependant de mettre en lien une telle constatation du docteur [K], médecin généraliste remplaçant (pièce 30), avec des agissements inappropriés de son employeur à son égard.

Considérant l'ensemble de ces développements, les faits reprochés à M. [L] sont parfaitement établis et caractérisent une faute grave, rendant impossible la poursuite du contrat de travail, dès lors qu'ils ont indéniablement mis en danger la sécurité du salarié lui-même, de ses collaborateurs et de tiers ; qu'ils constituent des manquements importants à l'obligation de sécurité et d'entretien à laquelle il était tenu contractuellement et qu'ils s'inscrivent indéniablement dans un contexte de répétition, le salarié ayant d'ores et déjà été sanctionné pour un défaut d'entretien de son véhicule le 2 avril 2019.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu la faute grave et ont débouté M. [L] de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d'indemnité de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour perte injustifiée de l'emploi, de dommages et intérêts pour l'humiliation du chômage et de dommages et intérêts pour perte de niveau de vie.

III- Sur le caractère vexatoire du licenciement :

Les circonstances vexatoires dans lesquelles un licenciement a été prononcé peuvent ouvrir droit à un indemnisation du préjudice ainsi subi, indépendamment du caractère fondé ou non du licenciement (Cass soc 16 décembre 2020 n° 18-23 966).

En l'espèce, M. [L] présente une demande de dommages et intérêts pour préjudice moral 'en raison du caractère vexatoire entourant les conditions de son licenciement'.

M. [L] ne consacre cependant aucun développement dans ses conclusions pour contester les conditions dans lesquelles le licenciement est intervenu et caractériser la faute qu'aurait pu ainsi commettre à son encontre l'employeur dans l'organisation de la procédure de licenciement comme dans sa notification.

Le salarié se contente au contraire de détailler les conséquences qu'il impute à la situation de chômage, contre laquelle il présente une indemnisation spécifique et qui ne saurait aucunement déterminer des circonstances particulièrement vexatoires, humiliantes ou irrespectueuses pouvant conduire à l'indemnisation d'un préjudice moral.

Le jugement entrepris sera en conséquent confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de ce chef de demande.

IV- Sur le manquement à l'obligation de sécurité :

Aux termes de l'article L4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en organisant des actions de prévention des risques professionnels, en prévoyant des actions d'information et de formation et en s'assurant de la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'obligation de sécurité est une obligation de moyens. (Cass soc 14 novembre 2018 n° 17-18 890)

En matière d'exposition à l'amiante, la Cour de cassation a retenu qu'en application des règles du droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifiait d'une exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, pouvait agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 d ela loi du 23 décembre 1998 modifié. (Cass Ass plénière - 5 avril 2019 n° 18-17.442).

En l'espèce, M. [L] soutient que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en

l'exposant à l'amiante lors de la réalisation d'un chantier en fin d'année 2014, sans que ce dernier, informé, ne prenne aucune mesure pour l'en protéger et qu'il a ainsi développé un préjudice d'anxiété dont il sollicite l'indemnisation.

Si M. [L] fait grief aux premiers juges d'avoir déclaré son action prescrite, ces derniers ont cependant retenu à raison, comme le soulevait à bon droit l'employeur, que l'action en réparation du préjudice d'anxiété devait être engagée dans les deux ans de la date à laquelle le salarié avait eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l'amiante (Cass soc 12 novembre 2020 n° 19-18.490) et que ce point de départ ne pouvait être antérieur à la date à laquelle cette exposition avait pris fin. (Cass soc- 8 juillet 2020 n° 18-26.585).

Or, au cas présent, l'exposition revendiquée par M. [L] a cessé en fin d'année 2015 lorsque les travaux de désamiantage du bâtiment acquis par l'employeur ont été achevés, sans que le salarié, qui connaissait la réalisation desdits travaux et la présence de cette substance nocive comme en témoignent ses pièces 17 et 18 en date de décembre 2012 et novembre 2014, ne démontre avoir découvert postérieurement leurs conséquences sur sa santé et la forte probabilité de développer une pathologie grave.

Aucun élément ne permet de retenir que le salarié 'n'aurait eu conscience de ce risque que dans un temps très proche de l'introduction de l'action devant le conseil de prud'hommes', comme ce dernier le soutient dans ses conclusions sans l'étayer dans ses pièces, alors même que cette charge de la preuve lui incombe.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré prescrite la demande présentée par M. [L] au titre du préjudice d'anxiété.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

V - Sur les heures supplémentaires :

Aux termes de l'article L 3121-27 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine. Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire est une heure supplémentaire ouvrant droit à une majoration, ou le cas échéant, à un repos compensateur équivalent, conformément à l'article L 3121-28 du code du travail.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires , il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [L] soutient avoir effectué :

- 45,25 heures supplémentaires en 2017

- 68 heures supplémentaires en 2018

- 66,51 heures supplémentaires en 2019

et produit trois décomptes (pièce 17) reprenant de manière globale les heures supplémentaires prétendues exécutées sur les années concernées.

Si l'employeur admet l'existence d' heures supplémentaires, ce dernier conteste les quantum ainsi sollicités et justifie, au regard du contrôle qu'il a lui-même effectué de la durée du temps de travail de son salarié, avoir reporté sur l'année 2018 37 heures 20 (pièce 78) et avoir été débiteur de 10 heures 40 en 2018 (pièce 79) et de 56 heures 16 en 2019 (pièce 80), lesquelles ont été payées à M. [L] avec le salaire de juillet 2019 pour un montant de 1 389,58 euros. (pièces 76 et 77)

Au regard des seuls éléments produits par le salarié, particulièrement vagues en l'absence de tout horaire, et de ceux de l'employeur, qui justifie ainsi du contrôle précis des heures effectuées, la cour acquiert la conviction que M. [L] n'a pas accompli d'autres heures supplémentaires que celles effectivement payées par la société R'LAN.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré M. [L] rempli de ses droits et l'ont débouté de sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

VI- Sur les autres demandes :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, M. [L] sera condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [L] sera condamné à payer à la SARL R'LAN la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Besançon du 20 janvier 2022 en toutes ses dispositions

- Condamne M. [P] [L] aux dépens d'appel

- Et vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [P] [L] à payer à la SARL R'LAN la somme de 2 000 euros et le déboute de sa demande présentée sur le même fondement.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le quatre juillet deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, président de chambre, et Xavier DEVAUX, directeur de greffe.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00262
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;22.00262 ?
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