ARRÊT N°
JFL/FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 04 JUILLET 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 02 mai 2023
N° de rôle : N° RG 21/02246 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EOUM
S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE VESOUL en date du 26 octobre 2021 [RG N° 20/01011]
Code affaire : 31D Demande en garantie formée contre le vendeur
[J] [N] [K] [W], [F] [A] [J] [D] épouse [W] C/ [G] [M], [B] [H]
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [J] [N] [K] [W]
né le 12 Octobre 1955 à [Localité 7], de nationalité française,
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Camille BEN DAOUD de la SELARL HBB AVOCAT, avocat au barreau de BESANCON
Madame [F] [A] [J] [D] épouse [W]
née le 06 Mars 1956 à [Localité 5] ([Localité 5]), de nationalité française,
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Camille BEN DAOUD de la SELARL HBB AVOCAT, avocat au barreau de BESANCON
APPELANTS
ET :
Monsieur [G] [M]
né le 03 Décembre 1979 à [Localité 4] ([Localité 4]), de nationalité française, demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Laurence HERTZ NINNOLI, avocat au barreau de HAUTE-SAONE
Madame [B] [H]
née le 02 Février 1980 à [Localité 3] ([Localité 3]), de nationalité française,
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Laurence HERTZ NINNOLI, avocat au barreau de HAUTE-SAONE
INTIMÉS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, magistrat rédacteur et Cédric SAUNIER, conseiller.
L'affaire, plaidée à l'audience du 02 mai 2023 a été mise en délibéré au 04 juillet 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Exposé du litige
M. [J] [W] et son épouse Mme [F] [D] (les époux [W], les vendeurs) ont acquis le 15 septembre 1995 des époux [Y] une propriété dite [Adresse 8] à [Localité 6] (70), comportant une cave, qu'ils ont revendue le 24 juillet 2015 à M. [G] [M] et à Mme [B] [H] (les consorts [X], les acquéreurs). Ceux-ci, déplorant la découverte d'une seconde cave très humide dont les poutres vermoulues s'étaient affaissées de même que le sol d'une chambre qu'elles soutenaient, ont assigné les vendeurs le 20 juillet 2020 pour les voir condamner aux frais de raccordement d'une fosse septique et à des dommages et intérêts pour réfection de la cave délabrée, réfection de la chambre au-dessus, et préjudice moral.
Le tribunal judiciaire de Vesoul, par jugement du 26 octobre 2021, a dit établie la faute dolosive commise par les époux [W] et les a condamnés à payer aux consorts [X] les sommes de 12 234,74 euros à titre d'indemnité, 2 500 euros à titre de dommages et intérêts et 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, a rejeté les demandes plus amples ou contraires et a condamné les époux [W] aux dépens comprenant le coût du procès-verbal d'huissier en date du 5 janvier 2016.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :
- que les vendeurs s'étaient rendus coupables d'une réticence dolosive en s'abstenant de préciser aux acquéreurs l'existence de cette ancienne cave, et la nécessité des travaux à y réaliser ainsi que dans la chambre au-dessus, alors qu'eux-mêmes en connaissaient nécessairement l'existence et que les acquéreurs, s'ils l'avaient aussi connue, auraient indubitablement renoncé à l'acquisition ou auraient sollicité une réduction du prix ;
- que le dol avait fait perdre aux acquéreurs une chance de contracter à des conditions plus avantageuses, et les avait empêchés de loger leur fille dans la chambre au plancher affaissé, justifiant une indemnisation de 2 500 euros.
Les époux [W] ont interjeté appel de cette décision par déclaration parvenue au greffe le 22 décembre 2021. L'appel critique expressément tous les chefs de jugement sauf le rejet des demandes plus amples ou contraires des consorts [X].
Par conclusions transmises le 4 octobre 2022 visant l'article 1116 ancien du code civil, les appelants demandent à la cour demandent à la cour d'infirmer les chefs de jugement critiqués et de :
à titre principal,
- dire que la réticence dolosive n'est pas caractérisée ;
- débouter les consorts [X] de toutes demandes ;
à titre subsidiaire,
- cantonner le coût des travaux à ceux strictement nécessaires à la remise en état de la chambre du rez-de-chaussée, suivant devis d'un montant de 2 789,64 euros ;
- débouter les consorts [X] du surplus de leurs demandes dont celle concernant l'aménagement de la cave et celle portant sur l'indemnisation d'une perte de chance de ne pas contracter ;
en tout état de cause,
- condamner in solidum les consorts [X] à leur payer 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens, dont distraction au profit de Me Ben Daoud, avocat.
Les appelants soutiennent :
- qu'ils ignoraient l'existence de la seconde cave ;
- qu'à supposer la dissimulation acquise, elle n'était pas intentionnelle, les époux [W] ayant au contraire fait preuve de la plus grande transparence en fournissant tous les plans et factures de travaux, et en mettant la maison à disposition des acquéreurs pendant deux week-ends précédant la vente ;
- que par ailleurs il n'est pas établi, ni indubitable, ni évident, que le dol aurait été déterminant du consentement des acquéreurs ;
- et, subsidiairement, que le préjudice se limite aux frais de remise en état des poutres et du plancher de la chambre, sans inclure l'aménagement complet de la deuxième cave dont les acquéreurs se retrouvent propriétaires alors qu'ils en ignoraient l'existence à l'achat ;
- qu'enfin l'indemnité allouée par le premier juge au titre de la perte de chance d'acquérir à meilleur prix fait double emploi avec l'indemnisation des travaux de reprise, qui correspond déjà à une diminution du prix.
Par conclusions transmises le 11 avril 2023 visant les articles 1137 et 1178 du code civil, les intimés demandent à la cour de :
- confirmer le jugement attaqué ;
- condamner les appelants à leur payer 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens.
Les intimés soutiennent :
- que les époux [W] connaissaient nécessairement l'existence de la seconde cave, dont ils avaient masqué l'ancienne entrée ;
- que si l'existence de cette seconde cave ne leur avait pas été dissimulée, ils n'auraient pas acquis, ou seulement à prix moindre ;
- qu'en conséquence les époux [W] doivent être condamnés à payer la réfection de la cave et la réfection de la chambre au-dessus ;
- qu'ils subissent en outre un préjudice du fait d'avoir été privés pendant huit ans de la possibilité d'utiliser la chambre qu'ils destinaient à leur fille.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'instruction a été clôturée le 28 avril 2023. L'affaire a été appelée à l'audience du 2 mai 2023 mise en délibéré au 4 juillet suivant.
Motifs de la décision
La connaissance par les vendeurs de l'existence de la seconde cave ne résulte pas de leur acte d'acquisition, ni de celui de leur vendeur, ces actes mentionnant une seule cave, étrangère au litige.
Les plans, photographies et explications fournies par les parties montrent cependant qu'une seconde cave se trouvait sous l'une des chambres du rez-de-chaussée de la maison, qu'elle avait autrefois disposé de deux ouvertures mais que celles-ci avaient été condamnées : Le soupirail ouvert au ras du sol extérieur sous la fenêtre de la chambre avait été obturé par une plaque de ciment, et la porte d'accès ouvrant sur l'extérieur avait été murée en pierres à une date inconnue, puis barrée par l'édification d'un escalier extérieur au cours de l'année 1997.
Les plans de la façade ouest établis à cette date pour leur projet d'agrandissement d'une ouverture, étrangère au litige, et pour le projet de création de l'escalier à l'emplacement de l'ancienne porte de cave, ne représentent pas le soupirail et ne permettent donc pas de déduire que les vendeurs avaient connaissance de son existence lorsque ces plans ont été faits. Les photographies du soupirail produites de part et d'autre montrent que celui-ci, avant d'être découvert, était enterré assez profondément pour que son embrasure supérieure, se trouvant au même niveau que le sol enherbé, puisse avoir été invisible. Ainsi dissimulé, l'ancien soupirail ne trahissait pas nécessairement l'existence de la cave aux yeux des occupants de la maison. Il ne s'en déduit donc pas que les époux [W] avaient connaissance de la cave par celle du soupirail.
Cette connaissance ne se déduit pas mieux de l'état du mur contre lequel ils ont édifié l'escalier extérieur. En effet, au regard des deux photographies anciennes représentant l'escalier extérieur et le mur de pierres dans lequel était autrefois percée la porte de la cave, la disposition régulière des pierres ne laisse subsister aucun indice permettant de discerner l'existence d'une ancienne ouverture. La présence d'une longue pièce de bois horizontale incorporée au bas du mur, effectivement visible tant sous l'escalier que dans le prolongement de ses premières marches et identifiée par les acquéreurs comme l'ancien linteau de la porte murée après qu'il avaient démonté le mur et découvert la cave, n'avait pas nécessairement été identifié comme tel par les vendeurs avant de telles investigations destructrices, s'agissant d'une bâtisse ancienne, autrefois à usage de moulin et déjà remaniée, notamment par le remplissage de l'ancien canal voûté visible à proximité immédiate de la cave litigieuse, de sorte que la seule présence de la pièce de bois dans le mur n'était pas de nature à donner aux occupants la nécessaire connaissance de la présence d'une cave derrière ce mur.
[E] [Y], dont les parents ont vendu la maison aux époux [W] le 15 septembre 1995, atteste dans les termes suivants 'à la vente du [Adresse 8], M. et Mme [W] étaient au courant de la cave sous la chambre. Cette cave avait une porte d'entrée en dehors ... Maintenant ils ont fait un escalier extéreur qui masque cette porte.' Cette attestation est toutefois peu probante dès lors que son auteur n'indique pas sur quoi il peut fonder son affirmation, dès lors que celle-ci entre en contradiction avec l'acte de vente du 15 septembre 1995, par lequel, comme déjà relevé, ses parents on vendu une maison comportant une cave et non deux, et dès lors qu'il n'explique pas comment les époux [W] auraient pu avoir connaissance de cette seconde cave non mentionnée dans leur acte d'acquisition.
Enfin, la connaissance de la seconde cave par les époux [W] ne se déduit pas non plus du fait qu'ils ont fait divers travaux dans la maison, dont la réfection du sol de la chambre au-dessus de la cave en utilisant des matériaux spécifiques résistants à l'humidité, dès lors d'une part que le constat d'une humidité justifiant l'emploi de ces matériaux n'impliquait pas la connaisance de sa cause précise, ultérieurement identifiée comme la présence de l'ancienne cave murée, non aérée et particulièrement humide, et dès lors d'autre part que les artisans concernés attestent n'avoir jamais eu connaissance de l'existence de cette cave.
N'étant ainsi établies ni la connaissance par les vendeurs de l'ancienne cave, ni par conséquent la dissimulation de celle-ci au titre de laquelle le dol est invoqué, la cour infirmera le jugement déféré pour débouter M. [M] et Mme [H] de leurs demandes.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement rendu entre les parties le 26 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Vesoul ;
statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M. [G] [M] et Mme [B] [H] de leurs demandes ;
Les condamne in solidum à payer à M. [J] [W] et à Mme [F] [D], ensemble, la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les condamne in solidum aux dépens de première instance et d'appel ;
Accorde aux avocats qui l'ont demandé le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
La greffière Le président de chambre