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04/07/2023 | FRANCE | N°21/01753

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 04 juillet 2023, 21/01753


ARRÊT N°



CS/FA









COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 04 JUILLET 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE









Contradictoire

Audience publique du 02 mai 2023

N° de rôle : N° RG 21/01753 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENVI



S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANCON en date du 21 juillet 2021 [RG N° 2018002300]

Code affaire : 50B Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le

non-paiement du prix





S.A.S. BATIPRO CONCEPT C/ S.C.I. PIENIEK





PARTIES EN CAUSE :





S.A.S. BATIPRO CONCEPT immatriculée au RCS de BESANCON sous le numéro 493 447 973, prise en l...

ARRÊT N°

CS/FA

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 04 JUILLET 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 02 mai 2023

N° de rôle : N° RG 21/01753 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENVI

S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANCON en date du 21 juillet 2021 [RG N° 2018002300]

Code affaire : 50B Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix

S.A.S. BATIPRO CONCEPT C/ S.C.I. PIENIEK

PARTIES EN CAUSE :

S.A.S. BATIPRO CONCEPT immatriculée au RCS de BESANCON sous le numéro 493 447 973, prise en la personne de ses représentants légaux demeurant pour ce audit siège

Sise [Adresse 1]

Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,

Représentée par Me Jean-philippe DEVEVEY de la SELARL SELARL JEAN-PHILIPPE DEVEVEY, avocat au barreau de BESANCON, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

S.C.I. PIENIEK

[Adresse 2]

RCS de Besançon sous le numéro 433 967 544

Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD

INTIMÉE

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, président de chambre

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, conseiller et Cédric SAUNIER, magistrat rédacteur.

L'affaire, plaidée à l'audience du 02 mai 2023 a été mise en délibéré au 04 juillet 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, procédure et prétentions des parties

La SCI Pieniek a confié à la SAS Batipro Concept la réalisation d'un bâtiment industriel selon contrat de construction signé le 14 octobre 2016, suivi de quatre avenants les 26 octobre 2016, 4 novembre 2016, 10 novembre 2016 et 13 juillet 2017 ainsi que d'un devis relatif à des travaux supplémentaires établi le 6 septembre 2017 et accepté le lendemain.

Un procès-verbal de réception des travaux sans réserve a été signé le 25 septembre 2017 par les deux contractants.

Le 27 décembre suivant, la société Batipro Concept a adressé à la société Pieniek une mise en demeure de payer la somme de 38 021,60 euros, délivrée le 29 décembre suivant.

Par ordonnance d'injonction de payer rendue le 20 avril 2018 et signifiée à personne morale le 17 mai suivant, le président du tribunal de commerce de Besançon a enjoint à la société Pieniek de régler à la société Batipro Concept la somme de 38 021,60 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2017, outre les dépens et frais de greffe.

Sur opposition formée le 25 mai 2018 par la société Pieniek invoquant des malfaçons, et après rapport d'expertise amiable établi à la demande de cette dernière par M. [B] [R] le 3 mai 2018, une expertise judiciaire a été diligentée par M. [I] [T] lequel conclut dans son rapport établi le 6 février 2020 à l'existence des désordres suivants relevant de la responsabilité du constructeur :

- des pénétrations d'eau par la façade sud/ouest ;

- de l'humidité en pied de longrine ;

- des pénétrations d'eau par les portes battantes en façade sud/est ;

- une oxydation de la charpente ;

- un défaut de fixation des butées de porte ;

- un défaut de fixation du poteau du portail ;

- des odeurs d'égoût dans le local non aménagé, auxquelles il a été remédié par la pose de couvercles vissés en PVC sur les évacuations disposées en attente ;

- une oxydation des écrous et boulons d'assemblage de la platine de fixation de l'avancée de la façade sur l'angle nord/ouest ;

- une stagnation d'eau devant la façade sud/ouest.

Par jugement rendu le 21 juillet 2021, le tribunal de commerce de Besançon a :

- débouté la société Batipro Concept de sa demande de nullité du rapport d'expertise et des conclusions de l'expert judiciaire ;

- condamné la société Pieniek à payer à la société Batipro Concept le solde du marché de travaux d'un montant de 38 021,60 euros TTC outre intérêts au taux contractuel égal à trois fois le taux légal à compter du courrier de mise en demeure du 27 décembre 2017 ;

- condamné la société Batipro Concept à payer à la société Pieniek la somme de 51 950 euros TTC ;

- dit qu'après compensation, la société Batipro Concept devra payer à la société Pieniek la somme de 13 928,40 euros à parfaire avec le calcul des intérêts dus sur la somme de 38 021,60 euros ;

- débouté la société Pieniek de toutes ses autres demandes ;

- condamné la société Batipro Concept à payer à la société Pieniek la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- liquidé les dépens à la somme de 73,22 euros.

Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :

- que les vices de qualité et le défaut de caractère contradictoire du rapport d'expertise judiciaire allégués par la société Batipro Concept ne sont pas établis, tandis qu'aucune demande tendant au remplacement de l'expert n'a été formée au cours des opérations ;

- que la société Batipro Concept n'a pas répondu favorablement aux multiples relances de la part de la société Pieniek pour résoudre les problèmes d'humidité et d'infiltrations dans le bâtiment et ainsi mettre fin aux désordres constatés au cours de l'année de garantie de parfait achèvement ;

- que la société Batipro Concept a réalisé l'ensemble des travaux contractualisés sans être réglée du solde de ceux-ci alors que la société Pieniek ne conteste pas l'absence de règlement ;

- que l'expert judiciaire a estimé le coût global de remise en état du site à la somme de 51 950 euros TTC, de sorte que la société Batipro Concept doit être condamnée à payer cette somme à la société Pieniek ;

- qu'après compensation, la société Batipro Concept devra verser à la société Pieniek la somme de 13 928,40 euros (51 950 - 38 021,60) outre les intérêts dus sur la somme de 38 021,60 euros ;

- que la société Pieniek ne produit aucun élément probant établissant un préjudice de jouissance, lié à l'impossibilité d'utiliser une partie du bâtiment prévu pour un usage administratif, qu'elle évalue à la somme de 54 720 euros.

Par déclaration du 23 septembre 2021, la société Batipro Concept a interjeté appel de ce jugement en sollicitant son annulation et son infirmation sauf en ce qu'il a condamné la société Pieniek à lui payer le solde du marché des travaux d'un montant de 38 021,60 euros outre intérêts et a débouté cette dernière de toutes ses autres demandes.

Selon ses dernières conclusions transmises le 30 mars 2023, elle conclut, outre à l'irrecevabilité de l'appel incident formé par la société Pieniek, à son infirmation en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation du rapport d'expertise et de ses conclusions, l'a condamnée à payer à la société Pieniek une somme de 51 950 euros en réparation des prétendus désordres, a opéré compensation entre les créances respectives des parties de sorte qu'elle doit verser à la société Pieniek une somme de 13 928,40 euros à parfaire avec le calcul des intérêts dus sur la somme de 38 021,60 euros, ainsi qu'en ce qu'il a omis de statuer sur ses demandes de condamnation de la société Pieniek à lui payer une somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ainsi que de capitalisation des intérêts.

La société Batipro Concept demande à la cour statuant à nouveau :

- à titre principal, de déclarer nul le rapport d'expertise de M. [T] ainsi que ses conclusions ;

- à titre subsidiaire, de 'dire et juger' que les conclusions dudit rapport d'expertise ne seront pas homologuées et d'en écarter les conclusions ;

- de rejeter l'opposition à injonction de payer formée par la société Pieniek ;

- de débouter cette dernière du surplus de ses prétentions ;

- de la condamner à lui payer une somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement contractuellement prévue ;

- d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

- de condamner la société Pieniek à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire.

Elle fait valoir, indépendamment de l'irrecevabilité de l'appel incident de l'intimé au motif qu'il ne comporte aucune demande d'infirmation ou de réformation :

- que l'expert judiciaire a retenu, pour chiffrer le coût des travaux réparatoires, le devis produit tardivement et non soumis au débat contradictoire par la société Pieniek qui lui a adressé deux dires les 15 et 22 janvier 2020, soit en dehors du délai impératif fixé au 15 décembre 2019, tandis que l'expert a interdit toute nouvelle transmission des parties par courrier du 24 janvier suivant, de sorte que l'article 16 du code de procédure civile a été violé ;

- qu'en application des articles 234 et 235 du même code, il ne lui était plus possible, après le dépôt du rapport d'expertise, de demander le remplacement de l'expert judiciaire au motif de la violation du principe du contradictoire ;

- concernant les désordres invoqués :

. que l'expert judiciaire a mal qualifié le désordre principal consistant en de prétendues infiltrations d'eau et d'humidité en pied de longrine intérieure en façade sud-ouest, alors qu'il ne s'agit que d'un seul et même désordre lié à un phénomène de condensation au niveau des longrines en béton du fait de l'absence de tout aménagement intérieur - notamment d'isolation - par le maître de l'ouvrage qui s'est réservé ces travaux, ainsi qu'il résulte du rapport établi par la société Socotec Construction ;

. que l'expert judiciaire n'a procédé à aucune recherche de fuite et fait donc état de pénétration d'eau dans le bâtiment les jours de pluies sans aucun élément probant, étant précisé que les photographies, non datées, ne montrent pas d'infiltration mais seulement des traces d'humidité sur la longrine ;

. que la vérification par la SAS Soprema des couvertines et du bardage de la façade sud-ouest n'a révélé aucun défaut de conformité, ce qui contredit les affirmations de M. [R] dans sa note établie le 31 mars 2022 ;

. que l'oxydation de la charpente n'est donc pas due à l'apparition de condensation du fait des travaux réalisés par ses soins, mais de l'absence d'aménagement intérieur ;

. concernant le défaut de fixation du poteau du portail imputé par l'expert judiciaire à un mauvais réglage de sa fin de course, que celle-ci doit être vérifiée annuellement dans le cadre d'un contrat d'entretien que la société Pieniek n'a pas souhaité souscrire ;

. qu'il n'existe aucun problème d'odeur dans les bureaux, de sorte que la mise à sa charge de la somme de 1 500 euros au titre d'un éventuel passage de caméra afin de vérifier les réseaux d'évacuation du bâtiment n'est pas justifiée ;

. que les pénétrations d'eau par les portes battantes en façade sud/est ne nécessitent que la reprise d'un joint de porte à laquelle la société Pieniek s'est opposée ;

. que l'expert n'a constaté aucune stagnation d'eau ou contrepente concernant le revêtement en enrobé des parkings, alors même que la société Socotec Construction a exclu la nécessité d'un drainage périphérique, de sorte qu'il ne saurait être mis à sa charge la somme de 250 euros en reprise de ces enrobés.

La société Pieniek a indiqué former appel incident par conclusions transmises le 22 mars 2022.

Le conseiller de la mise en état a cependant, par ordonnance rendue le 26 avril 2023, constaté que l'intimée n'a pas formé valablement appel incident, a déclaré irrecevables ses demandes tendant d'une part au paiement de la somme de 54 720 euros, sauf à parfaire, en réparation de son préjudice de jouissance, et d'autre part à faire juger que sa condamnation à payer la somme de 38 021,60 euros au titre du solde des travaux ne portera intérêts qu'à compter de la décision à venir et a débouté la société Batipro Concept de sa demande tendant à écarter les pièces versées par la société Pieniek le 30 août 2022.

La société Pieniek fait valoir dans ses ultimes conclusions transmises le 7 septembre 2022, par lesquelles elle sollicite la condamnation de l'appelante à lui régler la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire :

- que le délai fixé par l'expert pour lui adresser des dires était indicatif, alors même qu'elle a adressé ses dires dans le respect de ce délai ;

- que les désordres imputables à l'appelante, relevant selon l'expert de la garantie de parfait achèvement prévue par l'article 1792-6 du code civil, sont établis par le rapport d'expertise et nécessitent la reprise du bardage pour faire cesser les pénétrations d'eau par la façade, la pose d'un drain, le traitement de la longrine ainsi que la reprise de l'enrobé pour faire cesser le problème d'humidité en pied de longrine ;

- que c'est en raison de ces désordres qu'elle n'a pu procéder aux travaux d'aménagement ;

- que l'appelante ne produit aucun élément de nature à établir un chiffrage différent du coût des travaux nécessaires ;

- qu'elle ne peut utiliser que les seuls locaux de stockage à l'exclusion des locaux administratifs, de sorte qu'elle subit un préjudice de jouissance évalué à la somme de 8 euros par mètre carré soit 1 520 euros par mois à compter du 1er novembre 2017, date à laquelle la société Batipro Concept s'était engagée à achever les travaux, de sorte qu'au 1er novembre 2020 la somme de 54 720 euros est due ;

- qu'en vertu de l'exception d'inexécution, le droit à paiement de l'appelante était suspendu de sorte que les intérêts au taux majoré ne sont pas dus.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 avril 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 2 mai suivant et mise en délibéré au 4 juillet 2023.

En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.

Motifs de la décision

A titre liminaire, la cour observe que la demande tendant à l'annulation du jugement dont appel initialement formée par la société Batipro Concept dans sa déclaration d'appel n'est pas soutenue.

- Sur la demande tendant à la nullité du rapport d'expertise,

En application de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

En l'espèce, M. [T], expert judiciaire, a adressé le 3 décembre 2019 un courriel aux conseils des parties en indiquant que 'la date limite de réception des dires est fixée au 15 décembre 2019".

Ce courriel a été suivi d'un second le 24 janvier 2020 par lequel l'expert a indiqué aux mêmes conseils qu'il leur serait 'reconnaissants de bien vouloir [se] conformer aux dates définies pour la transmission des dires et de cesser de [lui] en envoyer', précisant que 'ces envois ne font que retarder la date du rapport définitif d'expertise' dans un contexte de défaut de diligence des parties mentionné par l'expert dans son rapport définitif.

Il est constant que l'expert mentionne et se réfère dans son rapport à deux dires dont il précise qu'ils ont été 'reçus hors délai' les 16 et 22 janvier 2020 de la part du conseil de la société Pieniek par lesquels celui-ci lui a transmis d'une part un rapport de visite thermographique du 31 décembre 2019 réalisé par M. [O] [C] et d'autre part un devis réalisé au titre du bardage par la SAS Barbot le 20 janvier 2020.

Si la transmission au mois de janvier 2020 de ces documents, dont la formalisation n'était conditionnée par aucune démarche préalable de nature à justifier leur réalisation tardive, n'est pas de nature à contribuer à la célérité de la procédure alors même que l'expertise avait été ordonnée près de dix-huit mois plus tôt, la cour observe que la société Batipro Concept ne produit aucun élément attestant qu'un dire établi par ses soins aurait été refusé par l'expert, alors même que le délai fixé au 15 décembre 2019 n'a pas été opposé à la société Pieniek.

Il résulte de ces éléments, ainsi que du libellé du courriel adressé aux parties par l'expert le 24 janvier 2024, que la demande de celui-ci de ne plus être destinataire de dires après le 15 décembre 2019 était explicitement motivée par sa volonté de ne pas retarder la finalisation de son rapport d'expertise seize mois après sa désignation.

La cour observe que tant le rapport d'expertise judiciaire que les pièces transmises à l'expert les 16 et 22 janvier 2020 par la société Pieniek ont été régulièrement versés aux débats et discutés librement entre les parties, ces dernières ayant toute latitude, sous réserve du contradictoire des débats, de produire toute autre pièce, y compris pour la première fois en appel ainsi que la société Batipro Concept l'a elle-même effectué en communiquant notamment une étude de condensation établie le 5 novembre 2021 par la SARL BET Gallet, un avis technique relatif au risque de condensation en pied de paroi établi le 22 novembre 2021 par la société Socotec Construction ainsi qu'un avis technique relatif à la nécessité de mise en place d'un drainage périphérique établi le 23 novembre 2021 par la même société.

Dès lors, étant rappelé qu'il n'appartient pas au juge 'd'homologuer' ou non un rapport d'expertise judiciaire dans le cadre d'un litige relatif à une activité de construction, aucune violation du principe du contradictoire ne justifie l'annulation du rapport d'expertise de sorte que le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Batipro Concept de sa demande formée à ce titre.

- sur la demande d'indemnisation au titre des désordres,

Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

L'article 1792-2 du même code étend la présomption de responsabilité susvisée aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.

Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.

Au termes de l'article 1792-6 du code civil, la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.

En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.

L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.

La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage.

Par ailleurs, et en application de l'article 1147 devenu 1231-1 du code précité applicable au litige, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il résulte de ces dispositions que la soumission d'un désordre aux dispositions de l'article 1792 du code civil est conditionnée par sa seule importance, à savoir son incidence sur la solidité de l'ouvrage ou sur son impropriété à destination, tandis que la garantie de parfait achèvement a pour seul objet l'obligation d'assurer l'achèvement des travaux et non une indemnisation.

En l'espèce, la cour relève que ni l'expert judiciaire, ni le juge de première instance, n'ont explicitement qualifié la nature des désordres, tandis que seule une référence générale aux dispositions des 'articles 1792 et suivants' du code civil figure à la fois dans le jugement critiqué et dans les ultimes écritures de chacune des parties en appel.

La cour rappelle que la garantie de parfait achèvement ne revêt pas une finalité indemnitaire mais a pour objet de contraindre l'intervenant ayant réalisé les travaux à procéder à la reprise des désordres, de sorte qu'elle est impropre à constituer le fondement de la demande en paiement formée par la société Pieniek.

Concernant la problématique d'étanchéité du bâtiment, la société Batipro Concept ne conteste pas la présence d'humidité au niveau des longrines relevée par l'expert judiciaire, étant observé que ce dernier précise dans son rapport que les infiltrations sont majorées par la condensation invoquée par la société Batipro Concept et dont le risque est confirmé par les rapports établis le 5 novembre 2021 par la société BET Gallet et le 22 novembre suivant par la société Socotec Construction.

Contrairement aux affirmations de la société Batipro Concept, tant l'évaluation du risque de condensation que sa réalisation ne sont de nature à remettre en cause la réalité des infiltrations d'humidité par ailleurs constatées par l'expert judiciaire lors de la visite du 12 décembre 2017 ainsi que par Me [G] [S], huissier de justice, selon constats réalisés les 3 décembre et 30 octobre 2018.

Par ailleurs, l'avis technique établi le 23 novembre 2021 par la société Socotec Construction se borne à citer différents éléments figurant dans l'étude géotechnique datée du 10 novembre 2015 sans y ajouter une quelconque plus-value, cette dernière étude mentionnant la nécessité de prévoir un trop-plein relié à un exutoire en raison de la capacité d'infiltration négligeable de tranchées en raison de la nature du sol constitué de zones rocheuses compactes, ce contrairement aux affirmations de la société Batipro Concept évoquant une construction basée sur un simple drainage naturel des eaux.

Comme relevé par l'expert judiciaire, cette problématique empêche en l'état la réalisation des travaux de second oeuvre d'isolation et de doublage des locaux par la société Pieniek, étant observé que des réunions d'expertise ont été organisées sur site à la fois un jour de pluie et un jour de beau temps.

La cour observe que la pénétration d'eau par les portes battantes en façade sud/est, relevée par l'expert, n'est pas contestée par la société Batipro Concept qui fait valoir elle-même la nécessité d'une reprise.

La fiche d'intervention établie le 9 juillet 2019 par un technicien de la société Soprema ne comporte aucune précision relative à la conformité des couvertines et du bardage mais se limite à mentionner des 'vérifications' sans aucun détail, de sorte qu'elle n'est pas de nature à remettre en cause l'origine de l'oxydation de la charpente telle que retenue par l'expert judiciaire, étant observé que quand bien même cette oxydation serait liée à l'absence d'aménagement intérieur tel qu'invoqué par la société Batipro Concept, il résulte des éléments ci-avant exposés que ce défaut d'aménagement est consécutif aux infiltrations susvisées.

La société Batipro Concept ne conteste pas l'oxydation de la platine de fixation de l'avancée de la façade sur l'angle nord/ouest relevée par l'expert.

Dès lors, la pénétration d'eau par la façade sud/ouest, l'humidité en pied de longrine, la pénétration d'eau par les portes battantes en façade sud/est, ainsi que l'oxydation de la charpente et des écrous et boulons d'assemblage de la platine de fixation de l'avancée de la façade sur l'angle nord/ouest, dont le caractère non-apparent à réception lié à leur nature évolutive n'est pas contesté, sont établis.

Ces désordres affectent la solidité de l'ouvrage en ce qu'ils rendent celui-ci vulnérable aux intempéries et ont pour corollaire la dégradation des matériaux de construction, tandis qu'ils génèrent une impropriété à destination du fait de l'impossibilité d'user des locaux en raison des infiltrations.

Ils relèvent donc de la garantie décennale due par la société Batipro Concept.

Par ailleurs, la société Batipro Concept ne formule aucune contestation étayée relative au défaut de fixation des butées de portes tel que relevé par l'expert judiciaire.

Concernant le défaut de fixation du poteau du portail, elle se limite à invoquer le refus de la société Pieniek de souscrire auprès d'elle un contrat d'entretien et de produire la réglementation imposant une vérification périodique, alors même qu'elle ne conteste pas le fait que le descellement est lié, selon l'expert judiciaire, à une butée violente du portail motorisé en fin de course ne relevant pas d'un simple réglage périodique mais d'un mauvais réglage lors de la pose de cet élément.

Contrairement aux affirmations de la société Batipro Concept, la stagnation d'eau devant la façade sud/ouest résulte expressément du rapport d'expertise ainsi que du procès-verbal de constat d'huissier de justice établi le 30 octobre 2018, étant observé que ce phénomène, lié à une malfaçon lors de la de mise en oeuvre de l'enrobé, est sans lien avec la nécessité ou non de mettre en oeuvre un drainage périphérique le long du bâtiment.

Dès lors, ces dommages liés au défaut de fixation des butées de porte, au défaut de fixation du poteau du portail et la stagnation d'eau devant la façade sud/ouest, ne relevant pas de la garantie décennale en l'absence d'atteinte à la solidité de l'ouvrage ou à sa destination mais de la garantie contractuelle de droit commun, sont imputables à des fautes d'exécution imputables à la société Batipro Concept et ont directement occasionné un préjudice pour sa cliente du fait des défauts susvisés.

A l'inverse, à l'issue des opérations d'expertise, il est constant qu'aucune odeur d'égoût ne subsiste dans les locaux, de sorte que des investigations par passage de caméra dans les réseaux ne sont pas justifiées.

Aucune responsabilité de la société Batipro Concept ne peut donc être retenue à ce titre.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Batipro Concept à payer à la société Pieniek la somme de 51 950 euros et que cette somme devra être ramenée au montant de 51 950 - 1 500 = 50 450 euros TTC après déduction du poste de préjudice correspondant au contrôle des réseaux et raccordement par caméra.

La société Pieniek sera déboutée du surplus de sa demande.

Sur les demandes formées par la société Batipro Concept au titre de l'indemnité de recouvrement et de la capitalisation des intérêts,

En application des dispositions prévues à l'article L. 441-10, II, du code de commerce, les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après la date de règlement figurant sur la facture.

Aux termes des mêmes dispositions, tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret à la somme de 40 euros, sauf à justifier de frais de recouvrement exposés supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire de nature à fonder une indemnisation complémentaire.

Etant observé que la société Pieniek confirme avoir refusé de régler les factures n° 2017.095 du 21 août 2017 et 2017.114 du 25 septembre 2017, sans jamais invoquer pour autant le bénéfice de l'exception d'inexécution alors même que les critiques formulées concernant les travaux réalisés relèvent de malfaçons et pas de non-façons, le jugement dont appel sera complété en ce que cette dernière sera condamnée à régler à la société Batipro Concept la somme de 40 euros en application des dispositions susvisées, conformément aux termes de sa demande.

Par ailleurs, étant observé qu'à défaut d'appel incident valable sur ce point, la condamnation de la société Pieniek à payer à la société Batipro Concept le solde du marché de travaux d'un montant de 38 021,60 euros TTC outre intérêts au taux contractuel égal à trois fois le taux légal à compter du courrier de mise en demeure du 27 décembre 2017 est irrévocable, le jugement dont appel sera complété en ce que la capitalisation des intérêts sera autorisée conformément à l'article 1343-2 du code civil.

- Sur la compensation,

Pour les motifs susvisés et après prise en compte de l'indemnité due par la société Batipro Concept au titre des malfaçons et de l'indemnité de recouvrement due par la société Pieniek, la compensation entre les créances réciproques conduit à retenir, à la charge de la société Batipro Concept, une dette d'un montant de 50 450 - (38 021,60 + 40) = 12 388,40 euros.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Constate que la demande tendant à l'annulation du jugement dont appel initialement formée par la SAS Batipro Concept dans sa déclaration d'appel n'est pas soutenue ;

Confirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu le 21 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Besançon, sauf en qu'il a condamné la SAS Batipro Concept à payer à la SCI Pieniek la somme de 51 950 euros TTC et a dit qu'après compensation la SAS Batipro Concept devra payer à la SCI Pieniek la somme de 13 928,40 euros à parfaire avec le calcul des intérêts dus sur la somme de 38 021,60 euros ;

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la SAS Batipro Concept à payer à la SCI Pieniek la somme de 50 450 euros TTC et déboute cette dernière du surplus de sa demande indemnitaire ;

Condamne la SCI Pieniek à payer à la SAS Batipro Concept la somme de 40 euros au titre de l'indemnité de recouvrement ;

Autorise la capitalisation des intérêts afférents à la somme de 38 021,60 euros conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

Dit qu'après compensation, la SAS Batipro Concept devra payer à la SCI Pieniek la somme de 12 388,40 euros à parfaire avec le calcul des intérêts dus sur la somme de 38 021,60 euros ;

Condamne la SCI Pieniek aux dépens d'appel, en ce compris les dépens de l'incident ayant donné lieu à l'ordonnance rendue le 26 avril 2023 par le conseiller de la mise en état ;

Accorde aux avocats de la cause qui l'ont sollicité, le droit de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demande fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01753
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;21.01753 ?
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