COUR D'APPEL DE BESANÇON
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Le Premier Président
ORDONNANCE N° 23/
DU 29 JUIN 2023
ORDONNANCE
N° de rôle : N° RG 22/00085 - N° Portalis DBVG-V-B7G-ESPR
Code affaire : 96 E - Demande d'indemnisation à raison d'une détention provisoire
L'affaire, plaidée à l'audience publique du 1er juin 2023, au Palais de justice de Besançon, devant Madame Nathalie DELPEY-CORBAUX, première présidente, assistée de Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe, a été mise en délibéré au 29 juin 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date, l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe.
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [S] [M]
né le [Date naissance 2] 2001 à [Localité 5] (ALGERIE), demeurant [Adresse 3]
DEMANDEUR
Représenté par Me Jean-charles DAREY, avocat au barreau de BELFORT
ET :
AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT,
[Adresse 4]
DEFENDEUR
Représenté par Me Agathe HENRIET, avocat au barreau de BESANCON
En présence de Monsieur François PRELOT, avocat général
**************
Monsieur [S] [M], né le [Date naissance 2] 2001 à [Localité 5] (Algérie) a été placé en détention provisoire du 4 mai 2018 au 24 octobre 2019, soit 17 mois et 20 jours.
Par ordonnance de non-lieu du 24 février 2022, le juge d'instruction du tribunal de Montbéliard a déclaré un non-lieu à l'égard de Monsieur [S] [M].
Par requête en date du 6 décembre 2022, Monsieur [S] [M] a sollicité l'indemnisation des préjudices découlant de la détention provisoire subie et a demandé :
- 44.000,00 euros en réparation de son préjudice moral ;
- 1.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ainsi que la condamnation de l'État aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions reçues le 23 février 2023, l'agent judiciaire de l'État a soulevé l'irrecevabilité du recours formé par Monsieur [S] [M] pour défaut de production du certificat de non-appel. Subsidiairement, l'agent judiciaire de l'Etat propose de limiter la réparation au titre du préjudice moral à la somme de 30.000,00 euros et minorer la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions reçues le 20 mars 2023, le procureur général propose de limiter la réparation au titre du préjudice moral à la somme de 30.000,00 euros et réduire la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Lors de l'audience du 1er juin 2023, les parties, régulièrement représentées, ont déclaré leurs observations orales conformes à leurs écritures.
Pour un plus ample exposé des faits et moyens, il convient de se référer aux écritures des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
* * *
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la recevabilité de la requête
L'article 149 du code de procédure pénale dispose que, sans préjudice de l'application des dispositions des articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l'organisation judiciaire, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. aucune réparation n'est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou la prescription de l'action publique intervenue après la libération de la personne, lorsque la personne était dans le même temps détenue pour une autre cause, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites.
L'article 149-2 du code de procédure pénale dispose que le premier président de la cour d'appel, saisi par voie de requête dans le délai de six mois de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, statue par une décision motivée.
L'article R. 26, dernier alinéa, du code de procédure pénale énonce que le délai de six mois prévu à l'article 149-2 ne court à compter de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive que si, lors de la notification de cette décision, la personne a été avisée de son droit de demander une réparation ainsi que des dispositions de l'article 149-1, 149-2 et 149-3 (premier alinéa).
En l'espèce, Monsieur [S] [M] a été placé en détention provisoire du 4 mai 2018 au 24 octobre 2019.
Il ressort des éléments versés aux débats que Monsieur [S] [M] a fait l'objet d'une décision de non-lieu rendue 4 février 2022, laquelle ne mentionne pas les dispositions relatives au droit de demander une réparation de la détention provisoire injustifiée. Dès lors, le dépôt de la requête par Monsieur [S] [M] n'est pas soumis au délai de 6 mois prévu par le texte. En outre, la décision de non-lieu est devenue définitive selon les déclarations du ministère public versée au dossier.
Par conséquent, la requête en indemnisation de la détention provisoire injustifiée de Monsieur [S] [M] reçue au greffe le 6 décembre 2022 est jugée recevable.
2. Sur la réparation de la détention provisoire injustifiée
En l'espèce, Monsieur [S] [M] a été détenu du 4 mai 2018 au 24 octobre 2019, soit 17 mois et 20 jours, avant de bénéficier l'objet d'une ordonnance de non-lieu. Monsieur [S] [M] n'a jamais été incarcéré avant cette détention. Son casier judiciaire ne portait même aucune condamnation à cette date.
La juge d'instruction dans son ordonnance a mentionné qu'en raison de ses antécédents judiciaires il s'était vu opposé le 23 octobre 2019 un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour de 2 ans,
Au vu des éléments du dossier les antécédents judiciaires sus visés consistaient en la procédure pour laquelle il a été prononcé un non-lieu au bénéfice de M [M].
Cette mesure privative de liberté lui a nécessairement causé un préjudice moral aggravé qui doit être indemnisé en fonction, notamment de la durée de détention, de ses conditions particulières, de sa répercussion sur son état de santé physique et psychique.
Il convient donc de fixer le préjudice moral subi par Monsieur [S] [M] à la somme de 40.000,00 euros.
3. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande de condamner l'État à verser à Monsieur [S] [M] la somme qu'il convient de fixer à 1.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, l'État est condamné aux entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La première présidente de la cour d'appel de Besançon statuant par décision contradictoire,
DECLARE recevable la requête formée par Monsieur [S] [M] ;
FIXE le préjudice moral subi par Monsieur [S] [M] à la somme de 40.000,00 euros ;
CONDAMNE l'État au paiement de la somme de 40.000,00 euros au titre du préjudice total subi par Monsieur [S] [M] du fait de la détention provisoire injustifiée ;
CONDAMNE l'État à verser à Monsieur [S] [M] la somme de 1.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l'État aux entiers dépens de l'instance.
Fait et jugé le 29 juin 2023 à Besançon,
LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT.