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29/06/2023 | FRANCE | N°22/00081

France | France, Cour d'appel de Besançon, Premier président, 29 juin 2023, 22/00081


COUR D'APPEL DE BESANÇON

[Adresse 1]

[Localité 3]

Le Premier Président



ORDONNANCE N° 23/

DU 29 JUIN 2023





ORDONNANCE





N° de rôle : N° RG 22/00081 - N° Portalis DBVG-V-B7G-ESIV

Code affaire : 96 E - Demande d'indemnisation à raison d'une détention provisoire





L'affaire, plaidée à l'audience publique du 1er juin 2023, au Palais de justice de Besançon, devant Madame Nathalie DELPEY-CORBAUX, première présidente, assistée de Xavier DEVAUX, directeur de greffe, a été

mise en délibéré au 29 juin 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date, l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe.





PARTIES EN CAUS...

COUR D'APPEL DE BESANÇON

[Adresse 1]

[Localité 3]

Le Premier Président

ORDONNANCE N° 23/

DU 29 JUIN 2023

ORDONNANCE

N° de rôle : N° RG 22/00081 - N° Portalis DBVG-V-B7G-ESIV

Code affaire : 96 E - Demande d'indemnisation à raison d'une détention provisoire

L'affaire, plaidée à l'audience publique du 1er juin 2023, au Palais de justice de Besançon, devant Madame Nathalie DELPEY-CORBAUX, première présidente, assistée de Xavier DEVAUX, directeur de greffe, a été mise en délibéré au 29 juin 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date, l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe.

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [Y] [C]

né le [Date naissance 2] 1980 à [Y] (TURQUIE)

demeurant [Adresse 4]

DEMANDEUR

Représenté par Me Jean-charles DAREY, avocat au barreau de BELFORT

ET :

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT,

[Adresse 5]

DÉFENDEUR

Représenté par Me Séverine WERTHE, avocat au barreau de BESANCON

En présence de Monsieur François PRELOT, avocat général

**************

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [Y] [C], né le [Date naissance 2] 1980 à [Y] (Turquie), de nationalité française et exerçant la profession de conseiller en vente a été placé en détention provisoire du 4 juin 2015 au 7 janvier 2016, soit 217 jours.

Par ordonnance du 7 janvier 2016, le juge d'instruction du tribunal de Montbéliard a ordonné la mise en liberté de Monsieur [Y] [C], assortie du contrôle judiciaire.

Par ordonnance du 1er février 2019, le juge d'instruction du tribunal de Montbéliard a déclaré un non-lieu à l'égard de Monsieur [Y] [C].

Par arrêt du 9 septembre 2020, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Besançon a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction du tribunal judiciaire de Montbéliard, prononcé la mise en accusation de Monsieur [Y] [C] et ordonné son renvoi devant la cour d'assises de Haute-Saône et du Territoire de Belfort.

Par arrêt du 18 mai 2022, la cour d'assises de Haute-Saône et du Territoire de Belfort a acquitté Monsieur [Y] [C].

Par requête en date du 9 novembre 2022, Monsieur [Y] [C] a sollicité l'indemnisation des préjudices découlant de la détention provisoire subie et a demandé :

- 17.500,00 euros en réparation de son préjudice moral ;

- 11.935,00 euros en réparation de son préjudice matériel ;

- 2.984,00 euros au titre de la perte de chance d'exercer la profession de son choix et d'en tirer - des revenus ;

- 800,00 euros prenant en compte la perte des cotisations nécessaires à la constitution de points de retraite

- 1.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

ainsi que la condamnation de l'État aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions reçues le 18 janvier 2023, l'agent judiciaire de l'État a soulevé l'irrecevabilité du recours formé par Monsieur [Y] [C] pour défaut de production du certificat de non-appel. Subsidiairement, l'agent judiciaire de l'Etat propose d'indemniser les préjudices de Monsieur [Y] [C] en versant les sommes de :

- 17.112,00 euros en réparation de son préjudice moral ;

- 10.500,00 euros en réparation de son préjudice matériel.

L'Agent judiciaire conclut également au rejet de la demande d'indemnisation au titre de la perte de chance et sollicite une diminution de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues le 25 janvier 2023, le procureur général a soulevé l'irrecevabilité de la requête formée par Monsieur [Y] [C] pour défaut de production du certificat de non-appel. Subsidiairement, le procureur général sollicite la réduction de l'indemnisation sollicitée au titre de la réparation du préjudice matériel à la somme de 10.850,00 euros. Il ne s'oppose pas à la somme sollicitée au titre de la réparation du préjudice moral et sollicite une réduction du montant exigé au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Lors de l'audience du 1er juin 2023, les parties, régulièrement représentées, ont déclaré leurs observations orales conformes à leurs écritures. Les parties ne se sont pas opposées à la production du certificat de non appel en cours de délibéré afin de justifier de la recevabilité de la demande.

Pour un plus ample exposé des faits et moyens, il convient de se référer aux écritures des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

* * *

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la recevabilité de la requête :

L'article 149 du code de procédure pénale dispose que, sans préjudice de l'application des dispositions des articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l'organisation judiciaire, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. aucune réparation n'est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou la prescription de l'action publique intervenue après la libération de la personne, lorsque la personne était dans le même temps détenue pour une autre cause, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites.

L'article 149-2 du code de procédure pénale dispose que le premier président de la cour d'appel, saisi par voie de requête dans le délai de six mois de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, statue par une décision motivée.

En l'espèce, Monsieur [Y] [C] a été placé en détention provisoire du 4 juin 2015 au 7 janvier 2016.

Il ressort des éléments versés aux débats que Monsieur [Y] [C] a fait l'objet d'une décision d'acquittement rendue par la cour d'assises de Haute-Saône et du Territoire de Belfort le 18 mai 2022. Il verse à cet égard un certificat de non-appel en date du 5 juin 2023, démontrant avoir fait l'objet d'une décision d'acquittement devenue définitive pour les faits ayant fondé son placement en détention.

La requête en indemnisation de la détention provisoire injustifiée de Monsieur [Y] [C] a été reçue au greffe le 9 novembre 2022 par LRAR.

Monsieur [Y] [C] a déposé sa requête dans le délai légal de 6 mois. Sa requête est donc jugée recevable.

2. Sur la réparation de la détention provisoire injustifiée

2.1 Sur le préjudice matériel

En l'espèce, Monsieur [Y] [C] sollicite une somme de 15.719,00 euros au titre du préjudice matériel, comprenant 2.984,00 euros au titre de la perte de chance de percevoir des salaires et une indemnité de 800,00 euros prenant en compte la perte des cotisations nécessaires à la constitution de points de retraite.

Monsieur [Y] [C] verse un contrat de travail démontrant qu'il était employé en qualité de peintre du bâtiment du 27 avril 2015 au 24 juillet 2015. Son incarcération l'a donc privé de son activité salariée. Il convient de faire droit à la demande d'indemnisation du préjudice matériel pour perte de salaire de 11.935,00 euros, en ce compris la perte de cotisation de points de retraite qui est un élément constituant le salaire.

Il convient en conséquence de le débouter de la demande distincte formulée à ce titre.

Sur l'indemnisation de la perte de chance d'exercer la profession de son choix, Monsieur [Y] [C] n'indique pas quelle aurait été ladite profession pas plus qu'il ne verse un diplôme ou certificat démontrant une particulière compétence dans un domaine professionnel déterminé. Dès lors, la perte de chance d'exercer la profession de son choix n'est pas démontrée et ne saurait être indemnisée.

Il convient donc de fixer le préjudice matériel subi par Monsieur [Y] [C] à la somme de 11.935,00 euros.

2.2 Sur le préjudice moral

En l'espèce, Monsieur [Y] [C] a été détenu du 4 juin 2015 au 7 janvier 2016.

Cette mesure privative de liberté lui a nécessairement causé un préjudice moral qui doit être indemnisé en fonction, notamment de la durée de détention, de ses conditions particulières, de sa répercussion sur son état de santé physique et psychique.

Monsieur [Y] [C] a été détenu durant 217 jours et n'avait jamais fait l'objet d'incarcération auparavant.

Il convient donc de fixer le préjudice moral subi par Monsieur [Y] [C] à la somme de 17.500,00 euros.

Par conséquent, il convient de fixer le préjudice total subi par Monsieur [Y] [C] à la somme de 29.435,00 euros et de condamner l'État à lui verser cette somme.

3. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de condamner l'État à verser à Monsieur [Y] [C] la somme qu'il convient de fixer à 1.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, l'État est condamné aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La première présidente de la cour d'appel de Besançon statuant par décision contradictoire,

DECLARE recevable la requête formée par Monsieur [Y] [C] ;

FIXE le préjudice matériel subi par Monsieur [Y] [C] à la somme de 11.935,00 euros ;

FIXE le préjudice moral subi par Monsieur [Y] [C] à la somme de 17.500,00 euros ;

CONDAMNE l'État au paiement de la somme de 29.435,00 euros au titre du préjudice total subi par Monsieur [Y] [C] du fait de la détention provisoire injustifiée ;

CONDAMNE l'État à verser à Monsieur [Y] [C] la somme de 1.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'État aux entiers dépens de l'instance.

Fait et jugé le 29 juin 2023 à Besançon,

LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Premier président
Numéro d'arrêt : 22/00081
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;22.00081 ?
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